RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/03227 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H34Z
CC
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS
01 décembre 2020 RG :19/00903
S.A.R.L. MAS DE LA BONOTY
C/
[S]
[H] ÉPOUSE [S]
Grosses envoyées le 12 octobre 2022 à :
- Me GAULT
- Me VAJOU
+MP
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 01 Décembre 2020, N°19/00903
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Mme Claire OUGIER, Conseillère,
Mme Agnès VAREILLES, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiqué et qui a conclu le 08 juillet 2022. Absent à l'audience.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. MAS DE LA BONOTY, représentée par son gérant en exercice Monsieur [E] [U], société en liquidation judiciaire suivant jugement du 6 janvier 2021 rendu par le Tribunal de commerce d'AVIGNON, ayant désigné Me SPAGNIOLO en sa qualité de liquidateur mandataire,
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE - GAULT ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [K] [S]
né le 19 Août 1945 à [Localité 8] (84)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Hubert GASSER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [V] [H] ÉPOUSE [S] épouse [S]
née le 25 Avril 1947 à [Localité 6] (84)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Hubert GASSER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
PARTIE INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. SPAGNOLO STEPHAN, Représentée par Maître Stéphan SPAGNOLO, Es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL MAS DE LA BONOTY nommé par jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 6 janvier 2021
assignée à personne habilitée en intervention forcée le 08/02/2021
Hotel d'Entreprise 'Croix Rouge'
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE - GAULT ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 9 décembre 2020 par la SARL Mas de la Bonoty à l'encontre du jugement prononcé le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Carpentras dans l'instance n°19/00226.
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 8 février 2021 à la SELARL Spagnolo Stephan es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Mas de la Bonoty
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 avril 2022 par l'appelante et l'intervenant forcé ainsi que le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 25 mai 2022 par Madame et Monsieur [T], appelants incidents et intimés, ainsi que le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui a notifié pour avis aux parties constituées le 13 juillet 2022 : « vu au parquet général qui s'en rapporte à l'appréciation de la cour ».
Vu l'ordonnance du 24 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 8 septembre 2022.
* * *
Par bail commercial du 2 octobre 1997, les époux [S] (ci-après le bailleur) donnaient en location à la SARL « Mas de la Bonoty » (ci-après le locataire) un mas situé lieu-dit Terre Morte à [Localité 7] (84), à la destination exclusive de l'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtel restaurant snack.
Le bail a été renouvelé pour 9 ans aux termes d'un acte du 23 octobre 2006.
Un nouveau renouvellement interviendra par acte du 7 décembre 2015 aux mêmes charges et conditions, à savoir que le bailleur s'oblige à tenir les lieux loués clos et couverts suivant l'usage et que le preneur entretient les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien selon les prescriptions de l'article 1754 du code civil et de la jurisprudence des tribunaux.
Par jugement du 22 février 2017, le locataire a été placé en redressement judiciaire, Me [X] étant désigné mandataire judiciaire. Puis, un plan de redressement a été arrêté et Me Spagnolo a été désigné commissaire à l'exécution du plan. Il a été désigné liquidateur judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Avignon le 6 janvier 2021.
Le 28 février 2017, le bailleur a déclaré une créance d'un montant de 29 169,80 euros représentant les loyers impayés des mois de janvier, février, mars, octobre et novembre 2015 (10 345 euros), janvier à mars 2016 (6 000 euros) et janvier, février 2017 (8 900 euros) outre les indemnités forfaitaires de 10% au titre de la clause pénale et les intérêts, frais et accessoires. Cette créance a été admise au passif de la procédure collective.
Le locataire, se prévalant de désordres dans les lieux loués, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 16 mai 2018.
Le bailleur a fait signifier par acte d'huissier du 20 juin 2018 un commandement ' visant la clause résolutoire - de payer la somme de 11 753,49 euros représentant les loyers impayés des mois de mai et juin 2018 augmenté de la TVA sur les quatre premiers mois précédents.
Par exploit du 8 janvier 2019, le locataire a fait assigner le bailleur en exécution de travaux et en paiement de dommages intérêts devant le tribunal judiciaire de Carpentras qui, par jugement du 1er décembre 2020, a en substance, avec exécution provisoire:
Déclaré le locataire recevable en son action,
Ordonné l'expulsion du locataire,
Chiffré à la somme de 28754 euros le montant de la dette locative pour la période de janvier à juillet 2018 inclus,
Fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 4 440 euros HT à compter du mois d'août 2018 jusqu'à complète libération des lieux,
Liquidé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 124 320 euros
pour la période comprise entre le mois d'août 2018 et le mois de novembre 2020 inclus,
Condamné en conséquence le locataire à payer une somme globale de 153 074 euros pour la période comprise entre le mois de janvier 2018 à novembre 2020 inclus,
Condamné le bailleur à payer au locataire une somme de 104 882 euros en réparation de son préjudice commercial,
Dit n'y avoir lieu à compensation d'office entre les créances respectives,
Rejeté les demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Partagé les dépens par moitié.
Le locataire a relevé appel de ce jugement et avec le liquidateur judiciaire es qualités, demande à la cour de :
Vu l'article 1219 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise du 14/12/2018
Vu les articles 1719, 1720 et 1755 du Code civil,
Vu les articles 1347, 1347-1, 1348 et 1348-1 du Code Civil,
Vu ses préjudices,
Le recevoir, prise en la personne de son mandataire liquidateur, en son appel,
Le dire recevable en la forme et bien fondé au fond ;
Réformer le jugement du Tribunal Judiciaire de Carpentras du 01/12/2020 (')
A titre principal,
Homologuer le rapport d'expertise du 14/12/2018, sauf en ce qu'il a établi un montant d'indemnisation de son trouble de jouissance à 11.250€ par année et par chambre, et qu'il n'a pas pris en considération que c'est en raison du défaut d'intervention du Bailleur qu'il a été contraint de transformer l'activité d'hôtel en chambres d'hôtes ;
Constater que le bailleur a manqué à ses devoirs en refusant de réaliser les travaux nécessaires résultant de la vétusté de l'immeuble,
Constater qu'il est justifié à demander l'imputation d'un trouble de jouissance sur le montant du loyer depuis 2013,
Constater que le défaut de réalisation des travaux nécessaires à l'exploitation du Fonds devra être réparé par une diminution rétroactive du loyer qui sera portée à partir de 2013 à 75% du montant du loyer prévu soit 11.125€HT annuel
Constater que cette faute en qualité de Bailleur engage leur responsabilité contractuelle et qu'ils devront réparer les réels préjudices subis par le locataire à raison de :
Au titre du préjudice commercial :
Manque à gagner de 2018 au 6 janvier 2021: (19.128€ x 5 chambres x 3 années) 286 920
La Chambre Tilleul (affecté d'un grave affaissement de plancher (de 2013 à 2018)
(19.128€ x 5 ans) 95 640€
Les 3 Chambres inutilisées sur les 8 originelles de l'hôtel (de 2013 à 2021) (19.128€ x
8 ans x 3 chambres) 459 072€
Pour un total de 841 632€
Au titre du trouble de jouissance :
- Une réduction de 75% du montant des loyers annuels de l'année 2013
jusqu'au 6 janvier 2021.
Dans cette hypothèse, et sous réserve de l'appréciation de la Cour quant à la fixation rétroactive du loyer tenant compte d'une imputation du trouble de jouissance,
Dire et juger qu'il a :
o Un boni de liquidation en sa faveur d'un montant de 135.546,20€HT pour les
années 2013 à 2018 incluse (sauf à parfaire)
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le bailleur à verser à la Société prise en la personne de son mandataire liquidateur, la somme de 153 074 €,
Juger qu'en raison de l'état du local et de son caractère impropre à sa destination, il ne devra aucune indemnité d'occupation pour la période courant d'août 2018à juillet 2021,
En conséquence,
Rejeter comme infondée la demande du bailleur à voir fixer au passif de liquidation
judiciaire une indemnité d'occupation pour la période d'août 2018 à janvier 2021 à la somme de 133 500 €.
A titre infiniment subsidiaire, sur le montant de l'indemnité d'occupation et la créance
privilégiée à ce titre
Juger qu'en l'état du local et des constatations objectives de l'expertise judiciaire, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité d'occupation pour la période courant d'août 2018 à juillet 2021 à une somme égale à la moitié du loyer soit 2.225€,
En conséquence,
Fixer le montant de la créance privilégiée du bailleur au passif de la liquidation judiciaire au titre de l'indemnité d'occupation pour la période d'août 2018 à juillet 2021 à la somme de 2.225€ x 30 mois = 66 750 €
En tout état de cause,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le bailleur de sa demande de
compensation entre les créances et les dettes respectives
Condamner le bailleur à payer à la société prise en la personne de son mandataire liquidateur, une somme de 6.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner le bailleur aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise de référé
et le constat d'huissier établi à sa demande du 27 Avril 2017.
Le bailleur forme appel incident pour voir déclarer le locataire irrecevable en ses demandes.
Il demande à la cour de :
SUR APPEL PRINCIPAL :
Dire et juger qu'il n'y a pas lieu de juger sur les demandes de constats,
Déclarer celui-ci irrecevable en tout cas mal fondé,
Débouter le locataire de l'intégralité de ses demandes,
En conséquence
Confirmer le jugement en tant qu'il a déclaré acquise la clause résolutoire et constaté la résiliation du bail existant entre les parties à la date du 20 juillet 2018 ; chiffré à la somme de 28 754 € le montant de la dette locative restée impayée pour la période de janvier à juillet 2018 ; fixé l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 4 440 € HT à compter du mois d'août 2018 et ce jusqu'à complète libération des lieux ; liquidé l'indemnité mensuelle d'occupation de 4 400,00 € pour un total de 124 320 €
Vu la liquidation judiciaire du locataire,
Fixer sa créance des époux dans les termes suivants :
Créances à titre privilégié article 2332-3 du Code de civil :
(ordonnance juge-commissaire du 20 février 2019) : 25 597,80 €
Loyers TTC mars 2017 à juillet 2018 - 16 x 4 450,00 € 71 200,00 €
Indemnité d'occupation août 2018 à juillet 2021 ' 37 x 4 450,00
155 400,00 €
Total privilégié : 252 197,80 €
Créances chirographaires :
Selon ordonnance juge-commissaire du 20 février 2019 - 3 572,00 €
Frais d'huissier :
- Décompte au 11/12/2018 1 698,28 €
- Décompte du 28/01/2021 730,16 €
Article 700 ordonnance 16 mai 2018 750,00 €
Total chirographaire 6 750,44 €
Vu les articles R 624-8 et R 624- du code de commerce,
Dire et juger que le greffier du tribunal de commerce d'Avignon devra porter ces sommes sur l'état des créances de la société en liquidation,
SUR APPEL INCIDENT :
Vu les dispositions des articles 500, 480, 4 et 125 al. 2 du Code de procédure civile,
Vu les pièces communiquées au débat,
Infirmer le jugement en tant qu'il déclare le locataire recevable en son action,
Statuant à nouveau,
Le déclarer irrecevable en toutes ses demandes,
Subsidiairement,
Vu les dispositions des articles 1719, 1720 et 1721 du Code civil,
Infirmer le jugement en tant qu'il condamne le bailleur à payer au locataire la somme 104 882,25 € en réparation de son préjudice commercial,
Rejeter en conséquence toutes demandes de ce chef.
Infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a dit n'y avoir lieu à compensation d'office.
Sur la demande de compensation,
Vu les articles L 622-7 et L 641-3 du code de commerce, 1347, 1347-1, 1348 et 1348-1 du Code civil,
Ordonner la compensation, en cas de condamnation des concluants, à due concurrence
entre les condamnations prononcées réciproquement,
Infirmer le jugement en tant qu'il a ordonné le partage des dépens en ce compris les frais d'expertise,
Statuant à nouveau
Laisser l'intégralité de ceux-ci à la charge du locataire,
Infirmer le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de bénéfice des dispositions de
l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner le locataire au paiement d'une somme de 10 00,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la recevabilité des demandes de l'appelante :
Les intimés exposent que leur créance de loyer a été admise par ordonnance du juge commissaire ayant force de chose jugée du 10 février 2019 ce qui rend irrecevables les demandes en réduction de loyer et dommages intérêts du locataire.
La créance déclarée par le bailleur portait sur les loyers impayés des mois de janvier, février, mars, octobre et novembre 2015 (10 345 euros), janvier à mars 2016 (6 000 euros) et janvier, février 2017 (8 900 euros) outre les indemnités forfaitaires de 10% au titre de la clause pénale et les intérêts, frais et accessoires. Elle a été contestée le 5 décembre 2017 par le locataire au motif que les loyers déclarés ne correspondent pas à « l'utilisation normale des lieux loués ». Puis le locataire s'est désisté de sa contestation par courrier du 19 juin 2018 et a indiqué qu'il ne se présenterait pas à l'audience. Le juge commissaire, par ordonnance du 20 février 2019, a admis la créance du bailleur pour la somme de 25 597,80 euros à titre privilégié et 3 572 euros à titre chirographaire, ce qui correspond exactement aux montants reportés dans la déclaration de créance. Il est justifié de ce que l'ordonnance a acquis force de chose jugée, par certificat de non-appel du 4 février 2022.
Il en résulte que le locataire est irrecevable à présenter une demande de réduction de loyers portant sur les périodes mentionnées dans la déclaration de créance, afin de ne pas porter atteinte à la force de chose jugée ressortant du montant de la créance énoncé dans le dispositif de l'ordonnance.
La demande de réduction de loyers concernant les autres périodes de location et de dommages intérêts résultant d'un trouble de jouissance sont par contre recevables en ce qu'elles sont étrangères à la force de chose jugée de l'ordonnance du 20 février 2019.
Sur l'étendue de la dévolution à la cour :
Les demandes de constat ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais le rappel de ses moyens, qui tendent à faire dire à la cour que le locataire dispose d'un « boni de liquidation en sa faveur d'un montant de 135 546,20 euros HT pour les années 2013 à 2018 incluses ».
Il ne sera donc répondu que sur cette prétention.
Le bailleur expose à juste titre qu'aucune critique n'est formulée dans les conclusions d'appel sur l'acquisition de la clause résolutoire et la constatation de la résiliation du bail entraînant l'expulsion du locataire.
Il est en effet conclu à l'infirmation du jugement sur les dispositions précitées, mais aucune prétention n'est émise dans le dispositif des écritures du locataire et aucun moyen n'est développé sur la fin du bail.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statuera que les prétentions énoncées au dispositif des écritures de l'appelante et n'examinera que les moyens invoqués dans la discussion au soutien de ces prétentions.
Par voie de conséquence, il est définitivement jugé que la clause résolutoire est acquise et que la résiliation du bail est intervenue à la date du 20 juillet 2018.
Il en est de même pour la disposition relative à l'expulsion du locataire, étant précisé que les parties s'accordent sur une restitution volontaire des locaux à la date du 8 juillet 2021.
Contrairement à ce que soutient le bailleur, le locataire demande une réduction des loyers de janvier à juillet 2018 et une indemnisation de son préjudice s'étendant à la période d'occupation des lieux. La cour devra statuer sur ces prétentions.
Sur le fond :
Le locataire demande à titre principal l'homologation du rapport d'expertise. Cette demande doit être rejetée en ce que ce rapport n'est pas un accord ni une transaction susceptible d'être homologué par le juge, mais un outil technique contenant des éléments lui permettant de statuer sur les demandes qui lui sont présentées par les parties.
Les obligations du bailleur relèvent du droit commun du louage de chose des articles 1714 et suivants du code civil. Le bailleur est donc tenu d'une obligation de délivrance qui se prolonge par une obligation d'entretien et une obligation de garantie. Toutefois les dispositions du code civil sont supplétives de volonté et peuvent être aménagées par les parties dès la conclusion de leur contrat.
Dans le cas d'espèce, après des développements sur une exception d'inexécution pour laquelle il ne forme aucune prétention, le locataire demande l'indemnisation d'un trouble de jouissance et d'un préjudice commercial, en se fondant sur l'obligation d'entretien du bailleur. Il expose qu'il a de nombreuses fois sollicité la remise aux normes de l'électricité et de nombreux travaux de réfection de plancher, en vain. Il fait valoir l'existence d'un trouble de jouissance résultant de la vétusté des lieux, en particulier de son clos et de son couvert. Ce trouble a consisté en une occupation et exploitation partielles des lieux, ce qui a été mis en évidence par le rapport d'expertise judiciaire.
Le moyen concerne donc l'obligation d'entretien et de garantie du bailleur, mais non son obligation de délivrance.
Le bailleur répond, en se référant aux clauses du bail, que d'une part la garantie n'est pas due car le locataire avait connaissance des vices lors du renouvellement du bail, le 2 octobre 2015, qu'il en est de même pour son obligation d'entretien. Il soutient que le préjudice réclamé est illicite en ce que le locataire a changé la destination des lieux et a volontairement réduit la surface commerciale pour y loger sa famille. De surcroît, le changement de destination (chambre d'hôtes au lieu d'hôtel/restaurant) ne permet au locataire d'obtenir une indemnisation sur la perte de chance de fournir des repas. Subsidiairement, le bailleur rappelle que le bail est résolu depuis le 20 juillet 2018 et que le locataire est mal fondé à réclamer réparation d'un préjudice sur la période postérieure. En ce qui concerne la période antérieure, le bailleur relève l'absence de démonstration d'un préjudice sérieusement chiffré.
Il convient tout d'abord de rappeler que, contrairement à la tacite prolongation, le renouvellement donne naissance à un nouveau bail, qui n'est pas le prolongement du bail antérieur, même s'il reprend les stipulations de ce dernier.
Le bail renouvelé du 7 décembre 2015 se réfère effectivement aux clauses, charges et conditions du bail liant les parties, qui s'incorporent au bail renouvelé.
Il est stipulé dans l'acte notarié de renouvellement du bail du 23 octobre 2006 que :
-« le preneur aura à sa charge exclusive toutes les transformations et les réparations nécessitées par l'exercice de son activité dans les lieux loués, y compris celles qui seraient imposées par l'autorité publique, notamment par les services de sécurité incendie, l'inspection du travail, les services de l'hygiène et de la salubrité publique et concerneraient elles des travaux de gros 'uvre ».
-qu'il « devra satisfaire à toutes les charges de ville, de police, de réglementation sanitaire, salubrité, hygiène ainsi qu'à celle pouvant résulter de la réglementation d'urbanisme et autres charges dont les locataires sont ordinairement tenus de manière à ce que le bailleur ne puisse être inquiété ni recherché à ce sujet ».
La commission communale de sécurité de [Localité 7] s'est réunie le 14 mars 2013, en présence du propriétaire et du nouvel exploitant (futur dirigeant de la société appelante). L'avis de la commission de sécurité n'impose aucune mise aux normes et est favorable à la poursuite de l'exploitation du restaurant ainsi qu'au reclassement de l'hôtel en chambre d'hôtes.
L'autorité publique n'ayant imposé aucune mise aux normes, la première clause citée est inapplicable à l'espèce.
Il appartenait à l'exploitant, c'est-à-dire à l'appelante de remédier aux anomalies constatées lors de la visite de la commission de sécurité, conformément à la 2ème clause précitée. En effet, si l'expert relève une vétusté de l'installation électrique en se référant à un rapport Véritas de 2013, celui-ci n'est pas produit aux débats, et le rapport du 10 septembre 2018 se réfère à un premier signalement du même jour, aucun rapport n'ayant été remis à l'organisme. La preuve de la vétusté de l'installation n'est donc pas rapportée.
Aucune pièce n'établit que l'appelante a été privée de la possibilité d'exploiter un hôtel. La transformation en chambre d'hôtes résulte d'une démarche volontaire de l'exploitant, énoncée tant dans le procès-verbal de visite de la commission de sécurité que dans la déclaration faite en mairie quelques jours plus tard.
Par constat d'huissier du 27 avril 2017, il était relevé l'existence de nombreux désordres et le locataire adressait une mise en demeure au bailleur le 28 septembre 2017, mise ne demeure réitérée le 5 décembre 2017.
Il est établi par l'expertise judiciaire que l'établissement exploité par l'appelante présentait de multiples désordres dont la plupart sont dûs à la vétusté des ouvrages, ainis que techniquement constatés par l'expert (hormis l'installation électrique comme vu précédemment). Il convient cependant d'extraire de cette liste, les désordres généralisés de la plage de piscine, qui sont la conséquence de l'utilisation de matériaux gélifs. La dégradation de cette plage de piscine était apparente lors du renouvellement du bail et le bailleur n'est tenu à garantie que des vices cachés. Il ne peut donc lui être fait grief de ce que la plage de piscine était inutilisable.
Le contrat de bail, qui ne comporte aucune clause dérogatoire de vétusté, met à la charge du bailleur ces réparation d'entretien causées par la vétusté. Le bailleur a entrepris certaines réparations comme rappelées dans le jugement déféré mais il n'a pas totalement respecté son obligation d'entretien des lieux loués.
La demande de réparation du trouble de jouissance est fondée sur l'impossibilité de louer certaines chambres. Dès lors, le jugement a retenu à juste titre que le préjudice de jouissance et le préjudice commercial allégués se confondent. La demande de réparation de ce préjudice n'est pas illicite, le bailleur ayant connaissance du changement de destination des lieux au moins depuis la visite de la commission de sécurité en 2013. Il ne s'en est pas prévalu au moment du renouvellement du bail et l'acquisition de la clause résolutoire est motivée par le non-paiement des loyers. Il ne peut donc se retrancher derrière ce changement de destination des lieux pour s'exonérer de son obligation d'entretien.
La déclaration de chambre d'hôtes porte sur l'exploitation de 5 chambres et non de 8, comme précédemment, lors de l'activité d'hôtellerie.
Il n'est pas établi que l'activité commerciale du restaurant ait été affectée par les désordres constatés sur le plancher haut de la cuisine. Aucune demande d'indemnisation ne peut donc être formée à ce titre.
Le préjudice commercial doit par conséquent être calculé sur les 4 chambres mises en location. Le chiffre d'affaires annuel des ventes entre 2014 et 2016 a été stable, de l'ordre de 45 000 euros, ce qui revient à caractériser un préjudice commercial par chambre de 11 250 euros.
Il ne peut être reproché au bailleur de ne pas avoir satisfait à son obligation d'entretien avant la mise en demeure du 28 septembre 2017 et après la résolution du bail le 20 juillet 2018.
Ainsi que le fait valoir le bailleur, la réparation d'un préjudice commercial s'indemnise par référence à la marge brute d'exploitation et non le chiffre d'affaires. Cependant, s'agissant de chambres d'hôtes, il n'y a pas de stock et le préjudice commercial correspond au montant du chiffre d'affaires.
En ce qui concerne la 5ème chambre Tilleul, il existe un préjudice commercial en ce sens qu'elle ne pouvait plus être louée, ce qui explique qu'elle puisse être occupée par la famille, ce qui n'est pas, au demeurant, démontré.
Il s'ensuit que le manque à gagner de la chambre Tilleul depuis septembre 2017 s'évalue à 10 mois d'activité, soit 9 375 euros et celui des 4 autres chambres à presque 7 mois d'activité, soit à 6 562 euros.
Le trouble de jouissance étant la cause du préjudice commercial, il ne peut être fait droit à la demande de réduction de l'indemnité d'occupation, destinée à indemniser une occupation sans droit ni titre, exclusive de tout droit à une activité commerciale.
Le jugement sera par contre infirmé en ce qu'il a refusé la compensation car, ainsi que l'expose le bailleur, la compensation pour dettes connexes peut (et sera) ordonnée au visa des articles L.622-7 et L.641-3 du code de commerce. Il y a en effet connexité entre la dette née de l'exécution du contrat et l'indemnité pour trouble de jouissance causant un préjudice commercial.
En ce qui concerne le compte de l'arriéré locatif, le bailleur demande à tort la fixation de la créance de loyer résultant de sa déclaration de créance initiale puisqu'elle est d'ores et déjà admise.
N'ayant pas fait appel incident sur l'arriéré locatif qui débute dans le jugement déféré à la date du janvier 2018, il ne peut solliciter une fixation de créance locative sur la période courant de mars 2017 à janvier 2018. De même, il n'appartient pas à la cour de vérifier les dépens récapitulés dans les décomptes d'huissier, ou les frais irrépétibles décidés dans une des multiples décisions de justice opposant les parties.
Par contre, il sera fait droit à la demande de fixation de l'indemnité d'occupation d'août 2018 à janvier 2021 (cf déclaration de créance du 4 février 2021) à la somme de 133 500 euros
Sur les frais de l'instance :
L'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance d'appel, le jugement étant confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance.
L'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu la force de chose jugée de l'ordonnance du juge commissaire prononcée le 20 février 2019,
Dit que la SARL Le Mas de la Bonoty est irrecevable à agir en réduction des loyers des mois de janvier, février, mars, octobre et novembre 2015, janvier à mars 2016 et janvier, février 2017,
Vu l'article 954 du code de procédure civile,
Dit que les dispositions relatives à l'acquisition de la clause résolutoire, à la date d'effet de la résiliation au 20 juillet 2018 et à l'expulsion du locataire ne sont pas déférées à la cour,
Dit que la disposition relative au montant de la dette locative, fixée à 28 574 euros sur la période de janvier à juillet 2018 n'est pas déférée à la cour, tant par l'appelant principal que par l'appelant incident,
Dit que le rapport d'expertise judiciaire n'a pas à être homologué,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 4 400 euros, partagé les dépens par moitié, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme en ce qu'il a condamné Madame et Monsieur [S] à payer la somme de 104 882,25 euros en réparation du préjudice commercial de la SARL Mas de la Bonoty , condamné le locataire au paiement d'une indemnité d'occupation et rejeté la demande de compensation,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne Monsieur [K] [S] et Madame [V] [H] épouse [S] à payer à la SARL Mas de la Bonoty, représentée par son liquidateur, la somme de 15 937 euros en réparation de leur préjudice commercial,
Vu la liquidation judiciaire de la société Mas de la Bonoty,
Fixe la créance de Madame et Monsieur [S] correspondant au montant de l'indemnité d'occupation dûe entre août 2018 et janvier 2021 par la SARL Mas de la Bonoty à la somme de 4 400 euros par mois, soit au total la somme de 133 500 euros,
Ordonne la compensation pour dettes connexes, des condamnations prononcées au titre de la créance de loyer et de la mauvaise exécution du contrat de bail,
Dit que la présente décision sera portée en marge de l'état des créances de la SARL Mas de la Bonoty,
Dit que la SELARL Spagnolo es qualités supportera les dépens d'appel ,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Christine CODOL, Présidente de chambre, et par M. Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,