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12/10/2022 | FRANCE | N°20/02907

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 12 octobre 2022, 20/02907


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02907 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3CU



CO



TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

10 septembre 2020 RG :2019J00324



[K]

[Y]



C/



Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROU SSILLON





































Grosse délivrée le 12 octo

bre 2022 à :



- Me CHABAUD

- Me COMTE











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 10 Septembre 2020, N°2019J00324



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02907 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3CU

CO

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

10 septembre 2020 RG :2019J00324

[K]

[Y]

C/

Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROU SSILLON

Grosse délivrée le 12 octobre 2022 à :

- Me CHABAUD

- Me COMTE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 10 Septembre 2020, N°2019J00324

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Christine CODOL, Présidente de chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Octobre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6] (99000)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me EL HOUSSALI Norjihane, substituant Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [G] [Y] épouse [K]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me EL HOUSSALI Norjihane, substituant Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code monétaire et financier, société anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de de surveillance, au capital de 370 000 000,00 €, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 383 451 267, agissant par son président du Conseil d'Administration en exercice, domicilié es-qualités audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me DEMOUGIN Claire, substituant Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé parMadame Christine CODOL, Présidente de chambre, le 12 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 12 novembre 2020 par Monsieur [C] [K] et Madame [G] [Y] épouse [K] à l'encontre du jugement prononcé le 10 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n°2019J00324 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 septembre 2022 par les appelants -ci-après « les cautions »- et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 septembre 2022 par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon -ci-après « la banque », intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 25 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 8 septembre 2022.

* * *

Par contrat du 16 septembre 2011, la société dont l'appelant était le dirigeant a souscrit un prêt à taux fixe n°8040527 auprès de la banque intimée, à hauteur de 74.000 euros remboursables sur 84 mois.

L'appelant et son épouse se sont portés personnellement cautions solidaires de cet engagement dans la limite de la somme de 96.200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 138 mois, par actes distincts du même jour.

Par convention du 10 mai 2012, la même société a ouvert un compte courant avec autorisation de découvert auprès de la même banque.

Seul son dirigeant, l'appelant, s'est de nouveau porté personnellement caution solidaire à objet général de la société à concurrence de 6.500 euros couvrant le paiement du principal et des intérêts de retard pour une durée de 5 ans, par acte distinct du même jour.

Par jugements du 17 juin 2015 et 7 juin 2016, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société débitrice principale, puis arrêté le plan de sauvegarde.

Par jugement du 26 juin 2018, la liquidation judiciaire immédiate sur résolution du plan de sauvegarde a été ordonnée par la même juridiction, la date de cessation des paiements étant fixée au 7 juin 2017.

La banque a déclaré sa créance privilégiée, dans le cadre de la procédure de sauvegarde, à hauteur de 41.331,69 euros pour le prêt et elle a été intégralement admise au passif de la procédure collective par le juge commissaire.

Par courriers du 20 juillet 2018, la banque a mis en demeure les cautions de payer les sommes restant dues sur ces engagements, en vain.

Par exploit du 5 août 2019, elle les a donc fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Nîmes.

Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal a :

condamné solidairement les deux cautions à payer à la banque, au titre du prêt n°8040527 la somme de 37.657,79 euros selon décompte arrêté au 12/06/2019 assortie des intérêts au taux légal à compter du 12/06/2019 jusqu'à parfait paiement et dit n'y avoir lieu à application de l'article 1343-2 du code civil,

condamné Monsieur uniquement à payer à la banque au titre de la convention d'ouverture de crédit avec autorisation de découvert en compte courant, la somme de 1.530,49 euros selon décompte arrêté au 12 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2019 jusqu'à parfait paiement, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 1343-2 du code civil,

dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts ni à application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

condamné solidairement les deux cautions au dépens de l'instance.

Madame et Monsieur [K] ont relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer sur les condamnations à paiement prononcées à leur encontre et sur le rejet de leurs demandes.

***

Dans leurs dernières conclusions, les appelants demandent à la Cour :

d'infirmer le jugement déféré selon l'appel interjeté,

statuant à nouveau,

à titre principal, au visa de l'article L341-4 (devenu L332-1) du code de la consommation,

constater que les cautionnements sont manifestement disproportionnés et donc inopposables,

les décharger de toutes les obligations au titre du cautionnement,

débouter la banque de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, au visa de l'article L622-24 du code de commerce et de l'article 2314 du code civil, ainsi que de l'article L333-2 alinéa 1 du code de la consommation et L313-2 du code monétaire et financier,

rejeter la demande de la banque tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque,

A titre reconventionnel, vu les articles anciens 1134 et 1142 du code civil, et l'article 2224 du code civil,

condamner la banque à payer à Madame la somme de 37.657,79 euros et, ce faisant,

ordonner en cas de condamnation au titre du cautionnement, la compensation des créances réciproques entre la banque et Madame [K],

constater la recevabilité de l'action de Madame en responsabilité pour défaut de mise en garde, comme ayant été introduite dans le délai légal,

condamner la banque au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits.

Ils font valoir que les questionnaires confidentiels produits par la banque et datés du 31 aout 2011 pour Monsieur, et du 9 septembre 2011 pour Madame, n'excluent pas la prise en compte des autres cautionnements souscrits antérieurement, et notamment de celui consenti à la même banque qui en avait donc nécessairement connaissance.

Ils ajoutent qu'aucune actualisation n'a été faite pour Monsieur lors de la souscription du cautionnement général pourtant bien postérieur au questionnaire, ce qui caractérise l'incurie de la banque qui ne justifie ainsi pas s'être assurée de la proportionnalité de l'engagement.

L'intimée ne démontre pas davantage qu'ils seraient à ce jour en mesure de rembourser les sommes réclamées.

Les appelants soutiennent par ailleurs que l'indemnité pour « préjudice technique et financier de 5% » dont il est demandé paiement à hauteur de 1.687,71 euros n'a jamais été déclarée au passif de la procédure collective et qu'ils en sont donc déchargés par application de l'article 2314 du code civil.

Ils ajoutent, d'une part, que cette demande n'est pas irrecevable comme nouvelle en appel dès lors qu'elle tend à la même finalité de décharge de leurs engagements, et d'autre part, que la banque ne démontre pas que la subrogation ne leur aurait apporté aucun avantage.

Ils font encore valoir que le cautionnement consenti par Monsieur comporte une durée de 5 ans et que l'obligation de couverture prenait fin au 10 mai 2017, mais que la banque ne démontre pas que le solde du compte bancaire de la société était débiteur à cette date et qu'il n'a pas fait l'objet d'une régularisation ensuite.

Enfin, ils contestent le caractère effectif de l'envoi des lettres d'information annuelle de la caution et concluent donc au rejet de l'appel incident.

A titre reconventionnel, les appelants relèvent que Madame ne peut, à l'instar de son époux, être qualifiée de caution avertie puisque si elle est associée de la société débitrice principale, elle n'exerce aucune responsabilité de direction ni de gestion dans cette société.

Dès lors, la banque ne pouvait à son égard se dispenser d'une information de mise en garde et de conseil, lesquels ont « totalement fait défaut », et indemnisation lui est due à ce titre à hauteur de son engagement.

C'est vainement que la banque prétend cette action en responsabilité prescrite alors que le délai de prescription n'a pu courir que de la mise en demeure adressée le 20 juillet 2018 et n'est donc pas acquise. La fin de non recevoir tenant à la prescription avait d'ailleurs déjà été rejetée par le conseiller de la mise en état sur incident.

***

La banque intimée conclut à titre liminaire à la révocation de l'ordonnance de clôture pour recevoir ses conclusions en réponse à celles communiquées le 6 septembre 2022 par l'appelant.

Sur le fond, elle demande à la Cour, au visa des articles L341-4 du code de la consommation et 2298 et suivants du code civil, de :

prononcer l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel,

sur le prêt n°8040527 :

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les deux cautions à lui payer au titre du prêt n°8040527 la somme de 37.657,79 euros selon décompte arrêté au 12/06/2019,

l'infirmer en ce qu'il a assorti cette somme des intérêts au taux légal et dit n'y avoir lieu à application de l'article 1343-2 du code civil,

Y substituant,

dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux contractuel majoré de trois points conformément à l'article 2 des conditions spécifiques à compter du 12 juin 2019 et jusqu'à parfait paiement,

dire que ces intérêts se capitaliseront de plein droit lorsqu'ils seront dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'ancien article 1154 du code civil devenu 1343-2,

sur le compte courant :

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur au paiement de la dette relative à la convention de découvert en compte courant mais l'infirmer en ce qu'il l'a condamné à la somme de 1.530,49 euros,

Y substituant,

condamner Monsieur à lui payer la somme de 293,13 euros correspondant au solde débiteur au jour de la fin du cautionnement à savoir le 10 mai 2017, assortie des intérêts au taux légal à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement,

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 1343-2 du code civil,

Y substituant,

dire que ces intérêts se capitaliseront de plein droit lorsqu'ils seront dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'ancien article 1154 du code civil devenu 1343-2,

Sur la demande reconventionnelle :

à titre principal et au visa de l'article 2224 du code civil, constater que l'action en responsabilité est irrecevable comme prescrite, en conséquence, la rejeter,

à titre subsidiaire, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

Sur les autres demandes de la banque :

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts ni à application de l'article 700 du code de procédure civile,

y substituant,

condamner les deux appelants à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner à 1.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les cautions aux dépens de l'instance,

En tout état de cause, y ajoutant,

débouter les appelants de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

les condamner à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.

La banque se prévaut des questionnaires confidentiels remplis par les cautions pour contester toute disproportion dans les engagements souscrits, et relève qu'une telle disproportion n'est pas démontrée.

Elle conteste la recevabilité des demandes relatives à l'absence de déclaration au passif de la créance d'indemnité pour préjudice technique, et au solde débiteur du compte courant au regard de la durée du cautionnement, demandes nouvelles en appel.

Elle ajoute que la créance au titre de cette indemnité ne pouvait être déclarée dans le cadre de la procédure de sauvegarde puisqu'elle n'est due qu'en cas d'exigibilité anticipée du terme, mais qu'aux termes de l'article L631-14 du code de commerce, l'inopposabilité prévue à l'article L622-26 alinéa 2 ne bénéficie pas aux cautions. Enfin, tenant la procédure de liquidation judiciaire, les cautions ne pourront jamais user de leur action subrogatoire, de sorte qu'elles ne peuvent prétendre être déchargées du règlement de cette indemnité.

S'agissant de l'obligation de mise en garde à l'égard de Madame, la banque fait valoir que le préjudice s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter, que le délai de prescription court dès l'octroi du crédit et que l'action en responsabilité était donc prescrite lorsque les conclusions du 3 décembre 2019 ont été transmises.

A titre subsidiaire, l'intimée affirme que Madame était également une caution avertie en ce qu'elle était impliquée dans la vie de la société, possédant 49 des 100 actions composant son capital social, et en ce qu'elle dirige d'autres entreprises dont un commerce de détail d'habillement depuis 2011 et avait donc les compétences pour mesurer les risques et la portée de son engagement.

Enfin, très subsidiairement, la banque conteste qu'il y ait eu risque d'endettement excessif de l'emprunteur compte tenu des capacités financières globales, revenus et patrimoine inclus, des cautions.

Elle conclut en tout état de cause à l'absence de faute de sa part et au rejet de la demande d'indemnisation, qu'elle estime de plus disproportionnée.

L'intimée relève appel incident du jugement déféré en ce qu'il a estimé qu'elle ne justifiait pas du respect de son obligation d'information des cautions, considérant bien au contraire que les justificatifs qu'elle produit sont suffisamment probants.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

L'article 802 du code de procédure civile dispose qu'aucune conclusion ne peut être déposée après l'ordonnance de clôture.

Il n'est pas soutenu par les appelants que les conclusions transmises le 8 septembre 2022 par l'intimée l'aient été après l'ordonnance de clôture, ni même qu'elles aient été tardives, de sorte qu'elles sont recevables et qu'il n'y a pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture.

Sur le fond :

sur la disproportion manifeste des cautionnements :

L'article L.332-1 (ancien article L.341-4) du code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permettre de faire face à ses obligations.

La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci.

Si en vertu de ces dispositions, la sanction d'une disproportion manifeste entre la situation patrimoniale de la caution au moment de son engagement et le montant de celui-ci est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement souscrit, il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue.

Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements et de les opposer à la caution quand il est en possession d'une fiche certifiant exacts les renseignements donnés.

En tout état de cause, les articles L. 332'1 et L. 343'3 du code de la consommation ne mettent pas à la charge du créancier professionnel l'obligation de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lors qu'elle invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

En l'espèce, la banque se prévaut de fiches de renseignements intitulées « questionnaire confidentiel caution » produites par ses soins en pièces 16 et 17, dont les deux cautions ne contestent pas être les auteurs et signataires respectifs en les ayant certifiées « sincère et véritable ».

Ces documents, établis le 9 septembre 2011 par Madame et le 31 aout 2011 par Monsieur, mentionnent qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens.

Madame se déclare propriétaire de 50% des parts sociales de deux SCI pour une valeur totale estimée à 290.000 euros totalement affectée de la charge d'emprunts, d'un fonds de commerce estimé à 70.000 euros pour l'acquisition duquel elle rembourse un emprunt à hauteur de 242 euros par mois jusqu'au 31 septembre 2011, ainsi que de placements financiers et bancaires estimés à 26.000 euros. Elle ne fait pas état de ses revenus mais précise dans le cadre réservé à ce sujet qu'elle est « commerçante ».

Monsieur quant à lui déclare détenir 50% des parts sociales des deux sociétés dont Madame se disait également actionnaire pour moitié, mais sans mention d'un quelconque emprunt affectant la valeur de ses parts estimée à 290.000 euros. Il se déclare également propriétaire d'une villa avec emplacement commercial estimée à 400.000 euros.

S'agissant des cautionnements consentis par les deux époux le 16 septembre 2011 au titre du prêt n°8040527, la banque était en droit de se fier aux renseignements déclarés sincères et véritables par ces cautions sauf à prendre en compte que, comme Madame l'indiquait, les valeurs des parts sociales dans les SCI pouvaient être totalement affectées pour l'un comme pour l'autre d'emprunts.

Ces renseignements portent uniquement sur le patrimoine des cautions, puisqu'aucune précision n'y est portée quant aux revenus qu'elles perçoivent l'une et l'autre de l'activité professionnelle qu'elles exercent, Monsieur comme dirigeant de la société débitrice principale, Madame comme « commerçante ».

Il n'appartenait pas à la banque d'investiguer sur ces revenus avant de recueillir les cautionnements des appelants, en l'absence d'anomalie apparente. Or, un dirigeant peut ne pas être rémunéré et une activité commerciale peu lucrative.

Il incombe en revanche à ces derniers de démontrer la pertinence de leur moyen de défense au fond, à savoir que ces cautionnements consentis le 16 septembre 2011 étaient manifestement disproportionnés non seulement à leur patrimoine mais également à leurs revenus, ce en quoi ils sont totalement carents en l'instance puisqu'ils ne produisent aucun justificatif sur ce point, la Cour restant parfaitement ignorante de ce qu'étaient leurs revenus à la date de souscription de l'engagement.

De même s'agissant du cautionnement général consenti par Monsieur le 10 mai 2012, s'il peut effectivement faire valoir que la fiche de renseignements qu'il a remplie le 31 aout 2011 ne suffit pas à éclairer la banque sur sa situation au 10 mai 2022, il n'apporte pour sa part pas la preuve -qui lui incombe- de ce que le patrimoine mentionné sur cette fiche n'était plus sien neuf mois plus tard, et pas davantage de ce que ses revenus ne pouvaient alors raisonnablement autoriser un tel engagement.

La banque est donc fondée à se prévaloir de tous les cautionnements souscrits par les appelants les 16 septembre 2011 et 10 mai 2012, tant au titre du prêt n°8040527 pour les deux époux, qu'au titre du compte courant pour Monsieur.

sur la créance d'indemnité pour « préjudice technique et financier » :

L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, le moyen tenant à dire que la banque ne peut se prévaloir à l'égard de la caution de sa créance au titre de l'indemnité conventionnelle pour « préjudice technique et financier » dès lors qu'elle ne l'a pas déclarée au passif de la procédure collective de la société débitrice principale, est recevable dès lors qu'il tend également au débouté de la banque sur ses demandes en paiement fondées sur le cautionnement consenti pour ledit prêt.

La banque ne conteste pas ne pas avoir déclaré cette créance et l'examen de sa déclaration du 25 juin 2015 produite en pièce 24 révèle qu'effectivement, la somme de 41.331,69 euros admise au passif correspond d'une part au capital restant dû (38.637,55 euros) et d'autre part aux intérêts à échoir et de retard (2.694,14 euros).

L'article 2314, anciennement 2037, du code civil dispose que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution.

En l'espèce, la banque qui aurait pu déclarer, même à titre de créance éventuelle, l'indemnité prévue au contrat en cas de résiliation anticipée, ou aurait pu en faire la déclaration complémentaire lors de cette résiliation effective, s'en est abstenue, et elle a, par son seul fait, sa seule carence, effectivement privé la caution de la possibilité d'être subrogée dans ses droits au titre de cette créance à l'encontre du débiteur principale puisque cette créance non déclarée est inopposable à la procédure collective.

La caution est en conséquence déchargée de son obligation à l'égard de la banque à concurrence de la perte du droit susceptible de subrogation, évaluée à la date d'exigibilité de la dette de cautionnement, soit, en l'espèce le montant de l'indemnité qui lui est réclamée mais qu'elle ne pourrait recouvrer par subrogation.

C'est au créancier qu'il appartient de prouver que la perte du droit de subrogation n'a causé aucun préjudice aux cautions en ce que la subrogation devenue impossible n'aurait pu être efficace. Si la banque l'affirme en l'espèce, elle ne le démontre aucunement, et ne prétend ni ne justifie pas, notamment, que la liquidation judiciaire de la débitrice principale aurait été clôturée pour insuffisance d'actifs.

La demande en paiement de la banque à l'encontre des cautions au titre de cette indemnité contractuelle pour 1.687,71 euros doit donc être rejetée.

sur l'obligation d'information annuelle des cautions :

En vertu de l'article L341-6 du code de la consommation en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016, dont les dispositions ont été reprises ensuite par les articles L333-2 et suivants du même code, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ainsi que le terme de cet engagement.

La banque soutient avoir respecté son obligation d'information annuelle des cautions dans le cadre du prêt consenti le 16 septembre 2011 et produit pour en justifier, en pièce 20, d'une part les copies des lettres qu'elle leur aurait adressées en ce sens, et d'autre part, la « liste des lettres éditées aux cautions » sur laquelle figure pour les années 2013 à 2015 le nom des appelants et la mention de ce prêt.

Toutefois, ces documents émanent exclusivement de l'intimée elle-même, le listing informatique produit étant à son en-tête, de sorte qu'ils ne sont pas suffisamment probants à établir la matérialité de l'envoi effectif des lettres d'information annuelle due aux cautions dans le cadre du prêt garanti.

Sa créance existant au 31 décembre 2011 pour le prêt conclu le 16 septembre 2011, l'intimée était redevable de cette information envers l'appelant avant le 31 mars 2012 mais ne démontre pas y avoir souscrit -et pas davantage par la suite. Elle encourt donc la déchéance de son droit à percevoir les intérêts échus à compter du 31 mars 2012 et ne peut donc prétendre qu'à l'intérêt légal dû à compter des mises en demeure délivrées aux appelants le 20 juillet 2018, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Les sommes dont il est demandé paiement par la banque aux cautions dans le cadre de ce prêt au titre des « intérêts de retard à compter du 26/06/2018 calculés au taux du prêt majoré de trois points », à hauteur de 2.246,07 euros ne sont donc pas dues et doivent être retranchées des décomptes présentés.

Ainsi reste dûe par les cautions au titre du prêt n°8040527, sur le décompte présenté par l'intimé et après déduction desdits intérêts et de l'indemnité pour préjudice technique et financier, la somme de 33.754,01 euros (37.687,79 euros - 2.246,07 -1.687,71), avec intérêt au taux légal à compter du 20 juillet 2018, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

S'agissant de la convention de compte courant cautionnée par Monsieur [K] le 10 mai 2012, l'obligation d'information annuelle de la banque ne fait pas débat entre les parties, la banque n'apportant aucun élément à ce sujet et les deux parties concluant à l'application des intérêts au taux légal sur les sommes dues, de sorte que la Cour n'est à cet égard saisie d'aucun moyen de réformation.

sur la limitation temporelle du cautionnement général de Monsieur :

L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, le moyen tenant à dire que la banque ne peut se prévaloir à l'égard de Monsieur du cautionnement général consenti au delà des cinq années stipulées à l'engagement, est recevable dès lors qu'il tend également au débouté de la banque sur ses demandes en paiement fondées sur le cautionnement mobilisé pour le compte courant.

C'est à juste titre que l'appelant fait valoir que son obligation de couverture a été expressément limitée à cinq ans dans le cadre du cautionnement général au titre duquel il est recherché en paiement pour le compte courant, mais ne peut être retenue au-delà.

Les parties s'accordent à fixer le dernier jour de cette obligation de couverture au 10 mai 2017.

La banque justifiant par la production des relevés de compte (pièce 22) qu'à cette date, le solde débiteur du compte s'élevait à 293,13 euros, c'est uniquement cette somme qui peut être utilement réclamée à la caution au titre de la garantie consentie à titre général et donc mobilisable pour ce compte, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 20 juillet 2018.

sur le manquement par la banque à son obligation de mise en garde :

Le moyen de prescription soulevé par l'intimée en fin de non-recevoir de l'action en responsabilité engagée à son encontre par l'appelante à ce titre, est irrecevable pour avoir été rejeté par le conseiller de la mise en état par ordonnance d'incident du 1er juillet 2021, ordonnance non déférée à la Cour et ayant donc autorité de chose jugée.

Les appelants indiquent dans leurs écritures que « si Monsieur ne discute pas sa qualité de caution avisée au regard de sa position au sein de la société emprunteuse, il n'en est pas de même pour Madame » (page 14).

Seule Madame se prévaut du manquement de la banque à son obligation de mise en garde et demande indemnisation à ce titre.

La qualité de caution avertie ne peut par principe se déduire de la seule qualité de dirigeant ni d'associé de la société débitrice.

En l'espèce, il ressort de ces mêmes conclusions en page 6 que, au moment des cautionnements du 16 septembre 2011, les deux appelants avaient déjà souscrit un engagement de même nature au bénéfice d'une autre société auprès de la même banque.

Les fiches de renseignements produites par la banque révèlent également qu'au 31 aout 2011 pour Monsieur et 9 septembre 2011, et donc avant l'engagement consenti par eux le 16 septembre suivant, les deux époux certifient être associés à 50% chacun dans deux SCI depuis 2003 et 2005. Madame y précise également qu'elle est alors commerçante.

La Cour retient ainsi qu'au jour où ils se sont respectivement porté cautions auprès de la banque, le 16 septembre 2011 pour les deux époux, puis encore le 10 mai 2012 pour Monsieur, les appelants étaient l'un comme l'autre parfaitement rompus à la vie des affaires et en pleine capacité de percevoir la portée de leurs actes et de leurs engagements, de sorte que Madame, comme Monsieur, doivent être qualifiés de caution avertie.

En cette qualité, il lui appartient de démontrer que la banque aurait eu sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles de la société cautionnée, en l'état du succès escompté de l'opération, des informations qu'elle aurait elle-même ignorées.

A défaut en l'espèce de toute preuve de cette nature, la banque n'a pas failli à son égard à son obligation de mise en garde et la demande de l'appelante en indemnisation à ce titre ne peut qu'être rejetée.

sur l'indemnisation de la banque pour procédure abusive :

Il n'est aucunement démontré que le droit des appelants à exercer leurs droits et faire valoir leurs intérêts ait dégénéré en abus fautif de nature à justifier une quelconque indemnisation au bénéfice de l'intimée.

Sur les frais de l'instance :

Les appelants, qui succombent principalement, devront supporter les dépens de la première instance et de l'instance d'appel et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et déclare recevables les conclusions transmises par voie électronique le 8 septembre 2022 par l'intimée ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Dit que la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon peut se prévaloir des cautionnements consentis par Madame [G] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] le 16 septembre 2011 dans le cadre du prêt n°8040527, et par Monsieur [C] [K] le 10 mai 2012 pour le compte courant ouvert le 10 mai 2012 ;

Prononce la déchéance de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de son droit à percevoir les intérêts échus à compter du 31 mars 2012 pour le prêt n°8040527 ;

Dit que le moyen relatif à l'absence de déclaration à la procédure collective de la créance d'indemnité pour préjudice technique et financier est recevable ;

Dit que Madame [G] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] sont déchargés de leurs obligations de cautions au titre de cette indemnité pour préjudice technique et financier ;

Condamne en conséquence solidairement Madame [G] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, au titre du prêt n°8040527, la somme de 33.754,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit que le moyen tenant à limiter dans le temps le cautionnement général de Monsieur [C] [K] est recevable ;

Condamne en conséquence Monsieur [C] [K] à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, au titre de la convention de compte courant du 10 mai 2012, la somme de 293,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Déclare la fin de non-recevoir tenant à la prescription de l'action en responsabilité engagée par Madame [G] [Y] épouse [K], irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par ordonnance du 1er juillet 2021 du conseiller de la mise en état ;

Dit que la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon n'a pas failli à son obligation de mise en garde à l'égard de Madame [G] [Y] épouse [K] ;

Déboute Madame [G] [Y] épouse [K] de sa demande d'indemnisation à ce titre ;

Déboute la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive ;

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ;

Dit que Madame [G] [Y] épouse [K] et Monsieur [C] [K] supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel et payeront solidairement à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Christine CODOL, Présidente de chambre, et par M. Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/02907
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;20.02907 ?
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