Ordonnance n° 22/711
N° RG 22/00773 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISXB
J.L.D. NIMES
07 octobre 2022
[M] ALIAS [P]
C/
LE PREFET DE TARN ET GARONNE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 11 OCTOBRE 2022
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet de Tarn et Garonne portant obligation de quitter le territoire national en date du 08 septembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 08 septembre 2022, notifiée le même jour à 19h40 concernant :
M. [O] [M] alias [P]
né le 04 Octobre 1993 à [Localité 3]
de nationalité Marocaine
Vu l'ordonnance en date du 12 septembre 2022 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 06 octobre 2022 à 10h39, enregistrée sous le N°RG 22/04451 présentée par M. le Préfet de Tarn et Garonne ;
Vu l'ordonnance rendue le 07 Octobre 2022 à 11h33 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [O] [M] alias [P] ;
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 08 octobre 2022 à 19h40,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [O] [M] alias [P] le 10 Octobre 2022 à 09h53 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [J] [L], représentant le Préfet de Tarn et Garonne, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [G] [W] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [O] [M] alias [P] , régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Maud HAMZA, avocat de Monsieur [O] [M] alias [P] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [O] [M] a fait l'objet d'un arrêté de Monsieur le Préfet de TARN ET GARONNE date du 8 septembre 2022 emportant obligation de quitter le territoire national français, arrêté qui lui a été notifié le 8 septembre 2022.
Le 8 septembre 2022, il a été placé en rétention administrative par arrêté de la même Préfecture qui lui a été notifié le jour même à 19h40.
Sur requête du Préfet, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [O] [M] le 12 septembre et confirmée en appel le 14 septembre 2022, ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.
Par requête en date du 6 octobre 2022, le Préfet de TARN ET GARONNE a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [O] [M] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 7 octobre 2022 à 11h33, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [O] [M] a interjeté appel de cette ordonnance le 10 octobre 2022 à 9h53.
Sur l'audience, Monsieur [O] [M] indique qu'il vit avec sa compagne en France et qu'il travaille. Il dit ne poser aucun problème. Il explique avoir déposé un dossier en Préfecture pour régulariser sa situation. Il dit pouvoir partir pour se rendre en Espagne avec sa femme.
Son avocat ne maintient pas le moyen tiré de l'irrégularité de la requête. En revanche, Monsieur [M] n'a pas bénéficié d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention. En outre, son avocat fait état de garanties de représentation et donc de la possibilité d'assigner à résidence Monsieur [O] [M].
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [O] [M] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, Monsieur [O] [M] ne soulève pas de moyen nouveau.
Sur le moyen tiré de l'absence d'interprète devant le juge des libertés et de la détention :
Monsieur [O] [M] indique qu'il n'a pas été assisté d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention, que ses droits n'ont pas été respectés alors qu'il ne comprend pas assez bien le français ; que d'ailleurs à la présente audience il bénéficie de l'assistance d'un interprète.
Le juge de première instance indique dans sa décision qu'il résulte des pièces du dossier que Monsieur [O] [M] comprend la langue française et qu'il s'est exprimé en français à l'audience.
De la lecture des pièces du dossier, il ressort que :
- la notification des droits consécutifs au placement en rétention administrative a été réalisé sans l'assistance d'un interprète, que mention est faite que Monsieur [O] [M] lit et parle en langue française,
- Il n'est pas mentionné la présence d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention lors de sa précédente audience le 12 septembre 2022,
- Monsieur [O] [M] a travaillé en France en 2017 en qualité d'ouvrier agricole,
- une correspondance médicale du mois de novembre 2017 le concernant rapporte ses doléances sans le truchement d'une aide en interprétariat,
- un justificatif d'entrée en formation du mois de décembre 2017,
- des bulletins de salaires de 2018,
- que le recours contre l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français fait valoir que Monsieur [O] [M] justifie d'une présence continue sur le territoire français avec laquelle il a noué des liens profonds et qu'il a noué une relation affective avec une personne de nationalité française.
De ce qui précède, il y a lieu de dire que c'est à bon droit, par une appréciation souveraine et pertinente que le juge de première instance a considéré que Monsieur [O] [M] comprenait la langue française.
Le moyen soulevé sera donc rejeté.
SUR LE FOND :
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, Monsieur [O] [M] a refusé un embarquement le 5 octobre dernier. Une nouvelle demande de routing est en cours.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [O] [M] fondée en droit.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [O] [M] :
Monsieur [O] [M], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'il produit des éléments permettant d'apprécier sa situation au regard de sa domiciliation et de ses efforts d'insertion, il a aussi exprimé son refus d'exécuter la mesure d'éloignement par un refus d'embarquement. A ce titre, il convient donc d'écarter la demande d'une assignation à résidence alors qu'à l'audience les perspectives de départ volontaire vers l'Espagne sont imprécises.
En conséquence, il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [O] [M] alias [P] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 11 Octobre 2022 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 2] à Monsieur [O] [M] alias [P].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [O] [M] alias [P], pour notification au CRA
Me Maud HAMZA, avocat
M. Le Préfet de Tarn et Garonne
M.Le Directeur du CRA de [Localité 2]
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention