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11/10/2022 | FRANCE | N°19/03676

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 11 octobre 2022, 19/03676


ARRÊT N°



N° RG 19/03676 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HPXX



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

05 septembre 2019



RG :F18/00347





[M]





C/



S.A.S. FERROPEM



























COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022







APPELANT :



Mon

sieur [S] [M]

né le 05 Septembre 1986 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES substitué Me Nancy PAILHES, avocat au barreau de NIMES





INTIMÉE :



SAS FERROPEM Prise en la personne de son représe...

ARRÊT N°

N° RG 19/03676 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HPXX

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

05 septembre 2019

RG :F18/00347

[M]

C/

S.A.S. FERROPEM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [S] [M]

né le 05 Septembre 1986 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES substitué Me Nancy PAILHES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SAS FERROPEM Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Gladys GOUTORBE avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 07 Juillet 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Octobre 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 11 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [S] [M] a été engagé à compter du 25 juin 2013, par contrat à durée déterminée, en qualité d'opérateur de fabrication par la SAS Ferropem.

Le 22 juillet 2013, M. [S] [M] était embauché par contrat à durée indéterminée, à temps complet.

Le 16 mai 2017, une altercation avait lieu entre M. [S] [M] et M. [G].

Le 25 juillet 2017, M. [S] [M] était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, relatif aux faits qui s'étaient produits le 16 mai 2017.

Le 27 juillet 2017, M. [S] [M] était arrêté pendant plusieurs mois.

Le 4 août 2017, une mise à pied disciplinaire de 3 jours était notifiée à M. [S] [M].

Le 8 novembre 2017, M. [S] [M] était convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement avec une mise à pied conservatoire pendant la durée de la procédure.

Le 20 novembre 2017, M. [S] [M] se présentait à l'entretien préalable assisté d'un délégué du personnel de la société Ferropem, M. [P] [N].

Le 27 novembre 2017 M. [S] [M] était licencié pour faute grave :

'...

Depuis un certain temps, vous rencontrez des difficultés relationnelles avec Monsieur [G] [Y] et Monsieur [O] [L], opérateur fours respectivement secrétaire du CHSCT et secrétaire du comité d'entreprise.

Notamment, le 16 mai 2017, vous avez insulté et menacé Monsieur [G] dans les couloirs du bâtiment administratif.

...

Or, le 7 novembre, nous avons eu la confirmation par l'un de nos salariés qu'entre janvier et février 2017, vous avez réitéré notre comportement menaçant, et que vous vous êtes mis en relation avec une personne en vue d'organiser le passage à tabac de Messieurs [G] et [O].

Les menaces étaient telles que, manifestement inquiets, Messieurs [G] et [O] ont déposé une plainte en gendarmerie courant mai 2017. Ils nous ont également demandé d'intervenir pour faire cesser cette situation, cependant, nous n'avons pu obtenir la confirmation de ces faits que début novembre, par le témoignage de ce salarié et suite à l'appel que nous a passé la gendarmerie.

Tous ces faits sont inadmissibles, graves et constituent une violation manifeste de votre obligation de sécurité envers vous et vos collègues de travail. En effet, conformément à vos obligations professionnelles, inhérentes à l'exécution loyale de la relation de travail, il vous appartient de prendre soin de votre santé, de votre sécurité et de celles des autres, principalement vos collègues de travail.

Or, en l'état, vous avez adopté un comportement délétère en vous livrant à des intimidations physiques et menaces à l'égard de vos collègues de travail.

Ces comportements sont intolérables, d'autant qu'il porte préjudice à notre cliant social et à l'image de l'entreprise.

Nous sommes également titulaires d'une obligation de sécurité et nous ne pouvons pas vous laisser ainsi perturber les conditions de travail d'autres salariés de l'entreprise au préjudice de leur santé.

...'

Contestant la légitimité de la rupture, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de voir prononcer la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de l'employeur à diverses sommes à caractère indemnitaire, lequel, par jugement contradictoire du 5 septembre 2019 :

- Dit que les griefs dans la lettre de licenciement ne sont pas prescrits

- Dit que les griefs dans la lettre de licenciement ne sont pas établis ;

- Dit que le licenciement pour faute grave de M. [S] [M] est injustifié et ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

- Condamne la société Ferropem à verser à M. [S] [M] les sommes suivantes :

- 12.849,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2.998,30 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 5 .139,94 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 513,99 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

- 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

- Déboute M. [S] [M] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

- Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle emploi de la somme de 5.139,64 euros bruts au titre des indemnités de chômage payées au salarié (article L.123 5-4 du Code du Travail).

- Ordonne qu'une copie du présent jugement soit transmise à Pôle emploi, le licenciement ne résultant pas d'une faute grave ou lourde (article R 1235-2 du Code du Travail).

- Dit que les dépens sont à la charge du demandeur.

Par acte du 18 septembre 2019, M. [S] [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 janvier 2022, M. [S] [M] demande à la cour de :

Sur le harcèlement moral

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 5 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [S] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour

harcèlement moral ;

- juger que M. [S] [M] a fait l'objet de harcèlement moral ;

- condamner la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 5 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [S] [M] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité ;

- juger que la SAS Ferropem a manqué à son obligation de sécurité ;

- condamner la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Sur la rupture du contrat

- a titre principal :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a débouté M. [S] [M] de sa demande au titre du licenciement nul ;

- juger que le licenciement de M. [S] [M] est nul en raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet et qu'il a dénoncé ;

- condamner la SAS Ferropem à réintégrer M. [S] [M]

-condamner la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir, déduction faite des éventuels revenus de remplacement perçus jusqu'à sa réintégration, et dont M. [S] [M] justifiera au jour de sa réintégration ;

- à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 5 septembre 2019 en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [S] [M] sans cause réelle et sérieuse ;

- juger que les griefs reprochés à M. [S] [M] dans sa lettre de licenciement sont prescrits ;

- juger que les griefs reprochés à M. [S] [M] dans sa lettre de licenciement ne sont pas établis ;

- juger que les griefs reprochés à M. [S] [M] dans sa lettre de licenciement ne sont pas sérieux ;

- juger que le licenciement de M. [S] [M] est sans cause réelle et sérieuse

- juger que le salaire brut mensuel de référence de M. [S] [M] est de 2.884,27 euros ;

Statuant de nouveau condamner la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] les sommes suivantes :

- la somme de 14.421,35 euros (5 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 5.768,54 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 576,85 euros bruts à titre de congés payés y afférents ;

- la somme de 3.364,98 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Sur les frais irrépétibles

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 5 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau condamner la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Sur le remboursement des allocations de retour à l'emploi

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 5 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la SAS Ferropem à rembourser à Pôle emploi la somme de 5.139,64 euros au titre des indemnités de chômage payées au salarié et ordonné qu'une copie du présent jugement soit transmise à Pôle emploi.

M. [S] [M] soutient essentiellement que :

- il a été victime de harcèlement moral constitué par :

- des agissements répétés : l'attestation de M. [V] produite par la SAS Ferropem est rédigée plusieurs mois après son audition. Lors de cette audition, celui-ci précisait qu'il n'avait jamais entendu parler de contrat sur qui que ce soit ou même qu'il lui ait proposé d'exécuter un contrat contre rémunération.

A compter de la fin de l'année 2015, ses conditions de travail se sont dégradées. Il a fait l'objet de menaces et d'actes d'agression, à plusieurs reprises, au sein de l'entreprise. Ces agissements ont tous été rappelés à l'agent enquêteur de la CPAM. Plusieurs salariés témoignent de sa situation.

Le harcèlement moral est également établi par son suivi médical. Il a été reconnu apte à la reprise de son travail, sous réserve d'éviter tout contact avec les personnes susceptibles de présenter un danger pour lui.

- la dégradation des relations de travail a eu des conséquences sur sa santé mentale, comme en attestent ses arrêts de travail et arrêts d'inaptitude. L'employeur n'a pas agi pendant plusieurs mois, n'a pas accordé de crédits aux salariés harcelés mais en a accordé aux salariés harceleurs. La SAS Ferropem a produit l'attestation d'un salarié en totale opposition avec sa déclaration devant les forces de l'ordre mais également a procédé au licenciement des salariés harcelés, non protégés.

De surcroît, par jugement en date du 18 mars 2019, le tribunal de police de Nîmes l'a déclaré non coupable des faits qui lui étaient reprochés.

L'employeur soutient qu'il n'apporterait pas d'éléments probants et précis or, ce n'est pas à lui de rapporter la preuve d'un harcèlement mais seulement de présenter les éléments permettant d'en présumer l'existence.

L'employeur a commis une faute en restant passif trop longtemps et en laissant la situation dégénérer. La société Ferropem a organisé une réunion de prévention sur le harcèlement en août 2017 et une conciliation en octobre 2017 entre les quatre protagonistes. Il a refusé cette conciliation dans le mesure où il estimait cette dernière trop tardive.

L'employeur était parfaitement au courant de l'existence de ces agissements répétés, constatés par des témoins oculaires.

- l'employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité : Une démarche de prévention des risques en août 2017 et une mesure de médiation en octobre 2017, alors que les faits perduraient depuis des mois, ne sont pas suffisantes.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisé.

Plusieurs témoins attestent de leur connaissance du conflit latent entre les protagonistes.

La négligence de l'employeur a été constatée par l'inspection du travail, dans son courrier du 9 novembre 2017. La SAS Ferropem a été alertée à plusieurs reprises par plusieurs personnes, et à différents niveaux hiérarchiques, mais elle n'a rien fait pour résoudre le conflit. La seule mesure mise en place par l'employeur a été une tentative de médiation, peu de temps avant d'engager la procédure de licenciement. Cette démarche est intervenue tardivement dans la mesure où il était en arrêt de travail depuis plusieurs mois.

En conséquence, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, entraînant des conséquences dramatiques au niveau de son état de santé mais aussi au niveau de son avenir professionnel.

- la rupture du contrat de travail :

- la nullité du licenciement : son licenciement est nul car il a au moins partiellement pour origine le harcèlement dont il a fait l'objet.

- à titre subsidiaire, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse :

Les griefs reprochés sont prescrits : l'employeur ne peut soutenir n'avoir été informé que le 7 novembre 2017 car au moins deux supérieurs hiérarchiques en étaient informés depuis le 16 mai 2017 et surtout, car M. [WW], le RRH de la SAS Ferropem, en était lui aussi informé depuis cette même date.

De plus, l'employeur ne saurait valablement affirmer n'avoir eu l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés qu'au terme de l'enquête qu'il a diligentée suite à la communication de la plainte de M. [G].

Dans le cas où les faits ne seraient pas prescrits, il convient de noter que les griefs ne sont pas établis. En effet, le tribunal de police, par jugement du 18 mars 2019, l'a déclaré non coupable des faits qui lui étaient reprochés. Ainsi, la matérialité des faits n'est pas établie.

La lettre de licenciement est fondée sur la seule attestation de M. [V], les dires respectifs de M. [E] et de M. [O].

De surcroît, l'attestation de M. [V] ne remplit pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile car elle ne fait pas mention que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. De ce seul fait, l'attestation n'est pas valide.

Il convient de noter également que M. [V] s'est présenté aux dernières élections du CSE avec MM [O] et [G].

Enfin, si les griefs reprochés ne sont pas prescrits et qu'ils sont établis, ils ne sont pas sérieux :

Il a adopté une attitude défensive envers les salariés harceleurs. Il a déposé plainte et dénoncé les faits à plusieures reprises à ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu'à sa direction. MM [O] et [G] sont eux aussi aller déposer plainte à son encontre en prétendant qu'il aurait conclu un contrat sur leur tête. Leur plainte n'a pas engendré de condamnation puisque le tribunal de police l'a déclaré non coupable par jugement du 18 mars 2019.

Ainsi, les allégations de MM [O] et [G] ne sauraient permettre à l'employeur de fonder son licenciement.

En outre, l'employeur ne peut pas licencier un salarié dont le comportement agressif était lié au harcèlement moral qu'il subissait.

En l'état de ses dernières écritures en date du 11 mars 2020, la SAS Ferropem a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de M. [M] au paiement de la somme de 4050,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Ferropem fait essentiellement valoir que :

- M. [M] ne démontre pas le harcèlement moral dont il se dit victime. Il ne satisfait pas les exigences probatoires en matière de harcèlement moral. Le salarié n'établit aucun faits répétés. En effet, un acte isolé, même grave, ne peut conduire à la qualification de harcèlement moral.

M. [M] ne présente pas d'éléments objectifs laissant supposer l'existence d'un harcèlement dont il aurait été victime. Il n'apporte pas la preuve de ses allégations et ne fait état d'aucun fait précis.

Le salarié ne justifie pas que la dégradation de son état de santé est directement en lien avec un harcèlement au travail : il produit un courrier confidentiel du médecin du travail qui ne fait que retranscrire les doléances du salarié sans que le médecin lui-même n'en ait constaté la réalité.

De surcroît, le médecin du travail l'a déclaré apte à la reprise du travail.

La réalité de la situation est que M. [M] s'est lui-même placé dans une situation difficile du fait du conflit qu'il a créé : des éléments ont été révélés à l'employeur en novembre 2017 par M. [G] et confirmés par M. [V] démontrant que M. [M] a agi dans le but de porter atteinte à la santé et la sécurité de leurs opposants dont il avait programmé le passage à tabac.

- sur le manquement à l'obligation de sécurité et de loyauté :

M. [M] n'apporte pas de preuve de ce qu'il avance.

Le salarié prétend qu'elle avait connaissance de longue date des faits de harcèlement dont il soutient avoir été victime mais n'en rapporte pas la preuve.

- la rupture du contrat de travail :

- le bien-fondé du licenciement pour faute grave : M. [G] a remis pour la première fois à son employeur copie de sa plainte le 6 novembre 2017 et l'informait que la plainte qu'il avait déposée en mai 2017 à l'encontre de M. [M] était transmise au Parquet de Nîmes au terme de l'enquête de police , le 6 novembre 2017.

Elle se fera confirmer ces faits le jour même par M. [V], d'abord oralement, et celui-ci en attestera ensuite par écrit le 9 novembre 2017.

Prenant connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits graves qui lui étaient rapportés, l'employeur a mis à pied à titre conservatoire MM [K] et [M] par courrier du 8 novembre 2017 portant également convocation à un entretien préalable prévu le 20 novembre suivant. Elle a donc engagé les poursuites disciplinaires le 8 novembre 2017 soit 1 jour franc après la connaissance des faits fautifs le 6 novembre 2017.

En juin 2017 elle n'avait aucune certitude quant à la nature, la réalité et l'étendue des faits puisqu'à cette époque personne n'avait attesté auprès d'elle de la véracité de ces faits. En effet, si elle avait entendu en juin 2017 le bruit de couloir selon lequel M. [G] avait déposé plainte à l'encontre de M. [M], elle ne pouvait engager des poursuites disciplinaires en tenant pour vraie la version des faits de M. [G] en l'absence d'élément extérieur ou d'attestation venant démontrer leur réalité. M. [G] ne lui avait d'ailleurs pas remis le dépôt de plainte.

- le comportement de M. [M] justifiant son licenciement pour faute grave : Ayant pris connaissance des faits graves rapportés par M. [G] le 6 novembre 2017, elle n'a eu d'autre choix que de réaliser une enquête interne durant la mise à pied conservatoire du salarié. M. [M] n'en était d'ailleurs pas à son coup d'essai puisqu'il avait fait l'objet en août 2017 d'une mise à pied disciplinaire pour avoir déjà insulté M. [G]. Au vu du résultat de l'enquête, elle a pu prendre la mesure de la gravité du comportement de M. [M] et elle a jugé que le maintien de ce dernier au sein de l'entreprise n'était pas possible.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 25 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 22 juin 2022.

Un avis de déplacement d'audience, du 13 mai 2022, a déplacé l'audience au 7 juillet 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [M] invoque les faits suivants, constitutifs, selon lui, d'actes de harcèlement :

- il a fait l'objet de menaces, d'actes d'agression et d'intimidation,

- il a toujours informé la direction de ces agissements,

- il a été sanctionné d'une mise à pied disciplinaire et in fine d'un licenciement,

- ces agissements ont entraîné la dégradation des conditions de travail et de son état de santé.

Pour étayer ses affirmations, M. [M] produit les éléments suivants :

Les menaces, actes d'agression et d'intimidation

- une attestation établie par M. [N], élu DP FO Ferropem, faite à la demande de la CPAM sur les faits survenus le 16 mai 2017, ainsi libellée :

'Monsieur [H] [MH],

Suite à notre conversation téléphonique du 04 octobre 2017 entre 10h45 et 11h30 je vous relate les faits dont j'ai été témoin le 16 mai 2017 dans les couloirs du bâtiment administratif de l'usine Ferropem de Laudun. Ce jour la je ne travaillais pas mais j'ai été alerté par un collègue de travail que Mr [M] était très affecté par des bruits que faisait courir Mr [G] sur lui j'ai donc contacté Mr [WW] notre RRH pour un rendez-vous afin que cessent ces agissements répétés et il a finalement bien voulu nous recevoir Mr [M] et moi-même ce jour la en fin de matinée. Alors que nous attendions avec presque toute l'équipe (il y avait notre réunion mensuelle sécurité à midi) Mr [G] est venu dans le couloir et s'en est suivi une altercation verbale avec Mr [M], je les ai alors séparés mais Mr [G] s'en prenant à moi c'est Mr [M] qui nous a séparés, je me souviens que plusieurs fois Mr [G] m'a dit de sortir et qu'il allait s'occuper de moi dans les bois (menaces plusieurs fois portées à mon encontre et dont la direction à les preuves voir pièce jointe) et demandé de prouver que c'était lui l'auteur de ces rumeurs, puis il est parti car Mme [T] [X] responsable sécurité de notre usine était venue dans le couloir pour nous calmer.

La réunion avec notre RRH qui s'en est suivi n'a rien apporté puisqu'il nous conseille de ne rien faire et me dissuade de porter plainte à la gendarmerie.

Suite à cette altercation Mr [M] a été sanctionné d'une mise à pied disciplinaire de 3 jours, Mr [G] et moi-même n'avons pas été sanctionnés.

Je vous joins notre réponse à la sanction de Mr [M] ainsi que mon témoignage signé par Mr [WW] notre RRH suite aux menaces reçues le 05 avril 2017.

...'

- le procès-verbal d'audition de M. [N] du 4 septembre 2017 auprès de la gendarmerie, ainsi libellé :

'Je me présente à votre unité à la suite de différents petits soucis que j'ai eu et que cumulés m'inquiète.

En effet, ... je travaille également comme opérateur dans la société FERROPEM depuis 2011. Je suis délégué du personnel FORCE OUVRIERE depuis mars 2015.

En 2016, deux personnels de l'usine ont eu des problèmes avec deux élus de la CGT M. [M] et M. [K]. Ils sont en arrêt maladie suite harcèlement de ses deux personnels M. [G] et M. [J].

Comme ils n'étaient pas syndicalisés je les ai défendu à plusieurs reprises. Or depuis il m'arrive divers soucis...

J'ai également été menacé par M. [G] au mois d'avril durant une grève. J'ai avisé la hiérarchie mais on m'a répondu qu'il n'y avait pas de suite pour la paix sociale et au vue du contexte ce jour-là.

...'

- le procès-verbal d'audition de M. [R] [Z] [U], directeur de l'usine Ferropem à l'Ardoise, propos recueillis par M. [MH] [H], agent enquêteur assermenté de la CPAM, ainsi libellé :

'Je ne me souviens pas que M. [N] m'ait apporté un arrêt de travail en main propre concernant M. [M] le 27/07/2017. En revanche, mon assistante m'avertit rapidement dans ces cas-là, de l'arrivée d'un certificat médical en accident du travail ; et j'ai donc dû en prendre connaissance dans la journée, sans en connaître le motif. Vous m'apprenez aujourd'hui l'origine de cet accident du travail.

Je connais les difficultés relationnelles entre les 4 personnes concernées par ces dossiers. En revanche, l'ambiance globale de l'usine est sereine et de bonne qualité. D'autant plus, que ces personnes, du fait du travail posté, ne se côtoient que rarement.

Au sujet de l'entretien préalable à licenciement de M. [M] et de sa sanction (pour lequel il a eu finalement 3 jours de mise à pied), il a été le seul dans ce cas, car il a lui-même reconnu auprès de M. [WW] qu'il était à l'origine de l'altercation.

Pour finir, ce que soit pour M. [K] ou M. [M], j'avais passé consigne à mes collaborateurs proches (l'infirmière, le contremaître, la responsable E.S.S.) de prendre contact pour prendre des nouvelles et tenter de dédramatiser la situation, sans réussite.'

- le procès-verbal d'audition de M.[E] [W], contremaître de production, propos recueillis par M. [MH] [H], agent enquêteur assermenté de la CPAM, ainsi libellé :

'Au mois de juillet 2017, j'étais en congé. Je ne connais donc pas les circonstances dans lesquelles l'arrêt de travail de M. [M] est survenu. Cela m'a été dit bien plus tard.

Je savais toutefois que M. [M] allait être convoqué pour un entretien préalable à licenciement. Et je savais que cette convocation était en lien avec une altercation entre lui et M. [G], à laquelle je n'avais pas assisté, étant à mon poste dans l'usine à ce moment-là.

Comme je vous l'ai déjà déclaré pour M. [K], j'étais informé du dépôt de plainte dont il faisait l'objet. Et il est vrai que j'ai accepté des congés à M. [M] pour le sortir de cette ambiance. Je le sais irascible, et je voulais éviter que la situation ne dérape.

Je suis sur le terrain constamment, l'ambiance de travail est parfois tendue du fait de cette incompatibilité d'humeur entre ces personnes. Mais il n'y a pas d'actes ni de paroles répétées pouvant faire penser à du harcèlement, et il s'agit de comportements réciproques.'

- l'attestation de Mme [X] [T] à l'attention de la CPAM, ainsi libellée

'Le 16/05/2017, je me trouvais dans mon bureau. J'ai entendu au milieu du couloir 'qu'il se passait quelque chose'. Je suis sortie, et j'ai constaté une altercation entre MM [M] et [G]. Au moment où je suis arrivée, ils étaient à plusieurs mètres de distance, et M. [N] était au milieu. D'autres personnes de l'équipe de M. [M] étaient présentes, puisqu'elles allaient rentrer en réunion... Je me suis avancée et je leur ai demandé de cesser. Je ne connais pas la cause de la dispute. A mon sens, c'est une cause personnelle et pas professionnelle.

En tous les cas, aucune de ces personnes, dans le cadre de mes fonctions, n'est venue me voir pour me dire qu'il rencontrait des problèmes avec d'autres salariés de l'usine.

...'

- le procès-verbal d'audition de [F] [WW], RRH, propos recueillis par M. [MH] [H], agent enquêteur assermenté de la CPAM, ainsi libellé :

'...

Dans les faits qui nous ont été rapportés, le 16/05/2017, M. [G] passait dans le service administratif, et c'est M. [S] [M] 'qui a lancé les hostilités'. Je tiens cette information de [S] [M] lui-même (qui s'est excusé de son comportement auprès de moi plus tard), car, en plus, il était sorti de mon bureau quelques minutes auparavant, pour me dire qu'il n'appréciait pas du tout M. [G]. Quant à moi, la porte de mon bureau était fermée, et je n'ai rien entendu.

Comme je vous l'ai déclaré, le problème de M. [M] est un problème de personne avec M. [G] notamment, instrumentalisé par le syndicat FO.

Et à ce jour, nous avons lancé une médiation pour tenter d'éclaircir la situation, médiation à laquelle MM [M] et [K] n'ont pas souhaité donner suite (ils ont refusé la visite de la médiatrice à leur domicile).

Et je n'ai aucun élément factuel permettant de dire que M. [K] et M. [M] sont victime d'actes pouvant relever du harcèlement.'

- un courrier du 3 juillet 2017 du syndicat FO à l'attention de la direction, ainsi libellé :

'Objet : ALERTE CLIMAT PROFESSIONNEL ET CONDITIONS DE TRAVAIL AU SEIN DE L'USINE FERROPEM DE LAUDUN

Monsieur le Directeur,

Rappel de nos questions en réunion DP du 26/06/2016

...

18/ Que comptez vous faire pour que cesse le harcèlement, les menaces, les intimidations et les agressions verbales faites par une organisation syndicale envers les salariés de votre usine '

Certaines personnes bénéficient elles d'impunité dans cette usine '

Rappel de la question N°25 en réunion DP du 29/06/2017

25/ Sachant que nous avions abordé le sujet du harcèlement au sein de votre entreprise le 22/06/2016 et que rien n'a été fait depuis allez vous enfin prendre des décisions pour que cessent ces insultes, menaces, intimidations, diffamations, etc à l'intérieur de votre établissement '

Vous nous avez informés que vous étiez au courant de rien et nous en prenons acte.

Le syndicat FO demande à la direction de FERROPEM LAUDUN de prendre toutes les mesures nécessaires afin que cessent ces préjudices portés à certaines personnes de son effectif ceci en tenant compte des articles L 1152-1 L 1152-2 L 1152-3 L 1152-4 L 1152-5 et suivants ; également en concordance avec les termes du réglement intérieur de l'usine de Laudun en vigueur.

Le syndicat FO alerte la direction sur le climat professionnel déplorable et les conditions de travail dans une atmosphère sous danger de mort.

Les choses aujourd'hui en sont que des salariés sous cette pression sont dans un état dépressif avancé susceptible de remettre en cause leur intégrité.

Copie inspection du travail.'

- un document intitulé 'réponses aux question des délégués du personnel FO du 26 juillet 2017, cahier des revendications FO', question 10 :

'Les salariés veulent savoir si toutes les mesures ont été prises afin que les personnes pratiquant le harcèlement en soient dissuadées et sanctionnées et veulent être sur que vous ne confondiez pas victimes et coupables '

Je ne dispose pas de témoignages ou de faits démontrant du harcèlement au sein de notre établissement. Une démarche de prévention des risques psychosociaux a été lancée et nous serons accompagnés par la psychologue de l'AISMT.'

La direction a toujours été informée de ces agissements

M. [M] produit les attestations de MM [N], [U], [E], la lettre du syndicat FO à la direction du 3 juillet 2017 et les questions des délégués du personnel FO à la direction du 26 juillet 2017.

La mise à pied disciplinaire

Il n'est pas contestable que M. [M] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire en suite des faits survenus le 16 mai 2017, sanction qu'il n'a en aucune manière contestée.

La dégradation des conditions de travail et de son état de santé

M. [M] produit des certificats médicaux de son médecin traitant (le docteur [I]) et un courrier du docteur [B], médecin du travail, en date du 2 août 2017, adressé au docteur [I] ainsi libellé :

' Cher Confrère,

Je vous adresse Mr [M] [S] afin que vous prolongiez son arrêt. Les conditions de travail sont loin d'être apaisées entre les salariés et il ne faudrait pas qu'elles empirent.

Une action de prévention des risques psychosociaux va être mise en place.

Merci pour ce que vous ferez pour lui.'

Le dossier de l'appelant comporte également un avis d'aptitude médicale du 2 novembre 2017, suite à une visite de reprise, dont les conclusions sont les suivantes :

' mot illisible d'avis d'aptitude (avis différé) salarié à revoir aps entretien avec directeur des ressources humaines'

M. [M] produit enfin un courrier de l'inspecteur du travail à l'employeur, du 9 novembre 2017, ainsi libellé :

'Monsieur le Directeur,

Mon attention a été attirée sur la situation de messieurs [S] [M] et [CH] [K] qui, sur la base des éléments qui m'ont été communiqués, paraît pour le moins préoccupante au regard de ses retentissements sur l'état de santé physique et mental des intéressés.

J'ai bien pris connaissance de vos échanges avec le syndicat FO dont il ressort en définitive que le courrier d'alerte qui vous a été adressé le 3 juillet dernier n'a eu d'autre suite que vos réponses de pure forme du 25 puis du 28 juillet.

S'il n'est pas discutable qu'en droit, la demande de réunion exceptionnelle du CHSCT présentée par le syndicat FO n'est pas recevable dès lors qu'elle ne répond aux formes exigées par l'article L 4614-10 du code du travail, il est notable de constater que sur le fond, et alors même que vous n'ignorez rien de l'existence d'un conflit relationnel exacerbé, aucune diligence ne paraît avoir été accomplie en vue de son règlement. En dernier lieu, les avis rendus par le médecin du travail dont vous avez nécessairement eu connaissance et le courrier que celui-ci a pris soin de vous adresser le 2 novembre dernier ne paraissent pas davantage avoir provoqué de réaction de votre part.

Ces éléments me conduisent à vous rappeler d'une part l'obligation de principe mise à votre charge au titre de préservation de la santé physique et mentale des salariés (article L 4121-1 du code du travail) et d'autre part que l'absence de réaction de votre part face à une situation connue caractérise le non respect de l'obligation sus rappelée (c.soc.7/2/2007).

J'attends donc que vous me fassiez connaître votre analyse de la situation ainsi que les dispositions déjà prises ou à venir pour permettre une reprise de l'exécution normale des contrats de travail de messieurs [K] et [M].

...'

Au vu de ces éléments, la cour relève que :

- un seul incident est démontré entre M. [M] et M. [G], s'agissant d'une altercation entre deux collègues de travail,

- aucun élément ne vient démontrer d'autres altercations entre ces deux salariés et/ou avec M. [O], les seules allégations de M. [M] sur ce point étant insuffisantes,

- aucun élément ne vient démontrer des actes répétés susceptibles de constituer un harcèlement moral et concernant M. [M],

- il existe un conflit personnel entre M. [M] et M. [G],

- M. [E] et M. [WW] attestent n'avoir jamais constaté d'actes ou de paroles répétés pouvant constituer un harcèlement. Ils font seulement état d'une incompatibilité entre M. [M], M. [G] et M. [O],

- la lettre du syndicat FO fait état de considérations générales sur des actes de harcèlement et d'une ambiance délétère au sein de l'entreprise, sans viser M. [M], ni MM [G] et [O]. Il en est de même pour le document 'réponses aux questions des délégués du personnel FO',

- les pièces médicales ne font que reprendre les doléances et les déclarations de M. [M], les médecins n'ayant pas constaté personnellement d'actes répétés de harcèlement.

Le médecin du travail n'a pas plus été témoin des faits allégués de harcèlement et il prend sa décision en tenant compte de l'état de santé physique et psychologique du salarié au vu de ses déclarations.

Il en résulte que les pièces produites ne constituent pas des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement faute pour le salarié de rapporter l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral n'étant pas constitué, M. [M] doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement ainsi que de sa demande en nullité du licenciement motivée par des faits de harcèlement moral.

Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

· Des actions d'information et de formation ;

· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »

Pour la mise en 'uvre des mesures ci-dessus prévues, l'employeur doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-23 du code du travail:

· [A] les risques

· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

· Combattre les risques à la source ;

· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;

· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.

Il résulte des attestations de MM [U] (directeur de l'usine Ferropem) et [WW] (RRH) que la direction était au courant des dissensions existant entre M. [M] et M. [G], et ce au moins depuis le 16 mais 2017, date de l'altercation entre ces deux personnes.

Par ailleurs, le 3 juillet 2017, le syndicat FO interpelle la direction sur la situation de harcèlement existant dans l'entreprise, précisant que cette problématique avait été abordée le 22 juin 2016 'et que rien n'a été fait depuis'.

La situation a été évoquée par l'inspection du travail dans le courrier du 9 novembre 2017 repris supra.

La première obligation de l'employeur en matière de risque professionnel n'est pas de faire cesser le risque qui s'est déjà manifesté mais d'agir afin de prévenir le risque, faire en sorte qu'il ne se réalise pas.

Il s'agit d'inciter l'employeur à développer une politique de prévention des risques qu'il ne peut ignorer, dans laquelle la santé et la sécurité ne sont plus envisagées seulement sous l'angle du respect des normes techniques, mais englobées dans une démarche pro-active de prévention et d'évaluation des risques.

L'employeur démontre avoir répondu au courrier du syndicat FO du 3 juillet 2017 en ces termes :

'...

Dans votre courrier vous ne faites mention que d'un fait précis, à savoir un acte de vandalisme sur le véhicule d'un salarié garé sur le parking de l'entreprise en date du 8 juin 2016. Ce fait avait été porté à notre connaissance et avait également fait l'objet d'une question en réunion de délégué du personnel.

Comme nous vous l'avons indiqué, nous avons immédiatement procédé à une enquête. En l'espèce, un salarié avait retrouvé son véhicule avec un pneu crevé. Mais les films des caméras de surveillance du parking n'ont pas montré de personne s'approchant de ce véhicule ce jour-là. Nous n'avons donc pas pu conclure à un acte de malveillance.

Votre courrier du 3 juillet 2017 ne fait pas état de faits nouveaux et ne nous permet donc pas de rouvrir une nouvelle enquête.

En conséquence, nous vous invitons, si vous avez connaissance de faits nouveaux, à vous communiquer ceux-ci ou à inviter les salariés s'estimant victimes de tels agissements à nous contacter pour nous communiquer ces faits.

Je me tiens à votre entière disposition pour échanger de vive voix sur ces sujets de la plus haute importance ...'

Le dossier CPAM accident du travail de M. [M] (pièce n°17 de l'employeur) montre que le conflit existant entre M. [G] et M. [M] reposait sur un fond de rivalité syndicale, CGT pour le premier, FO pour le second, chaque syndicat accusant les sympathisants de l'autre syndicat de se livrer à des actes de harcèlement, d'intimidations et de menaces, sans que l'un ou l'autre ne produise d'éléments accréditant la réalité de leurs allégations.

C'est dans ce contexte que le docteur [B], médecin du travail, va adresser un courriel à M. [U], le 3 août 2017, en ces termes :

'Monsieur le DIRECTEUR,

Médecin du travail de votre entreprise, il est de mon devoir de vous ALERTER sur des risques graves relevés lors de ma pratique médicale du travail Article L 4624-3 du code du travail : objet : pointer les situations de travail préoccupantes, voir dangereuses sur la santé des travailleurs.

Les entretiens que j'ai eu avec vos salariés en difficultés, ont mis en évidence des effets délétères sur la santé des travailleurs en raison de conflits inter personnels graves, c'est ce qui me conduit à faire cette démarche.

Dans un premier temps je vous propose de faire un diagnostic plus précis de cette situation, un audit interne pourrait permettre de mieux cerner l'origine de ces conflits qui entrainent une réelle souffrance de certains salariés, afin dans un deuxième temps de mettre en place des actions de prévention.

Des entretiens individuels des salariés demandeurs pourraient également être proposés.

Après cette phase de diagnostic, nous veillerons à mettre en place le traitement adapté à cette situation.

Je reste à votre disposition, avec ma collaboratrice Madame [C] [D], pour réagir au plus vite.

...'

Il résulte de la chronologie des événements que l'employeur, bien qu'au courant de la situation délétère dans l'entreprise, telle que décrite par le docteur [B] ci-dessus, n'a pris aucune mesure, se contentant de répondre aux demandes des syndicats par des courriers dans lesquels il indique qu'aucun acte précis n'étant porté à sa connaissance, il ne diligentera aucune enquête.

La seule mesure effective consistera en une médiation au mois d'octobre 2017, soit très postérieurement aux faits dénoncés.

L'employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité telle que prévue par les articles L 4121-1 et suivants du code du travail, le jugement entrepris devant être réformé sur ce point.

Cependant, il appartient à M. [M] de caractériser le préjudice qu'il a personnellement subi en lien avec les carences relevées à l'encontre de l'employeur par l'inspection du travail et par la cour.

La cour relève à ce titre que le salarié est défaillant dans l'administration de la preuve, celui-ci se contentant de solliciter des dommages et intérêts en raison de la seule inaction de l'employeur.

M. [M] sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.

Sur le licenciement

Sur la prescription de la faute

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance et l'employeur, qui a déjà sanctionné le salarié pour des faits fautifs, ne peut plus s'appuyer ensuite sur des faits antérieurs non sanctionnés.

Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés.

Lorsqu'une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l'ampleur des fautes commises par un salarié, c'est la date à laquelle les résultats de l'enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois

M. [M] soutient que les faits tenant au 'prétendu contrat' pour lesquels il a fait l'objet d'un licenciement sont prescrits, l'employeur en ayant eu connaissance dès le 16 mai 2017, et non le 6 novembre 2017 tel que revendiqué par ce dernier.

M. [G] a déposé plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 5] le 17 mai 2017 à l'encontre de M. [M] pour des faits de menace réitérée de crime contre les personnes commis le 16 mai 2017. Dans son audition, M. [G] indique avoir appris 'il y a un mois, par Mr [V], que ce dernier avait été contacté par deux ouvriers à la buvette des fours, afin de lui demander si il pouvait faire un contrat sur moi et Mr [O], ou s'il connaissait quelqu'un pour le faire. Ils lui auraient dit qu'ils avaient les moyens pour faire ça.'

L'employeur reconnaît dans ses écritures avoir 'entendu en juin 2017 le bruit de couloir selon lequel Monsieur [G] avait déposé plainte à l'encontre de Messieurs [K] et [M] pour avoir 'mis un contrat sur sa tête' mais ajoute qu' 'il ne pouvait engager des poursuites disciplinaires en tenant pour vrai la version des faits de Monsieur [G] en l'absence d'élément extérieur ou d'attestation venant démontrer la réalité des faits en présence.'

Il résulte des faits et des dossiers respectifs des parties que l'employeur, bien qu'ayant eu connaissance des faits tenant au 'prétendu contrat' sur la tête de M. [G] de la part de MM [M] et [K], a attendu d'être en possession de la plainte du premier pour engager la procédure disciplinaire à l'encontre des deux autres.

Les faits dont l'employeur a entendu parler par 'des bruits de couloir' sont d'une extrême gravité et justifiait, dès leur connaissance, l'organisation d'une enquête interne

afin, justement, de recueillir les éléments extérieurs et les attestations venant confirmer ou infirmer ces 'bruits de couloir', et ce, d'autant plus que lorsqu'une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l'ampleur des fautes commises par un salarié, c'est la date à laquelle les résultats de l'enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois.

L'employeur devait dès lors engager la procédure disciplinaire avant le 31 août 2017.

Le 8 novembre 2017, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, soit postérieurement au délai de deux mois pour ce faire.

L'échéance de la prescription sera, en l'état de l'ensemble de ces éléments, constatée et la rupture du contrat de travail de M. [M] doit ainsi produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il conviendra dans ces circonstances de confirmer le jugement déféré ayant déclaré le licenciement litigieux sans cause réelle et sérieuse pour les motifs qui précèdent substitués à ceux des premiers juges.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [M] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, outre les congés payés afférents.

Les premiers juges ont retenu à tort la moyenne des trois derniers mois de salaire, alors que M. [M] justifie que le salaire moyen calculé sur la rémunération perçue durant les 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail est plus avantageux.

Il convient par conséquent de condamner l'employeur à verser à M. [M] la somme de 5768,54 euros bruts, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 2884,27 euros bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 576,85 euros bruts à titre de congés payés afférents, le jugement entrepris étant réformé sur ce point.

Il y a également lieu de réformer le quantum de la somme allouée au salarié à titre d'indemnité de licenciement, calculée par les premiers juges sur la base d'un salaire de référence erroné, la somme devant revenir à M. [M] s'élevant à 3364,98 euros.

Il en sera enfin de même au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les premiers juges ont fixé à 5 mois de salaire en application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail (entre 3 et 5 mois de salaire pour une ancienneté de 4 ans).

En effet, la cour relève que M. [M] ne produit aucun élément sur sa situation professionnelle depuis la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il ne saurait obtenir le maximum prévu par le texte susvisé.

Ce faisant, compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la cour et notamment l'âge de M. [S] [M] lors de la notification de son licenciement (31 ans) et de son ancienneté de service (4 ans et 5 mois), et en l'absence de toute explication et pièces sur la situation actuelle de l'appelant, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 9.000 euros, le jugement étant réformé sur ce point.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, d'ordonner à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de la somme de 5139,64 euros, par confirmation de la décision critiquée.

Sur les demandes accessoires

L'équité exige d'allouer à M. [M] la somme de 1500 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens du jugement critiqué seront confirmées.

Les dépens d'appel seront mis à la charge l'intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :

- débouté M. [S] [M] de ses demandes au titre du harcèlement moral et en nullité du licenciement,

- condamné la SAS Ferropem à payer à M. [S] [M] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle emploi de la somme de 5139,64 euros au titre des indemnités de chômage payées au salarié,

- ordonné qu'une copie du jugement soit transmise à Pôle emploi en application des dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail,

- dit que les dépens sont à la charge du demander,

Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a déclaré le le licenciement de M. [S] [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse, par substitution de motifs,

Le réforme pour le surplus,

Et statuant à nouveau

Dit que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité,

Déboute M. [S] [M] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

Condamne la SAS Ferropem à verser à M. [S] [M] les sommes suivantes :

- 5768,54 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 576,85 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 3364,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 9000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Ferropem à verser à M. [S] [M] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Ferropem aux dépens d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Mme BERGERAS, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/03676
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.03676 ?
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