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27/09/2022 | FRANCE | N°21/036271

France | France, Cour d'appel de nîmes, 4r, 27 septembre 2022, 21/036271


ARRÊT No

R.G : No RG 21/03627 - No Portalis DBVH-V-B7F-IGNV
EM/DO

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
16 mai 2019

RG:17/449

[T]
[C]

C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [S] [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Me David BAPCERES de la SELARL DBKM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Madame [V] [C] épouse [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me David BAPCERES de l

a SELARL DBKM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU GARD
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Me Rémi PORTES, avoc...

ARRÊT No

R.G : No RG 21/03627 - No Portalis DBVH-V-B7F-IGNV
EM/DO

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
16 mai 2019

RG:17/449

[T]
[C]

C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [S] [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Me David BAPCERES de la SELARL DBKM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Madame [V] [C] épouse [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me David BAPCERES de la SELARL DBKM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU GARD
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Me Rémi PORTES, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 28 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2022 et prorogé ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 13 janvier 2015, en renseignant une déclaration de situation, Mme [V] [T] indique à la caisse d'allocations familiales du Gard être séparée de son époux depuis le 1er janvier 2015, avoir la charge des deux enfants communs, [I] et [S], et n'exercer aucune activité professionnelle depuis janvier 2007.

A compter du 1er janvier 2015, la caisse d'allocations familiales du Gard a ouvert à Mme [V] [T] un droit aux allocations familiales.

A la même date, Mme [V] [T] a déposé auprès de la caisse d'allocations familiales du Gard une demande d'aide au logement pour sa résidence située [Adresse 6].

Le 09 septembre 2015, le Président du conseil départemental a demandé à la caisse d'allocations familiales du Gard d'effectuer un contrôle au domicile de Mme [V] [T] au motif que ses charges locatives ne paraissaient pas en adéquation avec les ressources qu'elle a déclarées.

Une enquête a été diligentée par la caisse d'allocations familiales du Gard le 02 décembre 2015 à l'issue de laquelle un rapport a été établi le 26 janvier 2016 qui conclut à une suspicion de fraude après avoir retenu les éléments suivants: " contrat de location du logement de [Localité 4] au nom de Mme avec la caution de M. [T], la facture EDF libellée au nom de M et Mme [T] mais adressée à [Localité 5], facture d'eau libellée à l'adresse de [Localité 5], déclaration d'impôt 2015 sur les revenus 2014 complétée en couple et aucune séparation déclarée à l'administration fiscale ; l'adresse bancaire de Mme toujours à [Localité 5] alors que la séparation remonte à un an ; absence d'engagement de procédure de divorce ou de fixation de pension alimentaire ; nombreux mouvements d'argent entre M et Mme [T] mais également avec la société de M. [T] ; éléments de notoriété ; le logement de [Localité 4] a été déclaré à l'administration fiscale comme une résidence secondaire ; tous ces éléments démontrent que la séparation déclarée le 31/12/2014 n'a jamais été effective".

Le 21 mars 2016, la caisse d'allocations familiales du Gard a informé Mme [V] [T] qu'elle ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier des prestations familiales et qu'il en résultait un indu de prestations familiales d'un montant de 16 173,69 euros.

Par courrier du 26 juillet 2016, Mme [V] [T] a sollicité une remise de dette ainsi que la mise en place d'un échéancier ; la première demande a été rejetée le 23 novembre 2016 au motif que la dette a une origine frauduleuse.

Le 12 octobre 2016, la caisse d'allocations familiales du Gard a notifié à Mme [V] [T] et M. [S] [T] la décision de son directeur de prononcer une pénalité administrative de 2 000 euros, confirmée le 10 février 2017 après recours gracieux des époux [T], au motif que les prestations familiales ont été versées sur la base de fausses déclarations.

Le 26 juin 2017, les époux [T] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard d'une contestation de cette décision.

Suivant jugement du 16 mai 2019, le tribunal de grande instance de Nîmes, contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour statuer sur ce litige, a :

- débouté les époux [T] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales de l'Isère et de la Commission de recours amiable en matière d'indus et de pénalités,
- ordonné aux époux [T] le paiement des sommes suivantes : 2 743,59 euros au titre des indus, 400 euros et 2 000 euros au titre des pénalités afférentes avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision,
- condamné les époux [T] aux dépens de l'instance,
- lui a donné acte de la reconnaissance du montant de sa dette à l'égard de la Cpam du Gard,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 23 mars 2017,
- condamné les époux [T] à payer la somme de 1 426,62 euros au titre de la répétition de l'indu à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard ,
- condamné les époux [T] aux dépens.

Suivant courrier envoyé le 24 mai 2019, Mme [V] [T] et M. [S] [T] ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire enregistrée sous le numéro RG 19/02242 a été radiée suivant ordonnance du 18 décembre 2020 pour défaut de diligence des parties, réinscrite à la demande des appelants suivant courrier envoyé le 02 octobre 2021, enregistrée sous le nouveau RG 21/03627 et fixée à l'audience du 18 janvier 2022 puis reportée à celles du 05 avril et du 28 juin 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [V] [T] et M. [S] [T] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, RG 17/00449, rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes en date du 16 mai 2019,
- par l'effet dévolutif d'appel, annuler les décisions prises les 25 octobre 2016, 15 novembre 2016 et 06 avril 2017 par la caisse d'allocations familiales de l'Isère à l'encontre des époux [T] en matière de pénalité administrative,
- prononcer la décharge de l'obligation de payer 400 euros de pénalité,
- ordonner la restitution à leur profit des sommes récupérées au titre de la pénalité,
- annuler les décisions prises les 12 octobre 2016, 23 novembre 2016 et 10 février 2017 par la caisse d'allocations familiales du Gard en matière de pénalité,
- prononcer la décharge de l'obligation de payer 2 000 euros au titre de la pénalité,
- annuler les décisions initiale et confirmative prises par la caisse d'allocations familiales de l'Isère en matière d'indus d'allocation, de soutien familial et d'allocation logement (IN4001 et INY001),
- prononcer la restitution à leur profit des sommes récupérées au titre des indus,
- condamner la caisse d'allocations familiales de l'Isère et la caisse d'allocations familiales du Gard, chacune, en ce qui la concerne, au versement de 1 200 euros en application des articles 37 et 75 de la loi no91-647 du 10 juillet 1991,
- rejeter l'ensemble des demandes des caisses d'allocations familiales de l'Isère et du Gard,
- condamner les caisses d'allocations familiales aux entiers dépens de l'instance.

Ils font valoir que :

- les deux directeurs des caisses d'allocations familiales du Gard et de l'Isère ont prononcé des pénalités dans des courriers de notification de fraude ce qui est illégal, avant même d'avoir recueilli leurs observations et l'avis des commissions compétentes, et qu'il doit donc être conclu à leur décharge des pénalités, qu'en omettant de transmettre l'avis de la commission, que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, un tel manquement doit être sanctionné par la nullité ; les caisses n'ont pas non plus justifié de la nécessité et de la proportionnalité des pénalités, que cette sanction présentant un caractère personnel, elles n'étaient pas fondées à prendre une pénalité pour chacun d'entre eux, enfin, elles n'étaient pas fondées à sanctionner deux fois des mêmes faits,
- la caisse d'allocations familiales de l'Isère s'est abstenue de notifier les indus,
- les caisses n'ont pas démontré la régularité des enquêtes domiciliaires à défaut de justifier de la qualité et de l'agrément des agents contrôleurs qui doivent être porteurs d'une délégation régulière à fin de contrôle,
- les caisses n'étaient pas en droit de poursuivre les indus en raison de la prescription biennale attachée à l'action en répétition d'indus,
- les caisses poursuivent le recouvrement d'une somme dont elles ne prouvent pas le paiement ou à tout le moins l'intégralité du paiement de la somme qu'elles entendent répéter, et n'ont pas plus justifié des modalités de liquidation des indus, de sorte que la dette est incertaine dans son principe,
- les caisses ne produisent aucun élément de preuve de nature à établir le moindre grief alors même que la charge de la preuve leur incombe,
- les caisses se sont abstenues de leur communiquer devant le tribunal les pièces sur lesquelles elles se sont fondées, et ont ainsi manqué à l'obligation de contradiction, de sorte que le tribunal a confirmé à tort les indus et les pénalités.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la caisse d'allocations familiales du Gard demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses énonciations rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes, contentieux de la protection sociale le 16 mai 2019,
- dire et juger qu'elle a fait une juste application de la législation,
- dire et juger qu'elle a fait une juste appréciation de la situation des époux [T],
- dire que Mme [V] [T] sur la période litigieuse vivait maritalement avec son mari M. [S] [T] et l'a dissimulé à la caisse,
- constater et dire que le directeur de la caisse a légitimement appliqué une pénalité administrative à Mme [V] [T] pour un montant de 2 000 euros par décision définitive du 10 février 2017,
- confirmer l'ensemble des décisions contestées par les époux [T],
- condamner Mme [V] [T] au paiement de la somme de 2 000 euros représentant la pénalité administrative prise à son encontre par le directeur de la Caisse,
- statuant de nouveau,
- déclarer irrecevable le recours de première instance des époux [T] pour forclusion (RG 17/00506),
- condamner les époux [T] au paiement de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- au visa des articles L114-17 et R114-11 du code de la sécurité sociale, 515-8 du code civil, L262-9 du code de l'action sociale et des familles, la requête déposée par les époux [T] devant le tribunal en contestation de la décision relative à la pénalité administrative est intervenue hors délai de sorte qu'il y a lieu de prononcer son irrecevabilité, le tribunal ayant omis de se prononcer sur cette fin de non recevoir,
- suite à un contrôle, il est apparu que la situation de Mme [V] [T] n'était pas conforme à celle déclarée au jour de la demande, que contrairement à ce qu'elle avait indiqué, elle n'était pas séparée de son époux - communauté d'adresses, la résidence de [Localité 4] est déclarée comme résidence secondaire, Mme [V] [T] n'a jamais engagé de procédure de divorce, et n'a pas sollicité de pension alimentaire, les factures courantes sont libellées au nom des époux [T], notoriété concernant leur vie de couple...-,
- Mme [V] [T] n' a pas contesté les conclusions de l'enquêteur et ne produit aucun élément à l'appui de sa contestation ; le tribunal administratif qui s'est prononcé sur les indus relevant de sa compétence a conclu, dans deux jugements du 16 octobre 2018 et du 24 février 2021, au rejet de la requête de Mme [V] [T] puis de M. [S] [T] en retenant la vie maritale, qu'il n'est donc pas équivoque que le couple s'est organisé dans le seul but de tromper la caisse pour percevoir indûment des prestations,
- les époux [T] ont eu la possibilité d'apporter des observations lors de la première notification et d'être entendus lors de la deuxième notification, ce qu'ils n'ont pas fait, que le directeur est seul compétent pour clore la procédure à l'issue du recours gracieux et que c'est à lui que revient la décision de prononcer ou non la pénalité et d'en fixer le montant définitif, que la pénalité de 2 000 euros est bien inférieure à la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, que la procédure ne souffre d'aucune irrégularité, rappelant que les manoeuvres frauduleuses sont bien établies.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de forclusion soulevée par la Caisse d'allocations familiales:

En premier lieu, il convient de relever que le jugement de première instance qui fait l'objet du présent appel a été enregistré sous le numéro RG 17/00449 alors que la caisse vise au dispositif de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, un numéro différent RG 17/00506.

En second lieu, il y a lieu de constater que la caisse d'allocations familiales du Gard justifie avoir notifié le 10 février 2017 à Mme [V] [T] la décision prise par son directeur de maintenir le montant de la pénalité financière à 2000 euros, que le courrier qui mentionnait les voie et délai de recours - contestation dans les deux mois suivant la réception dudit courrier à adresser au tribunal des affaires de sécurité sociale -, a été réceptionné par l'appelante le 03 mars 2017.

Si Mme [V] [T] a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 07 mars 2017, la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant l'aide juridictionnelle totale lui a été accordée le 24 avril 2017 et qu'elle disposait donc jusqu'au samedi 24 juin 2017 pour déposer un recours contre la décision du directeur de la caisse d'allocations familiales.

Si la requête n'a été réceptionnée par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard que le 26 juin 2017, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit du premier jour ouvrable suivant le délai d'expiration de la contestation ouverte à Mme [T].

Il s'en déduit que contrairement à ce que prétend la caisse d'allocations familiales du Gard, l'action en contestation de Mme [V] [T] est recevable.

Sur la procédure de première instance :

Si les époux [T] contestent le respect du principe du contradictoire au cours de la première instance, force est de constater, d'une part, qu'ils n'en tirent aucune conséquence sur le plan procédural en s'abstenant de solliciter l'annulation du jugement entrepris, d'autre part, qu'ils ne contestent pas que ce principe a bien été respecté en appel, de sorte que l'argumentation développée sur ce point par les époux [T] est inopérante.

Sur la procédure de pénalité financière :

L'article L114-17 du code de la sécurité sociale dispose dans sa version applicable que :
I-Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :
1. 1o L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;
2o L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations ;
3o L'exercice d'un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l'article L. 114-15, par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d'activité ;
4o Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire ;
5o Les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l'article L114-10 du présent code et de l'article L724-7du code rural et de la pêche maritime, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l'accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant des organismes chargés de la gestion des prestations familiales et des prestations d'assurance vieillesse, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ou de l'enquête.
Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Tout fait ayant donné lieu à une sanction devenue définitive en application du présent article peut constituer le premier terme de récidive d'un nouveau manquement sanctionné par le présent article. Cette limite est doublée en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire. Le directeur de l'organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu'elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d'un mois. A l'issue de ce délai, le directeur de l'organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l'intéressé en lui indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir.
La personne concernée peut former, dans un délai fixé par voie réglementaire, un recours gracieux contre cette décision auprès du directeur. Ce dernier statue après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil d'administration de l'organisme. Cette commission apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés. Si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant. L'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé.
La mesure prononcée est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. La pénalité ne peut pas être prononcée s'il a été fait application, pour les mêmes faits, des articles L. 262-52 ou L. 262-53 du code de l'action sociale et des familles.
En l'absence de paiement dans le délai prévu par la notification de la pénalité, le directeur de l'organisme envoie une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. Le directeur de l'organisme, lorsque la mise en demeure est restée sans effet, peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux pénalités qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées sur la mise en demeure.
La pénalité peut être recouvrée par retenues sur les prestations à venir. Il est fait application, pour les retenues sur les prestations versées par les organismes débiteurs de prestations familiales, des articles L553-2, L835-3, L845-3 du présent code, de l'article L262-46 du code de l'action sociale et des familles et de l'article L351-11 du code de la construction et de l'habitation et, pour les retenues sur les prestations versées par les organismes d'assurance vieillesse, des articles L355-2 et L815-10 du présent code.
Les faits pouvant donner lieu au prononcé d'une pénalité se prescrivent selon les règles définies à l'article 2224 du code civil. L'action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de la pénalité par le directeur de l'organisme concerné.
Les modalités d'application du présent I sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
II.-Lorsque l'intention de frauder est établie, le montant de la pénalité ne peut être inférieur à un trentième du plafond mensuel de la sécurité sociale. En outre, la limite du montant de la pénalité prévue au I du présent article est portée à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.(...).

L'article R114-11 du même code, dans sa version applicable, prévoit que dans sa version applicable que lorsqu'il envisage de faire application de l'article L114-17, le directeur de l'organisme le notifie à l'intéressé en précisant les faits reprochés et le montant de la pénalité envisagée et en lui indiquant qu'il dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de la notification pour demander à être entendu, s'il le souhaite, ou pour présenter des observations écrites.
Si, après réception des observations écrites ou audition de la personne concernée dans les locaux de l'organisme ou en l'absence de réponse de cette personne à l'expiration du délai mentionné à l'alinéa précédent, le directeur décide de poursuivre la procédure, il fixe le montant de la pénalité et le notifie à la personne concernée. Celle-ci peut, dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette notification, former un recours gracieux contre la décision fixant le montant de la pénalité auprès du directeur. Dans ce cas, le directeur saisit la commission mentionnée au septième alinéa du I de l'article L. 114-17 et lui communique, le cas échéant, les observations écrites de la personne concernée ou le procès-verbal de son audition.
Après que le directeur de l'organisme ou son représentant a présenté ses observations, et après avoir entendu la personne en cause, si celle-ci le souhaite, la commission rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et sur le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée. La commission doit émettre son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Elle peut, si un complément d'information est nécessaire, demander au directeur un délai supplémentaire d'un mois. Si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu.
Le directeur dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu pour fixer le montant définitif de la pénalité et le notifier à la personne en cause ou pour l'aviser que la procédure est abandonnée. A défaut, la procédure est réputée abandonnée.
Lors des auditions mentionnées au présent article, la personne en cause peut se faire assister ou se faire représenter par la personne de son choix.
Les notifications prévues au présent article s'effectuent par tout moyen permettant de rapporter la preuve de leur date de réception. Copie en est envoyée le même jour par lettre simple.
La décision fixant le montant définitif de la pénalité précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Elle mentionne également, le cas échéant, les modalités de recouvrement de la pénalité par retenues sur les prestations ultérieures à verser à l'intéressé.
La mise en demeure prévue à l'article L. 114-17 est adressée par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Elle comporte les mêmes mentions que la notification de la pénalité en ce qui concerne la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et indique l'existence du délai de paiement d'un mois à compter de sa réception, assorti d'une majoration de 10 %, ainsi que les voies et délais de recours.
Les dispositions des articles R133-3 et R133-5 à R133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 114-17.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que :

- le 09 septembre 2016, la commission des fraudes de la caisse d'allocations familiales qui s'est réunie le 06 septembre 2016 a décidé de fixer une pénalité administrative de 2 000 euros,
- le 12 octobre 2016, le directeur de la caisse d'allocations familiales a informé les époux [T] que d'après les pièces de leur dossier, ils se sont rendus coupables de manoeuvres frauduleuses en déclarant une séparation fictive et qu'ils ont fait une fausse déclaration, et qu'il a décidé de prononcer à leur encontre une pénalité administrative de 2 000 euros, qu'ils disposent d'un délai d'un mois pour formuler leurs observations écrites ou orales,
- le 23 novembre 2016, la caisse d'allocations familiales a notifié aux époux [T] qu'en application de l'article L114-17 susvisé, le montant de la pénalité qui leur est appliqué est de 2 000 euros ; les modalités de paiement et la possibilité d'un recours gracieux auprès du directeur de la caisse sont précisés dans ce courrier réceptionné le 26 novembre 2016,
- suite à un recours gracieux réceptionné par la caisse le 26 décembre 2016,
- le 10 février 2017, le directeur de la caisse d'allocations familiales du Gard a informé Mme [V] [T] de sa décision de maintenir le montant de la pénalité à hauteur de 2 000 euros.

Force est de constater que la procédure relative à la pénalité financière a respecté les exigences posées aux articles susvisés, le directeur de la caisse d'allocations familiales du Gard ne s'est prononcé qu'après avis de la commission des fraudes, la notification du 23 novembre 2016 expose aux époux [T] les faits qui leur sont reprochés ainsi que le montant de la pénalité envisagée, Mme [V] [T] a pu exercer un recours gracieux prévu à l'article R114-11 susvisé et la décision définitive a été régulièrement notifiée.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [T], la caisse d'allocations familiales du Gard n'a pas à justifier du caractère nécessaire de la pénalité ainsi prononcée puisqu'il s'agit d'une sanction expressément prévue par les textes dès lors que la caisse rapporte la preuve de la matérialité des manoeuvres frauduleuses de la part des allocataires ; le juge doit cependant veiller à ce que cette sanction soit proportionnée aux faits ainsi reprochés, ce qui est le cas en l'espèce dans la mesure où le montant de la pénalité est bien inférieur à la limite de quatre fois le montant de la sécurité sociale.

Enfin, force est de constater que si la caisse d'allocations familiales du Gard sollicite la confirmation du jugement entrepris notamment en ce qu'il a ordonné aux époux [T] le paiement de la somme de 400 euros à titre de pénalité financière, la caisse ne produit aucun élément à l'appui de cette demande, notamment la décision prise par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Isère notifiée le 06 avril 2017, de sorte que cette demande n'est pas fondée.

Ainsi, le moyen soulevé par les époux [T] selon lequel la règle non bis idem n'aurait pas été respectée dans la mesure où les pénalités financières de 400 euros et 2000 euros reposeraient sur les mêmes indus n'est pas non plus fondé et sera rejeté.

Sur la prescription de l'action de la caisse soulevée par les époux [T]:

L'article L553-1 du code de la sécurité sociale dispose dans sa version applicable que
L'action de l'allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans.
Cette prescription est également applicable à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. La prescription est interrompue tant que l'organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans l'impossibilité de recouvrer l'indu concerné en raison de la mise en oeuvre d'une procédure de recouvrement d'indus relevant des articles L553-2, L821-5-1, L835-3 et L845-3 ou, L. 844-3 (1) du code de la sécurité sociale L262-46 du code de l'action sociale et des familles ou L351-11 du code de la construction et de l'habitation.
L'action de la caisse en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par cinq ans en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration, ce qui a été retenu en l'espèce, de sorte que l'action de la caisse d'allocations familiales du Gard n'est pas prescrite dans la mesure où les indus ont été notifiés le 21 mars 2016 et que l'action en justice de la caisse a été engagée dans l'instance judiciaire initiée par les époux [T] le 26 juin 2017.

Sur le fond :

Sur la régularité de la procédure de contrôle :

Par de justes motifs que la cour adopte, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que la procédure de contrôle effectué le 02 décembre 2015 par M. [E] [W], contrôleur assermenté et agréé par la caisse d'allocations familiales est régulière, la caisse ayant justifié de sa qualité pour réaliser les enquêtes, les époux [T] se contentant de reprendre en appel les mêmes arguments que ceux développés en première instance et auxquels il a été répondu, sans apporter d'arguments nouveaux à l'appui de leur contestation.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les manoeuvres frauduleuses :

C'est par de justes motifs adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que l'instruction du dossier démontre la présence d'un faisceau d'indices propres à rapporter la preuve de l'absence de séparation des époux [T] au cours de la période querellée, notamment l'absence de deux domiciliations, démontrant l'usage de manoeuvres frauduleuses destinées à leurrer l'organisme de prestation sociale, les époux [T] ne produisant en appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause cette motivation.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Enfin, après plus de six ans après la notification des indus dont s'agit et cinq ans de procédure judiciaire, les époux [T] soutiennent ce jour que la caisse d'allocations familiales du Gard ne justifie pas du paiement des allocations familiales qui font l'objet de l'action en répétition de l'indu, alors qu'à aucun moment, avant la procédure d'appel, les époux [T] ont contesté la réalité du paiement de ces prestations et que la caisse d'allocations familiales du Gard produit aux débats un tableau détaillé des prestations perçues et celles qui auraient dû être versées qui a été joint à la notification d'indus du 21 mars 2016 que les appelants ne contestent pas sérieusement. Il convient de relever par ailleurs que les appelants ont même reconnu devoir tout ou partie des sommes réclamées, Mme [V] [T] ayant envoyé un courriel à la caisse le 26 juillet 2016 pour demander une remise de dette partielle et la mise en place d'un échéancier pour le solde, de sorte que leur dette, contrairement à ce qu'ils prétendent, n'est pas incertaine.

Le moyen ainsi soulevé est donc inopérant et sera rejeté.

Sur les indus de 2 743,59 euros et 1426,62 euros et la pénalité de 400 euros notifiés par la caisse d'allocations familiales de l'Isère:

Force est de constater que la caisse d'allocations familiales du Gard ne produit aucune pièce se rapportant, d'une part, à l'indu que la caisse d'allocations familiales de l'Isère aurait notifié aux époux [T] à hauteur de 2 743,59 euros et qui correspondrait à une erreur d'imputation de cette caisse, d'autre part, à la procédure de pénalité de 400 euros mise en oeuvre par la caisse d'allocations familiales de l'Isère en octobre et novembre 2016, de sorte que la demande tendant à la confirmation du jugement entrepris - notamment en ce qu'il a confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales de l'Isère en matière d'indu et de pénalité financière - et à la condamnation des époux [T] à payer la somme de 400 euros à titre de pénalité financière, sera rejetée.

De même la Caisse d'allocations familiales du Gard n'apporte aucun élément justificatif de sa demande présentée au titre d'un indu à hauteur de 1426,62 euros de sorte qu'elle n'est pas fondée et sera rejetée.

Enfin, les premiers juges ont condamné les époux [T] à payer à la Caisse d'allocations familiales la somme de 1 426,62 euros alors qu'aucune demande de l'organisme social ne lui avait été soumise, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nîmes, contentieux de la protection sociale le 16 mai 2019 en ce qu'il a :

- ordonné aux époux [T] le paiement de la somme de 2 000 euros à titre de pénalité afférente à des indus avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision,
- débouté les époux [T] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné les époux [T] aux dépens de l'instance,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 23 mars 2017,
- condamné les époux [T] aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Condamne Mme [V] [T] et M. [S] [T] à payer à la Caisse d'allocations familiales du Gard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [V] [T] et M. [S] [T] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : 4r
Numéro d'arrêt : 21/036271
Date de la décision : 27/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Avignon, 30 octobre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2022-09-27;21.036271 ?
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