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27/09/2022 | FRANCE | N°18/03751

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 27 septembre 2022, 18/03751


ARRÊT N°



N° RG 18/03751 - N° Portalis DBVH-V-B7C-HEFH



YRD/ID



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

19 septembre 2018



RG :17/00002





SELARL MJ SYNERGIE

AGS - CGEA [Localité 7]

S.A.R.L. CODIFRANCE





C/



[L]





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale P

H



ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022







APPELANTES :



SELARL MJ SYNERGIE prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société CODIFRANCE

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Représentée par Me Geo...

ARRÊT N°

N° RG 18/03751 - N° Portalis DBVH-V-B7C-HEFH

YRD/ID

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

19 septembre 2018

RG :17/00002

SELARL MJ SYNERGIE

AGS - CGEA [Localité 7]

S.A.R.L. CODIFRANCE

C/

[L]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022

APPELANTES :

SELARL MJ SYNERGIE prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société CODIFRANCE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

AGS - CGEA [Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]

INTIMÉ :

Monsieur [W] [L]

né le 21 Septembre 1971 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/11108 du 19/12/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l'audience publique du 29 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Septembre 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [W] [L] a été engagé à compter du 8 avril 2015 en qualité d'agent de maintenance industriel, par contrat à durée indéterminée par la société Codifrance.

Depuis août 2015, M. [W] [L] a été en arrêt de travail.

Le 20 janvier 2017, M. [W] [L] était reconnu travailleur handicapé pour la période du 01 avril 2016 au 31 mars 2021.

Le 03 avril 2017, le médecin du travail déclarait M. [W] [L] inapte.

Le 13 avril 2017, la société Codifrance envoyait à M. [W] [L] une convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour inaptitude fixé au 27 avril 2017.

Par courrier du 06 mai 2017, la société Codifrance procédait au licenciement de M. [W] [L] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Saisi par M. [W] [L], le conseil de prud'hommes d'Annonay, par jugement contradictoire du 19 septembre 2018, a jugé comme suit :

- condamne la SARL Codifrance à payer à M. [W] [L] la somme de 3 000 € de dommages et intérêts pour son manquement à son obligation de sécurité de résultat.

- déboute M. [W] [L] de l'ensemble de ses demandes relatives aux heures supplémentaires,

- dit que l'avis d'inaptitude a été délivré régulièrement.

- dit que la cause du licenciement est bien réelle et sérieuse et déboute M. [W] [L] de sa demande.

- condamne la SARL Codifrance à payer à M. [W] [L] la somme de 5 755,05 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis en tant que salarié handicapé ainsi que celle de 575,51 € 21 titre de congés payés y afférent.

- condamne la SARL Codifrance à payer à M. [W] [L] la somme de 750 € titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- déboute la Codifrance de sa demande au titre de l`article 700 du code de procédure civile.

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision

- déboute les parties du surplus de leurs demandes.

- condamne la défenderesse aux dépens.

Par acte du 19 octobre 2018, la société Codifrance a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par jugement en date du 30 septembre 2020, la société Codifrance a été déclarée en liquidation judiciaire, la SELARL MJ SYNERGIE a été désignée ès qualités de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 décembre 2021, la SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [T] [P] ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société Codifrance demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay en ce qu'il a condamné la société Codifrance à la somme de 3000 euros au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

- Infirmer le jugement du 19 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Codifrance à payer à M. [W] [L] une indemnité de préavis en qualité de travailleur handicapé

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à verser la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- et en conséquence statuant à nouveau,

- Débouter M. [W] [L] de sa reconnaissance de reconnaissance de l'origine professionnelle son inaptitude

- Débouter M. [W] [L] de ces demandes au titre du préavis et de l'indemnité spéciale de licenciement

- Confirmer le jugement du 19 septembre 2018 en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de rappels d'heures supplémentaires et de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner M. [W] [L] à verser à la société Codifrance la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision du conseil de prud'hommes reconnaissant le manquement à l'obligation de sécurité de résultat n'est pas fondée :

- M. [L] ne rapporte pas la preuve de l'absence de document unique d'évaluation des risques ainsi que d'un préjudice qui aurait pu en découler pour lui.

- la société Codifrance effectue des travaux sur ses sites, par le biais d'entreprises spécialisées et le contrôle de l'eau devant être effectué par l'Agence Régionale de Santé Rhône Alpes.

- M. [L] a été salarié intérimaire pendant plusieurs mois avant de signer un CDI avec l'entreprise. Il a été inscrit à la médecine du travail dès 2015.

- le courriel envoyé par M. [G] [Z] est d'une forme qui est loin d'être probante et l'authenticité est discutable, mais la teneur du courriel n'apporte pas la preuve d'une violation des obligations de sécurité par l'employeur. La société Codifrance apporte toutes les factures d'achats d'habits, de chaussures, de casques, de gants, pour la protection des salariés durant la période visée.

- la société Codifrance a été condamnée à payer à M. [L] un préavis, tout en reconnaissant le caractère fondé du licenciement. Le lien entre le travail et les arrêts de M. [L] n'a jamais été établi. Ce dernier a bénéficié d'arrêts maladie « simples» et non d'arrêts accident du travail ou maladie professionnelle. Le salarié n'a d'ailleurs jamais sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de ses arrêts de travail.

- le salarié sollicite le paiement d'heures supplémentaires durant sa période d'intérim. Il devra adresser cette demande auprès de son ancien employeur, la société Adecco. Par exemple, M. [L] argue avoir travaillé, en décembre 2014, 60 heures supplémentaires, alors que l'entreprise était fermée du 22 décembre au 31 décembre 2014.

- M. [L] estime que son licenciement prononcé le 6 mai 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. [L] soulève le caractère abusif du licenciement en raison de prétendus manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ayant provoqué l'inaptitude. Or, il appartient à M. [L] de prouver le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Il ne rapporte pas la preuve que les manquements à l'obligation de sécurité auraient été de nature à entraîner l'inaptitude ( et la maladie professionnelle).

En l'état de ses dernières écritures en date du 17 décembre 2021, contenant appel incident, M. [W] [L] demande à la cour de :

- Recevoir l'appel de la SARL Codifrance

- Le dire mal fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

- Confirmer le jugement en ce qu'il reconnaît les manquements de l'employeur dans son obligation de sécurité de résultat et en ce qu'il condamne l'employeur au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis

- Réformer le jugement en ce qu'il débouté M. [L] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de sa demande de voir reconnaître son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- Dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- Dire et juger que le licenciement pour inaptitude s'analyse comme un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

- Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

- Condamner la SELARL MJ Synergie représentée par Me [T] [P], Mandataire liquidateur de la société Codifrance désigné suivant jugement rendu en date du 30 septembre 2020 1 à inscrire sur l'état des créances de la société Codifrance , la créance de M. [L] comme suit:

- Un rappel de salaire à hauteur de 8122.82€ bruts outre 812.23 euros de congés payés y afférents, et ce au titre des heures supplémentaires effectuées pour les mois de novembre 2014 à août 2015, sachant qu'il travaillait dans le cadre de travail temporaire, antérieurement à la date d'embauche, par contrat à durée indéterminée,

- 5000€ à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 10 000€ à titre de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

- La reconnaissance d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

- 5 755.05€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis (salarié handicapé)

- 575.51€ à titre de congés payés sur préavis

- 1 818.45 € ã titre de d'indemnité spéciale de licenciement

-15 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de sécurité de la part de l'employeur ayant entrainé l'inaptitude

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner l'employeur aux entiers dépens

Il a fait valoir que :

- le conseil de prud'hommes a reconnu les manquements de l'employeur dans son obligation de sécurité de résultat en raison du fait de l'absence de document unique établi au sein de la société et de l'absence de toute fourniture des équipements de protection individuelle, il pointe la disparition du document unique après son départ, le courriel de l'inspectrice du travail qui faisait état des violations à l'obligation de sécurité notamment au regard des conditions de travail, de l'absence de tout document unique, des problèmes d'installations et d'équipement, et des problèmes d'EPI.

- le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de paiement d'heures supplémentaires au motif que ce document n'était nullement rempli ou même contresigné par l'intéressé, que ce document n'est pas représentatif des heures réellement effectuées par ce dernier. Or le décompte produit par le salarié est suffisamment précis et il n'est contesté par aucun élément sérieux de l'employeur.

De surcroît, en application des dispositions légales, la charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l'employeur de justifier des horaires de travail effectués par l'intéressé.

- son inaptitude doit être considérée comme une inaptitude d'origine professionnelle et il aurait dû à ce titre bénéficier d'une procédure pour licenciement d'origine professionnelle, notamment au regard des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité étant rappelé que :

- la jurisprudence admet que le manquement de l'employeur à son obligation générale de prévention suffit à engager sa responsabilité.

- la jurisprudence précise que le non-respect de l' obligation de soumettre son salarié à une visite médicale d'embauche, dont la finalité préventive s'inscrit dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, cause nécessairement un préjudice au salarié, qu'il appartient au juge, saisi d'une demande, de réparer.

- la reconnaissance d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle : selon une jurisprudence constante, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail, ou d'une maladie professionnelle, s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

De surcroît, il a sollicité en mars 2017, soit avant sa déclaration d'inaptitude et son licenciement, la reconnaissance en maladie professionnelle auprès de la CPAM. L'employeur avait connaissance de cette démarche par la CPAM et ce, en application des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale.

Il peut prétendre à :

- l'indemnité compensatrice de préavis : il bénéficiait de plus d'un an d'ancienneté et a été reconnu travailleur handicapé. En application de l'article L. 5213-9 du code du travail, la durée du préavis de M. [L] est doublée.

- l'indemnité spéciale de licenciement : En application de l'article L 1226-14 du code du travail, il est fondé à solliciter une indemnité spéciale de licenciement soit le double de l'indemnité légale, car lors de son licenciement, il ne percevait aucune indemnité de licenciement.

- le caractère abusif du licenciement en raison des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ayant provoqué l'inaptitude : la jurisprudence affirme qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 7] appelée en la cause par acte du 10 janvier 2022, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance de clôture en date du 15 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure.

MOTIFS

Sur le licenciement

M. [L] rappelle qu'un licenciement pour inaptitude résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, ne peut être déclaré fondé. 

La cause de l'inaptitude est une « Rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite inscrite au tableau n°57» dont le caractère professionnel a été reconnu par décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard le 10 octobre 2017.

M. [L] relève que l'employeur n'a pas établi de document d'évaluation des risques au sein de l'entreprise.

Aux termes des articles R.4121- 2 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, l'employeur doit notamment transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3, cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement.

Ce manquement était susceptible d'être à l'origine de l'inaptitude déclarée.

Par ailleurs il n'est pas discuté que M. [L] n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche de sorte qu'il n'a pu être apprécié si son état de santé était compatible avec les fonctions qu'il devait exercer nonobstant la visite d'embauche réalisée lorsqu'il a été recruté comme intérimaire pour travailler au sein de la société Codifrance le 27 octobre 2014.

Enfin, si la société Codifrance justifie de l'achat d' équipements de protection individuelle, rien n'établit que ses salariés en aient effectivement disposé ce qu'a relevé l'inspectrice du travail dans un courriel de l'inspectrice du travail adressé au médecin du travail le 21 décembre 2015 dans lequel elle note que « les équipements de travail mis en service ou utilisés ne sont pas tous équipés, installés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs».

Il en résulte que l'inaptitude de M. [L] découle d'un manquement par l'employeur à son obligation de sécurité rendant ainsi le licenciement prononcé pour inaptitude dénué de cause réelle et sérieuse.

M. [L] est en droit de prétendre au paiement de la somme de 8.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse étant observé qu'il présentait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employant onze salariés au moins.

Par contre, dès lors que le préjudice découlant du non respect par l'employeur de son obligation de sécurité est constitué par le licenciement qui en est résulté et pour lequel M. [L] reçoit une indemnisation, ce dernier n'est pas recevable à solliciter une indemnisation spécifique pour chaque manquement relevé à l'encontre de l'employeur dont le défaut de visite médicale d'embauche.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Au visa des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, M. [L] soutient que faute pour l'employeur de lui avoir fait bénéficier d'une visite médicale d'embauche, de visites périodiques, de ne pas avoir mis à sa disposition des équipements de protection individuelle et d'avoir établi un document unique de prévention des risques, ce dernier a manqué à son obligation de sécurité.

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Les demandes de M. [L] dont le caractère professionnel de la maladie a été reconnu sont donc irrecevables en ce qu'elles sont présentées devant la juridiction prud'homale.

Sur le préavis et l'indemnité spéciale de licenciement

L'article L 1226-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige disposait que :

« Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. »

L'article L 1226-14 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoyait que :

«La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.»

Ces dispositions ne sont applicables qu'autant que l'on se trouve en présence d'un arrêt de travail ou d'une maladie professionnelle.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident et même si, au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

M. [L] soutient qu'en mars 2017, soit avant sa déclaration d'inaptitude et son licenciement,

il a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie auprès de la CPAM ce dont l'employeur était forcement au courant.

M. [L] ne justifie par aucun élément que son employeur aurait pu être informé avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. La seule reconnaissance par la Caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel de sa maladie le 10 octobre 2017 est insuffisante à rapporter cette preuve et la mention «date M.P. 28 mars 2017» figurant sur le document de notification de la reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie ne signifie nullement qu'une déclaration de maladie professionnelle a été régularisée à cette date et portée à la connaissance de l'employeur.

L'avis d'inaptitude précisait bien quant à lui «maladie ou accident non professionnel» et l'employeur n'était pas informé lors de la notification du licenciement du caractère professionnel de la maladie reconnu six mois plus tard.

Les demandes sont en voie de rejet.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

À défaut d'éléments probants fournis par l'employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié

Après analyses des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce M. [L] produit un décompte suffisamment précis des heures supplémentaires qu'il doit avoir effectuées permettant à l'employeur d'y répondre.

L'obligation de verser au travailleur temporaire mis à la disposition d'une entreprise des salaires conformes aux dispositions légales ou conventionnelles ou aux stipulations contractuelles qui lui sont applicables, pèse sur l' entreprise de travail temporaire laquelle demeure l'employeur, à charge pour elle, en cas de manquement à cette obligation, de se retourner contre l' entreprise utilisatrice dès lors qu'une faute a été commise par cette dernière.

Il appartient à M. [L] qui présente un décompte d'heures supplémentaires correspondant à l'époque où il travaillait en qualité d'intérimaire de présenter ses demandes à l'entreprise de travail temporaire.

Pour la période du mois d'avril 2015 au mois d'août 2015, M. [L] fournit un décompte laissant apparaître un solde en sa faveur de 3.705,83 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées.

Or l'employeur fournit en pièce n° 19 le relevé des heures réalisées par les salariés sur leurs propres déclarations duquel il résulte que M. [L] a été payé des heures supplémentaires effectivement réalisées.

M. [L] a été justement débouté de ses prétentions à ce titre.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les appelants à payer à M. [L] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il :

- déboute M. [W] [L] de l'ensemble de ses demandes relatives aux heures supplémentaires,

- dit que l'avis d'inaptitude a été délivré régulièrement.

- condamne la SARL Codifrance à payer à M. [W] [L] la somme de 750 € titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- déboute la Codifrance de sa demande au titre de l`article 700 du code de procédure civile.

- condamne la défenderesse aux dépens.

- Statuant à nouveau pour le surplus,

- Juge le licenciement de M. [L] dénué de cause réelle et sérieuse,

- Dit irrecevable en ce qu'elle est formulée devant une juridiction prud'homale la demande tendant à la réparation du préjudice découlant d'un manquement par l'employeur à son obligation de sécurité,

- Fixe la créance de M. [L] à la somme de 8.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- Dit que cette somme sera inscrite par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Codifrance,

- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

- Déboute M. [L] du surplus de ses demandes,

-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective,

- Condamne la SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [T] [P] ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société Codifrance à payer à M. [L] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 18/03751
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;18.03751 ?
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