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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00623

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 14 juin 2022, 20/00623


ARRÊT N°



R.G : N° RG 20/00623 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HU4D

EM/DO



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

22 janvier 2020





RG:18/00775





S.A.S. CLINIQUE LA CAMARGUE - MONT DUPLAN



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD









































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 14 JUIN 2

022









APPELANTE :



S.A.S. CLINIQUE LA CAMARGUE - MONT DUPLAN

53 Rue Etienne Velay

30230 BOUILLARGUES



représentée par Me Emmanuelle POURRAT, avocat au barreau de TOURS, représentée par Me Priscilla COQUELLE, avocat au barreau de NIMES





INTIMÉE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALAD...

ARRÊT N°

R.G : N° RG 20/00623 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HU4D

EM/DO

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

22 janvier 2020

RG:18/00775

S.A.S. CLINIQUE LA CAMARGUE - MONT DUPLAN

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.S. CLINIQUE LA CAMARGUE - MONT DUPLAN

53 Rue Etienne Velay

30230 BOUILLARGUES

représentée par Me Emmanuelle POURRAT, avocat au barreau de TOURS, représentée par Me Priscilla COQUELLE, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

14, rue du Cirque Romain

30921 NIMES CEDEX 9

représentée par M. [M] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 05 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Juin 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 14 mars 2017, M. [Y] [X], embauché par la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan a été victime d'un accident pour lequel il a établi une déclaration d'accident de travail le 11 mai 2017 qui mentionnait 'propos insultants et dégradants par le PDG du groupe VP Investissement' et l'employeur a établi une déclaration d'accident de travail le 12 mai 2017 qui mentionnait ' aucune connaissance d'un quelconque accident du travail'.

Le certificat médical initial établi le 21 mars 2017 par le docteur [T] [U] mentionnait 'décompensation anxio-dépressive en rapport avec des conditions de travail difficiles et particulièrement le 14 mars date à laquelle ont été tenus des propos insultants et dégradants à son égard par son supérieur hiérarchique.'

Le 08 août 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a notifié à la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan la décision de prise en charge de l'accident dont M. [Y] [X] a été victime au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 29 août 2017, la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard laquelle a rejeté le recours par décision du 12 juillet 2018.

La Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale d'un recours contre cette décision, lequel, suivant jugement du 22 janvier 2020 a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 juillet 2018,

- déclaré opposable à la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan la décision de prise en charge de l'accident survenu le 14 mars 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels,

- débouté la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan aux dépens.

Suivant courrier recommandé envoyé le 12 février 2020, la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 05 avril 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel,

- juger que les faits survenus le 14 mars 2017 ne sont pas constitutifs d'un accident de travail,

- déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de M. [Y] [X] au titre la législation sur les risques professionnels,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Gard aux entiers dépens.

Elle fait valoir, au visa de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, qu'elle n'a pas été informée de la clôture de l'information, que la seule information donnée au directeur a été celle d'une prolongation de délai pour statuer sur le caractère professionnel ou non de la maladie, qu'elle n'a pas pu discuter contradictoirement des déclarations de Mme [N] ou de M. [X] dans le cadre de l'enquête menée par la caisse primaire, qu'elle en déduit que la décision de prise en charge ne lui est pas opposable, ce d'autant plus que la décision dont s'agit ne comporte aucune motivation concrète.

Sur le fond, elle considère que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'employeur n'était pas en mesure de renverser la présomption d'imputabilité puisqu'il ne contestait pas la survenance des faits générateurs du 14 mars 2017, que M. [Y] [X] ne lui a jamais signalé pendant son temps de présence dans l'établissement avoir été victime d'un tel accident, que la commission de recours amiable n'a pas répondu à ses arguments, que le salarié est revenu travailler pendant une semaine sans faire état d'une quelconque lésion, que le directeur a donc émis les plus expresses réserves sur cet accident. Elle ajoute que ce n'est que le 31 mars que le médecin traitant a refait le certificat médical alors qu'aucune déclaration d'accident de travail n'avait été établie. Elle soutient que M. [Y] [X] n'a pas fait de malaise à la suite de l'entretien et ne démontre pas avoir subi un choc psychologique à cette occasion.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nîmes (sic) rendu le 22 janvier 2020,

- rejeter l'ensemble des demandes de la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan,

- déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime M. [Y] [X] le 14 mars 2017.

Elle fait valoir, au visa de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, qu'elle a informé l'employeur du recours au délai supplémentaire et de la clôture de l'information, que la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan a bénéficié d'un délai de 18 jours francs pour consulter les pièces du dossier de M. [Y] [X], de sorte qu'elle a bien satisfait à ses obligations légales.

Elle ajoute que la décision de prise en charge est régulière, et que les éléments de fait et de droit qui la fondent y sont contenus.

Sur le fond, elle prétend, au visa de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, que l'assuré décrit un fait accidentel précis survenu brutalement et soudainement au temps et au lieu de travail, que l'assuré et l'employeur confirment la tenue de l'entretien du 14 mars 2017 à 14h30 entre M. [Y] [X], Mme [N] et M. [C] dont la présence n'était pas prévue initialement, que Mme [N] confirme les propos de l'assuré, que le caractère inopiné est un élément à prendre en compte dans les faits, que les éléments de l'instruction établissent la matérialité du fait accidentel, qu'il existe un faisceau de présomptions graves et concordantes qui aboutit à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et que l'employeur ne remet pas en cause la présomption d'imputabilité.

Elle ajoute qu'il ne lui appartient pas d'apporter un quelconque jugement sur l'avis donné par le médecin conseil sur les lésions présentées et leur rattachement à l'accident de travail du 14 mars 2017, lequel s'impose à elle.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS :

Sur l'instruction menée par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard:

L'article R441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard justifie avoir adressé à la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan par lettre recommandée:

- la notification d'un délai complémentaire d'instruction datée du 09 juin 2017, réceptionnée par la société le 12 juin 2017 comme en atteste l'accusé de réception correspondant produit aux débats, (n°1E00349345855),

- la notification de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier datée du 18 juillet 2017 avant de prendre une décision le 08 août 2017, réceptionnée par la société le 20 juillet 2017 comme en atteste l'accusé de réception correspondant produit aux débats (n°1E00350429032).

Contrairement à ce que soutient la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard justifie ainsi l'avoir informée de la fin de l'instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier de M. [Y] [X] dans un délai de 18 jours, de sorte que la société a été en mesure de débattre de façon contradictoire des éléments se rapportant au dossier d'accident de travail de M. [Y] [X].

La caisse primaire d'assurance maladie du Gard justifie ainsi avoir respecté les obligations d'information mises à sa charge par les dispositions réglementaires susvisées.

Sur la régularité de la décision de prise en charge du 08 août 2017 :

La décision de prise en charge prise par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard le 08 août 2017 est ainsi motivée :

'je vous informe que les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre survenu à votre salarié en référence.

En effet, vous avez été informé du fait qu'une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ou enquête. Les éléments recueillis permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article L411-1 du CSS.'.

Il n'est pas contesté que la décision de prise en charge prise par la caisse primaire doit être motivée, et il s'avère, à la simple lecture de la décision litigieuse, que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a respecté cette obligation, aucune disposition n'imposant à la caisse une motivation 'particulière', étant précisé, par ailleurs, que la dite décision mentionne expressément la date de l'accident litigieux, le 14 mars 2017, les prénom et nom de l'assuré victime, M. [Y] [X], ainsi que les voie et délai de recours.

Si la décision n'est pas signée, il n'en demeure pas moins que le nom du correspondant y est mentionné in fine, Mme [B] [Z].

La Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan ne peut donc pas soutenir sérieusement qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du témoignage de Mme [N], alors qu'elle a eu la possibilité de consulter le dossier de M. [Y] [X].

Il s'en déduit que la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 08 août 2017 est régulière en la forme et motivée.

Sur le caractère professionnel de l'accident survenu le 14 mars 2017 :

Selon l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident de travail se définit comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

L'accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail.

Cette présomption ne tombe que si l'employeur établit que la cause de l'accident est totalement étrangère au travail.

L'article R441-2 du même code dispose dans sa version applicable que la déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L441-1doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures. Elle doit être envoyée, par lettre recommandée, si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident.

Si l'employeur ne satisfait pas à ses obligations de déclaration de l'accident à la caisse, la victime doit déclarer elle-même, pour sauvegarder ses droits, l'accident à la caisse primaire ; la loi accorde à la victime un délai de deux ans qui correspond au délai de prescription des accidents du travail ; une déclaration tardive, mais établie dans le délai de deux ans, ne peut être sanctionnée par la perte de la présomption d'imputabilité.

En l'espèce, les circonstances de l'accident dont se prévaut M. [Y] [X] peuvent être déterminées au vu de :

- déclaration d'accident de travail qu'il a lui-même établie le 11 mai 2017, réceptionnée par la caisse primaire le 12 mai 2017, qui mentionne un accident survenu le 14 mars 2017 à 14h30, à la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan, pendant ses horaires de travail fixés ce jour là de 09h à 12h30 puis de 13h00 à 17h00, dans les circonstances suivantes 'propos insultants et dégradants par le PDG du groupe VP Investissements', le siège et la nature des lésions 'psychique' et 'décompensation anxio-dépressive' ; elle indique que l'accident a été constaté le 14 mars 2017 à 14h30, mentionne un témoin, Mme [A] [N] et précise qu'il a été causé par un tiers, M. [J] [C],

- le questionnaire assuré renseigné par M. [Y] [X] qui mentionne 'au cours d'un entretien avec Mme [N] directrice, et M. [C] PDG de VP Investissement...a tenu des propos insultants et dégradants à mon égard',

- un procès-verbal d'audition de M. [Y] [X] par l'agent de la caisse primaire selon lequel '...à la suite d'une tentative de suicide la semaine précédente, il était convenu que j'évoque la situation avec Mme [N]...le 14/03/2017 à 14h30, je me trouvais dans son bureau, en présence de M. [C] ce qui n'était pas prévu à l'origine. Au bout de quelques minutes de présentation de ma part, M. [C] m'a interrompu en disant que...ce n'était pas la peine d'aller plus loin. La réunion s'est poursuivie au sujet d'un atelier que j'animais à la médiathèque depuis 6 ans...J'avais été informé la semaine précédente que je n'avais plus le droit d'utiliser le fourgon de la clinique...Je lui ai expliqué que ces sorties étaient thérapeutiques...Il m'a répondu en sous entendant que je faisais mes courses pendant ce temps, et que je me servais par la même du fourgon de la clinique. Je lui ai répondu que s'il 'pensait que je faisais mes courses...ça n'allait pas le faire'. Il a monté le ton de sa voix, en me regardant fixement. Je me suis alors tu. Vers 15h00 la réunion s'est terminée. En quittant le bureau choqué, j'ai croisé Mme [F] [H]...Si j'ai invoqué a posteriori un accident de travail c'est que je considère avoir été humilié le 14/03/2017 par M. [C], qui certes sans prononcer de mots vulgaires ou grossiers, m'a dénigré devant ma directrice...en sous entendant que je faisais autre chose que mon travail pendant un atelier dont j'avais la responsabilité, alors que je faisais ce métier depuis 25 ans, sans que l'on ait à se plaindre de mes services',

- une attestation établie par Mme [O] [N], qui certifie que ' le 14 mars 2017 à 14h30 M. [Y] [X] responsable de la clinique de jour...s'est rendu dans mon bureau en présence de M. [J] [C] PDG...l'objet du rendez-vous était initialement de travailler sur l'élaboration d'un protocole de la prise en charge des risques suicidaires. M. [J] [C] a souhaité mettre fin à ce travail et a évoqué les ateliers thérapeutiques de la clinique de jour. M. [J] [C] s'est adressé à M. [Y] [X] pour l'informer de sa décision d'arrêter certains ateliers...Par des propos insultants et dégradants, il a remis en question le professionnalisme de M. [Y] [X] et le bien fondé de ses ateliers en le regardant froidement et fixement dans les yeux (avec insistance). M. [Y] [X] semblait abattu, son visage est devenu tout blanc et ses mains tremblaient. Il a quitté mon bureau à la demande de M. [J] [C] les larmes aux yeux et en état de choc',

- un procès-verbal d'audition de M. [J] [C] établi par l'agent de la caisse primaire : 'il était venu sur le site de la Clinique le 14/03/2017 pour signifier à Mme [A] [N]...la fin de sa deuxième période d'essai, dont la fin de son contrat, qu'après cette annonce, il a entendu de son bureau M. [Y] [X] discuter avec Mme [N] dans le bureau...ceux-ci n'étaient pas en train de discuter de l'activité de l'établissement mais du départ de Mme [N], qu'il a informé M. [Y] [X] du départ de Mme [N]...a rappelé à M. [Y] [X] une règle instaurée depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, à savoir qu'il ne souhaitait pas d'activité des patients de la clinique à l'extérieur, et que l'atelier cinéma devait se faire dans l'établissement...il a parlé avec un ton de voix neutre, sans propos dénigrants ou humiliants, et sans même évoquer ou sous entendre que M. [Y] [X] ait profité de ces déplacements avec le fourgon...pour faire ses courses, que la discussion a été brève...sans éclat de voix, que Mmes [N] et [H]...se sont fait prescrire le jour même par le même médecin que celui de M. [Y] [X] un arrêt de travail de un mois. Après vérification, cette information est exacte pour toutes les deux...',

- un courriel de Mme [A] [N] dans lequel elle relate cet entretien '...M. [C] était debout face à M. [X]...(le) regardait fixement et froidement. Il s'est adressé à M. [X] en haussant la voix de manière sèche et autoritaire pour lui dire qu'il n'avait pas à travailler sur les protocoles...que les ateliers thérapeutiques qu'il réalisait avec les patients ne servaient à rien. Il a cité à titre d'exemple l'atelier dit de la 'médiathèque' pour dire que ce 'n'était pas un atelier thérapeutique que les patients en profitaient pour aller faire leurs courses ou boire le café en ville'...'il ne voulait plus que le fourgon de l'établissement soit utilisé pour véhiculer les patients pour des ateliers réalisés à l'extérieur du site'. M. [X] a été choqué de cette entrevue car il n'avait pas pour habitude de rencontrer M. [C] ni d'évoquer avec lui le fonctionnement et l'organisation des soins proposés à la clinique de jour...A la fin de son monologue, M. [C] a ordonné à M. [X] de quitter le bureau sans lui laisser la possibilité de s'exprimer sans lui laisser d'espace de dialogue..Il s'agit selon moi d'un excès d'autoritarisme, insulant et dégradant de la part de M. [C] vis à vis de M. [X]...(qui) est une personne consciencieuse, organisée et investie...

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le 14 mars 2017 à 14h30 a eu lieu un entretien entre M. [Y] [X] et M. [C], Pdg de la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan, en présence de Mme [N] au cours duquel a été évoquée l'organisation d'ateliers thérapeutiques organisés par le premier dans le cadre de l'hospitalisation de jour, à l'extérieur de l'établissement, que l'entretien a duré peu de temps, environ une demie heure et a été interrompu brusquement après que M. [C] ait demandé à M. [Y] [X] de quitter le bureau.

Si M. [C] conteste le fait de ne pas avoir tenu de propos humiliants et dégradants à l'égard de M. [Y] [X], les déclarations de Mme [N] corroborent celles de l'assuré selon lesquelles, d'une part, la présence de M. [C] était inopinée et que l'objet de la réunion ne devait pas porter initialement sur les ateliers thérapeutiques, d'autre part, le Pdg a adopté une attitude autoritaire à son égard en le regardant fixement, en haussant le ton et en lui demandant de quitter le bureau sans lui laisser l'opportunité de lui donner la parole pour répliquer à ses critiques, enfin, M. [C] a laissé entendre que les ateliers qu'il animait n'avaient pas d'utilité et que le fourgon de la clinique permettait finalement les déplacements des patients pour leur permettre de faire des courses, suggérant ainsi un détournement de la finalité de ces ateliers.

Les déclarations de Mme [N] confortent par ailleurs celles de M. [Y] [X] concernant le 'choc' émotionnel ressenti, lorsqu'elle indique qu'après l'entretien, celui-ci paraissait 'abattu', avait les 'larmes aux yeux', avait le 'visage blanc' et que ses 'mains tremblaient'.

Les versions données par M. [Y] [X] et Mme [N] ne sont pas significativement contradictoires, le fait que M. [C] ait évoqué l'utilisation du fourgon de la clinique pour effectuer des courses des patients, selon les propos tenus par Mme [N], ne peut être interprété que comme un détournement de l'objet même de l'atelier thérapeutique et constitue donc une remise en cause personnelle de celui qui l'organise et l'anime et ce , en présence de son supérieur hiérarchique.

Si M. [Y] [X] reconnaît avoir été informé de la décision prise par la direction de ne plus pouvoir utiliser les fourgons de la clinique pour transporter les patients dans le cadre des ateliers qu'il animait, quelques jours auparavant, aucun élément n'établit cepoendant qu'il ait été informé des raisons qui motivaient une telle décision, de sorte que les explications apportées par M. [C] le 14 mars 2017 étaient de nature à constituer un 'effet de surprise' pour M. [Y] [X].

La déclaration d'accident de travail renseignée par M. [Y] [X] l'a été dans le délai de deux ans suivant l'accident dont s'agit, de sorte que l'action qu'il a engagée n'est pas prescrite et de sorte que le moyen soulevé par la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan selon lequel la déclaration d'accident de travail de M. [Y] [X] n'a pas été établie le jour même est inopérant sur l'issue de la présente instance.

Les constatations médicales des lésions apparues en lien avec cet entretien ont été faites dans un certificat médical initial établi par le docteur [T] [U] daté du 21 mars 2017, soit dans un temps proche de l'accident susvisé.

Si ce médecin, dont il n'est pas discuté qu'il était le médecin traitant de M. [Y] [X], a utilisé le mode affirmatif en évoquant des propos insultants et dégradants du directeur général alors qu'il aurait dû utiliser le mode conditionnel, il n'en demeure pas moins que la constatation médicale mentionnée sur le certificat médical initial 'décompensation anxio dépressive' n'est pas sérieusement remise en cause par les éléments produits par la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan.

En effet, si la chambre disciplinaire de première instance du Languedoc Roussillon de l'Ordre des médecins a conclu à l'établissement de certificats médicaux de complaisance de ce médecin s'agissant de Mme [N] et de Mme [H], elle a cependant indiqué, concernant M. [Y] [X] :

- 'il n'est pas contesté que l'état de santé constaté le 21 mars a pu trouver sa cause dans un événement antérieur dont l'évolution silencieuse n'a révélé qu'ultérieurement sa responsabilité dans la pathologie du salarié','que les corrections apportées par le docteur [U] aux certificats en cause ( certificats du 21 mars 2017 et de prolongation du 31 mars 2017) tant pour répondre à une demande de la caisse primaire d'assurance maladie que pour se conformer à la réalité chronologique ne sont pas davantage de nature à établir que ces documents constituent des certificats de complaisance au sens de l'article R4127-28 du code de la santé publique'.

De l'analyse ainsi retenue par la chambre disciplinaire concernant les manifestations médicales survenues postérieurement à l'accident dont s'agit, il s'en déduit que l'argument de la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan selon lequel le fait que M. [Y] [X] ait poursuivi son activité après le 14 mars 2017 est de nature à remettre en cause les constatations médicales n'est pas pertinent, la lésion si elle est apparue brutalement, elle a pu s'exprimer ultérieurement et non pas le jour même de l'accident litigieux.

Enfin, la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan ne rapporte pas la preuve que la lésion constatée par le docteur [T] [U] trouve son origine dans une cause étrangère au travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il existe un faisceau d'indices graves et concordants en faveur d'un accident de travail dont M. [Y] [X] a été victime le 14 mars 2017, sur son lieu de travail et au temps de travail, à l'origine d'une lésion psychologique apparue de façon soudaine, constatée médicalement dans un temps proche de l'accident.

A défaut pour la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan de renverser la présomption d'imputabilité au travail dont bénéficie cet accident, l'accident survenu le 14 mars 2017 dont M. [Y] [X] a été victime est considéré comme un accident de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale,

Déboute la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan de l'intégralité de ses prétentions,

Condamne la Sas Clinique La Camargue-Mont Duplan aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/00623
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00623 ?
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