ARRÊT N°
N° RG 19/02348 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMIC
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY
07 mai 2019
RG :F18/00028
S.A.S. CANSON
C/
[Y]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 JUIN 2022
APPELANTE :
SAS CANSON
67 Rue Louis et Laurent Seguin
07100 ANNONAY
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sandrine PREAUX de la SELAS S.P.R., avocat au barreau de REIMS
INTIMÉ :
Monsieur [G] [Y]
56 route des Fonds Artruc
07340 PEAUGRES
Représenté par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON
Représenté par Me Margaux EXPERT, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 07 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Juin 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [G] [Y] a été embauché par la société PAPETERIES CANSON & MONTGOLFIER (devenue par la suite CANSON), le 13 juillet 1988 en qualité d'ouvrier au sein de l'atelier transformation.
À compter du 1er avril 1999, il devenait préparateur de commandes.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [Y] travaillait 70 heures mensuelles en raison d'un temps partiel thérapeutique.
Le salarié a fait l'objet de nombreux arrêts de travail pendant la relation contractuelle.
Après une première visite de reprise le 21 octobre 2016 (« Nature de l'examen : REPRISE APRES MALADIE Inapte temporaire à revoir à 15 jours pour étude de poste et avis spécialisé demandé en vue d'une inaptitude définitive » « A revoir dans 18 jours » Reprise 2ème visite article R4624.31. »),M. [Y] est déclaré inapte le 8 novembre 2016 en ces termes : « Visite de reprise maladie ou accident non professionnel Inapte définitif à son poste de travail pas de reclassement possible dans l'entreprise selon la loi Rebsamen du 17/08/2015 je confirme que ce salarié ne peut rester dans l'entreprise sous peine de risque pour sa santé ».
Le licenciement de M. [Y] pour impossibilité de reclassement suite au constat d'inaptitude d'origine non professionnelle intervient par courrier du 21 juin 2017.
Contestant l'origine non professionnelle de son inaptitude et consécutivement son licenciement et invoquant un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay, lequel par jugement contradictoire du 7 mai 2019 a :
Dit que l'inaptitude professionnelle de M. [Y] est au moins partiellement la conséquence de sa maladie professionnelle et de son accident du travail ;
Dit que la SAS Canson avait connaissance de l'origine professionnelle de cette inaptitude ;
Dit que la SAS Canson ne s'est pas conformée aux articles L 1226'14 et suivants du code du travail concernant le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ;
Condamne la SAS Canson à verser M. [Y] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 6.428,55 euros ;
Condamne la SAS Canson à verser à M. [Y] un complément d'indemnité de licenciement pour maladie professionnelle d'un montant de 14.707,69 euros ;
Dit que la SAS Canson a bien respecté son obligation de sécurité vis-a-vis de M. [Y] ;
Débouté M. [Y] de sa demande;
Dit que le licenciement de M. [Y] est bien intervenu pour cause réelle et sérieuse ;
Débouté M. [Y] de sa demande ;
Débouté M. [Y] de sa demande d'indemnités de 38.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
Débouté la SAS Canson de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SAS Canson à verser à M. [Y] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SAS Canson aux entiers dépens.
Par acte du 12 juin 2019, la SAS Canson a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives en date du 24 décembre 2010, elle demande à la cour de :
Statuant sur l'appel formé par la SAS Canson, à l'encontre de la décision rendue le 7 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Annonay,
Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
Dit que l'inaptitude professionnelle de M. [Y] est au moins partiellement la conséquence de sa maladie professionnelle et de son accident du travail ;
Dit que la SAS Canson avait connaissance de l'origine professionnelle de cette inaptitude ;
Dit que la SAS Canson ne s'est pas conformée aux articles L.1226-14 et suivants du code du travail concernant le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ;
Condamné la SAS Canson à verser à M. [Y] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 6.428,55 euros ;
Condamné la SAS Canson à verser à M. [Y] un complément d'indemnité de licenciement pour maladie professionnelle d'un montant de 14.707,69 euros;
Débouté la SAS Canson de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SAS Canson à verser à M. [Y] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SAS Canson aux entiers dépens.
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
-Dit que la SAS Canson a bien respecté son obligation de sécurité vis-à-vis de M. [Y],
- Débouté M. [Y] de sa demande,
- Dit que le licenciement de M. [Y] est bien intervenu pour une cause réelle et sérieuse,
-Débouté M. [Y] de sa demande,
-Débouté M. [Y] de sa demande d'indemnités de 38.500 euros à titre de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau,
Dire et juger que l'inaptitude de M. [Y] a une origine non professionnelle.
Dire et juger que M. [Y] a été en conséquence rempli de ses droits dans le cadre de son solde de tout compte établi après son licenciement pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude non professionnelle.
Dans tous les cas, limiter le montant de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis à 2.338,44 euros.
En tout état de cause,
Dire et juger que la SAS Canson a respecté son obligation de sécurité.
Dire et juger que le licenciement de M. [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse.
Débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident.
Condamner M. [Y] à payer à la SAS Canson la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et 3.000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître Emmanuelle Vajou conformément aux dispositions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Canson soutient essentiellement que :
- Sur l'origine non professionnelle de l'inaptitude
- le médecin du travail est le seul à pouvoir préconiser des aménagements de poste. Le médecin du travail a établi en ce sens une fiche médicale le 17 janvier 2013 indiquant que M. [Y] est « apte à la conduite du chariot trilatéral et du chariot type 1 ». Une telle fiche a été établie car le médecin du travail a une parfaite connaissance des conditions de travail et des outils de l'entreprise pour pouvoir donner cet avis médical. Dès lors, elle en a tenu compte et a immédiatement adapté le poste en conséquence,
- Le médecin du travail est aussi le seul à pouvoir établir ou non un lien entre l'inaptitude qu'il déclare et les conditions de travail,
- En l'espèce, le médecin du travail a considéré que l'inaptitude n'avait pas d'origine professionnelle, ce que M. [Y] n'a d'ailleurs pas contesté,
- Le constat d'inaptitude est intervenu après des arrêts de travail maladie de plusieurs mois voire années,
- À défaut d'avoir contesté ces avis, ceux-ci lui restent opposables et caractérisent la position du médecin du travail qui, seule, vaut en la matière,
- l'état de santé du salarié, sans lien avec cet accident du travail ou ses conditions de travail, a lui perduré et donné lieu au constat d'inaptitude en 2016,
- La lettre de licenciement fait d'ailleurs référence à une inaptitude d'origine non professionnelle, sur laquelle M. [Y] n'a rien trouvé à redire,
- L'origine non professionnelle étant avérée, l'indemnité de licenciement a été calculée conformément aux textes applicables, y compris en allongeant l'ancienneté de 3 mois compte tenu de la qualité de travailleur handicapé et des dispositions de l'article L 1226-4 du code du travail. Aucun complément n'est dû,
- L'origine non professionnelle étant avérée, aucune indemnité équivalente à l'indemnité de préavis n'est due, le contrat de travail prenant fin le jour de l'envoi de la lettre de licenciement,
- Sur le respect des préconisations du médecin du travail et de
l'obligation de sécurité
- Les attestations produites par M. [Y] sont toutes les trois parfaitement identiques et émanent de salariés qui travaillent dans un autre service/atelier ou une autre équipe que l'intimé. Ils ne peuvent donc attester de faits auxquels ils n'ont pas personnellement assisté,
- M. [Y] a été déclaré apte sans réserve ou restriction en 2010. Son poste de travail a été aménagé en 2013, conformément aux préconisations du médecin du travail et avec le médecin du travail,
- Il appartient à M. [Y] de démontrer que l'inaptitude a pour origine une méconnaissance de l'obligation de sécurité.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, en date du 27 novembre 2020, M. [Y] demande à la cour de :
Vu les articles L. 1226-14 et suivants, L. 5213-9, L. 4121-1, L. 4121-2 du code du travail ;
Vu la Directive CE 89/391 du 12 juin 1989 ;
Sur l'appel principal de la société Canson
Juger recevable mais mal fondé et injustifié l'appel principal de la société Canson ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que l'inaptitude de M. [Y] est au moins partiellement la conséquence de sa maladie professionnelle et de son accident du travail ;
- Dit que la société Canson avait connaissance de l'origine professionnelle de cette inaptitude ;
- Dit que la société Canson ne s'était pas conformée aux articles L. 1226-14 et suivants du code du travail concernant le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- Condamné la société Canson à verser à M. [Y] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 6.428,55 euros ;
- Condamné la société Canson à verser à M. [Y] un complément d'indemnité de licenciement pour maladie professionnelle d'un montant de 14.707,69 euros ;
Sur l'appel incident de M. [Y]
Juger recevable, justifié et bien fondé l'appel incident formé par M. [Y] ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Canson a respecté son obligation de sécurité et dit que le licenciement de M. [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
Juger que la société Canson a manqué à son obligation de sécurité de résultat
Juger que l'inaptitude de M. [Y] résulte du comportement fautif de l'employeur ;
Par conséquent,
Juger que le licenciement de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
Condamner la société Canson à lui verser la somme de 38.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
Dire que l'ensemble des demandes portera intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice ;
Débouter la société Canson de toutes les demandes, fins et conclusions contraires ;
Condamner la société Canson à verser à M. [Y] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Codamner la même aux entiers dépens.
M. [Y] fait essentiellement valoir que :
- Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude
- La détermination de l'origine professionnelle de l'inaptitude relève de l'appréciation souveraine des juges du fond,
- La maladie professionnelle ou l'accident du travail n'a pas à être la cause exclusive de l'inaptitude pour donner lieu à l'application du régime protecteur,
- Le juge prud'homal n'est pas tenu par l'avis de la CPAM, ni par l'avis du médecin du travail, ni même par une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale,
- L'inaptitude d'origine multiple n'est pas de nature à faire obstacle à l'application du statut protecteur,
- L'inaptitude constatée ne doit pas nécessairement avoir pour cause exclusive l'accident du travail ou la maladie professionnelle,
- L'inaptitude doit au moins avoir partiellement pour origine l'accident du travail ou la maladie professionnelle,
- L'employeur doit avoir connaissance de cette origine professionnelle à la date du licenciement,
- Son inaptitude a au moins partiellement pour origine la maladie professionnelle dont il souffre et qui a été reconnue comme telle par la CPAM et l'accident du travail du 29 septembre 2014, reconnu comme tel par la CPAM et à la suite duquel il n'a jamais repris son activité,
- Les douleurs, la sensation de doigts recroquevillés, ainsi que le phénomène
de boiterie sont bien en lien avec sa maladie professionnelle dans la mesure où ils ont un lien évident avec ses problèmes de dos,
- Le lien entre les avis d'inaptitude des 21 octobre et 8 novembre 2016, qui mettent en évidence des symptômes liés à des douleurs dorsales (caractéristiques tant de l'accident du travail que de la maladie professionnelle) est incontestable,
- L'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude à la date du licenciement, ce qui est démontré tant par la chronologie des faits que par l'attitude de l'employeur,
- Il n'a jamais repris le travail postérieurement à son accident du travail du 29 septembre 2014. De sorte que, quand bien même il aurait été placé par erreur en arrêt de travail de « droit commun », le constat de son inaptitude est bien consécutif à son accident du travail,
- La CPAM ayant informé l'employeur de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, la société Canson ne peut nier avoir eu connaissance de l'origine professionnelle de l'accident,
- La société Canson avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude, notamment (et non pas exclusivement) au regard du courrier de la CPAM du 7 avril 2010 relatif à la prise en charge de sa maladie professionnelle,
- Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
- La charge de la preuve du respect de l'obligation de sécurité de résultat pèse sur l'employeur dès lors qu'un salarié en invoque la méconnaissance,
- L'employeur ne peut se prévaloir de l'inaptitude du salarié pour motiver son licenciement, alors que cette dernière résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits qui lui sont imputables,
- Tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité rend celui-ci
redevable d'une réparation,
- En dépit de la prise en charge de la pathologie dont il est atteint, et qui n'est toujours pas guérie à l'heure actuelle, il a toujours été maintenu à son poste de travail,
- Ses conditions de travail sont pourtant demeurées identiques, en ce qu'aucune adaptation de l'emploi n'a été recherchée par l'employeur,
- Ce n'est que près de 3 ans plus tard, lorsqu'il s'est vu placé en invalidité 1 le 7 janvier 2013, que son temps de travail a été diminué,
- La société Canson ne verse aucune pièce de nature à démontrer qu'elle aurait respecté son obligation,
- Les attestations produites par l'employeur doivent être prises avec la plus grande précaution.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,
Par ordonnance en date du 24 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 24 mars 2022.
MOTIFS
Sur l'origine de l'inaptitude
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L'application de l'article L.1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance ou non par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude et le juge prud'homal doit rechercher lui-même le lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié, sans se limiter aux mentions figurant sur l'avis du médecin du travail, ou aux décisions des caisses.
Il est constant au vu des pièces communiquées que :
- Le 7 avril 2010, la CPAM de l'Ardèche a notifié à M. [Y] la prise en charge de sa maladie professionnelle, tableau n°97 : 'Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier',
- Il était attribué à M. [Y] un taux d'incapacité permanente de 15% avec le versement d'une rente à compter du 20 mai 2010. Le médecin conseil a retenu les séquelles suivantes :
'Séquelles d'une hernie discale L2/L3 opérée caractérisée par une raideur résiduelle, des douleurs radiculaires associée à des troubles de la sensibilité dans le territoire de L3.'
M. [Y] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé à compter du 29 avril 2010 jusqu'au 28 avril 2015, puis du 29 avril 2015 au 28 avril 2020,
- Le 5 octobre 2013, le salarié a été déclaré apte à la reprise à son poste de cariste, avec une surveillance médicale renforcée (SMR),
- Le 7 janvier 2013, M. [Y] a été placé en invalidité catégorie 1 :
'Le médecin conseil a estimé que vous présentez un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins votre capacité de travail ou de gain justifiant votre classement dans la catégorie 1.
...'
- Un certificat médical d'accident du travail-maladie professionnelle a été établi le 29 septembre 2014 avec un arrêt de travail jusqu'au 8 octobre 2014 pour le motif suivant : 'sciatique avec lumbago',
- Le 5 décembre 2014, la CPAM a avisé le salarié de sa décision refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré le 29 septembre 2014,
- A compter du 15 novembre 2014 et jusqu'à son licenciement, M. [Y] va faire l'objet d'arrêts de travail non professionnels,
- Le 24 mai 2016, M. [Y] a été placé en invalidité catégorie 2,
- M. [Y] a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude définitive à son poste de travail le 8 novembre 2016, selon les termes repris supra.
La circonstance que le salarié n'ait jamais contesté l'origine non professionnelle n'est pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail.
En l'état de ces éléments et au vu, d'une part, des arrêts de travail du 27 août 2010 jusqu'à la déclaration d'aptitude du médecin du travail lors de la visite de reprise du 5 octobre 2010 (en lien avec la maladie professionnelle de M. [Y]), de la quasi continuité des arrêts de travail entre le 7 avril 2011 et le31 décembre 2012, puis entre le 6 novembre 2013 et le 9 janvier 2014, le 27 mai 2014 et le 2 juin 2014, le 24 juillet 2014 et le 9 août 2014, et enfin du 29 septembre 2014 jusqu'au licenciement, d'autre part des contraintes posées par le médecin du travail relativement aux capacités restreintes du salarié lors de la visite de reprise du 17 janvier 2013 ('Apte à la conduite du trilatéral et du chariot type 1, contre indication au port de charges, 3h30/jour en suivant le 2x8"), et en troisième part, du lien existant entre la maladie professionnelle dont a souffert M. [Y] ('Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier'), les séquelles retenues par le médecin conseil pour l'attribution d'une rente ('Séquelles d'une hernie discale L2/L3 opérée caractérisée par une raideur résiduelle, des douleurs radiculaires associée à des troubles de la sensibilité dans le territoire de L3'), la pathologie ayant entraîné l'arrêt de travail du 29 septembre 2014 ('sciatique avec lumbago') et les restrictions du médecin du travail reprises ci-dessus, l'intimé rapporte la preuve de l'existence d'un lien au moins partiel entre cette maladie professionnelle et son inaptitude et donc de la nature professionnelle de celle-ci, mais également de ce que l'employeur avait connaissance de cette origine au jour du licenciement.
Le jugement déféré sera dans ces circonstances confirmé sur ce point et sur les conséquences financières subséquentes.
Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
· Des actions d'information et de formation ;
· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »
Pour la mise en 'uvre des mesures ci-dessus prévues, l'employeur doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-23 du code du travail:
· Eviter les risques
· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
· Combattre les risques à la source ;
· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;
· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.
Il est constant que si l'inaptitude médicalement constatée d'un salarié trouve son origine dans un ou plusieurs manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse.
L'inaptitude physique ne peut en effet légitimer un licenciement lorsqu'elle résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation générale de sécurité.
La reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude ne permet pas de retenir de facto une violation par l'employeur de son obligation de sécurité.
M. [Y] reproche à l'employeur de l'avoir maintenu à son poste malgré la pathologie dont il est affecté.
Il convient cependant de relever que le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 17 janvier 2013, a retenu les restrictions suivantes :
'Apte à la conduite du trilatéral et du chariot type 1
Contre indication au port de charges
3h30/jour en suivant le 2x8"
M. [Y] ne conteste pas l'application par l'employeur de ces restrictions et la réduction de son temps de travail.
Bien plus, l'employeur produit l'attestation de M. [H], responsable de la distribution et des magasins de réception et expédition, qui confirme l'aménagement du poste de M. [Y], lequel a d'ailleurs fait l'objet d'un avenant du 31 janvier 2013 :
'...
En prenant en compte les conclusions du médecin du travail et après étude des possibilités internes, la société Canson a pu vous affecter sur un poste à mi-temps comme vous le souhaitiez...'
Le lien de subordination existant entre M. [H] et la société Canson ne saurait suffire à rejeter son témoignage, celui-ci étant le supérieur hiérarchique de l'intimé et se contentant de confirmer et détailler ce qui a été mis en place par l'avenant signé par les parties, et notamment la mise à disposition de M. [Y] d'un chariot triporteur, le salarié ne rapportant pas la preuve contraire, se contentant d'affirmer péremptoirement qu'il n'en était rien.
Les attestations produites par le salarié pour démontrer qu'il n'y a eu aucun moyen mis en place adapté à son poste de travail sont particulièrement vagues et en totale contradiction avec les éléments apportés aux débats par l'employeur.
Il n'est encore pas contestable que l'utilisation d'un chariot trilatéral a été préconisé par le médecin du travail, dès le 17 janvier 2013, aucune autre restriction et/ou aménagement de poste n'ayant auparavant été prévus, notamment lors de la reprise à l'issue de la déclaration de maladie professionnelle et de l'arrêt de travail qui s'en est suivi.
Dans ces circonstances, aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne pourra être retenu, le jugement critiqué devant être confirmé sur ce point, justifiant le rejet des demandes de l'intimé quant au licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En définitive, il convient pour les motifs qui précèdent substitués à ceux des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé dans ses dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Canson sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 7 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Annonay en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Canson aux dépens d'appel,
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,