COUR D'APPEL
DE NÎMES
4ème chambre commerciale
ORDONNANCE N° :
N° RG 21/04371 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIXE
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de NIMES, décision attaquée en date du 23 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 2020J00155
Monsieur [S] [P]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES - Représentant : Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
APPELANT
S.A. GRAINES VOLTZ, Société anonyme à conseil d'administration au capital de 1 295 197 euros inscrite au RCS de Colmar sous le n° B333 822 245, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Jean françois TRAMONI VENERANDI, avocat au barreau de NIMES
INTIME
LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
ORDONNANCE
Nous, Corinne STRUNK, magistrat de la mise en état, assistée de Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier, présent lors des débats tenus le 19 mai 2022 et du prononcé le 1er juin 2022,
Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N° RG 21/04371 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIXE,
Vu les débats à l'audience d'incident du 19 mai 2022, les parties ayant été avisées que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 01 Juin 2022,
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 13 décembre 2021 par [S] [P] à l'encontre du jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes (RG n°2020J0155);
Vu l'ordonnance de référé rendue le 22 avril 2022 qui a :
- déclaré recevable l'appelant en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré;
- arrété l'exécution provisoire de cette décision;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné l'intimé aux dépens.
Vu les conclusions d'incident déposées par remise électronique le 26 avril 2022 par l'intimée;
Vu les conclusions d'incident en réponse déposées le 13 mai 2022 par remise électronique par [S] [P] ;
Vu l'audience d'incident de mise en état du 19 mai 2022 date à laquelle les parties ont été entendues en leurs explications et informées que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe;
* * *
Par une convention réitérative de cession d'actions du 1er octobre 2013, la société Plan SAS a cédé à la Sa Graines Voltz la totalité des actions de la société Plan Ornemental pour un prix de base de 4.800.000 euros.
Dans le protocole signé parles parties le 26 août 2013, il était stipulé dans la rubrique 'en ce qui concerne le personnel de la société: qu'il n'existe à ce jour, aucun litige, procédure judiciaire, ni même réclamatioion de la part d'un de ses salariés actuels ou anciens'.
Suite à l'acquisition de la totalité des actions de la société Plan Ornemental, une transmission universelle du patrimoine de la société Plan Ornemental à la société Graines Voltz a eu lieu le 18 octobre 2013.
Or, sur appel de deux jugements rendus les 22 février 2012 et 11 décembre 2012 rendus par le conseil de prud'hommes de Louviers et d'Evreux, la cour d'appel de Rouen a rendu trois arrêts en date du 12 janvier 2016 et du 26 avril 2016 condamnant les sociétés du Groupe Plan par l'intermédiaire judiciaire de Me [G] et du mandataire judiciaire, non comparant ni représenté, ainsi que la société Plan Ornemental, non comparante ni représentée, à rembourser les avances réglées dans le cadre du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire de la société Derly France dont la société Plan Ornemental, ainsi que des indemnités de licenciemnt et des dommages et intérêts.
Ces trois arrêts ont été signifiés le 5 mai 2017 à la société Graines Voltz.
Le 6 juin 2018, les salariés ont fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société Graines Voltz pour un montant de 1.300.000 euros outre les intérêts et les frais.
Saisi d'une contestation de cette saisie-attribution, le juge de l'exécution a rejeté la demande de nullité et de mainlevée de la saisies-attribution par jugement rendu le 22 novembre 2019.
Par acte d'huissier délivré le 8 juin 2020, la société Graines Voltz a fait assignerMonsieur [S] [P] pour une mise en cause de sa responsabilité personnelle, celle-ci lui reprochant de fausses déclarations lors de la cession des actions de la société Plan Ornemental en indiquant notamment qu'il n'existait aucun contentieux, et obtenir en conséquence sa condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement prononcé le 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a notamment :
- rejeté l'exception de prescription de l'action en responsabilité intentée par la Sa Graines Voltz à l'encontre de Monsieur [P];
- déclaré établie la responsabilité personnelle de Monsieur [P] à raison de fautes personnelles et séparables de ses fonctions de président de la SAS Plan;
-condamné Monsieur [P] à payer à la Sa Graines Voltz la somme de 2.133.105,03 euros à titre de dommages et intérêts, décomposer comme suit:
* 1.460.228,63 euros corresponsant aux sommes que la Sa Graines Voltz a été contrainte de verser aux 27 salariés;
* 9.450 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 351 euros au titre des droits de plaidoirie de la Sa Graines Voltz a été contrainte de verser à la Selarl Balincourt;
* 189.132,14 euros correspondant aux sommes que la Sa Graines Voltz a été contrainte de verser à l'AGS-CGEA en remboursement des avances faites aux salariés [B], [L], [H] et [N] au titre des montants figurant dans l'arrêt RG 14/00257 de la cour d'appel de Rouen du 12 janvier 2016;
* 473.943,26 euros correspondant aux sommes que la Sa Graines Voltz a versé à l'AGS-CGEA en remboursement des avances faites aux salariés non cadres, suite aux arrêts de la cour d'appel de Rouen des 12 janvier et du 26 avril 2016 ainsi qu'à la condamnation par le conseil de prud'hommes d'Evreux qui est intervenue en date du 13 avril 2021;
- déboutéla Sa Graines Voltz de sa demande en condamnation de Monsieur [S] [P] à des dommages-intérêts pour procédure abusive;
- rappelé le principe de l'exécution provisoire de droit attaché à la présente décision;
- condamné Monsieur [S] [P] à payer à la Sa Graines Voltz la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 13 décembre 2021, [S] [P] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance de référé rendue le 22 avril 2022, l'appelant a été déclaré recevable et bien-fondé en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré
Par conclusions d'incident, la société Graines Voltz sollicite du conseiller de la mise en état, au visa des articles 907, 789 et 378 du code de procédure civile, de:
- la recevoir en son incident;
Ce faisant,
- prononcer le sursis à statuer de l'instance pendante devant la cour d'appel de Nîmes dans l'attente des arrêts qui seront rendus par la cour d'appel de Caen, statuant sur renvoi après cassation des arrêts rendus les 12 janvier 2016 et 26 avril 2016 par la cour d'appel de Rouen dans l'affaire opposant la société Graines Voltz aux salariés licenciés et au CGEA, seront devenus définitifs, insusceptibles d'aucun recours et donc irrévocables;
- réserver les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de cette demande, la société explique qu'en dépit de la transmission universelle du patrimoine de la société Plan Ornemenatl, présidée par Monsieur [P] jusqu'à l'acte de cession, elle n'a jamais été appelée dans la procédure prud'homale qui lui était totalement inconnue.
Ainsi, elle a pris connaissance de l'existence du litige social à compter du 5 mai 2017 lors de la signification des trois arrêts rendus par la cour d'appel de Rouen; elle s'est ainsi trouvée contrainte de régler en exécution de ces décisions des sommes conséquentes à hauteur de:
- 1.460.228,63 euros pour les salariés;
- 189.132,14 euros correspondant aux avances faites aux salariés cadres par le CGEA;
- 473.943,26 euros correspondant aux avances faites aux salariés non-cadres par le CGEA.
Elle ajoute que si l'existence de ce contentieux prud'homal avait été portée à sa connaissance, elle n'aurait pas fait l'acquisition des actions de la société Plan Ornemental ou à tout le moins pour un prix bien moindre.
Aujourd'hui, elle fait état de l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la chambre sociale de la cour de cassation qui a cassé et annulé les arrêts rendus par la cour d'appel de Rouen, rappelant à cet effet que l'appelant en tire comme argument que le préjudice invoqué par la société Graines Voltz ne serait plus indemnisable.
Elle conteste cette analyse considérant pour sa part que son préjudice prend sa source dans les manquements avérés de Monsieur [P] sur le fondement de la perte d'une chance , et non dans les condamnations prononcées par la cour d'appel de Rouen; à cet égard, l'arrêt rendu par la cour de cassation le 10 novembre 2021 n'a pas pour conséquence d'entraîner la disparition du préjudice dans la mesure où le prix de cession de la société Plan Ornemental a bien été fixé sur la base de comptes sociaux falsifiés qui ne tenaient pas compte des provisions qui auraient du être passées à hauteur des conséquences résultant des jugement prud'homaux.
Elle reconnaît néanmoins que si son préjudice est certain, il n'est pas consolidé, raison pour laquelle elle sollicite le sursis à statuer dans l'attente des arrêts rendus par la cour d'appel de renvoi de Caen laquelle a été saisie par déclaration d'appel du 13 avril 2022.
Par conclusions en réponse, [S] [P] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 907, 789 et 378 du code de procédure civile, de :
- prononcer le sursis à statuer de l'instance pendante devant la cour d'appel de Nîmes;
- dire que l'instance ne pourra reprendre qu'à compter du jour où les arrêts rendus par la cour d'appel de caen, statuant sur renvoi après cassation des arrêts rendus les 12 janvier 2016 et 26 avril 2016 par la cour d'appel de Rouen dans l'affaire opposant la société Graines Voltz aux salariés licenciés et au CGEA, seront devenus définitifs, insusceptibles d'aucun recours et donc irrévocables;
- réserver les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [P] soutient la demande de sursis à statuer considérant que la décision de la cour de cassation a un impact sur le montant du préjudice.
SUR QUOI
Sur la demande de sursis à statuer
L'article 907 du code de procédure civile énonce qu' 'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les article 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent'.
L'article 789 dispose que 'lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de oute autre formation du tribunal pour:
1/ statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'articel 47 et les incidents mettant fin à l'instance...
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ulttérieurementà moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge...'.
En application de l'article 378 du code de procédure civile énonce que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.
Enfin, selon l'article 73, 'constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure orrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours'.
Au cas d'espèce, le tribunal de commerce , qui a reconnu dans un premier temps la mise en cause de la responsabilité de Monsieur [S] [P], a apprécié le préjudice en fonction des sommes versées par la société Graines Voltz en exécution de trois arrêts rendus par la cour d'appel de Rouen qui sont aujourd'hui cassés et annulés.
Il n'est pas contesté que l'arrêt de la cour de cassation rendu le 10 novembre 2021 entraîne des conséquences sur le montant du préjudice auquel la société Graines Voltz prétend et qui n'est pas déterminable.
La cour d'appel de renvoi de Caen ayant été saisie par déclaration d'appel du 13 avril 2022, il sera en conséquence fait droit , dans un souci d'une bonne administration de la justice, à la demande de sursis à statuer.
Sur les frais accessoires:
Il y a lieu de réserver les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, Corinne Strunk, magistrat de la mise en état,
Ordonnons le sursis à statuer dans l'attente du prononcé de décisions de justice définitives rendues par la cour d'appel de Caen statuant sur renvoi après cassation des arrêts rendus les 12 janvier et 26 avril 2016 par la cour d'appel de Rouen dans l'affaire opposant la société Graines Voltz aux salariés licenciés et au CGEA ;
Renvoyer l'affaire à l'audience de mise en état du 06 octobre 2022 à 09h30 ;
Réservons les dépens et l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT