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31/05/2022 | FRANCE | N°19/02254

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 31 mai 2022, 19/02254


ARRÊT N°



N° RG 19/02254 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMA3



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 mai 2019



RG :15/00679





[B]





C/



S.A.S. DEVRED





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 31 MAI 2022






>APPELANTE :



Madame [K] [B]

née le 22 Juin 1979 à BREST (29200)

600 Allée du Mas de Ville

30000 NIMES



Représentée par Me Guillaume BROS de la SARL LEGANOVA NIMES, avocat au barreau de NIMES







INTIMÉE :



SAS DEVRED

4 rue Rougemont

75009 PARIS



Représentée par Me Jocelyne ROBIN de la SELARL CHEVALIER ASSO...

ARRÊT N°

N° RG 19/02254 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMA3

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 mai 2019

RG :15/00679

[B]

C/

S.A.S. DEVRED

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 MAI 2022

APPELANTE :

Madame [K] [B]

née le 22 Juin 1979 à BREST (29200)

600 Allée du Mas de Ville

30000 NIMES

Représentée par Me Guillaume BROS de la SARL LEGANOVA NIMES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SAS DEVRED

4 rue Rougemont

75009 PARIS

Représentée par Me Jocelyne ROBIN de la SELARL CHEVALIER ASSOCIES, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 24 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SAS Devred a embauché Mme [K] [B] le 1er juillet 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de 'vendeuse' - statut employée - catégorie B1 affectée au magasin de Rennes Colombia pour un salaire composé d'un revenu fixe de 1.217,91 euros bruts et d'une part variable.

Le contrat contenait une clause de mobilité.

Suivant avenant au contrat de travail en date du 1er septembre 2010, Mme [B] a été promue en qualite de 'responsable de magasin' - statut agent de maitrise - catégorie C2 affectée initialement en l'établissement de Nîmes pour un salaire composé d'un revenu fixe de 1.700 euros bruts et d'une part variable.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 fevrier 2015, la SAS Devred a informé Mme [B] de sa décision de la muter au magasin d'Annecy Seynod à compter du 16 mars 2015.

Par courrier en date du 13 fevrier 2015, Mme [B] a pris note de sa nouvelle affectation, mais a fait part à la SAS Devred d'une évolution de sa situation personnelle pour expliquer qu'elle ne pouvait plus 'être mutée dujour au lendemain'.

Par courrier recommandé en date du 25 fevrier 2015, la SAS Devred a maintenu sa décision de mutation, a octroyé à Mme [B] un délai supplémentaire pour sa prise de poste à mi-avril et lui a demandé de 'revenir rapidement vers [elle] pour [lui] confirmer ou non [sa] mobilité'.

Par courrier en date du 5 mars 2015, Mme [B] indique avoir 'bien noté la proposition de mutation et le délai repoussé à mi avril mais, en tout état de cause, [estimer que] ce court délai reste incompatible avec [ses] contraintes personnelles'.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 16 mars 2015, la SAS Devred a convoqué Mme [B] en entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 avril 2015, la SAS Devred a notifié a Mme [B] son licenciement en ces termes :

'Nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour le motif

suivant : refus d 'exécuter votre travail aux conditions convenues dans votre contrat de travail et non-respect de la mobilité géographique inhérente à votre statut.

En effet, vous n'êtes pas sans savoir que la nature de notre activité implique une mobilité nécessaire des responsables de magasin, ce d'autant dans une entreprise succursaliste. A ce titre, la mobilité géographique est un élément fondamental de votre fonction et une condition impérative d'emploi dans ce poste.

D 'ailleurs, vous avez lu, approuvé, paraphé et signé votre contrat de travail du 1er septembre 2010, dans lequel est précisé que la mobilité est inhérente à votre fonction de responsable de magasin.

Vous saviez donc que cela engendrerait un ou des changements géographiques probables à des échéances et des conséquences différentes suivant les cas. De plus, en prenant connaissance du caractere déterminant de la mobilité, vous avez pris également connaissance des conséquences que pourrait avoir votre refus.

C'est dans ces conditions que nous vous avons notifié, par lettre recommandée du 3 février 2015, votre mutation au magasin d'Annecy Seynod à compter du 16 mars 2015.

Or, par courrier reçu le 17 février 2015, vous nous avez demandé de reconsidérer notre demande de mutation, évoquant notamment votre situation personnelle. Nous vous avons donc rappelé, par courrier du 25 février 2015, l'importance de la mobilité géographique de nos responsables de magasin et la légitimité de notre démarche.

Votre mutation n'est qu'une application des conditions de votre contrat, permettant de vous repositionner dans un environnement différent ; cette mutation n 'est pas une sanction. De plus, au regard de votre situation personnelle, nous vous avons accordé un délai supplémentaire d 'un mois

pour votre prise de poste. Par courrier reçu le 5 mars 2015, vous nous avez fait part de votre impossibilité d 'une mobilité géographique sur le magasin d'Annecy Seynod.

Les explications recueillies au cours de l 'entretien préalable ne nous a pas permis de modifier notre appreciation des faits. Dans ces conditions et compte tenu du manquement à vos obligations contractuelles, vous comprendrez que nous ne sommes pas en mesure de maintenir plus longtemps nos relations contractuelles.

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse'.

Par requête déposée au greffe le 24 juillet 2015, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de contester son licenciement, de solliciter la somme de 30.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, lequel par jugement contradictoire du 6 mai 2019 l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS DEVRED la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 5 juin 2019, Mme [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives en date du 13 janvier 2020, elle demande à la cour de :

Dire l'appel de Mme [B] recevable et bien fondé

Rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de la Société DEVRED

Réformer le jugement du 6 mai 2019 du conseil des prud'hommes de Nîmes dans son intégralité et statuant de nouveau :

o condamner la société DEVRED à porter et payer à Mme [B] la somme de 35000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

o condamner l'employeur au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations depuis la date de l'acte introductif d'instance et jusqu'à parfait paiement, outre capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du code civil

o condamner la société DEVRED aux entiers dépens, outre paiement de la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance

o condamner la société DEVRED aux entiers dépens, outre paiement de la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Mme [B] soutient essentiellement que :

- La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée

- or, dans son contrat de travail, aucun périmètre géographique précis de mobilité n'est convenu quant à l'obligation de mobilité

- La notion de territoire français n'est présente dans cette rédaction contractuelle qu'au titre des sanctions du refus de mobilité mais ne vient pas définir le périmètre de la mobilité, encore moins la justification du recours à cette mobilité

- par conséquent, la clause est nulle et ne peut s'appliquer,

- A supposer la clause de mobilité valable, seul le refus par le salarié d'une mutation serait fautif

- or, elle n'a jamais refusé la mutation

- dans son courrier, elle fait simplement part de ses interrogations quant à

cette nouvelle mutation et exprime ses inquiétudes légitimes au regard de sa situation personnelle et familiale

- le fait qu'elle évoque que le « court terme » du délai accordé soit «incompatible avec ses contraintes personnelles » ne caractérise en rien un refus de mobilité

- bien plus, elle a été convoquée le 16 mars 2015 et licenciée le 7 avril 2015 alors que la mutation n'était effective que le 15 avril 2015

- elle a simplement demandé des délais pour que l'application de la clause

soit compatible avec ses obligations familiales

- La mise en 'uvre d'une clause de mobilité doit être dictée par l'unique intérêt légitime de l'entreprise. L'employeur doit faire preuve de loyauté dans la mise en 'uvre d'une telle clause, car il est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et ne doit pas abuser du droit qui lui est ainsi reconnu

- en réalité, il s'agissait de sanctionner ses résultats, comme le révèle sans la moindre ambiguïté la rédaction de la lettre de mutation,

- la décision de mutation constitue bien la sanction de la société face à la baisse de ses résultats

- l'utilisation de la clause de mobilité a ainsi été détournée, ce qui constitue un abus et continue de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu

- la société DEVRED n'a même pas même attendu sa réponse pour engager une autre personne sur un même poste de responsable de magasin

- plus généralement, l'employeur a abusé de l'application de la clause de mobilité, en multipliant les modifications du lieu de travail à l'envie, ce qui constitue une utilisation abusive de la clause de mobilité, exclusive de la bonne foi et la loyauté de l'employeur

- les conditions dans lesquelles est intervenue la dernière mobilité sont d'autant plus déloyales que l'employeur savait pertinemment que sa situation familiale avait changé depuis la naissance de son enfant il y a 30 mois, et que, par conséquent, sa capacité de mobilité bien qu'incontestable ces dernières années, était aujourd'hui plus difficile à mettre en 'uvre

- enfin, le délai de prise de poste imposé par l'employeur, même retardé à mi-avril, n'était pas suffisant et l'entreprise en avait pleinement conscience

- une clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale

- lorsqu'elle a exposé ses difficultés vis-à-vis de sa vie personnelle et familiale, l'employeur s'est contenté simplement de lui accorder 15 jours de délai supplémentaire, en même temps qu'il recrutait sa remplaçante

- la mise en 'uvre précipitée de cette clause de mobilité empêchait sa vie familiale d'être préservée en ce sens qu'elle rendait impossible l'organisation des modes de garde et de la scolarité de sa fille, en particulier eu égard aux fonctions militaires du père, souvent absent.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives en date du1er avril 2020, la SAS DEVREZ demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance

En conséquence :

Dire et juger que la clause de mobilité insérée dans l'avenant du

1er septembre 2010 est valable

Dire et juger que la mise en 'uvre de ladite clause le 3 février 2015 était

justifiée par l'intérêt légitime de la SAS DEVRED

Dire et juger que Mme [B] a refusé d'être mutée sur le magasin d'Annecy Seynod, en violation de ses dispositions contractuelles

Dire et juger que Mme [B] ne justifie aucunement de raisons familiales impérieuses ou d'une atteinte excessive à sa vie privée légitimant son refus de mettre en 'uvre ladite clause

Débouter Mme [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires

Condamner Mme [B] à payer à la SAS DEVRED la somme de 3500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société DEVRED fait essentiellement valoir que :

- La validité de la clause de mobilité, limitée dans l'espace et donc

parfaitement conforme aux principes juridiques applicables, n'a par la suite jamais été contestée par l'intéressée, qui était alors domiciliée à Bordeaux (33) et qui a été mutée :

- sur le magasin de Nîmes (34) au 1er septembre 2010

- puis à Marseille à compter du 15 novembre 2011

- et de nouveau à Nîmes à compter du 7 janvier 2013

- il était donc expressément convenu entre les parties et jamais contesté par Mme [B], que le lieu de travail ne constituait pas un élément déterminant de la relation salariale

- la salariée devait donc s'organiser pour être en mesure de respecter cette mobilité, qui constituait l'une des obligations mises à sa charge dans le cadre de l'exécution normale de son contrat de travail

- la clause contractuelle querellée mentionnant expressément sa zone géographique d'application, Mme [B] ayant très précisément été informée qu'elle était susceptible d'être mutée « sur le territoire français », soit en tout lieu de la France, ce qui constitue un secteur géographique précis

- l'intégralité des magasins exploités sous l'enseigne DEVRED et implantés à l'étranger sont gérés par des partenaires commerciaux, dans le cadre de contrats de distribution, et qui disposent d'une totale indépendance dans la gestion de leur société et de leur personnel

- elle a agi conformément à sa politique de management interne dans le seul but :

- d'une part, de valoriser les compétences de Mme [B]

- d'autre part, de pourvoir un poste de responsable de magasin vacant sur

le magasin d'Annecy Seynod

- cette nouvelle affectation n'entrainaît aucune modification des éléments essentiels de la relation contractuelle, Mme [B] conservant les mêmes fonctions, le même statut et le même mode de rémunération

- souhaitant permettre à la salariée de prendre ses fonctions au sein du magasin annecien dans les meilleures conditions, elle lui a proposé d'intégrer ce nouvel établissement à la mi-avril, lui offrant ainsi un délai total de deux mois et demi

- afin de lui permettre de prendre ses fonctions dans les meilleures conditions, la société a désiré organiser une période de passation entre ces deux

collaboratrices, en les faisant travailler en binôme durant plusieurs semaines

- aucune déloyauté ne saurait dès lors lui être reprochée, pas plus qu'une utilisation abusive de la clause de mobilité

- embauchée le 1er juillet 2005 en qualité de vendeuse, Mme [B] a été mutée de manière définitive à quatre reprises au cours de la relation salariale, dont deux fois dans le cadre d'une promotion professionnelle, tout d'abord, au poste de vendeuse principale, puis à celui de responsable de magasin

- concernant les 5 missions temporaires énumérées par Mme [B], elles ont été sans incidence sur le lieu d'affectation habituel de l'intéressée

- le contexte familial de Mme [B] ne lui imposait pas de rester sur la région nîmoise. Son enfant aurait pu intégrer une classe de petite section dans une nouvelle école au retour des vacances de Pâques, date de sa prise de fonctions

- le fait que la salariée soit de nouveau contrainte de payer un loyer

n'apparaît pas constituer une sujétion exceptionnelle

- le refus de Mme [B] résulte incontestablement des échanges de courriers

- Mme [B] ne peut raisonnablement soutenir, dans le même temps, qu'elle aurait accepté cette mutation, tout en indiquant que le délai de deux mois et demi accordé par son employeur aurait été « incompatible avec ses contraintes personnelles »

- Mme [B] ne verse en effet aux débats aucun document susceptible de démontrer qu'elle aurait subi un préjudice susceptible d'être indemnisé à hauteur de 35.000 euros et surtout qu'elle rechercherait activement un nouvel emploi.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,

Par ordonnance en date du 23 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 10 mars 2022.

MOTIFS

Sur la validité de la clause de mobilité

Une clause de mobilité est une clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail du salarié.

Ainsi, en application de la clause de mobilité, l'employeur a la possibilité, pour des raisons de service, de muter le salarié dans un autre établissement sans que celui-ci puisse s'y opposer en invoquant une prétendue modification de son contrat de travail.

Seule une clause prévoyant expressément une extension précise de son champ géographique peut être imposée au salarié.

Les parties au contrat de travail peuvent librement définir l'étendue de la zone géographique d'application de la clause de mobilité du salarié en fonction de l'intérêt de l'entreprise à condition que cette zone soit clairement circonscrite et limitée.

La clause litigieuse est ainsi libellée :

'Article 5 : Mobilité géographique

Cependant, Mademoiselle [B] est disposée à exercer ses fonctions dans tous les lieux où pourront l'amener ses fonctions, le lieu d'exercice de son activité professionnelle ne constituant pas, pour elle, un élément déterminant de son contrat de travail.

Suivant les besoins de l'évolution de l'Enseigne, Mademoiselle [B], pourra être amenée à changer de lieu de travail, cette mutation pouvant être temporaire ou définitive. Il est de la seule responsabilité de l'entreprise de déterminer la fréquence des mutations et le lieu d'affectation de ses collaborateurs.

Il est expressément convenu entre les parties que cette mobilité concerne, non seulement les établissements exploités par la société DEVRED à la date du présent avenant, mais encore tous ceux dont elle assurerait ultérieurement l'exploitation ou la gestion, soit directement ou indirectement.

Le salarié reconnaît avoir été dûment informé que dans le cadre de son expansion, la société DEVRED procède régulièrement à l'ouverture de nouveaux points de vente, dans lesquels il est susceptible de recevoir une nouvelle affectation en exécution de la présente clause.

La mobilité géographique conditionne la nomination de Mademoiselle [B] dans ses fonctions et est, pour l'entreprise, un élément déterminant du contrat de travail. En conséquence, tout refus opposé à une décision de mutation sur le territoire français constituerait une violation flagrante de ses obligations contractuelles et professionnelles.'

Il s'ensuit que la clause litigieuse permet à l'employeur de changer le lieu d'affectation de la salariée en fonction des 'besoins de l'évolution de l'Enseigne', mais dans la limite de la zone géographique 'France', laquelle est clairement identifiée, circonscrite et limitée.

Dès lors, la clause de mobilité insérée au contrat de travail par avenant du 1er septembre 2010 est valable. Il n'y a pas lieu de l'annuler.

Sur la mise en oeuvre de la clause de mobilité et la validité du licenciement

Mme [B] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où elle n'a jamais refusé la mutation.

Par courrier du 13 février 2015, Mme [B] prend 'note de cette nouvelle affectation', rappelle ses différentes affectations et précise :

'...

Je souhaite également revenir à mon EAP du mois de mars 2014 avec [S] [H], mon ancien directeur régional sud-est au cours de laquelle j'ai clairement fait part des nouvelles contraintes familiales qui étaient les miennes depuis peu : une fillette âgée de 30 mois, un conjoint gendarme à l'escadron de la gendarmerie mobile de Nîmes où nous sommes logés.

...

J'ose espérer que cette proposition n'est pas dictée par le seul intérêt de l'entreprise, voire une sanction disciplinaire déguisée visant à obtenir mon départ de l'entreprise après 10 ans d'ancienneté : une mutation qui n'est pas sans porter atteinte à l'organisation familiale qui est la mienne aujourd'hui : ma fille est scolarisée à Nîmes, mon conjoint fonctionnaire au ministère de l'intérieur ne peut être muté du jour au lendemain.

Persuadée que vous saurez faire preuve de compréhension, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l'assurance de mes salutations distinguées.'

Mme [B] ne formule, à ce stade, aucune opposition définitive à la mutation envisagée, mais porte à la connaissance de l'employeur certains éléments personnels afin qu'il fasse 'preuve de compréhension'.

L'employeur va répondre le 25 février 2015 en indiquant prendre en compte la situation personnelle de la salariée et lui accorde à ce titre un délai supplémentaire pour sa prise de poste.

Le 5 mars 2015, Mme [B] écrit :

' ...

J'ai bien noté par ailleurs la proposition de mutation, et le délai repoussé à mi avril 2015 mais en tout état de cause, ce court terme reste incompatible avec mes contraintes personnelles :

- je suis logée en escadron de gendarmerie dans le cadre du travail de mon conjoint, un loyer serait donc une charge supplémentaire importante dans mon budget,

- mon enfant étant scolarisé il n'est pas envisageable de la retirer avant la fin de l'année scolaire.

Persuadée que vous saurez faire preuve de compréhension, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, mes sincères salutations.'

Il résulte de ce courrier un refus de la part de la salariée de prendre le poste à Annecy dans les conditions posées par l'employeur.

Si le refus de la salariée de se rendre sur son nouveau lieu de travail constitue, en principe, une faute justifiant son licenciement, il en va différemment, par exception, notamment en cas d'application déloyale de la clause par l'employeur ou de preuve par le salarié d'une atteinte à sa vie personnelle et familiale non justifiée par la tâche à accomplir et non proportionnée au but recherché.

L'appelante considère à ce titre que le licenciement est fondé sur une clause de mobilité mise en oeuvre de mauvaise foi par l'employeur.

La bonne foi contractuelle étant présumée, il est de principe que les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

Il appartient dès lors au salarié de démontrer que la décision de le muter sur un autre site a été, en réalité, prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

L'appelante soutient que la mise en oeuvre de la clause de mobilité porte atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale.

Mme [B] fait état de la multiplication de ses mutations, lesquelles sont toutefois limitées puisque celle ci a fait l'objet, entre le 27 septembre 2010 et le 19 novembre 2011 de 4 affectations temporaires, puis de deux mutations définitives à compter du 15 novembre 2011 au magasin de Marseille Plan de Campagne et du 7 janvier 2013 au magasin de Nîmes.

Mme [B] les a par ailleurs toutes acceptées, sans formuler la moindre remarque ou réticence.

Il apparaît encore que la mutation envisagée imposait à Mme [B] un déménagement alors qu'elle était logée en caserne dans la mesure où son conjoint était gendarme mobile à Nîmes, ainsi qu'un célibat géographique et la séparation de l'enfant commun en bas âge d'avec son père, lequel ne pouvait avoir une mutation dans le délai imposé par l'employeur à la salariée pour rejoindre son nouveau poste et sans avoir de certitude sur la durée pendant laquelle cette séparation pourrait durer, tenant la spécificité de la profession du conjoint de l'appelante.

Par ailleurs, ce célibat géographique aurait entraîné un coût matériel important, tant au niveau du loyer devant être pris en charge par Mme [B] que des frais de trajets importants pour réunir la famille le plus souvent possible.

La mise en oeuvre de la clause de mobilité entraînait donc une atteinte personnelle et familiale à la vie de la salariée, laquelle n'apparaît donc pas proportionnée au but recherché, le magasin d'Annecy Seynod disposant d'un responsable de magasin, aucune urgence n'étant rapportée par l'employeur pour le remplacer.

Il résulte des courriers de l'employeur des 3 et 25 février 2015 que le véritable motif de la mutation réside dans les résultats insuffisants du magasin de Nîmes, ce qui ne saurait justifier l'affectation litigieuse eu égard aux conséquences sur la vie familiale et personnelle de la salariée.

Cette volonté réitérée de l'employeur de procéder à la mise en oeuvre de la clause de mobilité, alors même que Mme [B] a fait valoir les conséquences sur sa vie familiale et personnelle constitue une mise en oeuvre déloyale de la clause de mobilité, rendant le licenciement subséquent sans cause réelle et sérieuse, par réformation de la décision dont appel.

Mme [B] ne donne aucune indication et ne produit aucune pièce relativement à sa situation après la rupture, si ce n'est une action de formation en 2016 en comptabilité-gestion.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 18000 euros le préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail la société DEVRED doit être condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront réformées et les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société DEVRED.

Cette dernière sera en outre condamnée à payer à Mme [B] la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles par elle exposés en première instance, outre celle de 2000 euros pour ceux exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu le 6 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [K] [B] par la SAS DEVRED est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS DEVRED à verser à Mme [K] [B] la somme de18000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, sous déduction de la contribution prévue à l'article 1233-69 du code du travail déjà versée,

Condamne la SAS DEVRED à payer à Mme [K] [B] la somme totale de 3800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en premiere instance et en cause d'appel,

Condamne la SAS DEVRED aux dépens de premiere instance et d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Mme BERGERAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02254
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;19.02254 ?
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