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25/05/2022 | FRANCE | N°22/00332

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Rétention_recoursjld, 25 mai 2022, 22/00332


Ordonnance N°22/302







N° RG 22/00332 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOEM











J.L.D. NIMES

23 mai 2022













[O]





C/



LE PREFET DU PUY DE DOME











COUR D'APPEL DE NÃŽMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 25 MAI 2022





Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÃŽMES, conseiller désigné par le Premier PrÃ

©sident de la Cour d'Appel de NÃŽMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asi...

Ordonnance N°22/302

N° RG 22/00332 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IOEM

J.L.D. NIMES

23 mai 2022

[O]

C/

LE PREFET DU PUY DE DOME

COUR D'APPEL DE NÃŽMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 25 MAI 2022

Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Madame Delphine OLLMANN, Greffière,

Vu l'arrêté de M. Le Préfet du Puy de Dôme portant obligation de quitter le territoire national en date du 20 mai 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 20 mai 2022, notifiée le même jour à 10h45 concernant :

M. [P] [O]

né le 28 Avril 1982 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 21 mai 2022 à 18h00, enregistrée sous le N°RG 22/02281 présentée par M. le Préfet du Puy de Dôme ;

Vu l'ordonnance rendue le 23 Mai 2022 à 10h14 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [P] [O];

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 22 mai 2022 à 10h45,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [P] [O] le 24 Mai 2022 à 09h47 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [I] [U], représentant le Préfet du Puy de Dôme, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l'assistance de Madame [V] [X] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [P] [O], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Jean Faustin KAMDEM, avocat de Monsieur [P] [O] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [P] [O], alors qu'il faisait l'objet d'un contrôle d'identité en gare de [Localité 3] le 19 mai 2022 à 16h a tenté de prendre la fuite en repoussant la fonctionnaire de police qui opérait son contrôle et a été blessée au doigt et au coude.

L'intéressé est titulaire d'un passeport algérien périmé depuis le 24 novembre 2015, portant un visa périmé depuis le 23 août 2012.

Il a reçu notification le 20 mai 2022 de deux arrêtés du Préfet du Puy de Dôme, le premier lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant un an et le second portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requête du 21 mai 2022, le Préfet du Puy de Dôme a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 23 mai 2022 à 10h04, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a constaté qu'aucune exception de nullité n'était soulevée, a rejeté les moyens présentés au fond par Monsieur [P] [O] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [P] [O] a interjeté appel de cette ordonnance le 24 mai 2022 à 9h47.

Sur l'audience, Monsieur [P] [O] déclare que :

Il a fait des démarches pour obtenir un titre de séjour vie familiale et sociale. L'administration a mis deux ans à instruire sa demande, pour finalement lui refuser le séjour en lui disant qu'il devait passer par la procédure de regroupement familial à partir de l'Algérie. Il a travaillé sur les marchés en région parisienne afin d'avoir quelques économies avant de retourner en Algérie. Les frontières avec l'Algérie ont été fermées pendant un certain temps avec la pandémie.

Il fait un recours administratif contre l'OQTF lui faisant interdiction de retour pendant un an, car il ne veut pas être séparé de sa femme pendant tout ce temps. Elle est venue de [Localité 3] à cette audience pour attester de leur vie commune. Les services de police ont fait une visite très sommaire chez eux, mais il y a bien ses affaires aussi. Il attend que sa femme ait un visa pour qu'ils puissent retourner ensemble en Algérie et faire ensuite le regroupement familial.

Il conteste avoir commis des violences sur le fonctionnaire et indique que les caméras de surveillance de la gare pourraient le démontrer. En revanche, les policiers lui ont mal parlé, se sont montrés rascistes et l'ont menotté fermement. Il n'a jamais eu aucun incident pénal en France avant.

Son avocat soutient sa demande d'assignation à résidence en faisant observer que les cours d'appel peuvent faire évoluer la jurisprudence de la cour de cassation, et certaines le font en estimant que, même en l'absence de passeport en cours de validité, les garanties de représentation sont suffisantes, comme en l'espèce, pour prononcer une assignation à résidence: Monsieur [O] est marié et a une réelle vie commune avec son épouse, même s'il a dû aller travailler en région parisienne pour réunir quelques deniers afin d'organiser son départ. Son épouse ici présente s'est déplacée de [Localité 3] pour attester de leur vie commune. Il est dans une dynamique de régularisation de sa situation par un regroupement familial. Il faut quand même relever que l'administration a mis deux ans à instruire son dossier de demande de titre de séjour et qu'il avait donc bon espoir d'une régularisation. Il n'a jamais été condamné pour quelque délit que ce soit depuis son arrivée en France en 2012.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel, rappelant que la cour de cassation est stricte concernant la nécessité d'un passeport en cours de validité pour prononcer une assignation judiciaire à résidence. Par ailleurs, il n'a pas saisi le JLD d'une contestation de son placement en rétention. Il n'a pas respecté la première OQTF et a tenté de s'enfuire pendant le contrôle d'identité en blessant une fonctionnaire de police.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté le 25 mai 2022 à 9h47 par Monsieur [P] [O] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 23 mai 2022 à 10h04, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:

L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'adminsitration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE:

en ce que l'administration aurait fait une erreur manifeste d'appréciation sur ses garanties de représentation.

Monsieur [P] [O] soutient dans sa déclaration d'appel la contestation de son placement en rétention, l'admistration ayant selon lui mal apprécié sa situation.

Une décision de placement en rétention administrative est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge judiciaire peut sanctionner une telle erreur à condition qu'elle soit manifeste et donc évidente, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative, notamment en ce qu'elle est disproportionnée par rapport aux enjeux et nécessités d'éloignement de l'intéressé.

Il produit une attestation de mariage ainsi que l'acte de mariage délivrés par la Ville de [Localité 3], établissant qu'il est marié depuis 2018.

Il justifie d'un domicile avec son épouse à [Localité 3], le contrat EDF étant aux deux noms.

Il justifie d'un livret A ouvert à la Banque Postale à son nom comportant un solde de 21 515,31 € au 19 mai 2022, sur lequel figure au crédit le 6 mai 2022 un virement de 1 351,05 € avec la mention « salaire Nemouchi avril »

Cependant, si d epuis le 1er novembre 2016, le Juge des libertés et de la détention est compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention aux fins d'éloignement, c'est à la condition d'avoir été saisi d'une requête de l'intéressé dans les 48 heures de son placement en rétention.

Dès lors, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'adminsitration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet au préalable d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

Or, en l'espèce, l'intéressé n'a pas formulé de requête auprès du Juge des Libertés et de la détention dans les 48 heures de son placement en rétention.

Le moyen est donc irrecevable.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»

Monsieur [P] [O] est titulaire d'un passeport algérien périmé détenu par l'administration au Centre de Rétention et vu à l'audience, de sorte que son identification en sera facilitée et que son éloignement devrait pouvoir intervenir à bref délai.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [O] :

S'il est entré en France en 2012 avec un passeport et un visa, ceux-ci sont périmés et Monsieur [P] [O] s'est maintenu sur le territoire français en situation irrégulière, sans même avoir fait renouveler son passeport.

Monsieur [P] [O] présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport en cours de validité, son passeport étant périmé, de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il a indiqué travailler sur des marchés, notamment en région parisienne tout en rejoignant son épouse régulièrement. C'est ainsi qu'il était en gare de [Localité 3] de retour vers son domicile lors du contrôle d'identité, après avoir séjourné en région parisienne ainsi qu'il ressort des retraits figurants sur son relevé de compte bancaire, et avec un salaire pour le mois d'avril qui lui a été versé le 6 mai 2022 par virement.

S'il a chercher à obtenir une régularisation de sa situation, l'administration lui a répondu que dans son cas, cela passerait par la procédure de regroupement familial depuis l'Algérie, après éloignement.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait en l'état obstacle à sa présence sur le sol français, sauf à ce que son recours administratif aboutisse. Il appartiendra donc au tribunal administratif de se prononcer.

Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure en l'état justifiée.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [P] [O] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 25 Mai 2022 à 12h00

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [P] [O], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [P] [O], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,

- Me Jean Faustin KAMDEM, avocat

(de permanence),

- M. Le Préfet du Puy de Dôme

,

- M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Rétention_recoursjld
Numéro d'arrêt : 22/00332
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;22.00332 ?
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