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24/05/2022 | FRANCE | N°19/01475

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 24 mai 2022, 19/01475


ARRÊT N°



N° RG 19/01475 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HKB4



EM/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

05 mars 2019



RG :17/00649





EHPAD [6]



C/



[M]

































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 24 MAI 2022







APPELANTE :



EH

PAD [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Zehor DURAND, avocat au barreau D'AVIGNON





INTIMÉE :



Madame [V] [M]

née le 14 Novembre 1966 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON...

ARRÊT N°

N° RG 19/01475 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HKB4

EM/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

05 mars 2019

RG :17/00649

EHPAD [6]

C/

[M]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 24 MAI 2022

APPELANTE :

EHPAD [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Zehor DURAND, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

Madame [V] [M]

née le 14 Novembre 1966 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/3988 du 05/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 22 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mai 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 24 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [V] [M] a bénéficié à compter du 1er juin 2014 d'un contrat à durée déterminée en qualité d'aide soignante au sein de l' Ephad [6] d'[Localité 4] qui a fait l'objet de renouvellements jusqu'au 31 mars 2016, date à laquelle Mme [V] [M] a reçu un document de fin de contrat marquant le terme des contrats à durée déterminée.

Mme [V] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de condamnation de l' Ephad de sommes indemnitaires.

Suivant jugement du 05 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :

- ordonné la requalification des contrats à durée déterminée de Mme [V] [M] en contrat à durée indéterminée,

- condamné l'Ephad [6] à payer à Mme [V] [M] les sommes suivantes:

- 1700 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1700 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 170 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 2 500 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Mme [V] [M] du surplus de ses demandes,

- dit que les dépens seront au frais et à la charge de l'Ephad [6],

- dit que l'exécution provisoire est de plein droit,

- dit que la moyenne des trois derniers bulletins de salaire s'établit à la somme de 1 700 euros,

- dit que les dépens seront supportés par le défendeur.

Suivant déclaration envoyée par voie électronique l'Ephad [6] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 11 mars 2019.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 mars 2022 et a fixé l'affaire à l'audience du 22 mars 2022 à laquelle elle a été retenue.

L'Ephad [6] conclut à l'annulation du jugement de première instance et demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger qu'il est un établissement public, que les contrats signés par Mme [V] [M] sont des contrats de droit public, que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative,

En conséquence,

- annuler le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 05 mars 2019 n°RG/00649,

- renvoyer Mme [V] [M] à mieux se pourvoir notamment en saisissant le tribunal administratif de Nîmes territorialement compétent en application des dispositions de l'article R312-1 du code de justice administrative,

A titre subsidiaire,

- renvoyer la question de la compétence d'attribution du litige au tribunal des conflits,

En tout état de cause,

- condamner Mme [V] [M] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [V] [M], intimée, de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Il fait valoir au visa des articles 13 des lois des 16 et 24 août 1790, du décret -loi du 02 septembre 1795 et de l'article 92 du code de procédure civile, que les tribunaux judiciaires ont interdiction de connaître des litiges administratifs, que le juge administratif est seul compétent à connaître de la situation des fonctionnaires lesquels se trouvent 'vis à vis de l'administration dans une situation statutaire et réglementaire', que cette compétence trouve également à s'appliquer aux agents non-statutaires dès lors que ces derniers 'participent directement au fonctionnement du service public ou à son exécution même'. Il ajoute que la compétence exclusive de la juridiction administrative fait également échec aux voies d'exécution à l'encontre de l'administration, soutient qu'elle est un établissement public sanitaire et social, gérée depuis 2010 sous couvert d'une convention de direction commune avec l'hôpital local d'[Localité 7] de sorte que le directeur de l'hôpital assure également sa direction, qu'il est constant qu'il est soumis aux règles de fonctionnement et d'organisation des établissement publics sanitaire et social et que sauf exception prévue par la loi, son personnel y compris contractuel est régi par les règles de droit public.

Il soutient au visa de l'article 76 du code de procédure civile que c'est précisément parce qu'il n'a pas comparu en première instance qu'il est recevable à soulever l'exception d'incompétence en cause d'appel et conclut que dans la mesure où il n'a pas comparu en première instance et que la règle de compétence invoquée est d'ordre public , il est en droit de soulever pour la première fois cette exception d'incompétence.

Il fait observer que l'argumentation développée par Mme [V] [M] ne s'appuie sur aucune solution juridique et ne résiste pas au fait que sa relation contractuelle est exclusivement régie par le droit public.

Enfin, il soutient, à titre subsidiaire, que si la cour devait considérer que la question de la compétence attachée au litige soulève une difficulté sérieuse alors même qu'elle met en jeu la séparation des ordres de juridiction, il demande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

Mme [V] [M] conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

- recevoir l'appel de Ephad [6],

- le dire mal fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes du 05 mars 2019,

- ordonner la requalification de la relation contractuelle en relation contractuelle à durée indéterminée, faute de respect des dispositions de l'article L1242-2 du code du travail,

En conséquence,

- condamner l'Ephad [6] au paiement de sommes suivantes:

- 1 844,55 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 3 689,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 368,91 euros à titre de congés payés y afférents,

- 7 500 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail s'agissant d'un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er juin 2014,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- débouter l'employeur de ses prétentions.

Elle fait valoir, au visa de l'article 74 du code de procédure civile, que l'exception d'incompétence soulevée par l'Ephad [6] n'est plus recevable à défaut de l'avoir soulevée en première instance alors qu'il avait été régulièrement informé et convoqué.

Sur le fond, elle soutient que le dernier contrat à durée déterminée ne lui a pas été remis avant la fin de sa relation contractuelle de sorte qu'elle ne l'avait nullement signé, qu'elle considère qu'elle n'était donc soumise à aucun contrat de travail de droit public et que la compétence du conseil de prud'hommes est admise.

Elle fait observer que c'est par jugement parfaitement motivé que le conseil de prud'hommes a reconnu l'absence de tout motif des contrats à durée déterminée emportant ainsi requalification en contrat à durée indéterminée, qu'en phase d'appel, l'employeur ne conteste pas la situation et n'apporte aucune argumentation.

Elle ajoute qu'elle n'a pas signé le dernier contrat et que la requalification s'impose de plus fort, que l'employeur s'abstient de produire la dernière page du contrat afin de dissimuler l'absence de sa signature.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS :

Sur l'exception d'incompétence soulevée par l'Ephad [6]:

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions. Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103, 111, 112 et 118.

L'article 564 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il est constant que l'Ephad [6] n'a pas comparu et n'a pas été représenté lors de l'audience de première instance qui s'est tenue devant le conseil de prud'hommes de Nîmes, de sorte que Mme [V] [M] n'est pas fondée à solliciter l'application des dispositions de l'article 564 susvisé lequel présuppose que la partie à laquelle on l'oppose a été constituée en première instance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il s'en déduit que l'exception d'incompétence soulevée in limine litis et pour la première fois en appel par l'Ephad [6] est recevable.

Sur la compétence de la juridiction administrative pour trancher ce litige présentée par l'Ephad [6] :

Les personnels non-statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents de droit public quelque soit leur emploi.

Il en résulte que l'action engagée par la salariée d'un organisme de droit privé à l'encontre d'une telle personne publique fondée sur l'immixtion de cette dernière dans la gestion de la personne privée et sur la reconnaissance par voie de conséquence de la qualité de co-employeur relève de la compétence des juridictions administratives.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par l'Ephad [6] que l'établissement est géré sous couvert d'une convention de direction commune signée avec l'hôpital local d'[Localité 7] le 10 mars 2010 et que le directeur de l'hôpital d'[Localité 7] est également directeur de l'Ehpad d'[Localité 4].

Plusieurs contrats ont été signés entre l'Ephad [6] et Mme [V] [M] les 1er juin 2014, 18 septembre 2014, 15 décembre 2014, 06 juillet 2015, 11 septembre 2015, 21 décembre 2015 lesquels font référence à la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, au décret n°2010-19 du 06 janvier 2010 portant modification du décret n°91-155 du 06 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 09 janvier 1986 modifié portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, et, au titre de la rémunération mensuelle, à la grille de rémunération statutaire applicable aux aides soignants des établissements publics.

Par ailleurs l'article 6 de ces différents contrats soumet Mme [V] [M] 'aux obligations incombant au personnel des hôpitaux publics' et les différents contrats mentionnent les voie et délai de recours devant le tribunal administratif.

Il résulte de ces différents éléments que Mme [V] [M] exerçait les fonctions d'aide soignante et participait directement à l'exécution du service public dévolu à l'Ephad [6], ce qui permet de caractériser le caractère public de ces différents contrats.

Le moyen soulevé par Mme [V] [M] selon lequel l'Ephad [6] s'abstient de produire la dernière page du dernier contrat qui concerne la période de travail du 01 mars 2016 au 31 mars 2016 qu'elle dit ne pas avoir signé, dans le but de 'tromper la cour' est inopérant dès lors que la première page de ce contrat reprend les mêmes dispositions légales que les précédents lesquels relèvent du droit public et qu'il est incontestable que la salariée a travaillé pour le compte d'un service public.

Il y a lieu, en conséquence, de constater que le conseil de prud'hommes de Nîmes n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de requalification formées par Mme [V] [M] au titre de ces contrats.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et, statuant de nouveau, il y a lieu d'inviter les parties à mieux se pourvoir.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par l'Ephad [6],

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 05 mars 2019,

Statuant de nouveau,

Dit que le conseil de prud'hommes de Nîmes est incompétent pour trancher le litige opposant Mme [V] [M] et l'Ephad [6] lequel relève de la compétence de la juridiction administrative,

Invite les parties à mieux se pourvoir,

Dit n'y avoir lieu à application au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [M] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/01475
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;19.01475 ?
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