ARRÊT N°
N° RG 19/01366 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HJYE
EM/DO
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NÎMES
14 mars 2019
RG :F17/00723
[L]
C/
S.A.S. BERTHAUD LANGUEDOC
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 24 MAI 2022
APPELANT :
Monsieur [K] [L]
né le 29 Décembre 1985 à [Localité 7] (34)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Serge DESMOTS de la SELEURL SERGE DESMOTS AVOCAT, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
SAS BERTHAUD LANGUEDOC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 22 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mai 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 24 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 06 mai 2012, M. [K] [L] a été embauché par la Sas Berthaud Languedoc dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en qualité de conducteur routier groupe 7, coefficient 150M de l'annexe ouvrier de la convention collective nationale des transports.
Le 06 juillet 2012, la relation de travail s'est poursuivie par la conclusion d'un avenant fixant le terme du contrat de travail au 07 septembre 2012, date à laquelle les parties signaient un nouveau avenant qui a transformé le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
Le 24 octobre 2016, la Sas Berthaud Languedoc a notifié à M. [K] [L] une mise à pied disciplinaire de deux jours au motif d'absences injustifiées.
Le 23 février 2017, M. [K] [L] a envoyé un courrier à la Sas Berthaud Languedoc par lequel il prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 09 octobre 2017, M. [K] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de condamnation de la Sas Berthaud Languedoc à diverses sommes indemnitaires.
Suivant jugement du 14 mars 2019, la juridiction prud'homale a :
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [K] [L] n'est pas justifiée et qu'elle produit les effets d'une démission,
- débouté M. [K] [L] de la totalité de ses demandes, fins et prétentions,
- débouté la Sas Berthaud Languedoc de sa demande reconventionnelle à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- débouté la Sas Berthaud Languedoc de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les entiers dépens seront laissés à la charge de M. [K] [L].
Suivant déclaration envoyée par voie électronique le 03 avril 2019, M. [K] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 01 mars 2022 et a fixé l'affaire à l'audience du 15 mars 2022 puis a été déplacée à celle du 22 mars 2022 à laquelle elle a été retenue.
Dans ses dernières écritures, M. [K] [L] conclut à la réformation partielle du jugement déféré et demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a débouté la Sas Berthaud Languedoc de sa demande reconventionnelle à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas Berthaud Languedoc à lui payer :
- 1 121,90 euros bruts au titre des primes d'excellence,
- 112,19 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
- 5 000 euros nets au titre des manquements aux dispositions relatives au temps de travail,
- 845,28 euros bruts au titre de rappels de salaires pour heures d'absence,
- 84,53 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- annuler la mise à pied disciplinaire du 24 octobre 2016,
- condamner la Sas Berthaud Languedoc à lui payer :
- 183,14 euros bruts au titre du rappel de salaires y afférent,
- 500 euros nets au titre de dommages et intérêts,
- 1 000 euros nets à titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,
- dire et juger que la prise d'acte de sa rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la Sas Berthaud Languedoc à lui payer :
- 5 687,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 568,75 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
- 2 796,36 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 18 000 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 412,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice relative aux congés supplémentaires pour fractionnement,
- 2 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour absence de fixation des congés payés,
- condamner la Sas Berthaud Languedoc à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas Berthaud Languedoc aux entiers dépens.
Il fait valoir :
- qu'il n'a pas reçu la prime d'excellence ou ne l'a perçue que partiellement certains mois, sans raison valable, et qu'il n'a jamais été informé des conditions d'obtention de cette prime,
- au visa de l'article L3121-1 du code du travail et de la jurisprudence y afférente que la Sas Berthaud Languedoc n'a pas respecté plusieurs de ses obligations afférentes à la réglementation sur le temps de travail : temps de chargement et de déchargement et fixation des horaires de travail,
- au visa de l'article 10§6 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 et D3171-1 et suivants du code du travail, qu'il devait se tenir à la disposition permanente de son employeur dans la mesure où il n'était informé de ses jour et heure de prise de service et de ses jours de repos que le jour-même, la veille ou l'avant-veille, que la Sas Berthaud Languedoc n'a jamais affiché les horaires de travail et ne lui a jamais communiqué son planning de travail, que malgré cet état de fait, la société a procédé à des retenues sur salaire pour absences qui lui étaient imputables, notamment le 21 octobre 2016 alors qu'il faisait l'objet d'un entretien préalable pour mise à pied disciplinaire et du 29 au 31 octobre 2016 alors que l'employeur ne lui a pas fourni du travail, puis du 23 au 27 février 2017 alors qu'il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 février 2017 ; il considère que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve,
- au visa de l'article L1333-1 du code du travail et de la jurisprudence y afférente, que la Sas Berthaud Languedoc ne peut pas se prévaloir de son règlement intérieur qui lui était inopposable, ce qui implique nécessairement l'annulation de la mise à pied disciplinaire, ajoutant que les griefs qui y sont visés ne sont pas justifiés,
- au visa de l'article L4121-1 du code du travail, qu'il n'a pas bénéficié des visites médicales périodiques et qu'il a été ainsi privé des actions de santé au travail menée par le médecin du travail,
- au visa des articles 1217, 1227 et 1228 du code civil et de la jurisprudence y afférente, qu'il a été privé de ses congés payés de 27 jours entre 2013 et 2015 et qu'il n'a bénéficié d'aucun jour de congé pour l'année 2015/2016 et de ses jours supplémentaires de fractionnement, qu'il n'a jamais abandonné la demande formée devant le conseil de prud'hommes.
La Sas Berthaud Languedoc conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes au titre des rappels de salaire sur prime d'excellence,
- constater qu'elle n'a commis aucun manquement à la législation et à la réglementation sur la durée du travail,
- constater que M. [K] [L] ne justifie d'aucun préjudice,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- juger que la mise à pied du 24 octobre 2016 est justifiée,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- juger que les retenues sur salaires qu'elle a opérées étaient parfaitement légitimes,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- juger que M. [K] [L] ne justifie d'aucun préjudice sur le prétendu manquement relatif au suivi médical,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- juger que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas avérés sinon qu'ils n'empêchaient pas la poursuite des relations contractuelles,
- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [K] [L] n'est pas justifiée et qu'elle produit les mêmes effets d'une démission,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- condamner M. [K] [L] à lui payer la somme de 656,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- juger que l'action en requalification en contrat à durée indéterminée et donc la demande indemnitaire y afférente sont prescrites,
- juger que M. [K] [L] a bien été embauché au moyen d'un contrat à durée déterminée régulier motivé par un surcroît temporaire d'activité,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes à ce titre,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ses demandes au titre des congés payés.
Elle soutient :
- que le montant de la prime d'excellence a été modifié à plusieurs reprises sans référence à un critère fixe, précis et invariable, qu'elle n'a pas été versée à M. [K] [L] chaque fois que la qualité de son travail l'en avait empêché, que cette prime ne saurait constituer un usage et s'inscrit dans la politique managériale pour récompenser les salariés les plus méritants,
- que l'affirmation de M. [K] [L] selon laquelle il a été contraint de décompter en temps de repos le temps qu'il a consacré au déchargement sur son ordre est mensongère et est injustifiée ; elle ajoute que les horaires de travail du salarié n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque contractualisation, que la répartition du temps de travail pouvait être librement modifiée par l'employeur sans l'accord de M. [K] [L] et que la production des plannings n'était pas obligatoire, qu'en toute hypothèse, M. [K] [L] ne justifie pas avoir subi un préjudice à ce titre,
- qu'elle a respecté ses obligations relatives à la mise en place du règlement intérieur qui était opposable à M. [K] [L] et que la mise à pied qui lui a été notifiée était parfaitement justifiée, puisqu'il a été sanctionné deux jours pour avoir été absent de manière injustifiée à quatre reprises, qu'en raison de la nature particulière de son activité de transport, il était particulièrement difficile de prévoir plusieurs jours à l'avance les tournées des chauffeurs ; elle ajoute que les retenues sur salaires étaient justifiées, que M. [K] [L] tente de se justifier pour 3 jours d'absence alors qu'il a été absent de manière injustifiée 18 jours et que les Sms envoyés au salarié ont été envoyés suffisamment à l'avance avant le début des tournées,
- que M. [K] [L] ne justifie d'aucun préjudice au titre des visites médicales périodiques, alors qu'il avait vu au moins à une reprise le médecin du travail qui l'avait déclaré apte à l'exercice de ses fonctions,
- que M. [K] [L] a motivé sa prise d'acte par de nombreux manquements lesquels soit ne sont pas avérés, soit n'empêchaient pas la poursuite du contrat de travail dans la mesure où il n'avait même pas pris la peine de solliciter la régularisation de sa situation,
- au visa de l'article 1471-1 du code du travail et de la jurisprudence y afférente, que la demande formée par M. [K] [L] au titre de la requalification du contrat de travail est prescrite depuis le 14 juin 2015, que contrairement à ce qu'il soutient, le contrat à durée déterminée initial stipule qu'il a été embauché pour exécuter une tâche temporaire liée à la variation du cycle de production, de sorte qu'au fond, la demande présentée par M. [K] [L] n'est pas fondée,
- sur les congés payés, que contrairement à ce qu'avance M. [K] [L], deux jours de congés payés supplémentaires ne sont pas nécessairement dus dès lors que le salarié ne solde pas chaque année ses congés payés, que M. [K] [L] ne détaille pas les dates auxquelles il les aurait soldés, qu'à aucun moment elle ne l'a empêché de prendre ses congés payés, de sorte qu'elle a régularisé le solde au terme de ses relations contractuelles.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS :
Sur la demande de rappels de salaires pour absences :
Dès lors que ses clauses sont licites, un règlement intérieur, régulièrement mis en vigueur, est opposable à un salarié antérieurement engagé, sans que son consentement individuel ne soit requis mais l'opposabilité du règlement intérieur est subordonnée au respect des conditions de sa mise 'uvre, que ce soit au niveau de la consultation préalable des représentants du personnel ou de sa communication à l'inspecteur du travail, de sorte que si le règlement intérieur n'est pas opposable, l'employeur ne peut pas s'en prévaloir.
Les obligations issues du règlement intérieur doivent être observées par le salarié.
En l'espèce, les éléments produits par la Sas Berthaud Languedoc, soit un compte rendu d'une réunion des délégués du personnel du 26 juin 2015 dans lequel il est mentionné 'modification règlement intérieur', un courrier de l'Inspecteur du travail du 15 février 2018 duquel il résulte que ce service a bien été destinataire du règlement intérieur de l'établissement Berthaud sis à Générac réceptionné le 08 juillet 2015 et le récépissé de dépôt établi par le conseil de prud'hommes de Nîmes, établissent suffisamment que la Sas Berthaud Languedoc a respecté les conditions de mise en oeuvre exigées pour l'opposabilité du règlement intérieur.
L'article 6 du règlement intérieur daté du 12 juin 2015 dispose que 'tout membre du personnel dans l'impossibilité d'assurer son service aux heures fixées, pour quelque cause que ce soit, doit prévenir ou faire prévenir l'entreprise...'.
L'article 9 dispose que 'tout membre du personnel qui désire s'absenter doit en faire la demande au plus tard 24 heures avant à son chef hiérarchique...'.
Lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation.
En l'espèce, M. [K] [L] soutient que la Sas Berthaud Languedoc a procédé à des retenues sur salaires pour des absences qui lui sont imputables : 04 septembre 2016, du 07 au 10 octobre 2016, 20 octobre 2016, du 21 au 22 octobre 2016, et qu'elle a déduit sans justification les salaires dus du 29 au 31 octobre 2016, du 14 janvier au 22 février 2017, alors qu'il lui appartenait de lui fournir du travail, puis a effectué une retenue du 23 au 27 février 2017 alors qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en date du 23 février 2017, les retenues s'élevant à un montant total de 845,28 euros bruts.
La production des bulletins de salaire met en évidence la réalité des allégations de M. [K] [L] concernant les retenues de salaire pour absences ainsi évoquées.
S'agissant de l'absence du :
- 04 septembre 2016 : M. [K] [L] produit des échanges de SMS du 2 septembre 2016 desquels il ressort que l'employeur l'informe qu'il va devoir repartir ( effectuer un transport ) le dimanche (soit le 4 septembre ) et M. [K] [L] lui répond à 17h56 qu'il ne peut pas parce qu'il a un rendez-vous ce jour là à 11h,
- du 07 au 10 octobre 2016 : l'employeur informe M. [K] [L] le 06 octobre 2016 à 16h57 qu'il ne 'monte pas ce jour' mais qu'il prévoit le lendemain un transport à [Localité 8], M. [K] [L] lui répond le même jour à 17h01 : 'ne compte pas sur moi pour demain ; le 11 octobre 2016, M. [K] [L] reçoit de nouvelles instructions,
- le 18 octobre 2016, M. [K] [L] reçoit un Sms qui l'informe qu'il ne monte pas ce jour là,
- le 20 octobre 2016, M. [K] [L] reçoit un sms qui l'informe qu'il ne 'monte pas' ce soir et qu'il est 'prévu demain...pour [Localité 8]'; M. [K] [L] répond le même jour qu'il n'est pas disponible ce week-end ayant 'prévu autre chose en famille',
- le 21 octobre 2016, il n'est pas contesté que M. [K] [L] a eu un entretien préalable ce jour là à 10h dans la perspective d'une mesure de mise à pied disciplinaire ; dans le courrier daté du 24 octobre 2016, l'employeur reproche au salarié de ne pas avoir 'travaillé le 21 octobre 2016 à 19h30 comme convenu';
- du 23 au 27 février 2017, M. [K] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail au 23 février 2017.
Si aucun texte n'oblige la Sas Berthaud Languedoc à remettre à M. [K] [L] un planning détaillé de ses missions, il n'en demeure pas moins qu'elle était tenue d'organiser le temps de travail de son salarié pour lui permettre de s'organiser et éviter d'être à sa disposition permanente.
Or, les différents échanges de Sms entre M. [K] [L] et la Sas Berthaud Languedoc établissent que celle-ci l'informait régulièrement de ses missions de transport dans un délai trop court, de l'ordre d'une journée à quelques heures, et qu'à défaut pour ce dernier de connaître ses jours et heures de travail, soit à la semaine soit au mois, le salarié se trouvait bien à la disposition permanente de l'employeur.
La Sas Berthaud Languedoc soutient qu'elle avisait préalablement M. [K] [L], oralement de ses missions avant de les confirmer par écrit, par le biais de Sms , sans pour autant en justifier ; dans tous les cas, la Sas Berthaud Languedoc ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait pu aviser M. [K] [L] dans un délai raisonnable pour qu'il puisse s'organiser dans sa vie personnelle et familiale.
A défaut pour l'employeur de justifier précisément les jours de travail effectif, les jours de repos dont le salarié était en droit de bénéficier pendant les périodes litigieuses, la cour se trouve manifestement dans l'impossibilité de pouvoir distinguer et vérifier que les retenues que l'employeur a opérées sur ces différentes périodes correspondent effectivement à des absences, de sorte que ces retenues n'apparaissent pas justifiées.
Il convient donc de faire droit à la demande de M. [K] [L] sur ce point à hauteur de 845,28 euros au titre des rappels de salaires pour absences et celle de 84,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés dont les montants ne sont pas sérieusement contestés par la Sas Berthaud Languedoc.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point dans ce sens.
Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire :
L'article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont
fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, saisi de la contestation sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire, peut l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise
La mise à pied est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail, sa durée doit être fixée et connue du salarié au moment où elle lui est notifiée.
La mise à pied, dès lors qu'elle constitue la sanction définitive d'un agissement fautif, fait cesser pendant sa durée l'obligation de payer le salaire et corrélativement l'obligation de fournir le travail.
Elle ne peut être prononcée dans les entreprises tenues d'avoir un règlement intérieur que si elle est prévue dans celui-ci et que sa durée maximale y est bien fixée, à défaut, les mises à pied prononcées sont nulles.
Le juge du fond a pleine compétence pour examiner la réalité des faits reprochés au salarié. À cet effet, il examine tous les éléments de preuve fournis par les parties au soutien de leurs prétentions. Néanmoins, le doute profite au salarié, c'est au juge de faire état de ce doute, s'il existe.
L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction ; le salarié fournit également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations.
En l'espèce, l'article 25 du règlement intérieur de la Sas Berthaud Languedoc prévoit une mise à pied disciplinaire d'une durée maximale de 9 jours.
L'article 10 du même réglement stipule qu' 'est en absence irrégulière tout salarié qui n'aura pas justifié une absence par un motif valable dans les délais impartis. L'absence irrégulière d'une durée égale ou supérieure à 3 jours ou la répétition d'absences plus courtes pourront constituer une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire sous réserve de l'application de la procédure en vigueur...'.
En l'espèce, M. [K] [L] a eu un entretien le 21 octobre 2016 en vue d'une 'mesure de mise à pied disciplinaire' puis le 24 octobre 2016 cette mesure lui a été notifiée pour une durée de deux jours pour les motifs suivants: absences du 4 septembre, du 07 au 10 octobre 2016, du 21 octobre 2016 à 19h30.
S'agissant des absences du :
- 21 octobre 2016, force est de constater qu'elle ne constitue pas un motif valable pour une mesure disciplinaire puisqu'elle est postérieure à l'entretien du même jour,
- 04 septembre 2016, les échanges de Sms du 02 septembre 2016 établissent que M. [K] [L] a informé de son impossibilité de travailler le 04 septembre 2016, soit dans le délai imparti de 24 heures ;
- du 07 au 10 octobre 2016, les échanges de Sms établissent également que M. [K] [L] a informé l'employeur qu'il ne serait pas disponible pour travailler le lendemain sans que l'employeur ne précise dans son Sms l'heure à laquelle le transport devait avoir lieu ; la Sas Berthaud Languedoc n'apporte pas ce jour d'éléments de nature à apporter des précisions sur l'heure du départ de sorte qu'il y a lieu d'en déduire que le délai de 24 heures a également été respecté par le salarié.
Pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, force est de constater que l'employeur n'apporte pas d'éléments de nature à permettre à la cour de distinguer précisément les jours de travail effectifs, les jours de repos journaliers et les absences.
Il s'en déduit que la sanction disciplinaire n'est pas justifiée et doit être annulée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de faire droit aux demandes de M. [K] [L] d'un rappel de salaires au titre de l'annulation de la mesure disciplinaire à hauteur de 183,14 euros mais de rejeter sa demande de dommages et intérêts à défaut de justifier de la réalité d'un préjudice.
Sur la prime d'excellence :
Le paiement d'une prime est obligatoire pour l'employeur lorsque son versement résulte d'un usage répondant à des caractères de généralité, constance et fixité.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par les parties que la Sas Berthaud Languedoc a versé à M. [K] [L] une prime d'excellence 152,45 euros brut en 2014, 2015 et 2016 à l'exception des périodes suivantes : décembre 2014, janvier et décembre 2015, août et octobre 2016, janvier et février 2017, les primes ayant été proratisées pour les mois d'août et septembre 2014.
La Sas Berthaud Languedoc soutient que la prime du mois d'août 2014 se serait élevée à 202,45 euros alors que le bulletin de salaire que M. [K] [L] a produit mentionne un montant de 152,45 euros.
La prime du mois d'août 2014 a été proratisée et s'est élevée à la somme de 118,03 euros tout comme celle de septembre 2014 qui s'est élevée à la somme de 132,12 euros.
L'employeur soutient que la prime du mois de décembre 2014 n'aurait pas été réglée en raison de dégradations matérielles que M. [K] [L] aurait commises sur un véhicule, sans pour autant en justifier.
Contrairement à ce que soutient la Sas Berthaud Languedoc, les éléments qui précèdent établissent que l'attribution de cette prime présente un caractère de constance, de généralité et de fixité suffisant pour que le salarié soit effectivement en droit d'en réclamer le paiement pour les mois susvisés, soit la somme totale de 1 121,90 euros dont le montant n'est pas sérieusement contesté par la Sas Berthaud Languedoc outre 112 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.
Sur les obligations relatives au temps de travail :
Selon l'article 1 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandise : les dispositions du présent décret sont applicables aux personnels, y compris le personnel d'encadrement, des établissements et professions qui ressortissent aux classes ci-après des nomenclatures d'activités et de produits approuvées par le décret n° 2002-1622 du 31 décembre 2002 :
60.2 L Transports routiers de marchandises de proximité ;
60.2 M Transports routiers de marchandises interurbains(...)
63.1 E Entreposage non frigorifique (uniquement pour les entreprises exerçant à titre principal pour le compte de tiers, une activité de prestations logistiques sur des marchandises ne leur appartenant pas mais qui leur sont confiées) ;
63.4 A Messagerie, fret express (...)
63.4 C Organisation des transports internationaux ; (...)
L'article 2 du décret dispose que les dispositions du présent décret sont applicables aux personnels, y compris le personnel d'encadrement, des établissements et professions qui ressortissent aux classes ci-après des nomenclatures d'activités et de produits approuvées par le décret n° 2002-1622 du 31 décembre 2002 :
60.2 L Transports routiers de marchandises de proximité (...)
60.2 M Transports routiers de marchandises interurbains (...)
63.1 E Entreposage non frigorifique (uniquement pour les entreprises exerçant à titre principal pour le compte de tiers, une activité de prestations logistiques sur des marchandises ne leur appartenant pas mais qui leur sont confiées) ;
63.4 A Messagerie, fret express (...)
63.4 C Organisation des transports internationaux (...)
Selon l'article 7 du dit décret, l'amplitude de la journée de travail est l'intervalle existant entre deux repos journaliers successifs ou entre un repos hebdomadaire et le repos journalier immédiatement précédent ou suivant
, lorsque cette compensation est accordée sous forme de repos, le salarié est tenu régulièrement informé de ses droits acquis sur son bulletin de paie ou sur un relevé annexé au bulletin. Le repos ne peut être pris que par journée entière, chacune étant réputée correspondre à huit heures de repos compensateur, et dans un délai, fixé d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, qui ne peut excéder deux mois.
L'article L3121-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
L'article 10§6 du décret 83-40 du 26 janvier 1983, en vigueur du 05 janvier 2007 au 01 janvier 2017 dispose que le bulletin de paie, ou un document mensuel annexé au bulletin de paie, doit préciser le total cumulé des heures supplémentaires effectuées et des repos compensateurs acquis par le salarié depuis le début de l'année civile.
Le bulletin de paie, ou le document mensuel annexé mentionné au précédent alinéa, doit comporter obligatoirement, pour les personnels de conduite sans préjudice des dispositions de l'article R. 143-2 et des articles D. 212-18 à D. 212-20 et D. 212-23 du code du travail, après régularisation éventuelle le mois suivant, compte tenu du délai nécessaire à leur connaissance effective :
- la durée des temps de conduite ;
- la durée des temps de service autres que la conduite ;
- l'ensemble de ces temps constitutifs du temps de service rémunéré, récapitulés mensuellement ;
- les heures qui sont payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause ;
- les informations relatives aux repos compensateurs acquis en fonction des heures supplémentaires effectuées.
Les dispositions relatives aux articles D3171-1 et suivants du code des transports se rapportent au suivi et au contrôle de la durée de travail tout comme les articles D3312-63, D3312-60 et D3312-61 qui se rapportent à la possibilité donnée au salarié de solliciter auprès de l'employeur la communication des relevés chronotachygraphes analogiques et numériques et une copie des fichiers issus du téléchargement des données électroniques contenues dans sa carte de conducteur.
En l'espèce, il est constant que la Sas Berthaud Languedoc exploite une activité de transports routiers et de fret et applique la convention collective des transports routiers.
Le contrat de travail de M. [K] [L] ne prévoit pas de clause fixant un horaire de travail quotidien ou la répartition des horaires de façon hebdomadaire.
Si la fixation des horaires de travail des salariés à temps plein relève du pouvoir de direction de l'employeur, il n'en demeure pas moins que le salarié est en droit de connaître dans un délai raisonnable les dates, heures et lieux de ses missions ainsi que les dates de ses jours de repos journaliers dans un souci du respect de sa vie personnelle et familiale.
M. [K] [L] soutient que l'employeur a failli à certaines obligations relatives au temps du travail :
I) en l'obligeant à ne pas décompter les temps de chargement et de déchargement dont la Sas Berthaud Languedoc demande qu'ils soient décomptés comme temps de repos, citant l'exemple d'un transport réalisé le 20 janvier 2017 :
- à l'appui de ses prétentions, M. [K] [L] produit une lettre de voiture nationale du 20 janvier 2017 pour un chargement qui eu lieu à 18h à [Localité 9] et un départ à 19h10 concernant une livraison à Auchan [Localité 6], un décompte d'horaires du chronotachygraphes sur lequel figure une mention manuscrite 'chargement sans carte' et sur lequel il apparaît que pendant le temps de chargement, M. [K] [L] s'est positionné de la façon suivante : en conduite pendant 1 minute, en repos pendant 8 mns, en conduite pendant 1 mn, en autre activité pendant 7 mns, en repos pendant 32 mns, en autre tâche pendant 1 mn, en repos pendant 9 mns puis en conduite pendant 1 mn ; le salarié produit par ailleurs une retranscription d'échanges de Sms desquels il ressort que l'employeur lui a demandé d'effectuer un 'chargement chez Auchan village à 18h pour [Localité 6] + [Localité 5], a ramener au dépôt',
- de son côté, la Sas Berthaud Languedoc verse aux débats une attestation établie par M. [V] [S] qui se présente comme salarié de la société depuis le 16 septembre 2016 et qui indique être satisfait de ses conditions de travail, et une attestation établie par M. [H] [J] qui se présente comme délégué du personnel et salarié depuis 4 ans au sein de la société et qui certifie que la Sas Berthaud Languedoc a 'toujours été très stricte en ce qui concerne la réglementation sociale européenne...pour ce qui concerne les temps de travail, de pause, et l'usage de la carte chronotachygraphe'.
Force est de constater que les seuls éléments produits par M. [K] [L] ne permettent pas de corroborer ses affirmations selon lesquelles le positionnement en temps de repos pendant la chargement du 20 janvier 2017 résulte d'une instruction donnée par l'employeur, alors que d'autres salariés évoquent une application stricte de la législation en la matière par l'employeur.
II) en ne respectant pas les dispositions relatives à la fixation des horaires de travail à défaut de lui communiquer un planning de travail :
- à l'appui de ses prétentions, M. [K] [L] verse aux débats des échanges de Sms avec son employeur entre août 2016 et janvier 2017 desquels il ressort que M. [K] [L] recevait régulièrement des instructions pour des transports, soit la veille pour le lendemain, soit le matin ou en début d'après-midi pour le soir de la même journée,
- de son côté, la Sas Berthaud Languedoc produit l'attestation établie par M [H] [J] qui indique que le reponsable est 'accessible, conscient des contraintes personnelles de chacun, que l'exploitation permet habituellement de trouver des compromis dans l'organisation du travail afin de concilier exigences professionnelles et personnelles', une attestation établie par M. [W] [X], salarié depuis le 1er juillet 2005, selon laquelle il a 'toujours trouvé un terrain d'entente au sein de la Sas Berthaud Languedoc lorsqu'il avait des 'demandes spécifiques' ou des questions personnelles'.
Les documents produits par M. [K] [L] établissent qu'il reçoit des instructions à très bref délai et ce de façon régulière et dans un délai qui l'oblige à rester à la disposition permanene de l'employeur quels que soient les jours de la semaine, à défaut de se conformer à une organisation précise de son temps de travail, peu importe que la société rencontre des contraintes d'activités à'des flux d'offres et de demandes parfois irréguliers, souvent imprévisibles' liées à son activité de transport comme le rappellent les premiers juges, dès lors que le salarié est en droit d'obtenir le respect de sa vie personnelle et familiale et à son droit au repos.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point en ce sens.
III) en ne recevant pas le décompte mensuel qui doit être adjoint au bulletin de salaire et en ne lui communiquant pas les relevés chronotachygraphes :
M. [K] [L] justifie avoir fait grief à son employeur de ne pas avoir joint à ses bulletins de salaire les décomptes mensuels et avoir été ainsi dans l'impossibilité de vérifier les heures payées.
La Sas Berthaud Languedoc ne produit aucun élément de nature justifier l'application des dispositions de l'article 10§6 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 et n'apporte aucune explication sur les demandes du salarié.
Or, l'absence de communication des documents qui sont de nature à permettre à M. [K] [L] de connaître la durée des temps de conduite, la durée des temps de service autres que la conduite, les heures qui sont payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause, les informations relatives aux repos compensateurs acquis en fonction des heures supplémentaires effectuées, est manifestement préjudiciable au salarié qui n'a pas été en mesure de vérifier notamment les 'heures payées sur le bulletin de salaire', comme le mentionne M. [K] [L] dans un courrier adressé à la Sas Berthaud Languedoc dans un courrier du 23 février 2017, et ce d'autant plus que le salarié ne connaissait pas de façon précise l'organisation de son temps de travail.
Il s'en déduit que la demande de dommages et intérêts sollicitée par M. [K] [L] à ce titre est fondée et il sera fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 2 000 euros.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur ce point en ce sens.
Sur l'obligation de sécurité relative aux visites médicales périodiques :
Selon l'article L4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article R4624-10 du même code, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche.
L'article R4624-16 du même code, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire. Sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l'agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu'elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.
En l'espèce, M. [K] [L] établit par la production des pièces produites qu'il a bénéficié d'une visite médicale le 27 février 2013 à l'issue de laquelle il a été déclaré apte à son poste de chauffeur ; l'employeur ne justifie pas, de son côté, avoir organisé d'autres visites médicales depuis son embauche, a minima tous les deux ans, de sorte qu'il s'en déduit qu'il a manqué à ses obligations.
M. [K] [L] soutient avoir subi un préjudice pour avoir été privé des actions de santé au travail menées par le médecin du travail, de ses conseils sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer les conditions de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l'emploi, d'avoir été privé de la surveillance de son état de santé.
Cependant, force est de constater qu'au soutien de sa demande, M. [K] [L] n'évoque aucun préjudice précis, certain et personnel, évoquant un préjudice en termes généraux, de sorte que sa demande présentée à ce titre n'est pas fondée et sera rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la prise d'acte de M. [K] [L] :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire, d'une démission.
Il y a lieu de retenir la date d'envoi de la prise d'acte comme date de prise d'effet de la rupture.
En l'espèce, M. [K] [L] a adressé à la Sas Berthaud Languedoc un courrier daté du 23 février 2017 en recommandé dont la date d'envoi figurant sur l'accusé de réception produit aux débats est illisible ayant pour objet une prise d'acte de la rupture du contrat de travail motivée de la façon suivante :
'constatant que les relations de mon contrat de travail ne cessent de se dégrader, je suis au regret de constater que vos obligations d'employeur ne sont pas plus respectées...j'ai perçu pendant plus de 4 ans une prime d'excellence, constitue un droit acquis, qui n'est plus systématiquement versée. Je constate que votre entreprise n'effectue aucune visite médicale du travail obligatoire au salarié...Vous retenez abusivement de prétendues heures payées sur le bulletin de salaire car vous n'avez jamais joint au bulletin les décomptes mensuels pourtant obligatoires...Votre entreprise n'établit aucun planning, m'avertit au dernier moment de tel déplacement grande distance. Je suis prévenu au jour le jour, que quelques heures avant mon départ. Je dois rester à votre disposition ce qui a un impact direct sur ma situation familiale. Enfin, certains chargements et déchargements s'effectuent sans carte conducteur afin de ne pas rompre le temps de repos journalier. Tout ceci sans compensation financière supplémentaire de votre part et aucune couverture en cas d'accident...vous ne respectez pas les durées de repos et temps de conduite. Malgré mes demandes d'explications et la contestation de la mise à pied, j'ai constaté que sur le bulletin de paie de janvier vous avez retiré la prime d'excellence et encore une absence. J'ai donc demandé au RH de me donner mes synthèses d'activité mais rien ne m'a été transmis. Ces manquements graves empêchent la poursuite du contrat de travail...'.
Au vu des éléments qui précèdent, il est établi que la Sas Berthaud Languedoc a commis certains des griefs évoqués par le salarié :
- non-paiement de la prime d'excellence pour certains mois,
- défaut d'organisation de visites médicales périodiques depuis le 27 février 2013,
- absence d'organisation précise des temps de travail et de repos journaliers entraînant une mise à disposition permanente auprès de l'employeur,
- retenues de salaires non-justifiées concernant les absences,
- défaut de communication des décomptes mensuels joints aux bulletins de salaire.
Seuls les griefs se rapportant aux instructions qui auraient été données pendant les temps de déchargements et chargements sans carte conducteur et le non-respect des temps de repos et de conduite ne sont pas établis par le salarié.
Si M. [K] [L] ne rapporte pas la preuve que le temps des chargements et déchargements n'étaient pas comptés en temps de travail, par contre il ne peut pas lui être reproché de ne pas rapporter la preuve du non-respect des durées de repos et des temps de conduite, la Sas Berthaud Languedoc ne produisant aucun des documents nécessaires pour procéder à une telle vérification sur la période litigieuse.
L'ensemble des griefs établis et évoqués par M. [K] [L] étant d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail, il y a lieu de constater que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse au 23 février 2017.
Alors âgé de 32 ans, titulaire d'une ancienneté supérieure à deux ans au sein de l'entreprise employant au moins onze salariés, M. [K] [L] percevait un salaire mensuel brut de 2 543 euros dont le montant n'est pas sérieusement contesté par l'employeur.
Compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, il sera fait droit à sa demande en paiement de la somme de :
- 5 687 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, ouvrant droit à une indemnité de congés payés de 568 euros bruts, celle de 2 796,36 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement et celle de 18 000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable.
Le jugement sera ainsi infirmé dans ce sens.
Sur la demande relative à l'absence de fixation des congés payés :
L'article R1453-5 du code du travail dispose que lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n'est statué que sur les dernières conclusions communiquées.
En l'espèce, à la lecture des conclusions récapitulatives déposées par M. [K] [L] lors de l'audience de première instance, il apparaît que la demande présentée au titre des congés payés figure dans les conclusions mais n'ont pas été reprises dans le dispositif.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'ils n'avaient pas été saisis des demandes formées par M. [K] [L] au titre du rappel de salaires concernant les congés payés.
La demande formée en appel par M. [Y] [L] constitue une demande nouvelle qui sera donc déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 14 mars 2019,
Statuant de nouveau sur le tout,
Déclare irrecevable la demande formée par M. [K] [L] au titre des congés payés,
Annule la mise à pied prononcée le 24 octobre 2016 par la Sas Berthaud Languedoc à l'encontre de M. [K] [L],
Dit que la rupture d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 23 février 2017,
Condamne la Sas Berthaud Languedoc à payer à M. [K] [L] les sommes suivantes:
- 845,28 euros bruts au titre des rappels de salaire pour absences et celle de 84,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 183,14 euros bruts au titre de rappel de salaire consécutif à l'annulation de la mise à pied du 24 octobre 2016,
- 1 121,90 euros bruts au titre de rappel de salaire concernant la prime d'excellence, outre 112 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquements aux dispositions relatives au temps de travail,
- 5 687 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, 568 euros bruts d'indemnité de congés payés y afférente, 2 796,36 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement et celle de 18 000 euros nets sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable,
Condamne la Sas Berthaud Languedoc à payer à M. [K] [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sas Berthaud Languedoc aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,