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17/05/2022 | FRANCE | N°20/00427

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 17 mai 2022, 20/00427


ARRÊT N°



R.G : N° RG 20/00427 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HUJB

CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

08 janvier 2020





RG:14/00125





E.U.R.L. [7]



C/



URSSAF DU VAUCLUSE









































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 17 MAI 2022









APPELANTE :

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EURL [7]

[Adresse 5],

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, avocat au barreau de NIMES,

représentée par Me Cédrick DUVAL de la SELARL CABINET DUVAL AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMÉE :



URSSAF DU VAUCLUSE

[Adresse 2]

[Localité 1]



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ARRÊT N°

R.G : N° RG 20/00427 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HUJB

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

08 janvier 2020

RG:14/00125

E.U.R.L. [7]

C/

URSSAF DU VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANTE :

EURL [7]

[Adresse 5],

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, avocat au barreau de NIMES,

représentée par Me Cédrick DUVAL de la SELARL CABINET DUVAL AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

URSSAF DU VAUCLUSE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me MALDONADO, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 15 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'EURL [7], exploitant en restauration rapide sous l'ancienne [6], a fait l'objet d'un contrôle de l'application des règles de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, par les services de l'URSSAF de Vaucluse pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

Par une lettre d'observations du 15 février 2013, l'URSSAF de Vaucluse a fait part de son projet de procéder au redressement de l'EURL [7], pour un montant global en principal de 15.972 euros portant sur les points suivants:

- point n°1 : observations - forfait social - assiette - hors prévoyance,

- point n°2 : observations - CSG et CRDS : participation, intéressement, palns d'épargne et actionnariat,

- point n°3: avantage en nature nourriture : évaluation pour les salariés des entreprises de restauration : 15.972 euros.

L'EURL [7] n'a pas formulé d'observations suite à la réception de cette lettre d'observations.

Le 25 mai 2013, l'URSSAF de Vaucluse a mis en demeure l'EURL [7] de lui régler, ensuite de ce contrôle, la somme de 18.170 euros correspondant à 15.972 euros de cotisations et contributions et 2.198 euros de majorations de retard.

L'EURL [7] a contesté cette mise en demeure en saisissant la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF, laquelle dans sa séance du 4 décembre 2013 a maintenu l'ensemble des chefs de redressement.

L'EURL [7] a contesté cette décision en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse par requête adressée le 23 janvier 2014.

Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour connaitre de ce litige, a :

- débouté l'EURL [7] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur du et la mise en demeure du 4 décembre 2013 pour son montant restant dû de 18.170 euros dont 15.972 euros en cotisations et 2.198 euros en majorations de retard,

- condamné l'EURL [7] à payer à l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 18.170 euros dont 15.972 euros en cotisations et 2.198 euros en majorations de retard,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur,

- condamner l'EURL [7] à payer les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 5 février 2020, l'EURL [7] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 20/427, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 15 mars 2022.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'EURL [7] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

- juger que l'organisation du travail de ses salariés conduit ses derniers à prendre des repas contraints, sur place du fait notamment d'horaires décalés et en dehors des heures habituelles de prise des repas ;

- juger que la prise des repas dans les conditions particulières qu'elle démontre, voire inhérentes même à son activité, quelques soient les modalités proposées par l'employeur pour se nourrir, ne peut constituer un avantage en nature ;

- juger que les primes de panier qu'elle verse le sont au titre de l'obligation de fournir des repas à ses employés dans les conditions fixées par l'article 42 de la convention collective nationale de la restauration rapide ;

- juger que l'URSSAF n'a pas caractérisé les situations qui auraient pu selon elle conduire à reconnaître l'existence d'avantages en nature et qu'elle ne pourrait procéder à un redressement général de cotisations sur les repas fournis aux employés sans avoir, a minima, répondu aux situations particulières démontrées par le cotisant ;

- juger que l'URSSAF de Vaucluse ne saurait établir que tout versement d'une prime de panier doit être considéré comme un avantage en nature repas sur le seul fondement d'une gratuité d'un repas, laquelle est par ailleurs inexistante puisque les salariés payent bien leur repas avec leurs primes de panier comme indiqué sur leurs bulletins de salaire ;

- juger que la compensation d'une créance et d'une dette peut être pratiquée en droit du travail et permet à tout employé bénéficiant d'un repas fourni par son employeur de ne pas le payer pour en être remboursé

- juger que le redressement de cotisations sociales au titre d'avantages en nature repas ne saurait lui être opposable,

En conséquence,

- annuler le redressement opéré de ce chef par l'URSSAF de Vaucluse;

- condamner l'URSSAF de Vaucluse à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'URSSAF de Vaucluse aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'EURL [7] fait valoir que l'article 42 de la convention collective nationale de la restauration rapide lui impose la fourniture d'un repas aux salariés dès lors que sa tranche horaire de travail effectif couvre au moins une heure de pointe ou s'il travaille au moins 5 heures consécutivement au cours d'une journée, ce qui est le cas de la totalité de ses salariés.

En référence à la définition jurisprudentielle des frais professionnels et de la prime de panier, elle rappelle que la fourniture d'un repas résultat d'une obligation professionnelle ou pris par nécessité de service, prévue conventionnellement ou contractuellement n'est pas considérée comme un avantage en nature et n'est en conséquence pas réintégrée dans l'assiette des cotisations.

L'EURL [7] considère qu'elle a produit lors du contrôle URSSAF un tableau détaillé qui justifie de la réalité des contraintes auxquelles sont soumis ses salariés, et que l'organisme social s'est réfugié derrière le concept de gratuité du repas pour éluder la question, alors qu'elle a respecté les plafonds posés par la convention collective.

Elle conteste le positionnement de l'URSSAF selon lequel elle ne justifie pas de la réalité des repas pris sur place alors que le propre d'une prime de panier est d'être versée systématiquement en raison d'une sujétion particulière et qu'en l'espèce l'URSSAF renverse la charge de la preuve.

Elle réfute le positionnement de l'URSSAF qui déduit une gratuité du repas du fait que le montant de la prime de panier couvre intégralement le montant du repas pris sur place, les deux apparaissant sur le bulletin de paie. Elle reproche également à l'organisme social de ne pas démontrer en quoi le fait de prendre un repas à tarif préférentiel serait constitutif d'un avantage en nature.

Enfin, au visa des articles 1347 et 1347-1 du code civil, l'EURL [7] considère que l'URSSAF ne peut déduire du seul fait de cette gratuité du repas l'existence d'un avantage en nature, et qu'elle élude toute discussion sur la notion de frais professionnels. L'EURL [7] considère qu'il existe non pas une gratuité, qui suppose l'obtention d'un bien ou d'un service sans contrepartie, mais une compensation entre sa créance consistant en l'achat par le salarié d'un repas pris sur place et la créance du salarié, résultant de l'article 42 de la convention collective sous forme de prime de panier.

L'EURL [7] reproche également à l'URSSAF de ne pas démontrer en quoi le fait de prendre un repas à tarif préférentiel serait un avantage en nature, alors que tous ses salariés sont contraints, selon les tableaux qu'elle dit verser aux débats, de se nourrir sur leur lieu de travail selon des horaires décalés, et de recourir à une méthode arbitraire pour chiffrer le redressement qu'elle lui impose.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de :

- débouter la société de son appel et de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 8 janvier 2020,

En conséquence,

- déclarer le redressement portant sur les avantages en nature pour 15.972 euros parfaitement valide,

- confirmer le jugement rendu le 8 janvier 2020 en ce qu'il a condamné la société au paiement de la mise en demeure adressée le 23 mai 2013 pour 18.170 euros soit 15.972 euros de cotisations et 2.198 euros de majorations de retard,

- condamner la société au paiement de ces sommes,

- condamner l'EURL [7] à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 euros,

- condamner l'EURL [7] aux dépens.

Au soutien de ses demandes, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur, au visa des articles L 242-1 du code de la sécurité sociale, D 3231-10 du code du travail, considère que la convention collective nationale de la restauration rapide ne prévoit pas, contrairement à ce que soutient l'EURL [7], une obligation de nourriture à l'égard de ses personnels, mais un simple mode indemnitaire, duquel il se déduit que l'employeur n'a pas d'obligation d'indemnisation de ses salariés qui ne souhaitent pas bénéficier de l'option choisie.

Elle reproche à l'EURL [7] de ne pas avoir été en capacité, que ce soit lors du contrôle ou devant la Commission de Recours Amiable, de justifier du nombre de repas réellement pris à titre gratuit ( prime de panier = montant du repas retenu sur la fiche de paie ) par les salariés. Elle considère que dès lors que les salariés ne font aucune dépense pour leur nourriture, la prise de repas relève de la gratuité nonobstant une contrepartie en points dont la seule utilité est d'adapter le tarif préférentiel qui convient.

L'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur rappelle qu'il a été constaté qu'aucun avantage en nature nourriture n'est évalué ou mentionné sur les bulletins de salaire.

L'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur réfute l'argument de l'EURL [7] concernant une compensation dès lors que l'obligation de nourriture n'existe pas, et rappelle deux jurisprudences de cour d'appel ayant considéré que l'avantage en nature relatif aux repas pris sur place devait être réintégré dans l'assiette des cotisations.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS :

Par application des dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

L'avantage en nature consiste en la fourniture ou la mise à disposition d'un bien ou service, permettant au salarié de faire l'économie de frais qu'il aurait dû normalement supporter. L'économie réalisée par le salarié (ou la personne assimilée au sens du droit de la sécurité sociale) constitue un élément de la rémunération qui, au même titre que le salaire proprement dit, doit donner lieu à cotisations sociales, à CSG et à CRDS.

Les frais professionnels pris en charge par l'entreprise ne sont pas considérés comme des rémunérations. Ils sont définis par l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en son article 1 qui dispose que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 du dit arrêté.

Il appartient à l'employeur de justifier de la réalité de ces frais professionnels.

L'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°);

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

Selon l'arrêté du 28 avril 2003, venu modifier l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les personnels des entreprises comprises notamment dans le champ d'application de la convention collective nationale de la restauration rapide, pour les personnels, notamment de la restauration rapide, quand les conditions particulières de travail, les accords collectifs ou les usages imposent à l'employeur de nourrir gratuitement, en totalité ou en partie, dans l'établissement, l'avantage en nature pour ces personnels est fixé par l'article D 3231-10 du code du travail, soit 3,31 euros par repas en 2010 et 3,36 euros par repas en 2011.

L'article 3.2.3 de la circulaire 2003-07 du 7 janvier 2003 dispose que :

Frais de repas :
Lorsque le salarié est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence, il peut percevoir une indemnité de repas dans la limite de 15 euros (2003) par repas.
Lorsqu'il est démontré que le salarié qui se trouve en situation de déplacement est contraint de prendre son repas au restaurant, cette indemnité peut en effet être exonérée de cotisations. Si l'indemnité ne dépasse pas ce seuil, l'employeur n'est pas tenu de justifier que l'allocation a été utilisée conformément à son objet. L'exonération reste acquise quel que soit le type d'établissement de restauration et le montant réel de la dépense.
Indemnité de restauration sur le lieu de travail :
Lorsque le salarié est contraint de prendre une restauration sur son lieu de travail, en raison de conditions particulières d'organisation de travail, l'employeur est autorisé à déduire l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration dans la limite de 5 euros (2003).
Les conditions particulières d'organisation du travail se réfèrent au travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit.
Il convient de considérer que le salarié est contraint de prendre une restauration chaque fois que le temps de pause, réservée au repas, se situe en dehors de la plage horaire fixée pour les autres salariés de l'entreprise.
Les primes de panier versées aux salariés sont assimilées à des indemnités de restauration sur le lieu de travail, dès lors que les conditions particulières d'organisation du travail sont remplies.
Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :
Lorsque le salarié est en déplacement hors des locaux de l'entreprise et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'employeur peut déduire l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas dans la limite de 7,5 euros (2003).
Il s'agit de salariés occupés notamment sur des chantiers, des entrepôts, des ateliers extérieurs ou en déplacement sur un autre site de l'entreprise et ne pouvant rentrer chez eux pour le repas de midi du fait de contraintes d'horaires par opposition aux salariés qui se trouvent en situation de déplacement et contraints d'aller au restaurant.
Les indemnités de casse-croûte versées en application d'une convention collective nationale sont assimilées à des indemnités de restauration hors des locaux de l'entreprise.
Les indemnités de repas, de restauration sur le lieu de travail et hors des locaux de l'entreprise ne sont pas cumulables.
Au cours d'une même période, lorsque le salarié se trouve dans une situation où se cumulent les indemnités énumérées ci-dessus, une seule indemnité peut ouvrir droit à déduction. L'indemnité la plus élevée doit être prise en compte. Ainsi, lorsqu'un salarié travaillant en équipe est occupé sur un chantier de nuit, l'employeur ne peut déduire que 7,5 euros (2003).

L'article 42 de la convention collective nationale de la restauration rapide applicable aux salariés de l'EURL [7] dispose que :

'a) Modalités des repas

En ce qui concerne les modalités de repas, l'employeur aura la possibilité de choisir entre différentes options :

- attribuer des titres-restaurant ;

- attribuer des primes de panier ;

- proposer à son personnel de se nourrir sur place dans des conditions préférentielles ;

- proposer toute autre formule ;

- ou mixer plusieurs d'entre elles.

En cas de création d'un établissement, le choix des 1° et 4° du paragraphe a du présent article ne pourra se faire unilatéralement par l'employeur, sans avis préalable des salariés ou de leurs représentants.

En cas de modification du système pratiqué dans l'entreprise ou l'établissement, le choix du nouveau système s'effectuera après consultation du comité d'entreprise ou d'établissement ou à défaut des délégués du personnel.

b) Durée de la pause repas :

Lorsque la durée de la pause repas fixée par l'entreprise est inférieure à 30 minutes, ce temps sera considéré comme temps de travail et payé comme tel. Toute pause dont la durée est supérieure ou égale à 30 minutes ne sera pas considérée comme temps de travail. Dans les entreprises ayant opté pour la formule des titres-restaurant, le temps consacré au repas ne pourra être inférieur à 60 minutes, sauf dans le cas où ces titres sont utilisables dans l'entreprise ou l'établissement.

c) Moment du repas :

Les repas seront pris par roulement en dehors des heures de pointe selon les modalités définies par chaque établissement. Ces heures de pointe seront définies par chaque établissement et correspondant aux heures de fréquentation importante de la clientèle au moment des heures habituelles de repas (déjeuner et dîner). En toute hypothèse, ces heures de pointe n'excéderont pas 2 heures consécutives.

d) Conditions d'attribution :

1. La possibilité de se voir attribuer un titre-restaurant ou une prime de panier ou d'être nourri sur place ou toute autre formule, est acquise pour tout salarié dès que sa tranche horaire de travail effectif couvre au moins 1 heure de pointe définie au paragraphe c du présent article.

2. Tout salarié dont la tranche horaire de travail effectif ne couvre pas la tranche horaire de pointe définie au paragraphe c du présent article bénéficie du droit précédemment défini dès lors que sa durée de travail effectif au cours d'une même journée est supérieure ou égale à 5 heures consécutives ou non.

3. Ce droit sera acquis selon les modalités définies au sein de chaque entreprise, conformément au paragraphe a du présent article.

e) Menu spécifique réservé au personnel :

L'entreprise qui attribue des titres-restaurant utilisables dans l'établissement et/ou celle qui propose à son personnel de se nourrir sur place, doit mettre en place un menu spécifique réservé au personnel, acquis dans les conditions d'attribution définies au paragraphe d ci-dessus. Ce menu devra comporter quatre produits à raison d'un produit parmi les quatre grandes familles suivantes : entrée, plat principal, dessert, boisson.

Ces quatre familles étant composées de produits habituellement vendus à la clientèle devront comporter au minimum un choix de deux entrées, quatre plats principaux, deux desserts, quatre boissons et rassembler au moins, par famille, un minimum de 2/3 des produits de base vendus habituellement à la clientèle.

Ce menu sera proposé pour un prix forfaitaire et maximum de 15 F, quel que soit le prix proposé habituellement à la clientèle.

f) Indemnisation des repas :

Compte tenu des spécificités de la profession et des conditions particulières de prises de repas, les salariés reçoivent à ce titre une indemnité, dont les modalités de versement dépendent de l'option choisie par l'entreprise et dans le respect des conditions d'attribution définies au paragraphe d.

Pour les salariés dont la durée de travail effectif est inférieure à 5 heures par jour, l'entreprise prend en charge 7,50 F de la valeur nominale du titre-restaurant ou verse une indemnité de 7,50 F, sur justificatif, par repas consommé.

Pour les salariés dont la durée de travail effectif est supérieure ou égale à 5 heures par jour, l'entreprise prend en charge 15 F de la valeur nominale du titre-restaurant ou verse une indemnité de 15 F, sur justificatif, par repas consommé.

Dans l'hypothèse où le salarié bénéficierait durant la même journée de deux droits au repas, l'entreprise prend en charge 22,50 F du coût des repas consommés quelles que soient les modalités définies au paragraphe a du présent article.

Les représentants du personnel ne pouvant, pour des raisons inhérentes à leur mandat, consommer sur place le repas qu'ils ont acquis au cours de la journée, seront indemnisés selon le barème prévu ci-dessus et sur justificatif.

g) Prime de panier :

Considérant les contraintes particulières liées à certains postes de travail, notamment ceux nécessaires à la fabrication de produits de restauration rapide à base de pâtisserie, viennoiserie, exigeant la mise en place d'un horaire décalé et empêchant les salariés de prendre leurs repas dans des conditions telles que définies précédemment, l'employeur accordera une prime de panier, représentative d'un remboursement de frais d'un montant minimum de 7,50 F par journée de travail effectif.

L'attribution de la prime de panier, compte tenu de sa spécificité, ne pourra se cumuler avec tout autre système d'indemnisation des repas.'

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement, dans la lettre d'observations du15 février 2013 a constaté que ' A l'examen des bulletins de salaire de l'ensemble des salariés il est relevé :

- qu'aucun avantage en nature nourriture n'est déclaré dans l'assiette sociale ni déduit du net à payer,

- qu'aucune retenue espèce pour paiement de repas pris n'est effectuée,

- qu'aucune prime de panier n'est versée,

- qu'aucun titre restaurant n'est attribué.

En revanche, il apparait au pied des bulletins de salaire les rubriques suivantes:

- 9600 'primes paniers' : nombre de paniers à 1.37 euros dont le total est mentionné dans la colonne Gains ( 8.785 paniers en 2010, 8.799 paniers en 2011 ),

- 9601 ' primes paniers' : nombre de paniers à 1.37 euros dont le total est mentionné dans la colonne Retenue.

Ces deux montants sont identiques. Interrogé sur le sujet, M. [K] précise que les paniers sont estimés. Le nombre de paniers retenu est fonction des horaires du salarié. Ainsi, s'il est présent entre 12h et 14h, cela déclenche un panier. Il en est de même s'il est présent entre 19h et 21h. Selon les déclarations recueillies, ces rubriques sont nécessaires : elles permettent d'ajuster au mieux les marges commerciales de l'entreprise. Ces déclarations sont confirmées par l'examen des fiches horaires des salariés issues de la badgeuse ainsi que par le récapitulatif mensuelles de celles-ci sur laquelle une rubrique ' nombre de repas' est mentionnée.

Par ailleurs, à l'examen des diverses pièces mises à ma disposition lors du contrôles et notamment celles relatives à la Négociation Annuelle Obligatoire effectuée au cours de l'année 2011 présentées dans un classeur, un courrier de l'Unité Economique et Sociale à laquelle appartient votre entreprise, comporte un rappel des avantages au bénéfice des salariés et notamment ' il existe un système avantageux pour les salariés de prise de repas par points dans la limite de 6 points par personne et par repas ( passage de 5 à 6 points dernièrement)'.

Il existe donc au sein de votre entreprise un système avantageux de prise de repas conforté par l'estimation comptable du coût de ceux-ci ( ajustement de votre marge commerciale). Je vous rappelle que les avantages en nature versés en contrepartie ou à l'occasion du travail doivent être soumis à cotisations et contributions sociales, il en est ainsi des avantages en nature nourriture lorsque le personnel est nourri gratuitement.

A l'occasion de ce contrôle vous n'avez pas été en mesure de justifier du nombre de repas réellement pris à titre gratuit par les salariés. En conséquence, il est procédé à la régularisation de manière forfaitaire sur la base de 50% ( pour tenir compte des personnes éventuelles qui ne prennent pas de repas ) du nombre de paniers relevés sur vos états de paie, multiplié par la valeur de l'avantage en nature nourriture soit :

2010 : 8.785 paniers x 50% x 3,31 euros = 14.539 euros,

2011 : 8.799 paniers x 50% x 3,36 euros = 14.782 euros.'

La convention collective nationale de la restauration rapide crée une obligation de nourriture à la charge de l'employeur dans certaines hypothèses, telles que les plages de travail recouvrant les heures de pointe, et l'arrêté du 28 avril 2003, venu modifier l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les personnels des entreprises comprises notamment dans le champ d'application de la convention collective nationale de la restauration rapide, quand les conditions particulières de travail, les accords collectifs ou les usages imposent à l'employeur de nourrir gratuitement, en totalité ou en partie, dans l'établissement, précise bien que l'avantage en nature pour ces personnels est fixé par l'article D 3231-10 du code du travail, soit 3,31 euros par repas en 2010 et 3,36 euros par repas en 2011. Il s'en déduit que cette obligation de nourriture n'est pas constitutive de frais professionnels comme le soutient l'EURL [7] mais d'un avantage en nature soumis à cotisations sociales.

L'exception à ce principe, posée par le fait que les fournitures de repas résultant d'une obligation professionnelle ou pris par nécessité de service prévue conventionnellement ou contractuellement ne soient pas considérées comme des avantages en nature, concerne les hypothèses où le salarié est dans l'obligation professionnelle de prendre son repas sur place, c'est à dire que la prise de repas fait partie de son travail (comme par exemple l'éducateur qui doit prendre son repas avec l'équipe qu'il encadre), et non pas comme en l'espèce où l'obligation pèse sur l'employeur de nourrir son salarié en raison de ses horaires de travail.

Les dispositions de l'article 3.2.2 de la circulaire du 7 janvier 2003 relative aux frais professionnels, et les dispositions relatives aux frais de repas (article 3.3.1 de la circulaire), invoquées par l'appelante, ne prévoient une exonération de l'assiette des cotisations que dans l'hypothèse où les primes couvrent les dépenses réelles, exorbitantes des frais habituels de nourriture, imposées par les conditions particulières de travail. Toute prime qui ne correspond pas à une dépense supplémentaire, entraînée par des circonstances de fait qu'il appartient à l'employeur d'établir, et réellement engagée, constitue un élément de rémunération qui entre dans l'assiette des cotisations sociales.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'EURL [7] fournit l'avantage en nature nourriture à ses salariés, sous forme de prime de panier et de possibilité de prendre leur repas sur place à tarif préférentiel. Il n'est pas en revanche démontré par l'EURL [7] que les circonstances dans lesquelles les salariés, dont il est établi par l'employeur qu'ils sont amenés à travailler soit sur les heures de pointe, soit pendant plus de 5 heures consécutives, sont ensuite amenés à prendre leur repas génèrent de surcoût.

En conséquence des éléments précédemment développés, l'avantage en nature nourriture doit donc être réintégré dans l'assiette de cotisations.

S'agissant du calcul des sommes à réintégrer dans l'assiette des cotisations, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a considéré qu'en raison de l'égalité entre la prime de panier et le prix du repas pris sur place par les salariés, il y avait une gratuité du repas pour le salarié, et a calculé l'assiette du redressement à partir du nombres de primes de panier recensées sur les bulletins de salaire et la valeur de l'avantage en nature défini pour l'année concernée, en ne retenant que 50% du montant obtenu pour tenir compte des cas éventuels de salariés qui n'auraient pas pris leur repas sur place, et n'auraient pas bénéficié de l'intégralité de l'avantage en nature.

Pour remettre en cause cette évaluation de l'assiette du redressement, l'EURL [7] considère qu'il s'agit d'une compensation entre sa créance, coût du repas acheté par le salarié sur place, et celle du salarié résultant de l'article 42 de la convention collective sous forme de prime de panier, sans en tirer de conséquence sur l'évaluation de l'assiette du redressement.

Ainsi, force est de constater que l'EURL [7] ne produit aucun élément chiffré au soutien de sa contestation.

Dès lors, il convient de confirmer ce chef de redressement dans son intégralité. La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale,

Condamne l'EURL [7] à verser à l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'EURL [7] aux dépens de la procédure d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/00427
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.00427 ?
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