ARRÊT N°
N° RG 19/02123 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HLWZ
MLG/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE
26 avril 2019
RG :17/00092
[P]
C/
Association ADVSEA 84
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 MAI 2022
APPELANTE :
Madame [S] [P]
née le 24 Août 1957 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
ADVSEA 84 ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE DU VAUCLUSE POUR LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE A L'ADULTE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas BLANCO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO,avocat au barreau d'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 03 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [S] [P] a été embauchée par l'association ADVSEA à compter du 1er septembre 2015 par contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de chef de service éducatif.
Par courrier recommandé en date du 11 janvier 2017, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 20 janvier 2017 avec mise à pied conservatoire.
Par courrier recommandé en date du 25 janvier 2017, Mme [P] a été licenciée pour faute grave.
Par requête en date du 23 mars 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d' Orange afin de contester son licenciement pour faute et voir condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire, lequel par jugement en date du 26 avril 2019 a :
- condamné l'ADVSEA à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
$gt; 1606,86 euros à titre d'heures supplémentaires
$gt; 160,68 euros à titre de congés payés afférents
$gt;14945,52 euros à titre d'indemnité de préavis
$gt; 1494,55 euros à titre de congés payés afférents
$gt; 9004,67 euros à titre d'indemnité de licenciement
$gt; 536,35 euros à titre de rappel de salaires
$gt; 51,48 euros au titre des congés payés afférents
$gt; 1000 euros au titre de l'article 700 du CPC
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3736,38 euros,
- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,
- débouté l'ADVSEA de toutes ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné l'ADVSEA aux dépens.
Mme [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 24 mai 2019.
Par conclusions transmises le 25 juin 2019 , Mme [P] demande à la cour de :
- Infirmer 1e jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange en date du 26 avril 2019.
Statuant a nouveau,
- Condamner l'Association Départementale de Vaucluse pour la Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte (ADVSEA), prise en la personne de son représentant legal en exercice, d'avoir à régler à Mme [S] [P] à titre de :
$gt; heures supplémentaires, brut 18.964,73 euros,
$gt; congés payés sur heures supplémentaires, brut1896,47 euros,
$gt; rappels de salaires sur salaire de base, brut 17.358,78 euros,
$gt; congés payés sur rappels de salaires, brut 1735,57 euros.
- Ordonner la communication sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard de ses agendas.
- Dire et juger 1e licenciement de Mme [S] [P] sans cause réelle et sérieuse.
-Condamner l'Association Départementale de Vaucluse pour la Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte ADVSEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui régler à titre de :
$gt; dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 96.000,00 euros.
- Condamner l'Association Départementale de Vaucluse pour la Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte ADVSEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui régler au titre de :
$gt; indemnité compensatrice de préavis 24.000,00 euros,
$gt; congés payés sur indemnité compensatrice préavis 2400,00 euros,
$gt; indemnité de licenciement 10.000,00 euros,
$gt; rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 514,87 euros,
$gt; congés payés sur mise à pied conservatoire 51,78 euros,
$gt; dommages et intérêts pour préjudice moral 10.000,00 euros.
- Dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice.
- Ordonner la capitalisation des intérêts.
-Constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 4.000,00 euros.
- Débouter l'Association Départementale de Vaucluse pour la Sauvegarde de l'Enfance à 1'Adulte ADVSEA de toutes ses demandes, fins et conclusions.
-Condamner l'Association Départementale de Vaucluse pour la Sauvegarde de l'Enfance à 1'Adulte ADVSEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à régler une somme de 3000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d'appel.
- La condamner en tous les dépens.
Elle fait valoir que :
- elle effectuait régulièrement et habituellement des heures supplémentaires comme le démontrent les agendas et le décompte qu'elle produit.
- les griefs reprochés ne sont pas démontrés par l'employeur puisqu'aucun des documents versés au débat n'établit de faute.
- elle a eu une carrière exemplaire et n'a jamais fait l'objet d'aucun avertissement.
En réplique par conclusions transmises le 10 septembre 2019 L'ADVSEA présente à la cour les demandes suivantes :
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Orange du 21 avril 2019 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [P] les sommes suivantes :
- 1606,86 euros à titre d'heures supplémentaires ;
- 160,68 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 14 945,52 euros à titre d'indemnité de préavis ;
- 1.494,55 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 9.004,67 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 566,35 euros à titre de rappel de salaires se rapportant à la période de mise à pied conservatoire ;
- 51,48 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Et statuant à nouveau :
- Juger que la demande de rappel de salaires en rapport avec le taux horaire n'est pas fondée ;
- Juger que la demande en paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée,
- Juger que la demande sollicitant la communication sous astreinte des agendas de Mme [P] est sans objet,
- Juger que le licenciement prononcé le 25 janvier 2017 à l'encontre de Mme [P] repose sur une faute grave établie.
Et, en conséquence, qu'il convient de débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Débouter l'appelante de ses demandes, à savoir :
Condamner l'association ADVSEA d'avoir à lui régler les sommes suivantes
$gt; Heures supplémentaires (brut) : 18.964,73 euros
$gt;Congés payés sur heures supplémentaires (brut) : 1.896,73 euros
$gt;Rappels de salaire de base (brut) : 17.358,78 euros
$gt;Congés payés sur rappels de salaires (brut) : 1.735,57 euros
$gt;Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 96.000 euros
$gt;Indemnité compensatrice de préavis (brut) : 24.000 euros
$gt;Congés payés sur indemnité de préavis (brut) : 2.400 euros
$gt;Indemnité de licenciement : 10.000 euros
$gt;Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire (brut) : 514,87 euros
$gt;Congés payés sur mise à pied conservatoire (brut) : 51,78 euros
$gt;Dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 euros
$gt;Indemnité article 700 du code de procédure civile : 3.000 euros
$gt;Ordonner la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard des agendas de Mme [P].
- Condamner Mme [P] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de première instance en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens
Elle soutient que :
- les rappels de salaire sur les périodes antérieures au 25 janvier 2014 sont prescrits,
- la salariée ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires dont elle demande le paiement,
- les heures supplémentaires dues ont déjà été rémunérées,
- le licenciement pour faute est justifié par une mauvaise gestion du retour de la mineure [N], une absence de décision pertinente, un mauvais suivi de plusieurs mineurs et des failles
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens, il convient de se référer aux écritures.
Par ordonnance en date du 21 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 février 2022.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 3 mars 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend immédiatement impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.
La lettre de licenciement en date du 25 janvier 2017 notifiant le licenciement pour faute grave du salarié indique que : 'Nous avons eu à constater plusieurs situations graves et inquiétantes consécutives à vos agissements.
Vous avez été reçue le 20 janvier 2017 par Mme [O] Directrice Générale, en présence de Mme [C] Directrice des ressources humaines, vous étiez assistée de Mme [D] déléguée du personnel.
Lors de cet entretien, nous vous avons fait part de différents faits.
$gt; Concernant la mise en oeuvre du cadre de protection de l'enfance en faveur des mineurs bénéficiaires d'une mesure judiciaire de placement en assistance éducative :
- le retour de la jeune [N] [E] sur l'établissement suite à l'agression sexuelle présumée dont elle a été victime par un résident n'a fait l'objet d'aucune anticipation de votre part (comme cela avait déjà été le cas lors de l'agression avec une fourchette par [N] d'un jeune accueilli) afin de prendre en compte le traumatisme généré par cet incident grave, tant au niveau de la mineure elle-même, que du groupe de mineurs dont sa soeur, ainsi que des professionnels. En effet, aucun acte concret de soutien et d'accompagnement n'a été élaboré pour favoriser un retour apaisé et reprendre le travail éducatif dans la confiance. La mineure est entrée une première fois en crise le 3 janvier 2017 et a été hospitalisée. Ce même scénario s'est reproduit le 6 janvier 2017 à 17h30 quand vous avez décidé son soudain changement de groupe alors que la directrice générale vous avait donné des consignes dès le 4 janvier 2017 midi, consignes que vous n'avez pas appliquées immédiatement. Vous avez fait preuve d'un réel manque de réactivité mettant à mal le cadre de prise en charge posé qui a, au final, complètement insécurisé la mineure et aggravé son traumatisme initial.
- le 5 janvier 2017, vous avez indiqué à Mme [O] (assurant la direction par intérim de la maison d'enfants et l'astreinte) que l'inspectrice ASE du Conseil départemental des Bouches du Rhône accordait un droit de visite et d'hébergement en faveur de Mme [R] pour sa fille [N] pour le week-end du 7 et 8 janvier 2017. Après un incident sur la structure, la mineure sera accueillie par sa maman en pleine nuit sur la base de cette information qui dégage l'établissement de toute responsabilité et la remet au détenteur de l'autorité parentale. Le 7 janvier 2017, alors que la mineure est chez sa mère, vous précisez seulement à Mme [O] qui s'interroge sur l'absence d'un document écrit dans le dossier de la mineure, n'avoir eu qu'un accord verbal. Nous apprendrons ensuite que l'inspectrice ASE avait finalement refusé par écrit ce droit de visite et d'hébergement, par mail à votre attention le 6 janvier 2017 à 17h34, heure à laquelle vous étiez encore en service.
Vous n'avez pas procédé aux vérifications d'usage, consistant à ce qu'aucun enfant ne se rende chez « un parent » sans droit de visite et d'hébergement autorisé par écrit. Tout incident au cours du week-end aurait alors été imputable à l'association, d'autant que la maman a ensuite refusé de ramener son enfant sur la structure.
- le 29 décembre 2016, la situation de [UA] M. a été abordée lors de la réunion éducative puisqu'elle recevait des appels téléphoniques très fréquents d'un adulte non identifié. La note que vous avez transmise à l'Aide Sociale à l'Enfance était inadaptée dans le questionnement, voire même incompréhensible, mais surtout aucune mesure de protection immédiate n'a été prise. Mme [O], informée de cette situation le 9 janvier 2017 décidera que le portable de la mineure fera l'objet d'un retrait, avec possibilité pour cette dernière de l'utiliser uniquement dans le bureau des éducateurs, jusqu'à la date de son bilan de mesure.
L'information de cette modalité a été transmise à l'inspectrice ASE, avec demande d'identification du majeur sur la base des informations communiquées.
Concernant l'exercice des missions des salariés dans un cadre sécurisant :
- vous n'avez pas géré la situation de [EL] concernant l'incident dans les douches avec [N] (aux comportements sexualisés connus). Devant l'incompréhension de l'équipe éducative, lors de la réunion du 5 janvier 2017, face à votre absence de traitement de la situation vous avez été contrainte de faire appel à Mme [O] car vous vous trouviez en grande difficulté vis-à-vis de ces professionnels.
- le 6 janvier 2017 [W] [A], éducateur spécialisé, vous faisait part de ses craintes d'une plainte mensongère à son encontre pour attouchement sexuel de la part d'une jeune, et de son souhait d'utiliser son droit de retrait. Vous avez chargé la déléguée du personnel de lui indiquer « ses droits », car vous ne maîtrisiez pas la notion juridique. De plus, en guise de soutien, vous lui avez dit de ne pas s'inquiéter puisqu'en cas d'enquête vous vous dénonceriez à sa place. Votre attitude inappropriée et incompréhensible n'a fait qu'amplifier son sentiment d'insécurité et il en a fait part le lendemain à Mme [O].
Si vous avez reconnu les faits lors de l'entretien vous avez tenté d'en limiter la gravité.
Nous constatons un delta conséquent entre les attendus pour un chef de service éducatif et ce que vous mettez en oeuvre. Votre perception des situations, les réponses apportées, les omissions sont inacceptables au vu de votre mission de cadre et de leurs conséquences quant à la bientraitance et à la sécurité des mineurs accueillis et des professionnels de notre association.
Vos explications recueillies lors de l'entretien du 20 janvier 2017 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'association s'avère impossible ; le licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement à la date du 25 janvier 2017, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 12 janvier 2017 au 25 janvier 2017 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous présenter au Siège Administratif pour percevoir les sommes vous restant éventuellement dues au titre de salaire et d'indemnité de congés payés, retirer votre certificat et votre attestation pour le Pôle Emploi et votre reçu pour solde de tout compte... ».
Sur le grief relatif à la mise en oeuvre du cadre de protection de l'enfance en faveur des mineurs bénéficiaires d'une mesure judiciaire de placement en assistance éducative
1- Sur la gestion du retour de la mineure [N] [E] suite à une agression sexuelle déclarée :
Il est reproché à Mme [P] de ne pas avoir anticipé le retour de la mineure en ne prenant aucune décision éducative et d'accompagnement alors que cela relève de sa responsabilité de chef de service.
A cette fin l'employeur verse au débat :
* compte rendu de la réunion du 29 décembre 2016 relevé par l'éducateur présent indiquant pour [N] : ' ° changement de lieu d'hébergement de [WU] pour la protéger.
° [N] qui reste sur le groupe est questionnant car elle a aussi posé des actes aves [EL] sur le groupe. Comment protéger [EL] si maintien de [N] sur le groupe ' ( faire une note d'information sur l'insécurité constatée de [EL] ( [W], [F])).
° Réaction de la mère énigmatique : pourquoi très distante lorsque CSE l'informe des dires de sa fille' Pourquoi ne dit pas immédiatement qu'elle déposera plainte et attendrait de parler avec sa fille '
° Brigade des mineurs non informée le jour -même. CSE a saisi le procureur et ce serait celui-ci qui informerait la brigade des mineurs.
° Equipe demande que [N] soit orientée sur un autre groupe $gt; aucun changement ne sera fait avant d'en avoir parlé à l'équipe de soins CMPP ( [B] se mettra en lien dès lundi 2/01).
° Mme [AF] (ASE) va aller au TGI pour voir les résultats de la MIJ faite sur la famille. Si elle ne pouvait pas s'y rendre un éducateur du groupe devra se rendre au tribunal d'Aix.
° surveillance accrue dès son retour de famille le 1/1/2017 et note dès qu'un comportement de [N] est déviant. Surveillance sur les trois premiers jours et point durant réunion.
° Alerter l'ASE de la personnalité de [WU] et insister sur le dépôt de plainte pour diffamation (CSE).
° CSE appelle Mme [H] pour savoir si les démarches ont été faites et si entretien avec police s'est bien passé.'
* Compte rendu réunion du 5 janvier 2017 : ' ° pas de point agenda au vu du retard.
° discussion sur la nouveauté sur le rétro planning et sur l'étude d'un nouvel aménagement avec ou sans plateau technique (éducative, scolaire et psychologique). Avec la mise en place d'un temps de régulation avec l'équipe du groupe.
° [N] : retour sur la soirée d'hier, très compliquée. Propos envers les adultes. Remonté de ces infos à l'inspectrice ASE par Mme [P].
° Mme [P] va appeler Mme [G] (IASE) pour l'informer des événements d'hier soir pour trouver une solution et prendre une décision rapide pour éloigner [N] du groupe.
° Arrivée de Mme [O] sur le temps de réunion à 14h05. Mme [O] nous informe que la jeune doit quitter la structure au vue des souffrances personnelles qu'elle vit. La limite éducative pour elle est atteinte. Une réorientation urgente va être mise en place . La lumière a été faite auprès de la direction CMS quant à l'incident du 18/09 ( passage à l'acte avec une fourchette).
°Souhait de Mme [O] de recevoir [EL] afin de l'entendre sur les propos qu'il a tenu sur les éducateurs à [N] à savoir qu'ils voulaient sa peau.
L'employeur échoue dans la démonstration de la faute alléguée à l'encontre de Mme [P]. Les compte rendus de réunion révèlent au contraire que la prise en compte de la situation délicate de la mineure [N] a été abordée et que l'action menée par la salariée répond aux exigences de la mission éducative qui lui est confiée notamment celle de déterminer par une action d'évaluation concertée avec l'équipe d'éducateurs mais également l'équipe de soin CMPP les moyens à mettre en oeuvre au regard de la situation de la mineure.
Dès lors ce grief est infondé.
2- Sur la gestion du droit de visite et d'hébergement de [N]
L'employeur reproche à Mme [P] d'avoir laissé l'enfant [N] repartir auprès de sa mère sans s'être assurée de l'accord de l'autorité de tutelle en la personne de l'inspectrice de l'ASE.
Il verse au débat :
* le jugement en assistance éducative de [N] rendu le 28 janvier 2016 indiquant : ' dit que les parents bénéficieront alternativement d'un droit de visite et d'hébergement les fins de semaine et pendant les vacances scolaires, selon un calendrier établi par l'aide sociale à l'enfance.
Dit que les conditions d'exercice de ces droits seront déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et le service gardien et que le juge des enfants sera saisi en cas de désaccord.'
* le calendrier des visites, sorties et hébergement de [N] dans lequel il est rappelé que : ' ce calendrier est fixé en application de la décision du juge des enfants compétent. Il est établi en accord avec les parties.'
* courrièl de Mme [TO], chef de service de la Verdière à Mme [P] en date du 21 décembre 2016 : ' nous avons reçu les DVH maternels pour la totalité des vacances de [N]. [WU] a été reçu à 15h30 par M.[T]. Il est décidé qu'il sera accueilli dès ce soir à l'ADEF ; son éducatrice ASE sera présente à son admission ainsi qu'un éducateur de la Verdière. Je l'ai reçu avant et après cet entretien. J'informerai ce soir les groupes 2 et 3 de son départ.'
* courrièl de Mme [P] à sa directrice, Mme [O] en date du 5 janvier 2017 : ' je viens d'avoir à nouveau Mme [I], inspectrice ASE au téléphone pour l'informer du déroulé de la soirée et des incidents d'hier soir. J'ai reprécisé notre demande de réorientation d'ici lundi prochain. Elle n'est pas favorable à un accueil en établissement d'urgence et elle me rappelle que toute orientation doit être validée par le magistrat. Elle précise que notre demande de placement dans une temporalité aussi courte ne lui convient pas et que c'est elle en responsabilité de la mesure pour [N] et non le directeur de la MDS. Néanmoins l'entretien n'a pas été houleux mais je n'ai pas l'impression qu'elle va acter la réorientation avant l'audience. Elle doit me contacter par mail demain matin. Elle autorise des DVH pour ce week-end.'
* SMS de Mme [P] à Mme [O] en date du 7 janvier 2017 : ' Mme [O] , je n'ai plus de voix donc je textote. J'ai eu [LH] qui est malade et j'ai contacté [M] qui vient de me prévenir qu'elle vous a eu en direct. Par contre comment a évolué la situation de [N]' J'espère ne pas être dans cet état lundi. Bon week-end.'
Réponse Mme [O] : ' Bonjour [S]. Grosse galère jusqu'à minuit environ. Elle est chez sa mère au final. J'ai déjà fait un récapitulatif complet par voie de mail à l'ASE hier soir pour signifier l'état de la situation et confirmer la présence de [N] chez sa mère car pas de DVH dans le dossier des éducs, je n'avais que votre mail.
Réponse de Mme [P] : ' je n'ai pas eu de DVH à l'écrit mais un accord verbal de Mme [I] Jeudi. L'ASE devait recevoir la mère vendredi matin mais elle ne s'est pas présentée au RDV donc l'accord de la veille est resté au niveau verbal.'
* courrièl de Mme [I], inspectrice ASE à Mme [P] en date du 6 janvier 2017 à 17h21 : ' suite à nos échanges, l'accueil supplémentaire de [N] chez sa mère a bien été organisé [...] un retour anticipé au domicile doit être questionné et s'il peut être retenu, être préparé à minima et validé par le juge des enfants. L'audience est fixée le 16 janvier et il semble nécessaire que [N] reste dans votre établissement jusqu'à cette date.'
* courrièl de Mme [I], inspectrice ASE à Mme [P] en date du 6 janvier 2017 à 17h34: ' je viens d'être informée que malgré l'organisation élaborée par l'équipe enfance, le retour en famille ne pourra avoir lieu ce week-end, Mme [H] n'ayant pas répondu aux sollicitations. La situation sera abordée la semaine prochaine avec Mme [H].'
Contrairement aux affirmations faites à sa directrice ,Mme [P] n'a jamais reçu l'autorisation écrite de l'inspectrice ASE. Au contraire dans les deux courrièls transmis par cette dernière elle rappelle son opposition au départ de l'enfant de l'établissement.
Mme [P] a donc pris une initiative personnelle sans l'autorisation administrative requise ce qui constitue un manquement grave à sa mission en ce que cette décision unilatérale aurait pu avoir des conséquences sur la sécurité de la mineure qui se trouvait justement placée en raison de l'incapacité de la mère à organiser les conditions matérielles et affectives de l'enfant comme le rappelle le juge des enfants dans sa décision de placement.
Ce grief est fondé.
3- Sur la gestion du suivi de la mineure [UA]
L'employeur reproche à la salariée de n'avoir donné aucune consigne de protection ou de sanction par rapport à la situation et surtout de ne pas avoir agi pour protéger la mineure qui avait des contacts fréquents avec un homme majeur qui pourrait être son frère alors que le magistrat a interdit tout contact avec des membres de sa famille.
L'employeur verse au débat :
* compte rendu de réunion du 29/12/2016 indiquant : ' avisé l'ASE car est beaucoup au téléphone avec [Z]. Faire une note ([U] et [L])'
* Note d'information de Mme [P] au sujet de [UA] en date du 30 décembre 2016 : ' depuis quelques semaines, l'équipe éducative a remarqué que [UA] est en contact téléphonique régulier (quasi quotidien) avec un homme de 43 ans prénommé [Z]. Lorsque nous lui demandons qui est cet homme, elle nous répond que c'est son frère avec qui elle aurait le même père biologique (père décédé en 2013). Elle précise qu'elle aurait également un autre frère ([J]) et deux soeurs ( dont l'une s'appellerait Mélody).
Nous tenons à vous informer de cette situation car [UA] passe beaucoup de temps au téléphone avec ce [Z] ( seul frère biologique avec qui elle serait en contact). L'équipe éducative ne connaît le contenu des appels téléphoniques qu'au travers des dires de la jeune car les communications se passent sur le portable de [UA].
D'après [UA], Mme [V] serait fermée à la discussion au sujet de ces demi-frères et soeurs. Plein d'interrogations sur cette ombre d'une partie de sa vie. [UA] est en grande demande de réponse. Elle remet souvent en cause sa place au sen de la famille [Y], elle dit fréquemment : ' je ne suis pas une [Y], je ne suis pas bronzée comme mes autres frères et soeurs' lorsqu'elle évoque sa famille. Au regard des contacts familiaux uniquement médiatisés, comment travailler cette 'nouvelle' relation sans en avoir la maîtrise''
* Compte rendu de la réunion du 5 janvier 2017 : ' [UA] : discussion sur le fait d'enlever le téléphone ou pas au vu de la relation téléphonique de la jeune avec son demi-frère.
Décision de Mme [P] (CSE) d'appeler Mme [X] ( inspectrice ASE) pour vérifier l'existence de ce demi-frère. L'équipe doit faire une note succincte sur la fréquence des appels de celle-ci, faire monter à Mme [P] afin d'informer et alerter l'ASE.
Autre décision : Mme [P] va la recevoir avec un éducateur mardi soir 10/01 à 10h.'
* Note d'information du 16 janvier 2017 : ' visa du cadre de direction ( Mme [O]): afin d'assurer la protection quant à l'utilisation de son téléphone a été prise de façon provisoire sans indication de délai. Il est important de connaître l'identité et les liens familiaux de la personne prénommée '[ZZ]' avec qui [UA] a des contacts quotidiens pour que l'équipe éducative adapte sa prise en charge et que celle-ci ne soit pas vécue au final comme une punition.'
* Courrièl de Mme [X], inspectrice ASE en date du 19 janvier 2017 : ' dans l'attente du retour de Mme [K] afin d'éclaircir l'identité de l'individu avec qui [UA] est en contact, merci en effet de conserver cette mesure de protection quant à l'utilisation de son téléphone.'
Il résulte de l'ensemble de ces documents que Mme [P] a failli à sa mission de protection à l'égard de [UA] en ne prenant aucune mesure immédiate pour lui retirer son téléphone alors qu'elle la savait en contact avec un homme de 43 ans dont elle ignorait l'identité. Il faudra attendre plus de 10 jours pour que la directrice et non Mme [P] décide de retirer le téléphone, mesure confirmée par l'ASE.
La mission de protection de l'enfance ne peut souffrir de réflexion ou tergiversation entrainant des mesures tardives quand à la sécurité des enfants placés, ce qui était le cas en l'espèce.
Mme [P] a traité cette situation pourtant inquiétante de manière légère et incompatible avec les missions de chef de service qui lui était confiées.
Dès lors ce grief est fondé.
Sur le grief relatif à l'exercice des missions des salariés dans un cadre sécurisant
1- Sur la prise en charge éducative de [EL]
L'employeur reproche à Mme [P] de n'avoir rédigé aucune note suite à l'entretien qu'elle a eu avec le jeune [EL] suite à deux incidents avec [N] dans un contexte de dénonciation de viol.
A cette fin l'employeur verse au débat :
* compte rendu réunion du 5 janvier 2017 : ' Arrivée de Mme [O] sur le temps de réunion à 14h05. Mme [O] nous informe que la jeune doit quitter la structure au vue de souffrances personnelles qu'elle vit. La limite éducative pour elle est atteinte. Une réorientation urgente va être mise en place . La lumière a été faite après de la direction CMS quant à l'incident du 18/09 ( passage à l'acte avec une fourchette).
°Souhait de Mme [O] de recevoir [EL] afin de l'entendre sur les propos qu'il a tenu sur les éducateurs à [N] à savoir 'qu'ils voulaient sa peau.'
* note d'information en date du 4 janvier 2017 visée par Mme [P] sur la situation de [EL] sans décision, ni recommandation sur les faits évoqués notamment un rappel des consignes concernant les douches afin d'éviter l'épisode relaté par le mineur selon lequel une pensionnaire lui aurait retiré sa serviette alors qu'il se trouvait sous la douche et aurait refusé de lui rendre.
En réplique Mme [P] produit une attestation de Mme [D] en date du 3 mai 2017 qui sera écartée pour ne pas respecter les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [P] a rédigé une note d'information pour décrire la situation de [EL] et notamment 'l'épisode de la douche' mais n'a manifestement pas transmis d'élément ou de consigne suite à l'entretien avec ce dernier. Mme [P] ne le conteste pas mais considère que l'incident des douches a été 'géré et bien géré'.
Toutefois elle ne produit aucun élément permettant de corroborer cette affirmation.
Dès lors ce grief est fondé.
2- Sur les faits se rapportant à [W] (éducateur spécialisé)
L'employeur se contente de procéder par affirmation mais ne produit aucun élément les confirmant.
Dès lors ce grief est infondé.
Par ces documents l'employeur démontre une accumulation de manquements professionnels de Mme [P] qui ne se trouve contredite par aucun élément probant, justifiant ainsi le licenciement pour faute grave
Les griefs tels que la gestion du droit de visite et d'hébergement de [N], la gestion des appels à un homme majeur de [UA] ou la prise en charge éducative de [EL] doivent s'analyser comme une faute grave rendant impossible le maintien de la relation de travail sans qu'il ne puisse être retenue une exonération de responsabilité de Mme [P] de sorte que le licenciement pour faute grave ainsi que la mise à pied conseratoire sont fondés.
En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à diverses indemnités et statuant de nouveau la cour dira que le licenciement pour faute grave est fondé et déboutera Mme [P] de ses demandes indemnitaires.
Sur les heures supplémentaires
sur la prescription
L'article L.3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce la rupture du contrat de travail étant intervenue le 25 janvier 2017, il ne peut y avoir de rappels de salaires antérieurs au 25 janvier 2014.
En conséquence la cour déclarera prescrites toutes les demandes de rappels de salaires avant le 25 janvier 2014.
sur les heures supplémentaires du 25 janvier 2014 au mois de décembre 2016
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Mme [P] prétend qu'elle effectuait une activité de 9h à 18h et parfois jusqu'à 21 heures. Pour en attester, elle produit au débat :
- contrat à durée déterminée signé le 10 février 2014 pour la période du 17 février 2014 au 18 avril 2014 indiquant 'le forfait horaire porte sur 151,67 heures de moyenne mensuelle sur l'année.'
- les contrats à durée déterminée pour la période du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2014, du 1er janvier 2015 au 30 juin 2015, du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2015 indiquant 'le forfait horaire porte sur 151,67 heures de moyenne mensuelle sur l'année.
- contrat à durée indéterminée signé le 4 septembre 2015 indiquant 'le forfait horaire porte sur 151,67 heures de moyenne mensuelle sur l'année.'
- les agendas semainiers de Mme [P] pour la période de janvier 2015 à Avril 2015, de août 2015 à janvier 2016 qui indiquent des rendez-vous en journée tant professionnels que personnels sans qu'il ne soit précisé les heures de début et fin de journée.
Ces éléments sont imprécis et ne permettent pas à l'employeur d'y répondre.
En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à Mme [P] la somme de 1606,86 euros à titre d'heures supplémentaires et 160,68 euros au titre des congés payés afférents et statuant de nouveau la cour déboutera Mme [P] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Sur les dépens
La cour condamnera Mme [P] aux dépens de la procédure d'appel.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Pour des raisons d'équité il n'y a pas lieu à l' application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 26 avril 2019 par le conseil de prud'hommes d'Orange en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement pour faute grave est fondé.
Déboute Mme [S] [P] de ses demandes indemnitaires.
Dit que les rappels de salaires antérieurs au 25 janvier 2014 sont prescrits.
Déboute Mme [S] [P] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Condamne Mme [S] [P] aux dépens de la procédure d'appel.
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffière.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,