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17/05/2022 | FRANCE | N°19/02079

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 17 mai 2022, 19/02079


ARRÊT N°



N° RG 19/02079 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HLS7



MLG/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NÎMES

25 avril 2019



RG :17/00351





S.A.S. CAP-ORTHO





C/



[G]

































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 17 MAI 2022







APPELANTE :





SAS CAP-ORTHO

Prise en la personne de son liquidateur Madame [I] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Marie AUDIER, avocat au barreau de CARPENTRAS substituée par Me Sylvie SERGENT, avocate au barreau de NÎMES





INTIMÉE :



Madame [C] [G] divorcée [Z]

née le 17 Décembre 1959 à [Localit...

ARRÊT N°

N° RG 19/02079 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HLS7

MLG/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NÎMES

25 avril 2019

RG :17/00351

S.A.S. CAP-ORTHO

C/

[G]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANTE :

SAS CAP-ORTHO

Prise en la personne de son liquidateur Madame [I] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie AUDIER, avocat au barreau de CARPENTRAS substituée par Me Sylvie SERGENT, avocate au barreau de NÎMES

INTIMÉE :

Madame [C] [G] divorcée [Z]

née le 17 Décembre 1959 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 03 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [C] [G] divorcée [Z] a été engagée par la société Cap- Ortho par contrat à durée indéterminée à temps partiel selon contrat du 1er juin 2005 en qualité d'agent d'entretien.

Par avenant en date du 1er avril 2007, la durée du temps de travail a été modifiée pour une durée fixée à 115,50 heures par mois.

Le 1er mai 2009, l'employeur a modifié ses horaires de travail sans avenant au contrat.

A compter du mois de mai 2011, le temps de travail de Mme [G] divorcée [Z] a été baissé à 108,25 heures par mois sans avenant au contrat.

Par courrier recommandé de son conseil en date du 16 février 2017, Mme [G] divorcée [Z] a écrit à son employeur pour lui faire état des difficultés qu'elle rencontrait dénonçant des pressions et du harcèlement, lequel lui a répondu par courrier en date du 27 février 2017.

Par courrier recommandé en date du 14 mars 2017, l'employeur a convoqué Mme [G] divorcée [Z] à un entretien préalable à un licenciement économique.

Par courrier recommandé en date du 24 mars 2017, Mme [G] divorcée [Z] a refusé d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier recommandé en date du 7 avril 2017, Mme [G] divorcée [Z] a été licenciée pour motif économique.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, Mme [G] divorcée [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes pour voir reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse et être indemnisée à ce titre, lequel par jugement du 25 avril 2019 a :

- dit que le licenciement de Mme [Z] est intervenu sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Cap-Ortho prise en la personne de sa liquidatrice amiable Mme [V] au paiement des sommes suivantes :

$gt; 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 13 186,80 euros à titre de rappel de salaires de juillet 2014 à juin 2017 outre 1318,68 euros de congés payés afférents,

$gt; 7 644 euros à titre d'indemnité forfaitaire en raison de travail dissimulé,

$gt; 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné la remise de bulletin de paie et de documents sociaux de fin de contrat conforme à la présente décision,

- débouté Mme [G] divorcée [Z] du surplus de ses demandes,

- débouté la société défenderesse de ses demandes reconventionnelles,

- rappelé l'exécution provisoire.

Par acte du 21 mai 2019, la SAS Cap-Ortho a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par acte d'huissier en date du 8 juillet 2019, la SAS Cap-Ortho a fait assigner Mme [G] en référé devant le premier président de la Cour d'appel de Nîmes notamment aux fins de faire consigner la somme de 11 468,70 euros auprès de la caisse de dépôt et consignation ou entre les mains de la CARPA du barreau de Paris ou du barreau de Nîmes, lequel par ordonnance en date du 2 août 2019 a :

- débouté la SAS Cap-Ortho de ses demandes,

- débouté la SAS Cap-Ortho représentée par Mme [V] es qualités de liquidatrice amiable à payer la somme de 800 euros à Mme [G] épouse [Z] au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SAS Cap-Ortho représentée par Mme [V] es qualités de liquidatrice amiable au paiement des entiers dépens.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2019, le premier président de la Cour d'appel de Nîmes a :

- déclaré recevable la demande en omission de statuer présentée par la SAS Cap-Ortho,

- dit qu'il sera ajouté dans les prétentions des parties reprises par l'ordonnance rendue le 2 août 2019, que la SAS Cap-Ortho demande à titre subsidiaire, l'autorisation de séquestrer la somme de 11 468,70 euros à la caisse de dépôt et consignation ou à la CARPA, à charge pour cet organisme de libérer le premier chaque trimestre 500 euros entre les mains de Mme [G],

- constaté que le délégué du premier président a omis de statuer sur ce chef de demande,

- complété l'ordonnance du 2 août 2019 en ce sens,

- ajouté au dispositif de la décision du 2 août 2019 le paragraphe suivant :

'Autorisons la SAS Cap-Ortho, prise ne la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [I] [V], à séquestrer la somme de 11 468,70 euros à la caisse des dépôts et consignations, à charge pour cet organisme de libérer le premier jour de chaque trimestre la somme de 500 euros entre les main de Mme [G]- [Z],

Disons que le 1er versement aura lieu le 1er janvier 2020, puis le premier jour des trimestres suivants.'

- dit que cette décision sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de l'ordonnance du 2 août 2019,

- débouté Mme [G]- [Z] de sa demande de paiement de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autres demandes,

- condamné la SAS Cap-Ortho prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [V] aux dépens de la présente procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 décembre 2019 , la SAS Cap-Ortho demande à la cour de :

- Dire et juger que la demande de Mme [Z]-[G] de réintégration du remboursement de frais en salaire est irrecevable car nouvelle en cause d'appel,

- Dire et juger que la demande de Mme [Z]-[G] relative à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement compte-tenu de la qualité de son signataire est irrecevable car nouvelle en cause d'appel,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 25 avril 2019 en ce qu'il a :

$gt; fixé la rémunération mensuelle brute de Mme [Z]-[G] à 1.274,31 euros,

$gt; dit que le licenciement de Mme [Z]-[G] est intervenu sans cause réelle et sérieuse

$gt; l'a condamnée au paiement des sommes de :

o 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 13.186,80 euros à titre de rappel de salaire de juillet 2014 à juin 2017,

o 1.318,68 euros de congés payés y afférents,

o 7.644 euros à titre d'indemnité forfaitaire en raison de travail dissimulé,

o 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

$gt; Ordonné la remise de bulletin de salaire et de documents sociaux conformes,

$gt; l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles visant à :

o ordonner à Mme [Z] la remise de la tablette Ipad appartenant à la société sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant le prononcé du

jugement à intervenir,

o condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 277,50 euros au titre des dommages et intérêts pour dégradation de l'Iphone appartenant à la société,

o condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 25 avril 2019 en ce qu'il a :

$gt; Débouté Mme [Z]-[G] de sa demande de remboursement de frais mensuels entre 2012 et 2017 à hauteur de 8.794,06 euros.

En conséquence, et statuant à nouveau :

- Dire et juger que la demande de Mme [Z]-[G] de remboursement de frais antérieure au mois au 25 mai 2015 est prescrite.

- Dire et juger que les demandes à caractère salarial antérieures au mois de juillet 2014 de Mme [Z]-[G] sont prescrites.

- Débouter Mme [Z]-[G] de l'ensemble de ses demandes.

- Fixer la rémunération mensuelle brute de Mme [Z]-[G] à 908,01 euros.

- Ordonner à Mme [Z]-[G] la remise de la tablette Ipad lui appartenant sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir.

- Condamner Mme [Z]-[G] à lui verser la somme de 277,50 euros au titre des dommages et intérêts pour dégradation de l'iphone lui appartenant.

- Condamner Mme [Z]-[G] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Mme [Z]-[G] aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la demande nouvelle en cause d'appel concernant la signataire de la lettre est irrecevable et en tout état de cause la dissolution amiable est intervenue postérieurement à la notification du licenciement de sorte que seule la représentante légale de la société avait la qualité pour signer la lettre de licenciement,

- le licenciement de la salariée a été abordé dès la fin 2016 et non en réaction au courrier de la salariée dénonçant des faits de harcèlement moral,

- la base tarifaire de remboursement des prestations sanitaires auxquelles le chiffre d'affaires est lié a connu des baisses successives qui ont impacté le secteur d'activité des prothèses articulaires en diminuant progressivement l'assiette de sorte que les petits acteurs du marché comme elle, ont disparu au profit des grands groupes internationaux,

- il y a eu un effondrement du chiffre d'affaires de 60% entre 2014 et 2015 suite à la cession d'une grande partie de son activité dans la perspective de la retraite à venir de Mme [V],

- la perte d'activité a eu un impact sur l'activité de Mme [G]- [Z] et l'annonce de nouvelles baisses au cours de l'année 2017 l'a contrainte à anticiper la baisse du chiffre d'affaires qui s'est confirmée en 2017 de sorte que les difficultés économiques justifient le licenciement économique de la salariée,

- elle a recherché un poste de reclassement bien qu'elle ne fasse pas partie d'un groupe.

- la salariée n'a pas rendu l'intégralité du matériel et a détérioré le téléphone qui lui avait été confié,

- les rappels de salaires ne sont pas dus en ce que la diminution du temps de travail a été acceptée verbalement par la salariée de sorte qu'il n'a pas été nécessaire de faire un avenant au contrat, cet accord ayant permis à la salariée de trouver un autre temps partiel chez un médecin,

- la preuve de l'intention de dissimuler des heures de travail n'est pas rapportée, pas plus que leur matérialité en ce que la salariée a travaillé 19 heures par semaine et a été payée en conséquence.

- les frais de déplacement ne sont pas dus puisqu'ils ne sont pas justifiés étant précisé que sur la période antérieure au 25 mai 2015, les faits sont prescrits.

En l'état de ses dernières écritures en date du 13 janvier 2022, Mme [G] divorcée [Z] demande à la cour de :

- Dire et juger que la lettre de licenciement du 7 avril 2017 a été signée par une personne qui n'avait pas 1e pouvoir de le faire et en conséquence, dire et juger 1e licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de Nîmes date du 25 avril 2019, sauf en ce qui concerne le remboursement des frais qui devront être intégrés comme salaire.

- Ordonner à la SAS Cap-Ortho, prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [I] [V], d'avoir à modifier les bulletins de paie, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard, conformément à la décision à intervenir, incluant notamment les sommes versées au titre de faux frais de déplacement.

- Ordonner la délivrance sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard :

$gt; des trois derniers bilans,

$gt; des liasses fiscales,

$gt; du Livre unique du personnel.

- Dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice.

- Ordonner la capitalisation des intérêts.

-Constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1.274,3euros

- Débouter SAS Cap-Ortho, prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [I] [V], de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Condamner la SAS Cap-Ortho, prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [I] [V], d'avoir à régler une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d'appel.

- la condamner en tous les dépens.

Elle fait valoir que :

- l'employeur ne pouvait plus la licencier en avril 2017, la société ayant été radiée du registre du commerce le 1er janvier 2017 de sorte que la lettre a été signée par une personne qui n'avait pas compétence à le faire,

- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse mais juste inhérent à la personne comme le confirme la main courante faite par Mme [V],

- le motif économique n'est pas établi et l'employeur fait état de difficultés sur une période de deux mois au lieu d'un trimestre,

- l'argument selon lequel il existe une volonté de cesser progressivement son activité n'est pas contenue dans la lettre,

- l'incidence d'une éventuelle cause économique sur l'emploi d'aide à tout faire n'est pas démontrée,

- la réorganisation ou la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise n'est pas rapportée,

- l'employeur ne justifie d'aucune recherche de reclassement,

- l'employeur n'a pas justifié les critères d'ordre de licenciement,

- les frais exposés sont dus car il s'agissait d'un complément de salaire déguisé. Ainsi l'employeur faisait état de frais de déplacements imaginaires pour lui compléter son salaire de sorte que les faux frais doivent apparaître sur le bulletin de paie et doivent être intégrés au salaire de base,

- le travail dissimulé est justifié par ce qui précède,

- la tablette Ipad est un cadeau qui n'a pas à être rendu à l'employeur,

- l'Iphone n'a pas été détérioré par elle comme le démontre le constat d'huissier établi lors de la remise du téléphone.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 21 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 février 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 3 mars 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ou, si elle appartient à un groupe, si elle est nécessaire à la sauvegarde du secteur d'activité de ce groupe.

En l'espèce, Mme [G] divorcée [Z] a été licenciée pour motif économique suivant lettre de licenciement en date du 7 avril 2017 ainsi rédigée

Notre société est spécialisée dans le domaine des prothéses articulaires.

De par notre activité, notre chiffre d'affaires dépend donc du tarif interministériel des prestations sanitaires (ci-apres TIPS) qui s'applique à certains produits de soins.

En effet, notre société génère un chiffre d'affaires à partir de commissions calculées sur la base de ce TIPS.

Or, depuis 2013, le TIPS a connu des baisses successives qui ont fortement impacté les revenus de notre entreprise mais aussi celles du secteur d'activité.

Ainsi, le bénéfice était de 7. 673 euros en 2016 pour 99.279 euros en 2015.

Depuis le début de l'année 2017, une nouvelle baisse du TIPS applicable aux prothéses articulaires a provoqué une nouvelle érosion des encaissements de CAP-ORTHO qui sont passés de 44.555 euros HT en janvier 2017 à 21.976 euros HT en février 2017.

Cette décroissance des indicateurs économiques de notre entreprise va probablement se poursuivre tout au long de l'année dans la mesure où le taux de commissions qui était de 30 % jusqu'à présent va être règlementé et revu à la baisse dans les mois à venir.

Il est donc clair que l'évolution du secteur d'activité et de la règlementation du marché ces dernières années s'est répercutée de manière incontestable sur les résultats financiers de CAP-ORTHO.

De surcroit, vous n 'êtes pas sans savoir que notre société a cédé une grande partie de son activité en décembre 2014, ce qui a engendré une perte de chiffre d'affaires de 60 %, puisque celui-ci est passé de 589.079 eurosen 2014 à 230.967 euros en 2015.

Pour autant, malgré cet effondrement de ce chiffre d'affaires et la baisse de notre activité, votre poste a été maintenu, tout comme votre temps de travail et votre rémunération.

Toutefois, il est devenu primordial d'adapter nos ressources à nos besoins réels.

Cette strategie d'adaptation nous conduit donc à procéder à une réorganisation en interne et à envisager la suppression du poste d'employée administrative que vous occupez.

En effet, ce poste ne correspond plus à nos besoins actuels. Il ne se justifie plus compte tenu de la baisse de notre chiffre d'affaires. Par conséquent, je reprendrai moi-même les missions que vous exercez actuellement.

Dans ce contexte, et compte tenu des différents élémentsprécédemment évoqués, il a été décidé d'initier une procédure de licenciement pour motif économique vous concemant.

Dans la perspective de votre maintien dans l'emploi, nous avons examiné les possibilités d'un reclassement, tant en interne qu'en externe. Toutefois, la taille de notre société ne nous a pas permis de vous proposer en interne un poste à titre de reclassement.

C'est pourquoi, nous avons pris attache auprès des partenaires commerciaux et de fournisseurs afin de voir si une solution de reclassement externe pouvait vous être proposée.

Malheureusement, aucune d'entre elles n'a été en mesure de formuler une telle proposition.

En raison de votre refus de recevoir ces documents lors de votre entretien préalable du 14 mars 2017, nous vous avons envoyé par courrier du même jour la note concernant le motif économique de votre licenciement ainsi que les documents relatifs au CSP.

Ces documents ont bien été présentés par recommandé avec accusé de réception à votre adresse habituelle le 15 mars 2017. Vous aviez, en tout état de cause, jusqu 'au 5 avril 2017 au soir pour nous faire part de votre décision d'acceptation ou de refus de CSP. Nous avons bien évidemment continué notre recherche de reclassement pendant la période de réflexion qui vous a été impartie par le code du travail pour accepter ou refuser le CSP. Pour autant, nous n'avons eu aucun retour de nos partenaires à ce titre.

Or, vous nous avez fait part, par courrier du 24 mars 2017, de votre refus d'adhérer au mécanisme de CSP. En conséquence, nous vous notifions par la présente lettre votre licenciement pour motif économique.

Votre préavis de deux mois débutera à la première présentation de la présente lettre. Celui-ci vous sera réglé aux échéances normales de la paye. »

Sur le signataire de la lettre de licenciement

Mme [G] divorcée [Z] soulève en cause d'appel que le signataire de la lettre n'avait pas compétence à la signer.

La SAS Cap-Ortho soutient qu'il s'agit d'une nouvelle demande qui doit être déclarée irrecevable.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle demande mais d'un nouveau moyen qui est recevable.

Concernant la validité de la lettre, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Elle peut être tacite et découler des fonctions de la personne qui conduit la procédure de licenciement.

Assimilant la délégation du pouvoir de licencier à un mandat, la Cour de cassation fait preuve en la matière de souplesse : une telle délégation de pouvoir n'obéit à aucun formalisme particulier, elle peut être ratifiée a posteriori, et peut résulter des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement lorsque celui-ci est chargé de la gestion des ressources humaines, notamment Ch. mixte, 2 arrêts : 19 novembre 2010 n° 10-10.095 et n° 10-30.215 et pour la chambre sociale : Soc. 7 mars 2012, pourvoi n° 10-21.524)

Dès lors, les fonctions de gérante occupée par Mme [V] lui permettait de signer la lettre de licenciement.

Sur la qualification économique du licenciement

L'article L1233-3 du code du travail pose les conditions nécessaires à la réalisation d'un licenciement pour motif économique et rappelle en premier lieu que "constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié".

En l'espèce les deux parties versent au débat la main courante déposée par Mme [V] le 8 mars 2017 dans laquelle elle indique : " depuis 15 ans, j'emploie Mme [G] [C] en tant qu'agent d'entretien. Et le 21 février 2017, j'ai reçu un courrier de son avocat disant que Mme [G] me reprochait des conditions de travail difficiles et du harcèlement moral.

Suite à cette annonce, j'ai décidé de procéder à un licenciement économique et donc hier elle devait se présenter à mon domicile pour me remettre mes clés."

La SAS Cap-Ortho tente de manière inopérante de justifier cette déclaration en expliquant qu'il s'agit simplement d'une description du déroulement de la relation avec la salariée sans qu'il ne puisse être retenue un motif inhérent à Mme [G] divorcée [Z].

Pourtant, la main courante est claire et ne laisse place à aucune ambiguité sur le fait que le licenciement économique décidé par l'employeur fait suite au courrier de l'avocat de Mme [G] de sorte que la première condition nécessaire à un tel licenciement n'est pas remplie.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ce que confirmera la cour sans qu'il ne soit nécessaire d'étudier la réalité de la situation économique de l'entreprise.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à verser la somme de 20000 euros à ce titre.

Sur le rappel de salaires

Sur la prescription

L'article L3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu sur les sommes dues au titre des trois années précédent la rupture du contrat.

En l'espèce Mme [G] divorcée [Z] sollicite un rappel de salaire à compter de mai 2009.

La rupture du contrat de travail est intervenue le 7 avril 2017, de sorte que tous les rappels de salaires antérieurs au 7 avril 2014 sont prescrits.

Sur le fond

Mme [G] divorcée [Z] sollicite un rappel de salaires sur la différence entre les salaires versés à la suite de la diminution de son temps de travail sans avenant à son contrat de travail et les salaires qu'elle aurait dû percevoir sans cette baisse unilatérale de son temps de travail.

En l'espèce le 1er juin 2005 les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de travail de 20 heures par semaine soit 86,60 heures par mois pour une rémunération de 762,94 euros.

Le 1er avril 2007, les parties ont signé un avenant au contrat modifiant le temps de travail pour le faire évoluer à 26,50 heures par semaine soit 115,50 heures par mois pour une rémunération de 1274,31 euros par mois.

Il résulte des bulletins de salaires versés au débat qu'à compter du 1er mai 2009, la salariée a été rémunérée sur une base horaire de 108,25 heures par mois puis à compter de mai 2011 jusqu'à la rupture du contrat sur une base horaire de 82,30 heures par mois pour un salaire de 908,01 euros sans que l'employeur ne justifie ni d'un avenant au contrat, ni de la démonstration d'un accord verbal sur la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ayant induit une baisse significative de sa rémunération.

Cette modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur ne peut être exonérée par le fait que la salariée avait trouvé un second employeur pour compléter son temps partiel, ce qu'elle avait parfaitement le droit de faire, son contrat de travail ne comportant aucune clause d'exclusivité.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la SAS Cap-Ortho à verser à la salariée, injustement privée de la totalité de sa rémunération conformément à l'avenant du 1er avril 2007, un rappel de salaire égal à 36 fois le différentiel entre la somme due et la somme réellement perçue soit 36 fois 366,30 euros brut.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Cap-Ortho à payer à Mme [G] divorcée [Z] la somme de 13 186,80 euros brut à titre de rappel de salaires sur les trois dernières années précédant la rupture du contrat de travail et 1318,68 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les frais de déplacement

Sur la recevabilité de la demande

Il ne s'agit pas d'une nouvelle demande en cause d'appel mais d'un nouveau moyen concernant le remboursement des frais.

En conséquence ce nouveau moyen est recevable.

Sur le fond

Mme [G] divorcée [Z] sollicite la somme de 8794,06 euros au titre du remboursement de frais de déplacement qu'elle souhaite voir intégrer comme salaire au motif qu'il s'agit de 'faux frais de déplacement', son employeur n'ayant pas souhaité payer de charges salariales sur ces sommes.

Il convient de relever que la salariée qui n'a jamais élevé la moindre protestation durant toute la relation de travail sur ce point échoue à démontrer que l'employeur l'aurait rémunérée de ses heures de travail sous forme de remboursement de frais fictifs.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] divorcée [Z] de cette demande.

Sur le travail dissimulé

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié; qu'aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

- de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche,

- de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,

- de se soustraire intentionnellement à l'obligation de délivrer un bulletin de paie,

- de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales;

Il résulte de l'article L 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, à l'occasion de l'omission d'heures de travail sur le bulletin de salaire, n'est caractérisée que si l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, Mme [G] divorcée [Z] demande à la cour le paiement de la somme de 7644 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé et la SAS Cap-Ortho conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que la preuve d'une intention frauduleuse n'est pas rapportée.

Il résulte des éléments du débat que le simple fait que l'employeur n'a pas réglé les heures prévues au contrat mais dont nul ne soutient qu'elles auraient été effectivement accomplies ne peut pas constituer un travail dissimulé.

En conséquence le jugement déféré sera infirmé et statuant de nouveau la cour déboutera la salariée de cette demande.

Sur le matériel de la société

Sur la tablette Ipad

La SAS Cap-Ortho demande la restitution d'une tablette Ipad constituant un outil de travail sous astreinte de 50 euros par jour.

Mme [G] divorcée [Z] affirme que l'Ipad est un cadeau.

En l'espèce aucune des parties ne conteste la remise de la tablette Ipad par l'employeur à la salariée de sorte que c'est à Mme [G] divorcée [Z] de démontrer l'existence d'une intention libérale, ce qu'elle ne fait pas de sorte qu'elle doit restituer la tablette à son employeur.

En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de cette demande et statuant de nouveau la cour ordonnera la restitution de la tablette Ipad à l'employeur.

Sur la détérioration de l'Iphone

La SAS Cap-Ortho demande le paiement de la réparation du téléphone dont elle prétend qu'il a été détérioré par Mme [G] divorcée [Z].

Le procès verbal de constat d'huissier établit le 28 juin 2017 indique ' Mme [G] me remet un Iphone de couleur blanc et son chargeur. L'appareil est en bon état apparent. Il ne présente aucune anomalie ni sur l'écran, ni sur la coque. Le chargeur est légèrement fendillé au niveau de la prise. Je l'ai branché à l'appareil : il fonctionne.'

La facture versée au débat par l'employeur indique :" écran fortement rayé avec régularité semblant montrer un acte volontaire. Iphone avec un chassi tordu voilé, nombreux impacts sur le côté du boitier."

Il résulte de ces éléments que Mme [G] divorcée [Z] ne peut être rendue responsable de la détérioration du téléphone compte tenu des constatations de l'huissier intervenues dès la remise de l'objet et antérieurement à la facture datée du 7 juillet 2017.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Cap-Ortho de cette demande.

Sur l'article 700 du CPC

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelante à payer à Mme [G] divorcée [Z] la somme de 1.000,00 euros à ce titre.

Sur les dépens

La cour condamne la SAS Cap-Ortho aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Déclare recevable la demande de Mme [C] [G] divorcée [Z] de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le motif que la signataire de la lettre n'avait pas compétence à le faire

Dit que Mme [V] avait la qualité pour signer la lettre de licenciement.

Confirme le jugement rendu le 25 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :

- dit que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'employeur à verser à Mme [G] divorcée [Z] la somme de 20000 euros à ce titre,

- condamné l'employeur à verser à Mme [G] divorcée [Z] la somme de 13 186,80 euros à titre de rappel de salaires de juillet 2014 à juin 2017 outre 1318,68 euros de congés payés afférents,

- ordonné la remise de bulletin de paie et de documents sociaux de fin de contrat conforme à la présente décision,

- débouté Mme [G] divorcée [Z] de sa demande de remboursement de frais,

- débouté la SAS Cap-Ortho de cette demande.

L'infirme pour le surplus.

Statuant de nouveau

Déboute Mme [C] [G] divorcée [Z] de sa demande de dommage et intérêts au titre du travail dissimulé,

Ordonne la restitution de la tablette Ipad par Mme [C] [G] divorcée [Z] à la SAS Cap-Ortho,

Condamne la SAS Cap-Ortho à payer à Mme [C] [G] épouse [Z] la somme de 1.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Cap-Ortho aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02079
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.02079 ?
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