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17/05/2022 | FRANCE | N°19/01062

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 17 mai 2022, 19/01062


ARRÊT N°



N° RG 19/01062 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HI6T



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

29 janvier 2019



RG :18/00027





[J]





C/



S.A.R.L. RCCM



































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 17 MAI 2022







APPEL

ANT :



Monsieur [K] [J]

né le 19 Septembre 1970 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d'ARDECHE





INTIMÉE :



S.A.R.L. RCCM

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Frédéric ORTEGA de la SELARL FREDERIC ORTEGA AVOCAT, avocat a...

ARRÊT N°

N° RG 19/01062 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HI6T

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

29 janvier 2019

RG :18/00027

[J]

C/

S.A.R.L. RCCM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [K] [J]

né le 19 Septembre 1970 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉE :

S.A.R.L. RCCM

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Frédéric ORTEGA de la SELARL FREDERIC ORTEGA AVOCAT, avocat au barreau d'ALES

Représentée par Me Céline CASSEGRAIN, avocat au barreau de VALENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 27 Janvier 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Avril 2022 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [K] [J] a été embauché par la SARL RCCM en contrat à durée déterminée à compter du 17 juillet 2009, en qualité d'agent de maîtrise, pour faire face à un surcroît d'activité, pour une durée d'un an.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 28 mai 2015, M. [J] est placé en arrêt maladie pour des problèmes de santé personnels ( cancer) et dépression.

Par courrier en date du 26 juin 2015, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable devant se dérouler le 10 juillet 2015.

Le salarié est licencié pour motifs personnels par courrier en date du 29 juillet 2015, avec dispense d'exécuter son préavis, en ces termes :

'...

Malgré d'importants investissements sur le parc machine, les retards de livraison des clients ne se sont pas améliorés.

Ces retards de livraisons concernent aujourd'hui encore plus d'une

commande sur deux pour des clients pourtant stratégiques dans notre développement, dont MIDIPROTECTION, AIXAM, ECT, COBHAM, AXXAIR, PELLET et STAUBLI.

Je vous ai pourtant rappelé à plusieurs reprises que ces problèmes de production pénalisent durablement l'entreprise dans son développement et devaient donc se résorber rapidement.

Malgré mes relances régulières et les moyens mis à disposition (l'investissement sur le module EDI, l'achat et la formation sur le module PIC PDP PLANNING) vous ne vous êtes pas investi à planifier la production.

L'atelier n'a toujours pas ou trop peu de visibilité sur les productions à venir, vous contentant de quelques priorités.

Vous avez réalisé un suivi approximatif des approvisionnements des articles couramment utilisés, et prenez que trop tardivement en compte les besoins du chef d'atelier et/ou des opérateurs, ne permettant plus la livraison des pièces à temps.

Les approvisionnements de tôle spécifique sont tardives, les équipes

travaillent au quotidien dans l'urgence, la coordination des équipes n'est pas formalisée, les 300 containers prévus pour améliorer le stockage et la circulation des pièces et encours de production n'ont été que partiellement mis en place, la caisse du camion n'est pas terminée, nécessitant la livraison des pièces sous bâche et sanglées à chaque transport, opération qui doit, de ce fait, être répétée chez le client ou fournisseur. Enfin, le montage du chapiteau n'est toujours pas réalisé.

L'ensemble de ces éléments participe au mécontentement significatif des clients et à l'absence de développement de l'entreprise.

Il vous a en outre été évoqué lors d'un entretien au mois de mars avec Madame [A], et plus récemment avec [X] [Z], que vous faisiez preuve d'une attitude déplacée, voire très désagréable à l'égard même des clients. Votre comportement à l'égard de Monsieur [Y] (client potentiel même si vous en doutiez) a même été préjudiciable : l'invectiver de « gros cochon » est inadmissible.

Tous ces dysfonctionnements nuisent à l'image de la société, participent à la stagnation du chiffre d'aff aires et des résultats et sont dommageables pour l'entreprise.

...

Au cours du mois de janvier 2015, j'ai même été averti par la Médecine du Travail d'une dégradation significative des conditions de travail au sein de l'entreprise, détaillée dans une étude communiquée au mois de février 2015 qui fait état d'une forte augmentation de la souff rance au travail des salariés : dépression notable médicalement constatée, douleurs morales et plaintes somatiques multiples.

Il convenait de déterminer l'origine de ces problèmes. J'ai donc profité de la présence de l'expert en management et stratégie afin qu'il réalise un audit organisationnel et social de l'entreprise.

Cette démarche vous a été présentée le 11 mars 2015 et l'expert vous y a intégré.

A l'issue des interviews et de son immersion dans les différents services de l'entreprise, les salariés se sont alors confiés sur votre façon de manager.

'

Il a également été constaté un management dangereux pour les salariés.

En effet, il est ressorti des interviews un sentiment d'inégalité et de rupture de dialogue où la quasi-totalité des équipes se sent rabaissée, méprisée, insultée et humiliée, vous citant comme la cause de ce profond mal être.

Ce rapport fait état de graves mésententes avec la quasi-totalité des salariés concernés.

Je vous avais pourtant alerté, à plusieurs reprises, sur le besoin urgent d'améliorer vos relations humaines tant avec vos propres équipes qu'avec les clients mécontents.

Comme vous le savez, ma direction de l'entreprise n'a jamais reposée sur des méthodes ne respectant pas les valeurs humaines de l'entreprise et je vous y ai d'ailleurs sensibilisé à de nombreuses reprises.

En réalité, au lieu d'appliquer ces valeurs et de mettre en place des actions correctives, vous vous êtes employé à me dissimuler la réalité et les difficultés et à me les présenter de manière dénaturée pour les tourner à votre avantage.

...

Pour palier à ces difficultés, il a, en suite de cet audit, été mis en place un projet d'entreprise, organisant des réunions d'équipes transversales tous les

lundis matins aux fi ns de permettre aux diff érentes équipes de communiquer et d'organiser au mieux les objectifs et priorités de la semaine.

Votre mission de coordination des activités et des groupes restait la même. Il vous était simplement demandé de laisser les participants disposer d'un temps de parole pour s'exprimer.

Le 27 mai 2015, alors même que j'étais absent et indisponible, vous avez abandonné l'ensemble de vos équipes, leur indiquant de « se débrouiller » sans vous, refusant d'assumer vos obligations contractuelles et engagements qui relèvent pourtant de votre mission, laissant vos équipes, que vous deviez coordonner, sans moyen de poursuivre la production.

Au-delà de ce manquement significatif et de votre objection de mettre en place les corrections indispensables, vous avez incontestablement démontré votre refus d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et le rétablissement de l'ambiance sociale.

Je ne peux tolérer un tel comportement qui bafoue les valeurs que je défends depuis 20 ans pour la société RCCM.

Découvrant vos agissements, que vous vous êtes employés à me cacher ou à dénaturer en votre faveur, je n'ai plus aucune confiance en vous et ne peux que constater la mésentente grave avec un grand nombre de vos collègues et la mauvaise exécution des taches que je suis en droit d'attendre d'un responsable de production.'

Contestant la légitimité de la rupture, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay afin de voir prononcer la nullité du licenciement au motif que la rupture est liée à son état de santé et subsidiairement la requalification du licenciement pour motifs personnels en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de l'employeur à diverses sommes à caractère indemnitaire, lequel, par jugement contradictoire du 29 janvier 2019 l'a débouté de toutes ses demandes et l'a condamné à une somme de 1 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 12 mars 2019, M. [K] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant, en date du 28 octobre 2019, M. [K] [J] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay en date du 29 janvier 2019 en toutes ses dispositions

- Recevoir M. [K] [J] en ses demandes,

Les déclarer bien fondées,

- A titre principal, constater que le licenciement prononcé à l'égard de M. [K] [J] est nul comme ayant été prononcé en raison de son état de santé,

- En conséquence, condamner la SARL RCCM à la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du licenciement nul,

- A titre subsidiaire, constater que le licenciement prononcé à l'égard de M. [K] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- En conséquence, condamner la SARL RCCM à la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Débouter la Société RCCM de ses demandes,

- La condamner à la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

M. [K] [J] soutient essentiellement que :

- sur la nullité du licenciement

- la maladie du salarié n'est pas une cause de rupture du contrat. Elle suspend seulement ce contrat jusqu'à ce que ce salarié revenu à meilleure fortune

retrouve son aptitude au travail,

- il a été licencié en raison de son état de santé,

- il est en arrêt maladie à compter du 28 mai 2015, ce dont la Société RCCM a eu connaissance dans les délais,

- il reçoit sa lettre de convocation à un licenciement un mois après soit le 29 juin et sera licencié encore un mois après,

- il ne s'est jamais vu reprocher un quelconque manquement, une quelconque incompétence, ni un manquement de nature à entraîner son licenciement,

- subsidiairement, sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

- M. [P] est un gérant très présent au sein de la structure : il ne peut feindre de découvrir et de désapprouver les méthodes qui lui sont reprochées, qui de plus sont dépeintes faussement dans la lettre de licenciement,

- il n'est pas responsable de la mise en liquidation ou en redressement judiciaire

de gros clients de la société comme la société SOTIRA en 2014, représentant 20 à 25 % du chiffre d'affaires,

- M. [P] n'a d'ailleurs jamais critiqué ses méthodes et le fait qu'une attention particulière était donnée au plus gros client de la société, bien au contraire. Il n'a néanmoins pas laissé de côté les autres client,

- il y a toujours eu des retards de livraisons au sein de la société RCCM et il ne saurait en être déclaré responsable,

- l'employeur a bien investi dans de nouvelles machines mais sans moyen humain : les salariés travaillaient donc sur deux machines,

- il s'est donc efforcé de planifier au mieux la production avec les moyens mis à sa disposition,

- les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont généraux : aucun exemple précis n'est donné,

- avant son arrivée, les stocks n'étaient pas bien quantifiés, il n'y avait pas d'inventaire chiffré et précis. L'une de ses tâches a été de faire ranger le stock,

- M. [P] demandait des changements de dernière minute et les salariés s'en plaignaient.Il devait indiquer ces changements aux salariés, lesquels ont pu penser qu'il en était à l'origine,

- il saisissait les commandes quand elles arrivaient et c'est M. [R] qui devait faire les devis,

- au niveau des approvisionnements, il était soumis aux délais des fournisseurs et à la volonté de la société RCCM d'avoir le minimum de stocks,

- il n'a jamais reçu le moindre courrier de mécontentement de clients et notamment celui du 30 novembre 2012 dont fait état l'employeur,

- il n'a jamais été informé d'un quelconque mécontentement de ce genre,

- il conteste les propos qui lui sont attribués à l'encontre de clients,

- il ne peut être responsable de la stagnation du chiffre d'affaires alors qu'il était simple salarié non cadre,

- il n'a jamais été informé avant le licenciement de son prétendu « management

dangereux »,

- il n'a jamais été informé de l'alerte de la médecine du travail en janvier 2015 ni du rapport : début mars 2015, il a d'ailleurs reçu une prime exceptionnelle (non liée aux résultats) de 2000 euros, et ce alors que d'après la propre pièce de la société RCCM, l'employeur avait en main l'étude de la médecine du travail dès le 12 février 2015,

- il a toujours travaillé dans le respect des salariés. Il était en revanche très exigeant et ne tolérait pas certaines pratiques '(travail personnel réalisé par les salariés sur leur lieu de travail par exemple). Il a mis fin à ces pratiques ce qui a heurté certains salariés,

- l'audit sur lequel se fonde l'employeur est loin d'être précis,

- aucune plainte n'a été déposée à son encontre ou contre la société RCCM pour harcèlement moral.

La SARL RCCM a déposé des conclusions le 24 juillet 2019 dans lesquelles elle demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Annonay le 29 janvier 2019 en ce qu'il a :

- Débouté M. [K] [J] de sa demande de nullité du licenciement

- Débouté M. [K] [J] de sa demande de paiement de dommages et intérêts tant à titre principal que subsidiaire

- Débouté M. [K] [J] de sa demande de reconnaître son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Débouté M. [K] [J] de sa demande de condamnation de la SARL RCCM au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Statuant à nouveau,

- Dire et juger le licenciement de M. [K] [J] régulier

- Dire et juger le licenciement de M. [K] [J] fondé

- Débouter M. [K] [J] de l'ensemble de ses demandes

- Le condamner à régler à la société RCCM la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL RCCM fait essentiellement valoir que :

- sur la nullité du licenciement

- à aucun moment elle n'a été informée d'un cancer et d'une dépression que M. [J] subissait.M. [P] n'en a été informé par M. [J] que le jour de

l'entretien préalable de licenciement,

- sur le bien fondé du licenciement

- la véritable difficulté a été la manipulation constante de M. [J] tant vis-à-vis des salariés de l'entreprise que vis-à-vis de M. [P], à qui il détournait de nombreuses informations,

- M. [J] a été licencié pour insuffisance professionnelle,

- M. [P] a toujours suivi M. [J] dans ses préconisations pour améliorer les retards de livraison,

- il n'a jamais été question d'un manque de moyen humain, qui ne ressort d'ailleurs à aucun moment de l'audit organisationnel de la société,

- les stocks n'ont jamais diminué avec la venue de M. [J],

- M. [J] était informé directement par les clients de leur mécontentement et M. [P] lui en faisait part également,

- de nombreux clients attestent avoir cessé leurs relations d'affaires avec la

société RCCM à cause des relations détestables entretenues avec M. [J],

- le manque de savoir faire du salarié a préjudicié immanquablement à la société RCCM qui voit stagner son chiffre d'affaires et perd d'importants clients depuis plusieurs années,

- au cours du mois de janvier 2015, la médecine du travail a pris contact avec la société aux fins de l'avertir d'une dégradation significative des conditions de travail au sein de l'entreprise,

- les arrêts de travail et accidents du travail ou longue maladie ont augmenté en présence de M. [J],

- elle a ainsi mandaté Mme [O] aux fins de réaliser un audit organisationnel de son entreprise et M. [J] a été entendu à ce titre,

- Mme [O] précise alors que tous les salariés (sauf 3 personnes) ont cité M. [J] comme étant la cause de ce profond mal être,

- le 27 mai 2015, alors que M. [P] était absent de l'entreprise, M. [J] abandonnait ses équipes sans aucune instruction et sans moyen de poursuivre la production, démontrant son refus d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et le rétablissement de l'ambiance sociale.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,

Par ordonnance en date du 25 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 13 janvier 2022.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé. Selon l'article L. 1132-4 du même code, un tel licenciement est nul.

Sur le terrain de la preuve, il résulte de l'article L. 1134-2 que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande, M. [J] communique quatre arrêts de travail, du 28 mai 2015 au 10 août 2015.

La lettre de licenciement n'évoque pas l'état de santé du salarié.

Aussi, sans davantage d'éléments ni d'explication que ces quatre pièces, ces éléments ne laissent pas présumer l'existence d'une discrimination sur l'état de santé, laquelle n'est donc pas établie.

La seule concomitance entre les arrêts de travail et l'engagement de la procédure de licenciement est insuffisante à elle seule à démontrer le lien entre l'état de santé du salarié et la rupture de son contrat de travail.

Ces éléments ne sont pas probants et la nullité du licenciement n'est pas encourue.

La demande de dommages-intérêts pour licenciement nul sera donc rejetée et le jugement déféré confirmé.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

L'employeur invoque dans ses écritures une insuffisance professionnelle de M. [J].

Il n'est pas contesté que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et le juge ne peut prétendre y substituer son appréciation ; néanmoins, il convient pour celui-ci de vérifier que ses exigences étaient justifiées.

Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement.

Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

Cette incapacité résulte des échecs, des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle échappe donc au droit disciplinaire.

L'insuffisance professionnelle peut motiver un licenciement à condition qu'elle soit établie par l'employeur.

Cependant l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leurs capacités à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies, des organisations et des emplois ; il doit leur proposer les actions de formation nécessaire, à savoir une formation adéquate et un temps de formation correcte leur laissant un laps de temps suffisant pour s'adapter à un nouveau matériel ou à de nouvelles fonctions ; l'employeur ne peut donc invoquer l'insuffisance professionnelle que si tous les moyens ont été donnés au salarié pour qu'ils puissent faire ses preuves, en temps et en formation.

La lettre de licenciement doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables, l'insuffisance professionnelle étant cependant un motif qui se suffit à lui-même.

L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

En l'espèce, les motifs énoncés pour licencier sont mixtes.

D'une part, le licenciement est de nature disciplinaire en ce qu'il prétend sanctionner une attitude déplacée, voire très désagréable envers des clients, le refus d'assumer ses obligations contractuelles et le refus du salarié de mettre en place les corrections indispensables et d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et le rétablissement de l'ambiance sociale

D'autre part, le licenciement est motivé par une insuffisance professionnelle caractérisée par :

- des retards de livraisons,

- un suivi approximatif des approvisionnements des articles couramment utilisés,

- une prise en compte tardive des besoins auprès des chefs d'atelier et/ou des opérateurs ne permettant plus la livraison des pièces à temps,

- des approvisionnements de tôles spécifiques tardives,

- un management dangereux pour les salariés.

* Le comportement à l'égard des clients

Pour démontrer ce grief disciplinaire, l'employeur produit les éléments suivants:

- une attestation de Mme [L] [A] :

'... il était limite poli avec mon assistante, plusieurs fois j'ai du lui rappeler que nous étions 'clients' et qu'il fallait nous traiter que tel voir mails joints).

...'

- une attestation de M. [H] [T] :

'Nous avons eu de très mauvaises relations commerciales avec M. [J], en effet, ce monsieur était très agressif avec nos responsables atelier allant même jusqu'à l'insulte. Nous avions une pression constante de sa part. Plusieurs fois moi-même, j'ai eu des altercations car ce monsieur n'a acun respect pour ces fournisseurs qui pour lui doivent être à ses pieds. Nos relations avec RCCM depuis l'arrivée de Mr [J] n'étaient plus supportables. De ce fait, nous ne faisons plus d'efforts, nous avons volontairement limité notre partenariat. Nous avons évoqué le sujet avec Mr [P] en avril 2015, depuis RCCM nous a de nouveau confié de l'activité, les relations sont de nouveaux normale.'

- une attestation de M. [Y] :

'...

A plusieurs reprises je l'ai entendu prononcer des remarques désobligeantes à mon encontre me traitant même de "gros cochon" ou "gros porc" en raison de mon sur poids à l'époque ou "de Tunisien" du fait que j'avais dans les années précédentes travaillé en Tunisie.

Au moment du chargement en fin de journée du 23 décembre celui-ci insinua

clairement que je pourrais dissimuler certaines pieces pour en éviter la facturation et insinuer une démarche malhonnéte de ma part.

...'

- l'audit de Mme [O] qui reprend certains propos de salariés auditionnés :

'...

Mr [J] manque de respect vis-à-vis des équipes, des fournisseurs et des clients : il a déjà appelé un client 'gros sac'

...'

- un courrier du 30 novembre 2012 dans lequel l'employeur détaille certaines difficultés avec M. [J] et lui demande de modifier son comportement et ses relations avec les salariés, les clients et les fournisseurs.

L'appelant conteste avoir reçu cette lettre.

La cour relève qu'il est indiqué que cette dernière est remise en main propre à M. [J] mais aucune signature du salarié n'apparaît laissant ainsi planer un doute important sur la véracité de ce document.

M. [J] conteste les attestations produites par l'employeur mais il n'a pas, pour autant, saisi la juridiction pénale pour faux témoignage.

Le grief tenant au comportement à l'égard de la clientèle est dès lors avéré.

* Le refus d'assumer ses obligations contractuelles

L'employeur reproche à M. [J] d'avoir laissé ses équipes, les 27 et 28 mai 2015, dans le doute, leur indiquant de 'se débrouiller' sans lui.

M. [J] ne conteste pas être parti de l'entreprise le 27 mai 2015 pour emmener son fils chez le 'psy'.

M. [J] reconnaît ainsi avoir quitté son poste de travail sans en avoir reçu l'autorisation ou en avoir averti son supérieur hiérarchique.

Il conteste cependant avoir laissé son équipe sans instruction mais ne prouve pas cette allégation, qui est en outre contredite par les attestations des salariés concernés.

Le grief reproché au salarié sera retenu.

* Le refus du salarié de mettre en place les corrections indispensables et d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et le rétablissement de l'ambiance sociale

Les parties conviennent qu'à compter du mois de mai 2015, des réunions tous les lundis ont été mises en place, ainsi qu'un nouvel organigramme.

La cour relève que l'employeur se contente d'appréciations générales sur ce point alors surtout que M. [J] s'est trouvé en arrêt de travail à compter du 28 mai 2015 jusqu'au 10 août 2015.

Ce grief n'est dès lors pas constitué.

* L'insuffisance professionnelle

Les parties soutiennent que le contrat de travail en date du 17 juillet 2009 est à durée indéterminée alors qu'il est, de toute évidence, conclu à durée déterminée.

M. [J] produit seulement un projet de contrat à durée indéterminée qui ne comporte pas la signature ni le cachet de l'employeur.

Les parties s'accordent néanmoins sur une relation à durée indéterminée laquelle n'a pu se concrétiser qu'à l'issue du contrat à durée déterminée, ainsi que sur les fonctions de M. [J], à savoir 'responsable de production'.

Les parties s'accordent également sur la 'définition du poste et des tâches de responsable de production :

- coordination des activités différentes et complémentaires à partir de directives et encadrement d'un ou plusieurs groupes, sous le contrôle d'un supérieur qui peut être le chef d'entreprise

- responsable du personnel assurant des travaux diversifiés mais complémentaires et intervenant dans l'organisation et la coordination des activités. Choix et mise en oeuvre de solutions adaptées

- rôle de coordination de groupes dont les activités mettent en oeuvre des techniques stabilitées.

Participe à l'élaboration des programmes de travail, à la définition des normes et leurs conditions d'exécution et donne les directives pour parvenir au résultat

Ces missions se traduisant plus en détail comme suit :

- réception, analyse et enregistrement des commandes

- détermination des achats afférents à la commande et déclenchement du processus d'approvisionnement

- planification et lancement de la fabrication, gestion des effectifs et des matériels nécessaires

- suivi de la qualité et du respect des délais ainsi que de l'expédition

- surveillance et coordination générale du personnel technique.

Toutes ces tâches devront être discutées et approuvées par la Direction si nécessaire et pourront périodiquement donner lieu à des comptes rendus de mission.'

Ainsi qu'il a été précisé supra, il est reproché à M. [J] :

- des retards de livraisons,

- un suivi approximatif des approvisionnements des articles couramment utilisés,

- une prise en compte tardive des besoins auprès des chefs d'atelier et/ou des opérateurs ne permettant plus la livraison des pièces à temps,

- des approvisionnements de tôles spécifiques tardives,

- un management dangereux pour les salariés.

Les retards de livraison sont démontrés par les courriels de relance de clients et les attestations de salariés travaillant sous les ordres de M. [J] :

- attestation de Mme [F] [E] : '... nous travaillions beaucoup dans l'urgence, avec des commandes à préparer en dernière minute entrainant beaucoup de stress et donc des non conformités (souvent qualitatives)...'

- un courriel de M. [D] à M. [P] en date du 14 mars 2013 : '... Mr [J] ne m'a pas rappelé mais je n'attends pas à ce qu'il le fasse, il m'a écrit hier pour faire le point sur nos commandes en cours et j'ai senti qu'il a changé d'approche. J'attends simplement d'avoir des rapports normaux avec lui.

Sachez que je ne vous tiens pas rigueur et que je considère RCCM comme un 'bon fournisseur...'

- attestation de M. [W] : '... pour notre client IVECO, il fallait travailler dans l'urgence car les commandes n'étaient pas saisies à temps et donc pas au programme. Sauf que les pièces devaient partir pour éviter un arrêt de chaîne donc travail dans l'urgence.

Aujourd'hui les commandes pour ce client sont saisies en temps et en heures et sont au programme de la semaine, comme par hasard, plus de soucis de livraison et de travail en urgence pour ce client...'

- attestation de M. [R] : '... il nous reprochait d'être en retard et de ne pas avancer plus vite, alors qu'il avait saisi la commande avec beaucoup de retard...M. [J] passait beaucoup de temps sur IVECO par rapport au potentiel que d'autre client, et pour moi je trouvai qu'il négligeait certains clients, du coup des commandes n'étaient pas saisies rapidement ce qui a provoqué de la désorganisation dans l'atelier ainsi que dans l'organisation du bureau d'étude...tout était laissait au chef d'atelier et d'équipe qui découvré tardivement 'au moment de la fabrication' qu'il manquait des fournitures, ce qui arrêté la fabrication dans certains cas, et mots illisibles de retard chez nos clients...'

- attestation de Mme [A] (client/fournisseur) : 'Nous passions nos commandes à l'attention de M. [J] et il devait nous retourner les accusés (ARC) de réception correspondants.

Nous (moi responsable achats et Mme [G] mon assistante) passions notre temps à le réclamer.

Quand tout allait bien il nous prenait au téléphone pour nous dire que les ARC allaient nous être envoyés et donc on patientait de nouveau et le ton est monté donc on rappelait et là : plus personne il ne nous prenait plus au tél et avait fait en sorte que personne puisse répondre à sa place... Comme la situation se dégradait de plus en plus, j'avais réclamé une réunion en nos locaux avec M. [P] et M. [J]. Lors de cette réunion M. [J] m'a confirmé qu'il ferait le maximum pour nous assurer des retours sur les informations nécessaires à notre organisation (prix et délais). Mais cela n'a pas duré.'

- un courriel adressé par Mme [A] à M. [J] le 29 avril 2015 : '... Je vous demanderai une nouvelle fois de communiquer avec nous

Une nouvelle fois : Pourquoi nous ne sommes pas au courant des retards '

Nous avons toujours le même discours avec vous : Nous sommes conscients des aléas de production mais que l'on en soit informé svp !!!

1/ merci de mettre en place un process qui nous avise de vos retards de livraison

2/ merci de communiquer sur le fait de nous livrer 1 p par 1 p sur cde 42225 réf. 5801828847

on multiplie les livraisons * les contrôles + la manut ...

3/ merci de respecter les délais demandés

J'attends de votre part une réponse sur cette mise en place.'

- un échange de courriers(entre le 12 et le 26 mais 2015) entre M. [S] et M. [J] concernant une date de livraison et l'attente d'une réponse du premier sur ce point.

Auparavant, Mme [C] avait déjà demandé des précisions à M. [J] les 20 mars, 9 et 16 avril, 6 mai 2015, de même que M. [R] les 9 avril et 12 mai 2015.

Il apparaît que la commande passée le 20 mars 2015 a été enregistrée par M. [J] le 7 avril 2015 et ce dernier a adressé l'ARC à Mme [C] le 16 avril 2015.

- attestation de M. [M] : 'Nous avons malheureusement constaté une dégradation sur nos relations commerciales pour divers raisons :

- pas d'information sur les commandes en cours

- nombreux retards de livraison. Très peu voir aucune information lors de nos relances téléphoniques ou courriel...'

- un courriel de Mme [I] à M. [J] le 7 mars 2013 : 'Je me suis fait gentillement jeté par Mr [M] car depuis le début de la semaine il attend un délai sur les commandes ci dessous ...'

- un courriel de Mme [U] (société Dangel) à M. [J] le 29 mai 2015 : 'Bonjour,

Nous allons être en arrêt de production d'ici mardi 2 juin sur les tôle de protection GMP 3681733280

Merci de me confirmer date d'expédition même d'un partiel...'

- attestation de M. [Y] :

' ...

Suite à 3 commandes reçues de trois de mes clients pour respectivement 25 et 25 et 10 poêles je demandais à la société RCCM de réaliser selon une nomenclature établie la production en découpe pliage et assemblage par soudure de 60 poêles.

...

Mes impératifs de livraison définis dans les diverses commendes étaient fixés au debut de l'année 2015 précisément au mois de janvier.

...

Pour cela j'ai à de nombreuses reprises été en contact soit téléphonique soit par e-mail soit par RDV directement et principalement avec Monsieur [K] [J] car la détermination des ordres de lancement en production était directement de sa responsabilité.

Courant décembre 2014 Monsieur [J] m'informait qu'il ne lui serait pas possible d'assurer l'assemblage et la soudure des 15 premiers corps de poêles.

...

Avant mon depart je lui signifiai qu'il était primordial que dès le 5 janvier 2015, la production reprenne pour permettre une livraison rapide des habillages pour les 15 premiers corps et l'ensemble des 45 autres poêles restants.

Dès le 5 janvier 2015 et dans lesjours qui suivirent, je téléphonais et j'envoyais

plusieurs e-mails pour avoir des informations sur la reprise de la production de ma commande et de la date prévisible de sa livraison. Monsieur [J] refusa

systématiquement de me répondre et il fit obstruction à ce qu'il me fut transmis toutes formes d'information sur ces sujets.

...

C'est pourquoi je fus contraint de signifier le 13 janvier 2015 l'annulation de ma

commande et finalement de devoir rechercher d'autres foumisseurs.

Au mois de janvier 2015 je n'avais toujours pas, malgré mes tres nombreuses

demandes verbales et par e-mail, reçu d'offre chiffrée concernant la production en cours.

Cela a eu pour conséquence une impossibilité pour mon entreprise à livrer mes clients conformément aux conditions de délai prévu dans les commandes initiales.

Mes clients ont tous annulés leurs commandes au mois de février 2015, ce qui a eu pour consequence de considérablement fragiliser mon entreprise commercialement et financièrement.

...'

M. [J] conteste le grief de retards de livraison mais n'apporte aucun élément permettant d'accréditer ses allégations.

L'employeur démontre ainsi avoir investi dans plusieurs machines afin d'améliorer la production et avoir fait bénéficier le salarié de deux formations de maîtrise d'un progiciel de gestion de production en 2011 et 2013.

Enfin, à la demande de la société intimée, un audit a été réalisé et confié à Mme [O], expert en management et stratégie, laquelle indique sur ce point :

'...

- pas de planification de charge de travail, pas ou peu de visibilité de la production à venir,

- les approvisionnements matières ne sont pas anticipés,

- travailler dans l'urgence est quotidien,

...

- les livraisons sont souvent en retard

...'

Le grief tenant à des retards de livraison est ainsi avéré.

Concernant le suivi approximatif des approvisionnements des articles couramment utilisés, l'employeur ne produit aucun élément démontrant la réalité de ce grief qui ne sera dès lors pas retenu.

Concernant la prise en compte tardive des besoins auprès des chefs d'atelier et/ou des opérateurs ne permettant plus la livraison des pièces à temps, l'employeur produit plusieurs attestations de salariés ayant travaillé sous les ordres de M. [J] permettant de mettre à la charge de ce dernier ce grief (attestations de Mme [E], M. [W] et M. [R]).

Concernant les approvisionnements de tôles spécifiques tardives, il convient de reprendre les éléments détaillés dans le cadre des retards de livraison et qui justifient le grief ainsi reproché à M. [J].

Concernant le management dangereux pour les salariés, il ressort de l'audit réalisé par Mme [O] entre janvier et juin 2015, lors duquel les salariés et M. [J] ont été entendus, les problématiques suivantes :

'un sentiment d'inégalité et de rupture de dialogue

- 95% des équipes se sentent rabaissées, insultées, méprisées et humiliées

- 'le diviser pour mieux régner' est devenu un mode de fonctionnement

...

- des équipes qui ne voient plus l'avenir, la motivation est en berne

- l'ambiance de travail est difficile

- des absences à répétition se succèdent

...

Tous les salariés (sauf 3 personnes) ont cité Mr [J] comme étant la cause de ce profond mal être.

Ils expriment de gros soucis de communication, Mr [P] donne une consigne, Mr [J] en donne une autre.

Mr [J] nous parle mal, il menace de mettre les gens dehors, au chômage.

Mr [J] nous rabaisse, il crie, il impose et en plus il est lunatique.

Un jour il va être sympa et il va nous parler de sa vie, de son WE, de sa dernière voiture.

Puis d'autres jours, il est odieux. Il est lunatique.

Beaucoup de nos anciens collègues sont partis à cause de Mr [J].

...

Les équipes sont fatiguées, elles sont en majorité passées en arrêt maladie pour dépression.

Le médecin du travail est témoin de la situation. Les équipes se confient.

Les équipes sont divisées, des rivalités naissent au sein de l'entreprise.

...

Mr [J] a déjà fait pleuré des personnes de l'atelier, Mr [J] stresse, il harcèle.

Même à la maison, j'ai la boule au ventre.

Mr [J] m'a déjà refusé une semaine de vacances, la veille du départ... il fait des trucs qui font mal.

Suite à un accident de moto, j'ai été arrêté. A mon retour Mr [J] m'a traité d'handicapé.

Depuis, il me fait faire le sale travail.

Lorsque quelqu'un est en arrêt, Mr [J] va lui préciser que l'entreprise fonctionne bien sans lui.

Mr [J] manque de respect vis-à-vis des équipes, des fournisseurs et des clients : il a déjà appelé un client 'gros sac'

Mr [J] a amené une organisation mais il a défoncé les relations humaines

Mr [J] valide nos vacances 2 ou 3 jours avant seulement

Mr [J] m'a changé de poste afin de me destabiliser

Mr [J] me dit en rigolant 'tu n'as pas de cerveau', une fois il m'a poussé à bout

A cause de Mr [J], ma femme et mes enfants ont voulu quitter la maison car je devenais insupportable à la maison. J'étais à bout

Les médicaments et le repos que m'a donné mon médecin m'ont fait du bien. Aujourd'hui je suis suivi par un psy une à deux fois par an

Mr [J] est indécent, il parle des formes d'une de nos collègues, il fait aussi des allusions

Mr [J] me donne des surnoms 'brasseur d'air ou aspirateur'

Mr [J] change de proie

Mr [P] fait trop confiance à Mr [J]

Mr [P] ne se rend pas compte des dégâts que cause Mr [J]. Mr [P] est rarement là

Personne n'ose aller voir Mr [P] pour lui parler de la problématique

...'

Les attestations de Mme [E], MMS [W], [R], [B], [N], [V] confirment les déclarations recueillies par Mme [O].

M. [J] conteste avoir eu un management inadapté mais n'apporte à la cour aucun élément à ce titre.

Les attestations qu'il verse aux débats ne sauraient remettre en cause les déclarations des salariés et de Mme [O] dans la mesure où il apparaît que M. [J] n'agissait pas de la même manière avec tout le monde, choisissant ses 'proies'.

Il s'ensuit, eu égard à l'ensemble des manquements constatés et aux insuffisances professionnelles établies, que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse.

M. [J] doit donc être débouté de ses demandes au titre de son licenciement, par confirmation du jugement déféré.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL RCCM et de condamner M. [K] [J] à lui payer la somme de 2 500 euros à ce titre.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de M. [J].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 29 janvier 2019 par le conseil de prud'hommes d'Annonay en toutes ses dispositions,

Condamne M. [K] [J] à payer à la SARL RCCM la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le même aux dépens d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Mme BERGERAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/01062
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.01062 ?
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