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10/05/2022 | FRANCE | N°22/00274

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Ho-recours jld, 10 mai 2022, 22/00274


Ordonnance N° 30





N° RG 22/00274 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INRH





Juge des libertés et de la détention d'AVIGNON



28 avril 2022





[W]





C/



CENTRE HOSPITALIER [Localité 2] ([Localité 1])

























































COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président>


Ordonnance du 10 MAI 2022



Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, magistrat désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L.32...

Ordonnance N° 30

N° RG 22/00274 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INRH

Juge des libertés et de la détention d'AVIGNON

28 avril 2022

[W]

C/

CENTRE HOSPITALIER [Localité 2] ([Localité 1])

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 10 MAI 2022

Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, magistrat désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L.3211 et suivants du code de la santé publique, assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,

APPELANT :

M. [B] [W]

né le 18 Avril 1979 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

régulièrement avisé, comparant à l'audience, accompagné d'un personnel soignant,

assisté de Maître Perrine LAFONT, avocat au barreau de Nîmes

ET :

CENTRE HOSPITALIER [Localité 2] ([Localité 1])

régulièrement avisé, non comparant à l'audience,

TIERS A LA DEMANDE :Mme [Z] [S] épouse [Y]

régulièrement avisée, non comparante à l'audience, qui a fat valoir ses observations avant l'audience ;

Vu l'ordonnance rendue le 28 Avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention d'[Localité 1], qui a constaté que les conditions de l'hospitalisation complète de M. [B] [W] sont réunies et que sa prise en charge actuelle est adaptée à son état de santé et maintenu en conséquence la mesure dont il fait l'objet,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [B] [W] le 3 mai 2022 et reçu à la Cour d'Appel le 4 mai 2022

Vu la présence de Maître Perrine LAFONT, avocat de M. [B] [W], qui a été entendu en sa plaidoirie,

Vu la communication du dossier au Ministère Public qui a communiqué ses conclusions en date du 9 mai 2022,

MOTIFS

Attendu qu'aux termes de l'article R. 3211 ' 18 du code de la santé publique, l'ordonnance du juge des libertés de la détention est susceptible d'appel dans un délai de 10 jours à compter de sa notification ;

Qu'en l'espèce M. [B] [W] a interjeté appel de la décision qui lui a été notifiée le 28 avril 2022 par courrier transmis au greffe de la cour d'appel le 4 mai 2022 (cachet de la poste faisant foi) de sorte que l'appel est recevable.

Il est rappelé au préalable que la compétence du juge des libertés et de la détention et de la cour d'appel, au titre du recours, se limite à contrôler la régularité, selon la loi et le code de la santé publique, des décisions prises au fondement de l'hospitalisation complète et ne permet pas au juge de substituer son appréciation aux avis et certificats des médecins - psychiatres quant au constat de l'existence de troubles et d'altérations des facultés psychiques, ni de formuler des préconisations thérapeutiques.

Monsieur [B] [W] a été hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 2] le 5 juillet 2021.

A la suite de la requête du procureur de la République du 11 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection, statuant en qualité de juge des tutelles, par jugement du 25 novembre 2021, a prononcé une mesure de tutelle au bénéfice de Monsieur [B] [W], désignant l'association [T] pour exercer cette mesure.

Le patient a été admis en soins psychiatriques sur Décision du Directeur d'établissement à Temps complet (SDT) le 3 mars 2022, pour des troubles du comportement dans un contexte de décompensation délirante, avec un certificat médical mentionnant un « délire de persécution ».

Selon le certificat médical du 4 mars 2002 à 24h, Monsieur [B] [W] présentait des troubles interprétatifs. Il restait dans des démarches actives pour pouvoir assouvir son désir de renier ses parents ; il avait pris rendez-vous avec le maire d'[Localité 3] pour que ses parents soient retirés de son acte de naissance. Ses idées de persécution étaient fermées, inaccessibles au raisonnement, avec une conviction inébranlable. Le patient s'inscrivait dans les soins, il acceptait le traitement, ne présentait pas de troubles du comportement dans l'unité.

Selon certificat mensuel du 4 avril 2022, le patient est calme, cohérent dans l'ensemble et qui n'exprime pas d'idées délirantes au premier abord. Néanmoins, il reste bien interprétatif et devient vite persécuté à la moindre contrariété ou frustration. Son délire reste enkysté et irréductible. Dans le service, il peut se montrer vindicatif et persécuté par les infirmiers, surtout quand on ne va pas dans son sens. Sinon, il est ritualisé, voire obsessionnel sur ses habitudes et conduites. L'alliance thérapeutique est en cours, à travailler, et il reste dans l'ambivalence et dans le déni partiel des troubles. Les soins doivent se poursuivre en hospitalisation à temps plein. Des permissions régulières sont organisées et elles se passent généralement sans problème.

Par décision du 4 avril 2002, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien des soins psychiatriques pour une durée d'un mois.

Selon certificat médical du 17 avril 2022, cette mesure était à maintenir, le certificat médical précisant que l'état clinique actuel de Monsieur [W] évolue de manière positive, il bénéficie régulièrement de permissions en ville, permissions qui se passent dans les meilleures conditions. Dans ce contexte, il a pu bénéficier d'un programme de soins pour un séjour du 13 au 17 avril 2022 chez son pasteur à [Localité 4]. Réintégration en soins psychiatriques à temps complet ce jour. Patient euthymique, fonds interprétatif toujours présent.

Par décision du même jour du directeur d'établissement, il a été réadmis en hospitalisation complète.

Le directeur du centre hospitalier de [Localité 2] a saisi le juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire d'Avignon le 22 avril 2022 en vue de la prolongation de l'hospitalisation au-delà du délai de 12 jours prévu par l'article L. 3211-12-1 code de la santé publique.

Par décision du 28 avril 2022, le juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire d'Avignon a dit que la mesure d'hospitalisation psychiatrique à temps complet dont fait l'objet Monsieur [W] pourra se poursuivre au-delà du délai de 12 jours prévu par l'article L. 3211-12-1 code de la santé publique.

Par courrier motivé reçu le 4 mai 2022, Monsieur [B] [W] déclaré relever appel de cette décision.

Le service mandataire judiciaire à la protection des majeurs [T], en charge de la tutelle, à formuler ses observations le 6 mai 2022, en précisant que l'association est en lien étroit avec l'équipe médicale et sociale qui le suit et suit leurs recommandations. Un projet d'appartement avec suivi URPS (unité de réhabilitation psychosociale) est en cours sur Orange. Un dossier MDPH été déposé le 3 mars 2022 en vue de l'AAH.

Selon le certificat médical actualisé du 6 mai 2022, il n'y a pas de changement clinique depuis le précédent certificat, le patient est encore persécuté, bien interprétatif et procédurier (il a fait une lettre au tribunal de Nîmes). Dans l'unité, il est calme, mais très vite persécuté par les autres patients ou même par l'équipe soignante. Il arrive à se canaliser néanmoins et attend avec impatience la sortie définitive. Un projet de retour en appartement est en cours. La mesure de SDT est à maintenir à temps complet.

Le Ministère Public, qui a conclu par écrit le 9 mai 2022, est d'avis de confirmation de l'ordonnance déférée, en relevant que la poursuite de l'hospitalisation complète est nécessaire au regard de divers certificats médicaux, qu'aux termes de l'avis médical du Docteur [U] [K], le patient reste dans le déni partiel de ses troubles et demeure ambivalent aux soins, malgré la persistance d'un délire de persécution ; qu'aucun élément ne permet en l'état de contester le bien-fondé d'hospitalisation psychiatrique complète.

À l'audience, Monsieur [B] [W] a réagi au résumé fait du dossier en voulant quitter la cour d'appel sans s'expliquer, préférant attendre la notification de la décision. Il lui a alors été indiqué qu'après ce résumé, la parole lui est donné pour qu'il s'exprime ; qu'il pourrait notamment indiquer comment se sont passées ses sorties et son séjour chez le pasteur et quels sont ses projets.

Il indique alors qu'il en a assez et qu'il ne veut pas rester plus longtemps ici ; que l'on a qu'à demander à son Docteur comment se sont passées ses permissions. Il précise être toujours en lien avec son pasteur de [Localité 4]. Il ne sait pas où il habitera. il devait vivre à Orange mais l'hospitalisation à tout bousculé. Il indique être père de famille, même s'il n'a pas ses enfants à sa charge, du fait qu'il y est SDF et en psychiatrie, et avec des médicaments qui le rendent fou. Les médicaments lui abîment les organes, à cause des effets secondaires et il n'ose pas dire au médecin que le traitement ne lui convient pas. Il considère que le médecin est là pour lui effacer la mémoire et non pour l'aider.

Il rappelle que le 5 juillet cela fera un an qu'il est enfermé alors qu'il n'a rien fait. Concernant l'espoir de l'appartement, il indique : « ils me font espérer depuis le mois de décembre, mais ça ne vient jamais. C'est un mensonge. Dès que mon professeur sera à la retraite, je partirai. »

Son avocat, qui a pu s'entretenir avec lui avant l'audience, indique sa permission de sortie de plusieurs jours s'est bien déroulée. Il a été longuement hospitalisé. Le traitement ne se passe pas bien en raison des effets secondaires, notamment il se plaint d'avoir perdu trois dents. Les relations avec le corps médical et les autres patients ne se passent pas très bien. Il souhaite ressortir et reprendre une vie normale. Les certificats médicaux ne sont pas favorables pour une sortie immédiate. Il y a un projet de sortie en appartement, même s'il dit qu'il n'y a pas de projet.

SUR CE :

Ainsi que relevé par le Procureur Général dans ses conclusions, et ainsi que l'a justement retenu dans ses motifs le premier juge, aucun élément ne permet de contester l'avis des certificats médicaux selon lesquels la poursuite de l'hospitalisation complète est nécessaire, compte tenu de la persistance de ses troubles (délire de persécution), de son ambivalence aux soins et du déni partiel de ses troubles.

Le certificat médical actualisé confirme l'absence de changement clinique depuis le précédent certificat, même si un projet de retour en appartement est en cours, le patient étant encore persécuté, bien interprétatif et procédurier.

Les termes mêmes de sa déclaration d'appel confirment la présence d'un sentiment de persécution :

« suite à mes problèmes depuis le 5 juillet 2021, je suis privé de mon consentement. Je suis sûr que me juger, je ne serai pas content. À cause de mes origines, dans l'administration où ils se lèguent en troupeaux et font des dessous-de-table, parce que je suis français, cela provoque un racisme ; avec vos aides, j'ai perdu trois dents dans ce qui me reste (') Je suis tenu en otage, avec un lessivage aux médicaments »

Manifestement, Monsieur [B] [W] n'est pas satisfait du traitement à raison de ses divers effets secondaires - selon lui - ce dont il devrait échanger avec le médecin référent qui le suit.

Il reste dans une forme de déni au moins partiel de ses troubles et ne semble pas, à ce stade, en capacité d'avoir un consentement libre aux soins, auxquels il n'adhère pas du fait selon lui d'effets secondaires de son traitement qui ne lui convient pas.

En l'absence de consentement libre et d'adhésion aux soins, la mesure de soins contraints sous forme d'hospitalisation complète, avec des permissions de sortie lorsque son état le permet, doit donc en l'état se poursuivre selon les indications des derniers certificats médicaux.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel interjeté par M. [B] [W] à l'encontre de l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'[Localité 1] en date du 28 Avril 2022;

Confirmons la décision déférée ;

Rappelons qu'en application de l'article R 3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation, dans le délai de 2 mois à compter de la notification de l'ordonnance, par déclaration au greffe de la cour de cassation par l'intermédiaire d'un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de Cassation.

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 10 Mai 2022

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Copie de cette ordonnance a été transmise, pour notification, à :

Le patient,

Le Ministère Public,

Le directeur du centre hospitalier,

Le Juge des Libertés et de la Détention

L'avocat

Le tiers demandeur - Le tuteur


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Ho-recours jld
Numéro d'arrêt : 22/00274
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;22.00274 ?
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