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10/05/2022 | FRANCE | N°21/01118

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 10 mai 2022, 21/01118


ARRÊT N°



R.G : N° RG 21/01118 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7OZ

EM/DO



TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE NIMES

25 mai 2016





RG:21400319





[B]



C/



CPAM DU GARD

S.A.S. [13]









































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 10 MAI 2022








r>APPELANTE :



Madame [V] [K] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Marjolaine RENVERSEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMÉES :



CPAM DU GARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par M. [F] [N] en vertu d'un pouvoir général



S.A.S. [13]

[Adresse 5]

[Localité 6]



représentée par Me...

ARRÊT N°

R.G : N° RG 21/01118 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7OZ

EM/DO

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE NIMES

25 mai 2016

RG:21400319

[B]

C/

CPAM DU GARD

S.A.S. [13]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 MAI 2022

APPELANTE :

Madame [V] [K] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marjolaine RENVERSEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉES :

CPAM DU GARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M. [F] [N] en vertu d'un pouvoir général

S.A.S. [13]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Franck JANIN de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marie ARNAULT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 08 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant arrêt du 24 septembre 2019 auquel il convient de se reporter pour connaître l'exposé du litige, les prétentions et moyens des parties, la cour d'appel de céans a :

- infirmé partiellement le jugement déféré et statuant de nouveau sur le tout,

Sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable :

- dit que l'accident de travail dont Mme [V] [K] a été victime le 05 juillet 2011 est imputable à la faute inexcusable de la société [13], son employeur,

Avant dire droit sur l'indemnisation de ses préjudices complémentaires :

- ordonné une expertise médicale confiée à M [A] [L] avec pour mission d'évaluer les différents préjudices subis par Mme [K],

- fixé le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert à la somme de 1 000 euros,

- alloué à Mme [V] [K] une indemnité provisionnelle de 1 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice personnel,

- dit que la caisse fera l'avance de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et versera directement l'indemnité provisionnelle au bénéficiaire, à charge de récupérer ces sommes auprès de l'employeur, assorties des intérêts au taux légal passé le délai de quinzaine,

Sur le taux d'incapacité permanente partielle, le capital et son opposabilité à l'employeur :

- déclaré Mme [K] irrecevable en sa demande de réévaluation du taux d'IPP,

- fixé la majoration du capital au maximum,

- tenant le jugement du tribunal du contentieux de Marseille en date du 26 janvier 2016 qui a statué dans les rapports de la caisse primaire et de la société [10], dit que cette dernière ne sera tenue à aucune majoration de rente,

Sur la demande en dommages et intérêts pour déclaration tardive de l'accident de travail :

- déclaré la juridiction de sécurité sociale incompétente pour statuer sur cette prétention,

- renvoyé les parties de ce chef devant le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence,

- condamné la société [13] aux dépens d'appel et à verser à Mme [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le retrait de l'affaire du rôle de la cour et dit qu'elle pourra être réinscrite à la demande de la partie la plus diligente après le dépôt du rapport d'expertise.

Par ordonnances des 17 octobre 2019, 26 novembre 2016 et 12 mars 2020, le magistrat chargé du contrôle de l'expertise a désigné le docteur [E] [X] en remplacement du docteur [A] [L] empêché, puis le docteur [G] [C] et en dernier lieu le docteur [S] [M] en lieu et place du docteur [G] [C] empêché.

Le docteur [S] [M] a déposé son rapport le 07 septembre 2020.

Mme [V] [K] a sollicité la réinscription de l'affaire qui a été enregistrée sous le numéro 21/01118, qui a été fixée à l'audience du 07 décembre 2021 puis renvoyée à celle du 08 mars 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [V] [K] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

Dans une décision avant dire droit :

- ordonner une mesure de contre-expertise diligentée par un expert psychiatre compétent en matière de sécurité sociale,

A titre subsidiaire :

- ordonner à l'expert, le docteur [S] [M], un complément d'expertise en remplissant sa mission telle que définie par la décision du 24 septembre 2019 notamment en tenant compte des affections figurant dans les certificats médicaux, en répondant par écrit à ses dires du 31 août 2020 et du 3 septembre 2020 et en s'adjoignant un expert psychiatre compétent en matière de sécurité sociale,

A titre infiniment subsidiaire :

- condamner par un jugement commun la caisse primaire d'assurance maladie de Nîmes et la [10] à lui verser les sommes suivantes :

- 150 000 euros au titre du préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire à fixer à au moins 55%,

- 219 000 euros au titre du préjudice résultant de la nécessité d'avoir recours à une tierce personne non prise en charge par le taux d'incapacité,

- 35 000 euros au titre du pretium doloris qui sera fixé à 5,5/7,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 569 715 euros au titre du préjudice professionnel résultant de la perte de chance de bénéficier d'une promotion en tant que directrice de magasin ou responsable régionale,

- 1 320 euros au titre de frais dû à l'intervention du médecin conseil au cours des opérations d'expertise,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Nîmes et la Sas [13] à lui verser chacune la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Nîmes et la Sas [13] aux dépens.

Elle fait valoir que :

- le rapport de l'expert ne mentionne pas dans son pré-rapport ni dans son rapport définitif du 2 septembre 2020, «le stress post traumatique» pourtant médicalement constaté et diagnostiqué par sept médecins dont deux psychiatres qui l'ont suivie depuis 2011, que le docteur [I], expert psychiatre que la [10] a mandaté et qui a participé aux opérations d'expertise n'a pas remis en cause cet état qui est décrit dans les différents certificats médicaux de 2011 à 2020, de sorte que l'expert judiciaire se retrouve seul à remettre en question ce diagnostic, qu'en refusant de tenir compte de cet état et en minimisant son état dépressif, il n'a pas rempli sa mission correctement, et que son rapport d'expertise ne peut pas être recevable,

- à titre subsidiaire, elle demande à la cour d'ordonner un complément d'expertise, de demander à l'expert de répondre par écrit à ses dires du 31 août 2020 et du 3 septembre 2020 et de remplir sa mission intégralement en se faisant aider par un sapiteur psychiatre comme l'avait suggéré le magistrat chargé du contrôle des expertises le 12 mars 2020,

- à titre très subsidiaire, elle renvoie à son dire du 31 août 2020 et à celui du docteur [Z] [Y] et demande à la cour de lui allouer les sommes visées dans son dispositif en réparation de ses préjudices,

- l'expert judiciaire devait prendre en considération pour fixer la date de consolidation l'aggravation de son état de santé d'avril 2016 à mai 2018 après une rupture de traitement qui a nécessité un changement et un renforcement de son traitement en 2018, ce qu'il n'a pas fait,

- sur le déficit fonctionnel temporaire, le rapport d'expertise ne tient pas compte du fait qu'elle souffre d'un syndrome de stress post traumatique chronique, selon le diagnostic concordant de sept médecins dont deux psychiatres, ce qui justifie un taux du déficit fonctionnel temporaire à 55% comme le préconise le docteur [Y],

- sur la nécessité d'avoir l'assistance d'une tierce personne et l'existence d'un poste de préjudice de ce chef, elle indique que caisse primaire lui a reconnu un taux d'invalidité permanente (sic ) de 8% , que ce taux ne l'indemnise pas du préjudice résultant de la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne puisqu'elle a perçu un capital et non une rente, qu'elle peut

demander réparation du préjudice résultant de la nécessité d'être assistée pour les actes de la vie quotidienne notamment la préparation des repas, que le rapport d'expertise a passé sous silence le fait qu'elle a besoin de l'assistance d'une tierce personne pour l'assister dans les gestes de la vie quotidienne alors qu'elle n'est pas en mesure d'effectuer seule les gestes de la vie quotidienne : préparation des repas, gestion des tâches administratives, tâches ménagères, courses,

- sur le pretium doloris, elle demande que lui soit allouée la somme de 35 000 euros selon les barèmes figurant dans la revue de jurisprudence régionale éditée par le centre d'études et de traitement de l'information juridique de la faculté de droit de [Localité 14] Edition 2019,

- sur le préjudice d'agrément, elle avait pour principal loisir la lecture, qu'elle justifie par ailleurs avait été assidue avant son accident du aux sorties cultures comme le théâtre, le cinéma les concerts, les musées et les voyages,

- sur le préjudice sexuel, le rapport d'expertise reconnaît l'existence d'un tel préjudice, qu'elle sollicite sa réparation par l'allocation d'une somme de 5 000 euros,

- sur le préjudice résultant de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle, elle indique ne pas demander à être indemnisée pour la rupture de son contrat de travail et pour la perte de son emploi comme voudrait le faire croire la [10], mais bien de la perte de chance d'une promotion, que contrairement à ce que prétend la [10], au cours de 25 années de carrière elle a donné entière satisfaction et a gravi un à un les échelons comme et qu'elle est donc parfaitement fondée à demander une indemnisation au titre de la perte de chance de promotion à un poste de directeur ou responsable régional, à partir de 2015, qu'elle occupait des fonctions d'encadrement dès 1994, qu'elle a continué à évoluer au sein de plusieurs magasins à des postes de cadre et à compter de 2010, avant d'occuper les fonctions de responsable éditoriale au sein de la [10] d'[Localité 7], que la perte de son emploi dû à la faute inexcusable commise par la [10] l'a empêchée d'obtenir une promotion en tant que directrice de magasin ou responsable régionale,

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la Sas [13] demande à la cour de :

- rejeter toute demande de Mme [V] [K] au titre de l'IPP,

- dire et juger que le seul taux opposable a la société a été fixé a 0% par jugement définitif,

- dire et juger que la date de consolidation a été définitivement fixée au 13 avril 2012,

- dire et juger que la période de prise en considération d'un déficit fonctionnel temporaire doit trouver son terme au 13 avril 2012,

- limiter le déficit fonctionnel partiel à 33%,

- rejeter toute demande au titre de la tierce personne,

- limiter l'indemnisation au titre du pretium doloris à la somme de 7 500 euros,

- dire et juger que Mme [V] [K] ne démontre pas l'impossibilité de se livrer à une activité spécifique sportive ou de loisir à laquelle elle s'adonnait de manière régulière avant son accident,

- rejeter toute demande à ce titre,

Subsidiairement,

- limiter l'indemnisation du préjudice d'agrément à de justes proportions,

- limiter l'indemnisation du préjudice sexuel à de justes proportions,

- rejeter toute demande au titre du préjudice professionnel,

- rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toute autre demande.

Elle fait valoir que contrairement à ce que soutient Mme [V] [K], l'expert n'a pas refusé de remplir la mission qui lui a été confiée en refusant de répondre à ses dires et de tenir compte des lésions constatées dans les certificats médicaux, que ses griefs concernant l'expertise menée et le rapport ne sont pas établis.

Elle entend rappeler que la date de consolidation a été fixée définitivement par le médecin conseil de la caisse primaire au 13 avril 2012 et qu'à défaut de contestation par l'assurée, la demande de Mme [V] [K] tendant à ce que la date de consolidation soit fixée au 17 juillet 2020 est irrecevable.

Elle soutient, au visa de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, que :

- le débat concernant les conséquences de la faute inexcusable doit étre circonscrit à l'accident du travail du 05 juillet 2011, lequel a donné lieu a une consolidation et à une fixation d'un taux d'IPP de 8% non contesté par Mme [V] [K] et ramené à 0%, seul opposable à l'employeur,

- le rapport d'expertise fixe à 33% le taux du déficit fonctionnel temporaire partiel du 05 juillet 2011 au 15 avril 2013, et précise que les lésions n'ont pas nécessité d'hospitalisation, que la période de prise en considération d'un déficit fonctionnel temporaire doit trouver son terme au 13 avril 2012 et non pas au 15 avril 2013,

- la demande de tierce personne n'est pas justifiée,

- seules peuvent étre indemnisées au titre du pretium doloris, en application de l'article L452-3 10 du Code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel est indemnisé pour sa part par l'attribution de la rente majorée, que le rapport d'expertise évalue ce préjudice à 3,5/ 7, que ce poste de préjudice apparaît surévalué dans la mesure où le rapport met en avant 'la conservation de l'environnement familial et la conservation des facultés intellectuelles', qu'en tout état de cause, selon le barème Mornet, la cotation de 3,5/7 correspond à des souffrances modérées qui peuvent être indemnisées entre 4 000 et 8 000 euros, de sorte que l'indemnisation du préjudice de Mme [V] [K] ne saurait excéder la somme de 7500 euros,

- le rapport du docteur [M] précise que Mme [V] [K] ne pratique pas d'activité spécifique qualifiée, qu'elle fait état du fait qu'elle aurait cessé toute activité culturelle: théatre, cinéma, concert, musées et voyages, ce qu'elle tente de justifier par la production de ses propre dires et l'attestation de son mari, ce qui ne peut étre considéré comme des élément objectifs et probants, que l'octroi d'une somme de 10 000 euros à ce titre est totalement injustifié,

- qu'au vu des conclusions du rapport d'expertise, elle demande de limiter l'indemnisation du préjudice sexuel à de justes proportions,

- que Mme [V] [K] sollicite une somme de 569 715 euros au titre de la perte de chance de promotion à un poste de directeur ou responsable régional, à partir de 2015, que ce parcours était loin d'être acquis au regard du contexte de tensions dont elle fait elle-même état, outre le bilan réalisé en 2011 qui mentionnait la nécessité d'une remise en cause, que suite à son inaptitude à son poste au sein de l'entreprise, le médecin a indiqué que le reclassement était à rechercher au sein du groupe [15], que 12 propositions de reclassement lui avaient été soumises qu'elle a refusées, que sa demande au titre de la perte de chance de promotion professionnelle sera en conséquence rejetée ; à titre subsidiaire, elle indique que la somme sollicitée correspond à une perte de gains future qui est d'ores et déja indemnisée par la rente attribuée.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :

- dire et juger que la date de consolidation définitive du 13 avril 2012 ne peut être modifiée dans le cadre du présent litige,

- prendre acte de ses remarques concernant le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice d'agrément et la perte de diminution de promotion professionnelle,

- fixer le quantum des indemnités allouées au titre des préjudices subis par Mme [V] [K] dans les proportions reconnues par la jurisprudence,

- condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard,

- rejeter toute condamnation de sa part au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le docteur [M] a fixé la date de consolidation au 15 avril 2013 qui est justifiée par des soins post consolidation qu'elle a pris en charge, que Mme [V] [K] demande de la fixer au 17 juillet 2020 en tenant compte d'une rechute d'avril 2016 à mai 2018, qu'aucune rechute n'a été déclarée par Mme [V] [K], que la date de consolidation est fixée par le médecin conseil, qu'en cas de désaccord, une expertise technique peut être ordonnée, que la décision de fixation de la date au 13 avril 2012 qui lui a été notifiée n'a pas été contestée de sorte qu'elle est définitive à son égard, que les soins post consolidation ne peuvent modifier la date de consolidation fixée par le médecin conseil.

Elle entend rappeler, s'agissant de la réparation du préjudice d'agrément, qu'il appartient à Mme [V] [K] de démontrer qu'elle exerçait une activité spécifique sportive ou de loisir avant la survenance de l'accident, que s'agissant du préjudice résultant de la perte d'une chance de promotion professionnelle, au regard des conclusions du rapport d'expertise du docteur [M] et des conclusions de Mme [V] [K], rien ne permet d'affirmer avec certitude qu'elle était destinée à bénéficier d'une éventuelle évolution de carrière.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS :

Sur les demandes de contre expertise et de complément d'expertise formulée par Mme [V] [K] :

L'article 276 du code de procédure civile dispose que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.

L'inobservation des formalités prescrites par cet article ont un caractère substantiel, et n'entraîne la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui a causé cette irrégularité.

En l'espèce, Mme [V] [K] sollicite une contre-expertise au motif que le docteur [S] [M] a refusé de répondre à ses dires du 31 août 2020 et à celui du docteur [Y] envoyé le 03 septembre 2020, que le rapport définitif est incomplet dans la mesure où il n'a pas retenu les lésions constatées par ses confrères médecins que le docteur [I], psychiatre, mandaté par la Sas [10] n'a pas remis en cause, à savoir le syndrome de choc post traumatique, tout comme la rechute et l'aggravation des affections, sa situation actuelle qui l'empêche d'effectuer seule les actes de la vie quotidienne et les préjudices subis par elle.

La Sas [10] soutient que le docteur [M] n'avait pas l'obligation de s'adjoindre l'avis d'un sapiteur en application de l'article 278 du code de procédure civile, que Mme [V] [K] a tenté d'imposer le choix d'un médecin psychiatre, que contrairement à ce qu'elle soutient, l'expertise a été menée de façon contradictoire et l'expert a analysé l'ensemble des éléments produits et y a répondu.

Force est de constater qu'il ne peut pas être reproché au docteur [S] [M] de ne pas avoir annexé en intégralité toutes les pièces que le conseil de Mme [V] [K] lui a adressées à défaut de l'avoir expressément sollicité conformément à l'article 276 alinéa 1 susvisé.

Dès lors, l'argumentation développée par Mme [V] [K] selon laquelle l'expert n'a adressé 'à son rapport aucun des 74 éléments' qu'elle a 'transmis le 16 juillet 2020 volontairement pour pouvoir écarter notamment le syndrome du choc post traumatique' est inopérante et de surcroît malvenue , l'appelante ne démontrant pas de toute évidence la 'partialité de l'expert' comme elle le sous entend.

Par ailleurs, il résulte des mentions figurant sur le rapport d'expertise que les parties ont été convoquées le 17 juillet 2020, qu'ont assisté aux opérations, Mme [V] [K] et son époux, le conseil de l'appelante, le docteur [Y] qui a assisté Mme [V] [K] et le docteur [I] qui a assisté la Sas [10], qu'un pré-rapport a été adressé aux parties, que l'expert leur a imparti un délai de quatre semaines pour formuler leurs observations avec une date prévue du dépôt du rapport au 29 août 2020, que le 31 août 2020 à 23h30 le conseil de Mme [V] [K] a fait parvenir une observation intitulée 'dire n°2" accompagné de pièces médicales que l'expert certifie avoir pris en compte : '... ont été prises en compte en particulier un certificat du docteur [D] daté du 10 avril 2012 et d'une observation der la partie demanderesse datée du 28 août 2020 portant une explication du docteur [R] concernant la thérapeutique appliquée et adaptée suivie d'une remarque de la partie demanderesse et que le rapport définitif a été déposé le 2 septembre 2020.' L'expert indique que le conseil de Mme [V] [K] lui avait également fait parvenir plusieurs documents qui ont été soumis au contradictoire et une observation reçue par courriel le 16 juillet 2020 dont les éléments ont été repris et soumis au contradictoire lors de l'expertise.

Contrairement à ce que soutient Mme [V] [K], force est de constater que le docteur [S] [M] a pris en compte le dire n°2 que le conseil de Mme [V] [K] lui a adressé.

De surcroît, dans son rapport d'expertise définitif, le docteur [S] [M] a indiqué que l'accident de travail du 05 juillet 2011 est à l'origine d'un élément traumatisant, et a discuté la notion de 'syndrome de stress post traumatique'.

Le fait que l'expert ne soit pas en adéquation avec les demandes de Mme [V] [K] sur ce point ne signifie pas qu'il a failli à sa mission, alors que manifestement, il a répondu à toutes les questions que la cour lui avait posées dans le cadre de cette mission d'expertise.

S'agissant de l'absence de mention d'une éventuelle rechute, il convient de relever qu'aucun élément versé aux débats ne permet d'établir que Mme [V] [K] ait déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard une éventuelle rechute ou une aggravation des lésions initiales et ait produit à cet effet un certificat médical en ce sens, de sorte que les griefs invoqués par Mme [V] [K] à l'encontre de l'expert sur ce point ne sont pas fondés.

S'agissant de la situation actuelle de Mme [V] [K], contrairement à ce qu'elle prétend, l'expert judiciaire a bien repris ses doléances sur ce point.

Enfin, force est de constater que l'expert judiciaire a répondu au conseil de Mme [V] [K] par un courrier daté du 27 octobre 2020 dans lequel il rappelait que son rapport déposé le 02 septembre 2020 annexait in extenso son dire n°2, précisait en première page la chronologie des arguments reçus et en 5ème page mentionnait la suite donnée à ces observations, il indiquait ne pas avoir annexé le dire du docteur [Y] puisqu'il n'est ni partie ni conseil, et rappelait que 'l'affaire a fait l'objet d'un débat contradictoire initial puis d'un pré-rapport'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les opérations d'expertise réalisées par le docteur [S] [M] sont régulières l'ont été dans le respect du contradictoire, que son rapport repose sur une discussion médicale documentée et argumentée sérieuse et détaillée dont les conclusions sont claires, précises et dénuées de toute ambiguité.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes de Mme [V] [K] de contre-expertise et d'un complément d'expertise.

Sur la réparation des préjudices subis par Mme [V] [K] :

Il convient de rappeler qu'en cas de faute inexcusable, la victime a droit à une indemnisation complémentaire prévue à l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, laquelle prend la forme d'une majoration de la rente forfaitaire ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, conformément à l'article L452-3.

La victime peut également demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Comme démontré précédemment, contrairement à ce que soutient Mme [V] [K], il apparaît que les conclusions du rapport déposé par le docteur [S] [M] sont précises et détaillées, non sérieusement remises en cause par les parties et constituent donc une base fiable de l'évaluation des préjudices qu'elle a subis.

L'expert mentionne dans son rapport la nature des lésions subies par Mme [V] [K] consécutivement à l'accident dont elle a été victime le 05 juillet 2011 : 'état de stress post traumatique réactionnel à des difficultés professionnelles, l'accident est à l'origine d'un élément traumatisant dans un contexte professionnel débordant les capacités de défense de Mme [V] [K] et ayant évolué vers un état dépressif résistant chronicisé marqué par l'association d'un état anxieux, d'une certaine inhibition psychomotrice et d'une dévalorisation. Cet état a nécessité une prise en charge psychiatrique assidue assortie d'un traitement psychotrope lourd, non moins assidu'.

Sur la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle :

La consolidation correspond au moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période de soins, la lésion se fixe est prend un caractère permanent sinon définitif, même s'il subsiste encore des troubles. Il y a lieu soit à guérison sans séquelles, soit à stabilisation de l'état même s'il subsiste encore des troubles.

L'article L442-6 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige,la caisse primaire fixe la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure d'après l'avis du médecin traitant ou, en cas de désaccord, d'après l'avis émis par l'expert.

A l'occasion d'une instance en indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l'employeur, la victime d'un accident du travail n'est pas recevable à demander que la consolidation de ses blessures soit fixée à une date différente de celle résultant de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie qu'elle n'avait pas contestée.

En l'espèce, il est constant que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a notifié à Mme [V] [K] par lettre datée du 20 avril 2012 la date de consolidation de son état au 13 avril 2012 après avis du médecin conseil, que ce courrier mentionnait que si elle estimait devoir contester cette décision, elle avait la possibilité de saisir dans le délai d'un mois suivant la réception de la lettre de notification la caisse et demander la mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale à l'adresse indiquée ou être déposée contre récépissé au guichet de la caisse.

Or, Mme [V] [K] ne justifie pas avoir exercé un recours contre cette décision qui est donc définitive à son égard.

Par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a notifié à Mme [V] [K], par courrier daté du 16 juillet 2012, le montant de son taux d'incapacité permanente partielle fixé à 8% pour 'syndrome de stress post traumatique avec élément dépressif réactionnel sur névrose de préjudice', le versement d'une indemnité en capital de 3 441,88 euros et la possibilité qui lui était offerte de contester cette décision auprès de la commission de recours amiable et/ou au tribunal du contentieux de l'incapacité dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre de notification.

Or, Mme [V] [K] ne justifie pas avoir exercé de recours dans le délai imparti, de sorte que cette décision est également définitive à son égard.

Force est de constater que les dispositions légales et la jurisprudence de la Cour de cassation dont Mme [V] [K] fait état dans ses écritures au soutien de ses contestations sur ces deux points ne sont manifestement pas applicables au présent litige.

Sur la réparation de ses préjudices :

Sur les souffrances endurées':

Dans la mesure où la rente répare le préjudice fonctionnel permanent, son titulaire ne peut réclamer, en sus de cette rente, l'indemnisation des souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation'; sur le fondement de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, seules les souffrances physiques et morales antérieures à la consolidation peuvent être réparées.

La date de consolidation a été fixée par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard au 13 avril 2012 et l'expert a conclu à une consolidation au 15 avril 2013.

Comme indiqué précédemment, seule la date du 13 avril 2012 a un caractère définitif à l'égard de Mme [V] [K].

Le docteur [S] [M] conclut dans son rapport sur ce chef de préjudice': ' sur la longueur d'évolution de la pathologie séquellaire, sur la constance de la prise en charge mais sur l'absence d'astreinte à l'hospitalisation ou à thérapeutique incisive, sur l'intensité de la douleur morale, les souffrances endurées imputables seront évaluées à 3,5/7...en regard de la conservation de l'environnement familial et sur la conservation des facultés intellectuelles'.

Mme [V] [K] sollicite à ce titre la somme de 35 000 euros et la Sas [10] propose de réparer ce préjudice par une somme comprise entre 4 000 et 8000 euros.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, ce préjudice sera réparé justement par la somme de 25 000 euros.

Sur le préjudice d'agrément':

Ce préjudice mentionné à l'article L452-3 vise exclusivement l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir.

Le docteur [S] [M] conclut dans son rapport, sur ce point': 'antérieurement à l'accident, Mme [V] [K] ne pratique pas d'activité spécifique qualifiée. Elle expose des activités d'agrément concernant son assistance aux spectacles (théâtre , cinéma...) Mais aussi des relations privilégiées sur sa profession lui permettaient d'avoir avec le monde artistique et particulièrement les créations littéraires voire théâtrales. Compte tenu de l'état d'inhibition précédemment cité, compte tenu de la réduction des activités quotidiennes et d'un certain degré d'anhédonie, il appartiendra à l'intéressée de justifier les activités culturelles assidues qu'elle expose antérieurement aux faits sachant que ces activités seront du fait de l'accident en cause pour la plupart largement réduites. Il en est de même concernant la pratique des voyages d'agrément dont elle se désintéresse du fait des séquelles dépressives'.

Mme [V] [K] sollicite à ce titre une somme de 10 000 euros, évoquant l'impossibilité de lire, d'assister à des concerts de se rendre au théâtre, aux musées, de voyager et produit à l'appui de sa demande :

- un extrait de son curriculum vitae qui mentionne au titre de la formation une licence lettres modernes obtenue en 1985 et une licence option librairie obtenue en 1986,

- une attestation établie par M. [H] [W] qui se présente comme ancien salarié de la [10], et qui certifie qu'il a organisé avec Mme [V] [K] une cinquantaines de rencontres littéraires dans le cadre de leur premier échange, qu'ils partageaient plusieurs passions communes, la lecture, le spectacle vivant et le théâtre, qu'à compter de 2000 ils ont assisté régulièrement à des spectacles du festival d'[Localité 8] et ce pendant plusieurs années, que Mme [V] [K] lui a fait part de son impossibilité de s'y rendre parce qu'elle s'était 'effondrée' et qu'elle avait 'peur de rencontrer d'anciens clients et employés de la [10]' et qu'à compter de 2011, il n'a pas assisté de spectacle en sa compagnie,

- une attestation établie par son époux, M. [U] [K] qui retrace les difficultés personnelles et professionnelles de Mme [V] [K] depuis plusieurs années,

- une lettre qu'elle a elle-même rédigée intitulée 'lettre de doléance à l'attention du docteur [S] [M]' dans laquelle elle décrit de façon précise et détaillée les difficultés professionnelles qu'elle a dû surmonter depuis sa mutation à la [10] d'[Localité 7] en 2010, les changements survenus dans sa vie personnelle après 2011, et dans laquelle elle précise avoir fréquenté avant cette date 'assidument les musés, les expositions de peinture, de photos...', avoir 'voyagé' et avoir perdu toute envie et le plaisir de se cultiver depuis 9 ans,

- le dire n°2 adressé à l'expert.

La Sas [10] considère que la somme sollicitée par Mme [V] [K] à ce titre doit être ramenée à de plus juste proportion et soutient qu'elle ne démontre pas ne plus pouvoir pratiquer la lecture.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît manifeste que Mme [V] [K] n'est plus en capacité de poursuivre les activités de loisirs culturels qu'elle justifie avoir exercées de façon régulière depuis de nombreuses années avant la survenue de l'accident de travail dont elle a été victime le 05 juillet 2011, à savoir la participation à des sorties culturelles (théâtre, concerts..) et à des voyages, son état dépressif sévère ayant favorisé une vie 'isolée' et dénuée de sociabilité.

Ce préjudice sera réparé justement par la somme de 10 000 euros.

Sur le déficit fonctionnel temporaire'avant consolidation:

La réparation du déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la période antérieure à la consolidation l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation ; les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ne sont pas couvertes par le livre IV du code de la sécurité sociale.

L'expert conclut, sur ce point, de la façon suivante': 'l'évaluation de ce poste de préjudice prend en compte non seulement le préjudice physiologique temporaire et le retentissement sur la situation familiale et environnementale, le préjudice d'agrément temporaire, le préjudice sexuel temporaire et la privation des activités sociales notamment associatives. Les lésions imputables n'ont pas nécessité d'hospitalisation : l'incapacité temporaire totale (100%) reste sans objet. L'importante symptomatologie anxieuse associée à une symptomatologie dépressive qualifiée par moments par les traitants comme préoccupante a entraîné une atteinte à la qualité de la vie, une restriction des joies usuelles de la vie courante, confirmées si ce n'est aggravées par l'importance du traitement psychotrope et de ses inévitables effets secondaires sur l'altération de la vigilance, la réduction des activités sexuelles et du plaisir génésique, la réduction des activités sociales et familiales. Ces éléments cumulés conduisent à fixer un déficit fonctionnel temporaire à 33% du 05 juillet 2011 au 15 avril 2013".

Mme [V] [K] sollicite à ce titre une somme de 150 000 euros, et soutient que l'expert a omis de tenir compte d'un syndrome de stress post traumatique chronique qui justifie que le taux du déficit soit fixé à 55%, et produit à cet effet :

- un document intitulé 'dire à expert' rédigé par le docteur [Z] [Y], médecin généraliste, selon lequel notamment que 'le préjudice du stress post traumatique doit être retenu et devra se traduire par une majoration du pretium doloris et du DFT', et dans lequel il propose de fixer ce taux à 55% au lieu de 33%, indiquant notamment que 'si les conséquences du stress post traumatique se sont estompées, il n'en demeure pas moins présent en plus grave sous la forme d'un syndrome dépressif chronique', ce que l'expert judiciaire a finalement retenu,

- des extraits de la revue de jurisprudence régionale de 2019.

Les seuls éléments produits par Mme [V] [K] ne permettent pas de remettre en cause sérieusement le taux évalué par l'expert.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, ce préjudice sera réparé de la façon suivante : 283 jours X 25 jours X 33% = 2 335 euros.

Sur le préjudice sexuel':

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement partiellement ou totalement, l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice à l'acte sexuel ' libido, perte de capacité physique ) et la fertilité ( fonction de reproduction)';

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

L'expert note dans son rapport sur ce point': 'la réalisation de l'acte sexuel reste possible mais l'altération de la libido, l'anhédonie réduisant voire inhibant le plaisir sexuel constituent un préjudice sexuel imputable'.

Mme [V] [K] sollicite à ce titre une somme de 5 000 euros.

La Sas [10] demande de limiter l'indemnisation de ce préjudice à de justes proportions.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de faire droit à la demande de Mme [V] [K] à ce titre.

Sur la perte de chance d'une promotion professionnelle':

Il résulte de l'article L452-3 du code de la sécurité social que la victime d'un accident du travail a , en cas de faute inexcusable de son employeur, le droit de demander à celui-ci devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, quel que soit le cadre dans lequel celles-ci étaient susceptibles de se réaliser.

La victime ne peut prétendre à une indemnisation du fait de la perte de chance de ses possibilités de promotion professionnelle dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice certain, distinct de celui résultant de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente ou qu'elle ne justifie pas de chances sérieuses de promotion professionnelle .

Il convient de rappeler que la rente majorée versée à l'assuré indemnise forfaitairement d'une part les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité , d'autre part le déficit fonctionnel permanent , de sorte que le préjudice résultant d'un changement d'emploi et d'un déclassement professionnel sont déjà réparés par la rente.

Il appartient à la victime d'un accident du travail résultant de la faute inexcusable de son employeur qui sollicite la réparation d'un préjudice au titre de la perte de chance ou d'une diminution des possibilités de promotion professionnelle de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de la promotion dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

Il convient donc à Mme [V] [K] de démontrer de la réalité et à tout le moins le caractère sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

Sur ce point, l'expert conclut que : 'la patiente a exposé avoir été dès 1986 employée comme vendeuse, toujours dans l'entreprise [10] avant d'accéder à un poste de responsable du département livres à [Localité 9] dans les années 93, 96 et 97. Elle a accédé ensuite jusqu'en février 2009 au poste de responsable département vente à la [11] puis est devenue responsable du département éditorial à [Localité 7]. Cette progression à une activité de direction laissait prévoir selon la patiente une progression professionnelle dans l'encadrement. Du fait des séquelles dépressives chroniques précédemment évoquées, du fait de l'inhibition et du ralentissement psychique imputable, cette possibilité de voie de promotion a été compromise par l'accident du 5 juillet 2011".

Mme [V] [K] sollicite à ce titre la somme de 569 715 euros indiquant qu'au cours de 25 ans de carrière elle a donné entière satisfaction, a 'gravi un à un les échelons' et qu'elle est donc parfaitement fondée à une indemnisation à ce titre et produit à l'appui de sa demande :

- une attestation établie par Mme [O] [T] qui se présente comme une salariée de la [10] en service depuis 1994 qui fait état de son parcours et de son ascension professionnels au sein de la société et qui certifie que si Mme [V] [K] n'avait pas été licenciée en 2012, elle 'aurait bénéficié de promotions et occuperait aujourd'hui soit des fonctions de direction au niveau régional ou national soit de direction dans un magasin avec le salaire correspondant d'autant que les opportunités sont plus grandes en faisant partie du groupe [12]',

- un extrait de son curriculum vitae,

- des bulletins de salaire.

La Sas [10] conclut au rejet de la demande de Mme [V] [K] au motif qu'elle ne démontre pas que des chances de promotions professionnelles ont été effectivement compromises.

Force est de constater que Mme [V] [K] n'apporte pas d'éléments de nature démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue, l'attestation Mme [O] [T] ne permettant pas de pallier l'absence de preuve objective quant à des perspectives d'avancement proches et certaines, à tout le moins sérieuses, la simple éventualité d'une telle évolution sur les 25 ans d'exercice professionnel étant insuffisante à caractériser ce préjudice.

Il convient en conséquence de débouter Mme [V] [K] de ce chef de demande.

Sur l'assistance à tierce personne :

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives ni réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille'; la victime a le droit à une indemnité correspondant à ce qu'elle aurait payé si elle avait fait appel à un salarié extérieur et cette indemnité doit être calculée sur une base horaire, charges comprises.

En l'espèce, Mme [V] [K] soutient que le docteur [S] [M] a omis de relever qu'elle n'est pas en mesure d'effectuer seule les gestes de la vie quotidienne comme la préparation des repas, la gestion des tâches administratives, les tâches ménagères et les courses et fait référence au dire n°2 qu'elle a adressé à l'expert, à l'attestation établie par son époux et à la lettre de 'doléance' qu'elle a adressée au docteur [S] [M].

La Sas [10] conclut au principal au rejet de la demande et à titre subsidiaire à l'allocation d'une somme de 4 245 euros sur la base de 283 jours et d'un coût horaire d'intervention de 15 euros.

Si l'expert a relevé les doléances de Mme [V] [K] notamment concernant l'absence de participation à toute tâche ménagère et à la préparation des repas, il n'a cependant retenu aucun préjudice à ce titre.

Force est de constater que les seuls éléments versés aux débats par Mme [V] [K] sont manifestement insuffisants pour établir qu'elle a eu besoin d'une tierce personne jusqu'à la date de consolidation pour la réalisation de certains actes de la vie quotidienne.

La demande formée de ce chef sera donc rejeté.

Sur les frais d'assistance à expertise :

Mme [V] [K] justifie avoir engagé des frais d'assistance à expertise à hauteur de 1 320 euros à laquelle il convient de faire droit.

Sur la demande de la perte de gains :

La demande formée par Mme [V] [K] au titre d'un projet professionnel non indemnisé par le capital de 3 441,88 euros versés par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard ne peut pas prospérer dans la mesure où la rente indemnise d'une part les gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent, de sorte que sa demande à ce titre n'est pas fondée.

En conséquence, l'indemnisation des préjudices subis par Mme [V] [K] s'établit de la façon suivante :

- souffrances endurées................25 000 euros

- préjudice d'agrément.................8 000 euros

- préjudice sexuel.........................4 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire....2 335 euros

- frais d'assistance à expertise......1 320 euros

et s'élève à la somme totale de 40 655 euros.

De cette somme , il convient de déduire la somme de 1 500 euros ordonnée suivant arrêt du 24 septembre 2019 à titre de provision sur les préjudices subis par Mme [V] [K] à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

En application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, les sommes allouées à Mme [V] [K] seront versées directement par la caisse d'assurance maladie du Gard, laquelle pourra récupérer les sommes déjà versées et les sommes allouées à Mme [V] [K] auprès de la Sas [10], en ce compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de céans le 24 septembre 2019,

Fixe les préjudices subis par Mme [V] [K] consécutivement à l'accident de travail dont elle a été victime le 05 juillet 2011, de la façon suivante :

- souffrances endurées................25 000 euros

- préjudice d'agrément.................8 000 euros

- préjudice sexuel.........................4 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire....2 335 euros

- frais d'assistance à expertise......1 320 euros

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard fera l'avance à Mme [V] [K] de ces sommes, déduction faite d'une provision de 1 500 euros qu'elle est tenue de verser conformément à l'arrêt du 24 septembre 2019,

Dit que la Sas [13] est de plein droit tenue de reverser à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable qu'elle a commise en ce compris les frais d'expertise,

Déboute Mme [V] [K] du surplus de ses demandes,

Condamne la Sas [13] à payer à Mme [V] [K] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,

Condamne la Sas [13] aux dépens de la procédure d'appel qui comprendront les frais d'expertise.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/01118
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;21.01118 ?
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