ARRÊT N°
N° RG 18/01151 - N° Portalis DBVH-V-B7C-G5Y7
VH/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
17 janvier 2018
RG :F16/00659
S.A.R.L. LE BON VIVANT
C/
[Z]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 7]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 MAI 2022
APPELANTE :
SARL LE BON VIVANT Enseigne 'PLEINE NATURE',
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Denis ALLIAUME de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉES :
Madame [R] [Z]
née le 28 Octobre 1972 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Perrine CORU, avocat au barreau D'AVIGNON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/6490 du 25/07/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
S.E.L.A.R.L. BALINCOURT représentée par Me [N] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
À l'audience publique du 02 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La SARL LE BON VIVANT exploitait sous l'enseigne « PLEINE NATURE » un magasin de vente au détail de produits biologiques.
Le 20 février 2010, la société a engagé Mme [R] [Z] en qualité de vendeuse caissière, coefficient N3A, dans le cadre des dispositions de la convention collective du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 20 février 2010 au 30 octobre 2010.
La société a assuré une formation au profit de Mme [R] [Z], lui permettant au printemps 2010 d'obtenir le CQP «vendeuse conseil en produits biologiques».
Le 30 octobre 2010, au terme du contrat à durée déterminée, les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d'une relation à durée indéterminée aux fonctions de vendeuse caissière conseil qualifiée coefficient N4B, selon un avenant signé entre les parties.
Le 9 février 2012, Mme [Z] était victime d'un accident du travail. Selon la salariée, elle était victime de violences physiques de la part de l'employeur alors qu'elle était enceinte, dans un contexte déjà ancien de surcharge de travail et de défaillances de l'employeur.
Après son arrêt de travail, Mme [Z] était arrêtée en raison de sa maternité, de ses congés parentaux et congés payés.
Elle reprendra son travail le 29 juin 2015.
En décembre 2015, la visite de reprise était organisée auprès du médecin du travail qui déclarait.Mme [Z], apte à ses fonctions.
Le 23 février 2016, Mme [Z] était en arrêt de travail.
Une visite de pré-reprise était organisée par la médecine du travail le 17 août 2016.
Le 15 septembre 2016, le médecin du travail, lors de la visite de reprise déclarait Mme [Z], inapte à son poste et précisait expressément qu'un reclassement professionnel sur un autre poste de l'entreprise ne serait pas indiqué au vu de l'état de la salariée.
La Société LE BON VIVANT tentait de reclasser Mme [Z] et lui faisait une proposition de reclassement qui était refusée, étant néanmoins observé que le médecin du travail indiquait à la société que le poste proposé ne lui apparaissait pas indiqué.
Dès lors par courrier du 29 septembre 2016, la Société LE BON VIVANT avisait Mme [Z] qu'elle était dans l'impossibilité de la reclasser, puis convoquait Mme [Z] à une entretien préalable et procédait au licenciement pour inaptitude de Mme [Z] par courrier du 13 octobre 2016.
* * *
Mme [Z] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon le 8 novembre 2016 aux fins d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre diverses indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement.
Le conseil de prud'hommes d'Avignon par décision du 17 janvier 2018, condamnait la SARL LE BON VIVANT à payer à Mme [Z] :
-19 380 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-3 230 euros à titre d'indemnités compensatrices de préavis
-323 euros à titre de congés payés sur préavis
-700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
et déboutait la salariée de ses autres demandes.
* * *
Par acte du 26 mars 2018, la SARL LE BON VIVANT a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Le 5 août 2020, la SARL LE BON VIVANT était placée en redressement judiciaire.
Par décision du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce prononçait la liquidation judiciaire de la SARL LE BON VIVANT et désignait en qualité de liquidateur la SARL étude BALINCOURT.
L'affaire était appelée à l'audience du 9 juin 2021 et mise en délibéré au 28 septembre 2021.
Par arrêt du 28 septembre 2021, la cour a:
Ordonné la réouverture des débats,
Prononcé la révocation de l'ordonnance de clôture du 19 mars 2021,
Renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 17 décembre 2021 pour que Mme [R] [Z] régularise ses écritures.
Mme [Z] [R] régularisait la procédure en appelant en cause le mandataire liquidateur et les AGS.
Par ordonnance en date du 17 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 16 février 2022.
* * *
En l'état de ses dernières écritures en date du 02 février 2022, la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [E] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LE BON VIVANT demande à la cour de :
Statuant sur l'appel formé par la SARL LE BON VIVANT Enseigne « PLEINE NATURE» à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes d'Avignon (N° F 16/00659),
Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de Mme [Z] en date du 13 octobre 2016 est intervenu sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
- condamné la SARL LE BON VIVANT prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :
- 19.380 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3.230 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 323 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sr préavis
- 700 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Rappelé que le présent jugement en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, bénéficie de l'exécution provisoire de droit dans les limites définies par ce texte.
- Constaté que la moyenne de trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1.615 euros.
- Dit que les sommes à caractère alimentaire allouées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 et 15 du Code du Travail porteront intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2016 (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation).
- Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.
- Débouté la SARL LE BON VIVANT de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- Mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de la SARL LE BON VIVANT.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté Mme [Z] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement. - Débouté Mme [Z] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
Statuant à nouveau :
- Dire que le licenciement pour inaptitude de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse
- En conséquence :
o débouter Mme [Z] de ses demandes aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de préavis et des congés payés y afférant ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, outre appel incident.
o condamner Mme [Z] aux entiers dépens.
Le mandataire liquidateur fait valoir que :
- le licenciement pour inaptitude de Mme [Z] reposait sur une cause réelle et sérieuse.
- la procédure de licenciement a été respectée
- la salariée n'a pas été harcelée et qu'elle ne démontre aucun préjudice
* * *
Mme [Z], en l'état de ses dernières écritures en date du 28 septembre 2021, contenant appel incident demande à la cour de :
Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture
Réformer le jugement entrepris
Dire et juger le licenciement nul
Dire et juger que Mme [Z] a été victime de harcèlement
Dire et juger que Mme [Z] a subi un préjudice moral du fait de la violation par l'employeur de ses obligations élémentaires.
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
Confirmer la condamnation de la SARL LE BON VIVANT, en y ajoutant que la créance de Mme [R] [Z] au passif de la SARL sera fixée à :
- 3.300 euros d'indemnité compensatrice de préavis
- 330 euros de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis
Confirmer le jugement sur le fait que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter de la saisine.
Infirmer sur le surplus et fixer la créance de Mme [R] [Z] au passif de la SARL LE BON VIVANT aux sommes de :
- 39.600 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
- 20.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement
- 10.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Y ajoutant
Dire que les sommes dues seront inscrites au passif de la SARL LE BON VIVANT
Dire que le jugement sera opposable au CGEA.
Fixer la créance de Mme [R] [Z] au passif de la SARL LE BON VIVANT à la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- elle a été harcelée, cela est démontré par :
- le recours au CDD sans juste motif
- l'agression physique dont elle a été victime et dont l'auteur est son employeur
- que son employeur va refuser de remplir les documents administratifs, ou de la payer
- que l'employeur surveille ses repas
- le médecin du travail
- les nombreuses attestations qu'elle verse aux débats
- le fait que l'employeur l'ait accusé à tord de vol
- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ; que le poste de gestionnaire des stocks est fictif
- son inaptitude est d'origine professionnelle puisque son inaptitude résulte du harcèlement dont elle a été victime et qu'ainsi l'employeur avait l'obligation de consulter les délégués du personnel
- ainsi le licenciement est irrégulier et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
- elle subi un préjudice distinct qui doit être indemnisé
* * *
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 7], reprenant ses conclusions transmises le 8 octobre 2021 , demande à la cour de :
Réformer la décision rendue,
Dire et juger le licenciement de Mme [Z] bien fondé,
Débouter Mme [Z] de sa demande de paiement d'indemnité sur préavis et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
Confirmer pour le surplus la décision rendue , sauf à préciser que les intérêts qui pourraient être dus à Mme [Z] sur les sommes accordées ne sauraient concerner la période postérieure au redressement judiciaire de la SARL LE BON VIVANT,
Dire et juger que les sommes qui seront allouées à Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile seront hors garantie AGS.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour considèrerait que le licenciement de Mme [Z] était sans cause réelle et sérieuse, de confirmer la décision entreprise,
Apprécier le préjudice subi par Mme [Z] dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'un harcèlement moral et apprécier également le préjudice moral invoqué par Mme [Z] ,
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'un licenciement nul, rechercher le préjudice subi par Mme [Z] ,
Faire application des dispositions législatives et réglementaires du Code de Commerce,
Donner acte à la Délégation UNEDIC et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-1 7 et D.3253-5 du Code du Travail.
* * *
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
- sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
La cour constate que cette demande est sans objet puisque la dernière ordonnance de clôture a été rendue après la notification des dernières conclusions des parties.
- sur la demande de nullité du licenciement en raison du harcèlement :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [Z] affirme avoir été harcelée par son employeur.
La cour constate que la salariée procède par voie d'affirmation et renvoie la cour à la lecture des pièces. Il est regrettable que les attestations et témoignages n'aient pas été exploités dans les conclusions. Mme [Z] verse aux débats les pièces suivantes pour appuyer ses dires ; 3, 4, 7, 9, 13, 14, 15, 16, 23, 24, 25 à 34, 35, 16 à 22, 41 à 44, 45, 46, 47, 49, 48, 50, 51 et 52, 53 à 56, 57, 58 à 60, 61.
1 - Elle affirme que l'employeur 'va recourir au CDD sans juste motifs' sans plus d'explication et renvoie à la lecture de son contrat. Cet élément n'est pas établi.
2 - Elle affirme qu'elle a été agressée physiquement par son employeur alors qu'elle était enceinte et que cela a provoqué une chute selon les pièces 3 et 14.
- la pièce 3 est un certificat médical en date du 14 février 2012 qui ne précise pas son état de grossesse encore moins le nombre de semaine d'aménorrhée. Le certificat mentionne que sa patiente consulte (3 jours après l'accident) des 'suites d'un accident du travail'. Ce certificat ne mentionne aucune blessure éventuelle et ne précise pas si son état est lié à une agression éventuelle ou au malaise qu'elle a subi.
- la pièce n°14 est constituée :
- d'un dépôt de plainte en date du 15 février 2012 dans lequel elle relate sa version des faits devant la gendarmerie de [Localité 10], et dans lequel elle affirme avoir informé son employeur de sa grossesse 2 heures avant les faits. Elle indique aux gendarmes que son employeur l'a violemment tirée par le bras à 11h45. Elle indique qu'une personne a été témoin à savoir Mme [S]
- de l'audition de Mme [S], stagiaire, en qualité de témoin qui indique se trouver dans un bureau vitré à environ deux mètres et qui indique : 'en fin de matinée vers 11h30, [R] a réglé un problème d'affichage des prix en magasin avec un client. Ce dernier est revenu juste après pour se plaindre (...) [R] a profité que M. [M] était là présent au magasin pour le lui envoyer afin qu'il gère le problème. (...) Le patron a discuté avec [R] il lui a dit d'aller s'occuper du client. Elle a refusé (...) Le patron était très énervé, il a crié sur [R] (..) Il l'a prise par le bras, au dessus du coude, d'un geste agressif, il l'a tiré d'un coup sec (...) Il est sorti (...) Elle pleurait. Dans l'après midi elle a fait un malaise. (...) Le patron n'était pas là lorsqu'elle a fait un malaise, j'étais à côté d'elle, elle est tombée d'un escabeau sur un meuble. (...) En réponse ; elle voulait le dire (qu'elle était enceinte) à M. [M] mais il l'évitait toujours'.
- de l'audition de l'employeur qui confirme que la salariée n'a pas voulu régler le problème d'écart de caisse mais conteste lui avoir pris le bras. Il indique qu'elle lui a appris sa grossesse dans l'après midi, et de sa volonté de prendre un congé parental, qu'ils avaient d'ailleurs un RDV à 15H00 pour un entretien.
- une échographie de premier trimestre de grossesse
- le PV de synthèse mentionnant que le vice procureur décide d'un classement 21 (faits insuffisamment caractérisés)
Mme [Z] verse aussi pour établir son agression :
Un courrier en date du 10 février 2012 de la salariée à son employeur lui reprochant de l'avoir secouée par le bras violemment en pointant son index sur le visage pour l'empêcher de parler et l'accusant de harcèlement.
La cour constate aussi le versement d'une pièce n° 34 dans laquelle Mme [K] atteste avoir vu à 11H45 l'employeur 'tirer par le bras violemment Mme [Z]' le 19 février.
Pour contredire l'employeur qui affirme qu'elle n'était pas présente, Mme [K] annexe à son attestation son nouvel emploi du temps dont les horaires sont de 12h30 à 14h30 et de 15h30 à 17h30. Elle affirme aussi que c'est par erreur qu'elle a dit que les faits s'étaient déroulés le 19 et non le 9.
La salariée verse les pièces 3, 16 à 22, 41 à 44 concernant les conséquences médicales de l'agression de son employeur. La lecture de l'ensemble des pièces fait état des suites d'une chute sur les fesses sur le lieu de travail aux alentours de 17Hoo, avec contusion musculaire et une grossesse évolutive sans difficultés.
Ce fait unique (l'employeur lui prend le bras violemment) en date du 9 février 2012 à 11h45 est établi.
L'avis du médecin du travail en date du 9 mars 2016, qui indique que la salariée lui indique qu'elle souffre d'un syndrome anxio dépressif suite à une forme de harcèlement selon elle.
Un certificat établit en 2017 fait état d'un syndrome anxio-dépressif.
3 - Par ailleurs, la salariée affirme que l'employeur va refuser de remplir les documents de la CPAM, et lui régler ses congés ou le maintien de son salaire. Elle indique que ces faits sont établis par les pièces 53 à 61.
La lecture de ces pièces, non exploitées par la concluante, fait état de nombreux courriers succincts de la part de la salariée mais aussi de deux courriers de l'inspection du travail sollicitée par la salariée qui demandent des explications. L'absence de procédure tend à démontrer que l'employeur a apporté une réponse satisfaisante.
Ce fait n'est pas établi.
4 - La salariée affirme aussi que plusieurs témoins attestent des faits de harcèlement subis par elle et renvoie aux pièces, 23, 24, 25, 35 47 et 49, toujours inexploitées dans les conclusions et non classées dans le dossier.
L'ensemble des témoins font état d'affirmations générales et subjectives ne permettant pas à l'employeur de répondre :
Mme [S] affirme 'les directives étaient inapropriées par rapport au poste de travail qu'elle occupait. Le ton employé était méprisant.'
M. [T] témoigne en style télégraphie, sans relater de faits : ' agression physique pendant la mise en rayon - esclandre devant les clients' (...) 'Consignes contradictoires'.
Mme [K] indique sans précision : 'violent dans sa gestuelle - il l'a surveillait tout le temps'.
Mme [L] atteste 'consignes contradictoires' (...) 'Harcèlement insidieux, manipulateur. Pour ma part j'ai été également exploitée en 2009/ 2010...'
Une attestation est illisible et les propos n'étant pas repris dans les conclusions, elle est inexploitable.
Ces faits, ni déterminés ni déterminables ne sont pas établis.
5 - Le témoignage de plusieurs clients satisfaits des prestations de Mme [Z] attestant de son professionnalisme 'attentive', 'souriante, à l'écoute'.
Ce fait est établi mais sans intérêt dans la démonstration du harcèlement.
6 - La salariée affirme qu'elle était épiée dans les moindres faits et gestes et l'employeur étant même allé jusqu'à compter le nombre d'échantillons gratuits donnés mais ne donne aucune indication sur d'éventuelles pièces au soutien de cette allégation.
Cet élément n'est pas établi.
7 - La salariée verse aux débats une autre procédure devant le conseil de prud'hommes afin de démontrer que la SARL est un mauvais employeur. La cour constate que le salarié a été débouté de l'ensemble de ses demandes contre la société.
Cet élément n'est pas un fait matériel permettant d'établir un harcèlement et il n'est de surcroît pas établi.
* * *
Un fait (l'employeur lui a pris le bras) unique et isolé est établi.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement.
Le licenciement n'est donc pas entaché de nullité.
La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée sur ce point.
- sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de reclassement :
La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige est ainsi rédigée le 13 octobre 2016 :
« Madame,
Nous vous avions convoqué le 30 septembre 2016 à un entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.
Cet entretien devait se dérouler le 10 octobre 2016, mais, le 4 octobre 2016, vous nous avez annoncé que vous n'y assisteriez pas, comme la loi vous y autorise.
Le 17 août 2016, vous avez passé une visite de pré-reprise qui vous a déclaré inapte à votre poste de vendeuse caissière. Le docteur [B], médecin du travail déclarait « une inaptitude au poste est à prévoir. Un reclassement professionnel sur un autre poste de l'entreprise ne serait pas indiqué au vu de l'état de santé de santé de la salariée. A revoir en visite de reprise ».
Suite à cette visite de pré-reprise, vous avez passé, le 15 septembre 2016, une unique visite de reprise et vous avez été déclarée définitivement inapte à votre poste de vendeuse caissière par le docteur [B] : « Inapte au poste. Un reclassement professionnel sur un autre poste de l'entreprise ne serait pas indiqué au vu de l'état de santé de la salariée. Etude de poste effectuée le 1 er septembre 2016. Avis émis suite à visite de pré-reprise du 17 août 2016 ».
Conformément à nos obligations, nous avons recherché des possibilités de reclassement existant dans notre entreprise.
Au vu des préconisations émises par le médecin du travail et en concertation avec lui, nous avons recherché les postes de travail susceptibles de convenir, au besoin, part la mise en 'uvre de mesures telles que la transformation de poste.
En conséquence, le 19 septembre 2016, nous vous avons adressé une proposition de reclassement sur un poste de gestionnaire de stock.
Par courrier en date du 27 septembre 2016, vous avez refusé notre proposition de reclassement.
Face à cette réponse, eu égard à la structure de notre entreprise, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un autre poste de reclassement, ni de créer un nouveau poste.
Nous ne pouvons non plus vous proposer un poste administratif car les postes administratifs sont déjà pourvus et suffisent à couvrir les besoins de notre société en la matière.
Nous nous voyons donc contraints de prononcer votre licenciement du fait de l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous proposer un poste de reclassement, suite à la déclaration de votre inaptitude définitive rendue par
la médecine du travail.
Vous voudrez bien vous présenter au sein de nos bureaux le 19/10/2016 à 15H00 pour signer votre reçu pour solde de tout compte et recevoir votre certificat de travail et votre attestation POME EMPLOI.
Nous vous prions de bien vouloir agréée, Madame, l'expression de nos salutations distinguées. »
La salariée considère que son licenciement est d'origine professionnelle en raison du harcèlement allégué et qu'ainsi la consultation des délégués du personnel était nécessaire.
La cour ayant débouté la salariée de sa demande relative au harcèlement, l'employeur n'avait pas l'obligation de consulter les délégués du personnel avant de procéder à ses recherches en vue du reclassement.
De manière surabondante, la cour constate que l'employeur verse aux débats un compte rendu des réunions des délégués du personnel 'demandes des délégués du personnel et réponses et décisions prises le cas échéant du chef d'entreprise' et qu'en bas de page à la date du 30 septembre 2016 est mentionné 'reclassement [Z] : le poste de gestionnaire de stock pour lequel je vous ai consulté a été refusé par Mme. Après concertation, nous constatons ne pas être en mesure d'en proposer un autre. Porte métallique...'. Que ce document signé atteste de la consultation des délégués du personnel.
Par ailleurs, la salariée affirme que le poste qui lui a été proposé était fictif et qu'ainsi l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement. Selon elle, 'ce poste n'existe quasiment pas' dès lors que chaque salarié gère son rayon et ses stocks. Elle affirme aussi qu'elle gérait déjà les stocks de son rayon et produit pour cela une facture et bon de livraison mentionnant son nom en bas à gauche de la dernière page.
Il ressort de la lecture de son contrat de travail que la gestion des stocks ne faisait pas partie des tâches qui étaient confiées à la salariée.
Le fait que d'autres salariés, à un moment donné, aient pu gérer le stock n'empêche nullement l'employeur de proposer à sa salariée un emploi consistant uniquement dans la gestion des stocks, emploi qui correspond manifestement à une tâche réelle au sein de la SARL.
La cour relève que le médecin du travail avait retenu qu'aucun poste ne pouvait être proposé à Mme [Z] . Le médecin du travail avait même considéré que le poste proposé à Mme [Z] n'était pas indiqué.
La cour constate que l'employeur a bien respecté son obligation de reclassement. La décision du conseil de prud'hommes, qui ne précise pas pour quelles raisons il considère le licenciement abusif, sera donc infirmée sur ce point.
- sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
Mme [Z] entend obtenir le paiement de dommages et intérêts complémentaires en raison du fait qu'elle aurait été agressée physiquement et moralement, rabaissée et insultée par son employeur et que celui-ci n'aurait pas respecté ses obligations de sécurité à son égard.
Les dispositions des articles L 4121-1 à L 4121-5 du Code du travail imposent à l'employeur d'assurer, la santé mentale et physique de ses salariés. Cette obligation de sécurité de l'employeur s'applique en matière de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et de violences physiques ou morales.
En cas de manquement à cette obligation, l'employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié concerné.
Si les faits de harcèlement physique ou moral ne sont pas établis et n'ont pas été retenus ni par le conseil de prud'hommes ni par la cour, le fait unique d'avoir pris violemment le bras de sa salariée le 9 février 2012 est quant à lui établi.
Ce fait unique, s'il ne constitue pas un harcèlement, est néanmoins constitutif d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.
A ce titre, il sera alloué à Mme [Z] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice.
La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la salariée à ce titre.
- sur l'article 700 du code de procédure civile :
En l'espèce, l'équité indique n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
- Infirme partiellement la décision du conseil de prud'hommes en date du 17 janvier 2018,
Statuant à nouveau sur le tout,
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la révocation de l'ordonnance de clôture,
- Rejette la demande de Mme [Z] au titre de la nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement,
- Rejette la demande de Mme [Z] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du défaut de l'obligation de reclassement,
- Fixe ainsi que suit la créance de Mme [Z] à hauteur de 2 000 euros au titre du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
- Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ;
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,