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26/04/2022 | FRANCE | N°19/02447

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 26 avril 2022, 19/02447


ARRÊT N°



N° RG 19/02447 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMQO



GLG/ID



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

13 juin 2019



RG :F17/00524





[S]





C/



S.A.R.L. LUCAS





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 26 AVRIL 2022







APPELANT :



Monsieur [T] [S]

né le 31 Août 1966 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES





INTIMÉE :



SARL LUCAS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BA...

ARRÊT N°

N° RG 19/02447 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMQO

GLG/ID

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

13 juin 2019

RG :F17/00524

[S]

C/

S.A.R.L. LUCAS

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

APPELANT :

Monsieur [T] [S]

né le 31 Août 1966 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SARL LUCAS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l'audience publique du 11 Février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2022 prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 26 Avril 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [T] [S] a été embauché par la SARL Lucas en qualité de serveur, niveau 1, échelon 1, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 mai 2004, soumis à la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

Placé en arrêt de travail pour maladie du 9 janvier 2014 au 16 mars 2014, puis de manière ininterrompue à compter du 21 août 2014, il a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes, le 24 septembre 2015, afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat et le paiement de plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire. Après avoir été radiée, l'affaire a été réinscrite le 7 juillet 2017.

Dans l'intervalle, M. [S] a été reconnu en invalidité de deuxième catégorie, suivant décision du 14 septembre 2016.

Déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue d'un seul examen, le 19 avril 2017, au motif que son état faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 1er mars 2018.

Dans ses écritures soutenues à l'audience du 1er avril 2019, M. [S] demandait au conseil de prud'hommes de requalifier son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein, de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire, et de condamner la société Lucas à lui payer plusieurs sommes à titre de rappel de salaire pour la période du 20 mai 2017 au 1er mars 2018, date de son licenciement, ainsi qu'à titre de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de repos compensateurs, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, et d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement du 13 juin 2019, le conseil de prud'hommes a statué en ces termes :

'Condamne la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] les sommes suivantes :

' 21 002,64 euros bruts au titre de rappel de salaire outre 2 100,26 euros bruts au titre des congés payés y afférents (salaires non perçus entre la date de l'avis d'inaptitude et le licenciement)

' 6 707,16 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

' 2 000 euros au titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive des documents de fin de contrat

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne la SARL Lucas à délivrer à Monsieur [T] [S] les documents de fin de contrat rectifiés :

' bulletins de paie de mai 2017 à mars 2018 conformes à la décision

Déboute Monsieur [T] [S] du reste de ses demandes ;

Exécution provisoire de plein droit (R. 1545-28 du Code du Travail)

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à la somme de 2 245,11 euros bruts ;

Met les dépens à la charge de la SARL Lucas.'

M. [S] a interjeté appel partiel de cette décision par déclaration du 18 juin 2019.

' L'appelant présente à la cour les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions récapitulatives du 14 janvier 2022 :

'Débouter la SARL Lucas de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

1.- Sur la requalification en contrat de travail à temps plein

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 sur ce point et requalifier le contrat de travail à temps partiel de Monsieur [S] en contrat de travail à temps plein à compter du 1er janvier 2010.

2.- Sur le paiement du salaire au terme de l'avis d'inaptitude

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 sur ce point ;

Constater que l'employeur n'a ni reclassé, ni licencié, ni repris le paiement des salaires de Monsieur [T] [S] entre le 20 mai 2017 et le 1er mars 2018, date de son licenciement ;

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 21 002,64 euros bruts outre 2 100,26 euros bruts de congés payés y afférents.

3.- Sur les heures supplémentaires

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 sur ce point ;

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 37 442,72 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 3 744,27 euros bruts de congés payés y afférents.

4.- Sur le travail dissimulé

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [S] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 13 470,66 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

5.- Sur le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [S] de sa demande au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires ;

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] une indemnité en espèces au titre de 50 % de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait bénéficié de ses contreparties obligatoires en repos à hauteur de 14 136,47 euros.

6.- Sur le harcèlement moral

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [S] de sa demande au titre du harcèlement moral ;

Constater que les agissements répétés dont Monsieur [T] [S] a été victime ont eu pour conséquence la dégradation de ses conditions de travail et donc que le harcèlement moral est constitué et condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

7.- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [S]

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [S] de sa demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [S] aux torts de l'employeur et lui donner les effets d'un licenciement nul sinon sans cause réelle et sérieuse ;

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a condamné la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 6 707,16 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] les sommes suivantes :

' 4 490,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 449,02 euros bruts de congés payés y afférents ;

' 6 707,16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

' 22 451,10 euros (10 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement nul sinon sans cause réelle et sérieuse ;

8.- A titre subsidiaire : sur la nullité du licenciement

Juger que le licenciement de Monsieur [T] [S] est nul.

Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] les sommes suivantes :

' 4 490,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 449,02 euros bruts de congés payés y afférents ;

' 6 707,16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

' 22 451,10 euros (10 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement nul sinon sans cause réelle et sérieuse ;

9.- Sur la délivrance tardive des documents de fin de contrat

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a condamné la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi.

10.- Sur les documents sociaux rectifiés, les frais irrépétibles

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 13 juin 2019 en ce qu'il a condamné la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance ;

Statuant de nouveau, Condamner la SARL Lucas à payer à Monsieur [T] [S] la somme de 2 400 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.'

Il expose que :

' sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet est justifiée car il travaillait 169 heures par mois depuis au moins janvier 2010, comme le conseil de prud'hommes l'a d'ailleurs constaté au vu de ses bulletins de paie produits depuis mai 2011 ;

' alors qu'il avait été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de la visite du 19 avril 2017, l'employeur n'a pas repris le paiement du salaire entre le 20 mai 2017 et le 1er mars 2018, date de son licenciement ;

' il a accompli de nombreuses heures supplémentaires impayées car il travaillait sans interruption de 8 heures à 17 heures et même souvent au-delà à raison de cinq jours par semaine en période hivernale et six jours en période estivale, en sorte que, déduction faite des heures qui lui ont été réglées, il est bien fondé à réclamer le paiement de la somme de 37 442,72 euros bruts au titre de la période non prescrite d'octobre 2010 à août 2014, outre une indemnité au titre des contreparties obligatoires en repos et une indemnité pour travail dissimulé ;

' il a été victime de harcèlement moral caractérisé par des remarques sur sa tenue vestimentaire, des insultes, une mise au placard, et des pressions morales ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;

' sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est ainsi justifiée et doit produire les effets d'un licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

' subsidiairement, son licenciement est nul en raison du harcèlement moral.

' Le 7 décembre 2019, la société Lucas a conclu aux fins suivantes :

'Déclarer l'appel de Monsieur [S] recevable mais infondé,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Débouter Monsieur [S] du surplus de ses demandes fins et conclusions en cause d'appel,

Le condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC.'

Elle réplique que :

' même si elle a scrupuleusement respecté le plan de redressement sur 8 ans homologué par le tribunal de commerce de Nîmes, suivant jugement du 5 février 2013, sa situation financière reste fragile ;

' il est constant que M. [S] a rapidement travaillé à plein temps comme cela ressort de ses bulletins de paie, mais cela ne nécessitait pas la conclusion d'un nouveau contrat ;

' la demande de rappel d'heures supplémentaires s'étend d'octobre 2010 à août 2014, alors que la prescription est désormais triennale, et le salarié a été réglé de toutes ses heures supplémentaires dès lors que, s'il travaillait effectivement dans le créneau du matin, soit de 8 heures à 17 heures, il avait droit à sa pause légale d'une heures quinze après le service du midi ;

' l'état de santé de M. [S] ne s'est pas dégradé en raison d'un prétendu harcèlement moral mais pour d'autres causes et il s'est d'ailleurs aggravé depuis que l'intéressé ne travaille plus dans l'établissement, ce qui confirme l'absence de lien entre son travail et sa pathologie ;

' la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est donc pas justifiée.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 décembre 2021, à effet au 28 janvier 2022, l'audience de plaidoiries étant fixée au 11 février 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

' sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet

Les bulletins de paie versés aux débats à compter de janvier 2010 confirment que l'emploi exercé était à temps complet, ce qui suffit à justifier la demande de requalification du contrat à temps partiel conclu initialement pour une durée hebdomadaire de 20 heures en un contrat à temps complet.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

' sur les heures supplémentaires, les contreparties obligatoires en repos et le travail dissimulé

* sur la prescription

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Selon l'article 21 V de cette loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, qui était de cinq ans.

En l'espèce, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 24 septembre 2015, il résulte des dispositions transitoires applicables en la cause que la période d'octobre 2010 à octobre 2015 visée dans la demande n'est pas couverte par la prescription.

Le jugement sera complété sur ce point.

* sur le fond

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [S] produit un tableau mentionnant son horaire de travail réalisé chaque semaine, soit 45 heures en période hivernale et 54 heures en période estivale, ses absences ayant été prises en compte, ainsi que les diverses majorations applicables et les sommes dues.

M. [U], son collègue de travail serveur jusqu'en septembre 2013, confirme la réalité de cette amplitude horaire, ajoutant qu'elle n'était pas respectée en raison du sous-effectif et que l'heure réelle de fin de service était plutôt 18 heures voire 18h30 ou 19 heures, surtout pendant les fins de semaine et les vacances scolaires.

Il ajoute que M. [S] ne prenait jamais de pauses repas, ce dont attestent également M. [V], ancien cuisinier, ainsi que M. [Y], affecté à la gestion de la société de février à mai 2012.

Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l'employeur se borne à discuter la valeur probante des témoignages produits en observant que M. [V] ne peut attester que pour une courte période puisqu'il a été employé dans l'établissement en qualité de cuisinier du 26 avril 2010 au 20 mars 2011 et que son amplitude de travail était différente, que M. [U], employé du 16 septembre 2004 au 7 septembre 2013 en qualité de responsable serveur, a quitté son emploi dans le cadre d'une rupture conventionnelle non contestée, que M. [Y] règle des comptes personnels avec le gérant contre lequel il avait engagé une instance devant le tribunal de grande instance de Nîmes, dont il s'est désisté le 20 janvier 2016, qu'au surplus son témoignage ne porte que sur la période de février à mai 2012, et qu'il n'a pas pu constater l'horaire de travail des serveurs.

S'il assure que M. [S] avait droit comme tout salarié à sa pause légale d'une heure quinze après le service du midi, l'employeur est défaillant à rapporter la preuve qui lui incombe du respect effectif des temps de pause.

Les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié n'étant pas justifiés par l'employeur, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 37 442,72 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, ouvrant droit à des congés payés de 3 744,27 euros bruts, ainsi qu'à la demande au titre des contreparties obligatoires en repos chiffrée à 14 136,47 euros en application des dispositions des articles L. 3121-11 et D. 3121-9 du code du travail sur la base du contingent annuel de 130 heures fixé par la convention collective.

En revanche, l'absence de justification par l'employeur du respect des temps de pause et des horaires de travail effectivement réalisés ne suffisant pas à caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé, la demande de ce chef sera rejetée.

Le jugement sera ainsi partiellement infirmé.

' sur le harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [S] dit avoir subi des remarques de la part du gérant sur sa tenue vestimentaire, ainsi que des insultes, des pressions morales, et une mise au placard.

Cependant les attestations qu'il verse aux débats, émanant des témoins susvisés ainsi que d'une cliente, ne sont pas suffisamment circonstanciées car elles ne précisent pas la teneur exacte et les circonstances des propos attribués au gérant, M. [Z], ni les éléments caractérisant la 'mise au placard' dont il aurait été victime.

Il en est de même en ce qui concerne le grief relatif aux pressions morales qui auraient été exercées à son encontre 'afin de remettre de l'argent en espèces pris dans la caisse pour les fins personnelles' du gérant.

Les certificats d'arrêt de travail versés aux débats pour preuve de la dégradation de son état de santé font état d'une dépression nerveuse réactionnelle, pathologie dont l'appelant convient qu'elle est 'évolutive' en fonction de 'paramètres multiples'.

Ainsi, le salarié n'établit pas des faits, pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

' sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le contrat de travail est résilié à la demande du salarié lorsque l'employeur commet un ou plusieurs manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En l'espèce, l'employeur convient ne pas avoir repris le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois à compter de l'avis d'inaptitude alors que M. [S] n'était pas reclassé ni licencié.

Par une disposition qui n'est pas frappée d'appel, la créance du salarié à ce titre a été fixée à 21 002,64 euros, outre les congés payés afférents.

Au surplus, l'employeur, qui n'a pas réglé au salarié toutes les heures supplémentaires réalisées, reste redevable à ce titre de la somme totale brute de 37 442,72 euros pour la période non prescrite.

Ces manquements ainsi établis sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 1er mars 2018, date du licenciement.

Conformément à la demande, l'indemnité compensatrice de préavis, calculée sur la base du salaire mensuel brut fixé par une disposition du jugement qui n'est pas frappée d'appel à la somme de 2 245,11 euros bruts, s'établit à la somme de 4 490,22 euros bruts, outre 449,02 euros bruts de congés payés afférents.

Alors âgé de 51 ans, titulaire, compte tenu de ses arrêts de travail et selon son décompte, d'une ancienneté de 10 années et 3 mois dans l'entreprise employant habituellement moins de onze salariés, M. [S] ne produit aucun élément sur sa situation postérieure, hormis son titre de pension d'invalidité.

Dès lors, son préjudice sera équitablement réparé par une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Le jugement sera ainsi infirmé de ces chefs, étant précisé que les autres dispositions du jugement relatives à l'indemnité légale de licenciement, aux dommages et intérêts pour délivrance tardive des documents de fin de contrat, et à la remise au salarié de ces documents rectifiés ne sont pas déférées à la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau des chefs déférés,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet à compter du 1er janvier 2010,

Déclare la demande de rappel d'heures supplémentaires non prescrite et recevable,

Condamne la SARL Lucas à payer à M. [S] les sommes suivantes :

' rappel d'heures supplémentaires brut 37 442,72 euros

' congés payés afférents brut 3 744,27 euros

' contreparties obligatoires en repos brut 14 136,47 euros

Déboute le salarié de ses demandes des chefs de travail dissimulé et harcèlement moral,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 1er mars 2018,

Condamne la SARL Lucas à payer à M. [S] les sommes suivantes :

' indemnité compensatrice de préavis brut 4 490,22 euros

' congés payés afférents brut 449,02 euros

' dommages et intérêts net 10 000,00 euros

La condamne aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02447
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;19.02447 ?
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