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26/04/2022 | FRANCE | N°19/01755

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 26 avril 2022, 19/01755


ARRÊT N°



N° RG 19/01755 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HKYH



GLG/ID



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

29 mars 2019



RG :16/00735





Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE L'ILE DE FRANCE OUE ST





C/



[I]

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS


















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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 26 AVRIL 2022







APPELANTES :



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Je...

ARRÊT N°

N° RG 19/01755 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HKYH

GLG/ID

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

29 mars 2019

RG :16/00735

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE L'ILE DE FRANCE OUE ST

C/

[I]

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

APPELANTES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE L'ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Madame [X] [I]

née le 17 Février 1973 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Geoffrey PITON de la SCP B.C.E.P., avocat au barreau de NIMES

S.E.L.A.F.A. MJA ès qualité de madataire liquidateur de la SAS DAGI représentée par Me [K] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

Représentée par Me Alain ROLLET, avocat au barreau de NIMES

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS DAGI Représentée par Me Bertrand JEANNE

[Adresse 3]

[Adresse 5]

SELAFA MJA représentée par Me [K] [N] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS LILNAT désigné à ces fonctions suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 20/07/2017

[Adresse 2]

[Adresse 5]

Représentée par Me Alain ROLLET, avocat au barreau de NIMES

SELAS MJS PARTNERS Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS LILNAT »Représentée par Me Bertrand JEANNE

[Adresse 3]

[Adresse 5]

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l'audience publique du 11 Février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2022 prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 26 Avril 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [X] [I] [G] a été embauchée par la SASU Lilnat 'Tati' en qualité de directrice de magasin statut cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2009, soumis à la convention collective des commerces de détails non alimentaires, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe de 2 100 euros pour 39 heures de travail hebdomadaires et d'une partie variable brute mensuelle égale à 0,25 % du chiffre d'affaires.

Le contrat stipulait qu'elle exercerait ses fonctions au magasin sis à [Localité 6], mais que suivant les nécessités du service ou ses aptitudes professionnelles, elle pourrait être mutée dans un autre service, établissement ou société actuels ou futurs, ayant des liens juridiques avec l'entreprise.

Mutée à compter du 1er mars 2011 au magasin Giga Store exploité par la SAS Dagi à [Localité 8], où elle a occupé le poste de directrice, position 7, statut cadre, moyennant un salaire mensuel fixe porté à 3 500 euros brut, Mme [I] a démissionné par lettre du 28 juin 2016, à effet au 28 septembre 2016, adressée à 'Agora Distribution - DRH Lilnat'.

Par courrier du 30 juin 2016, elle a mis en demeure la directrice des ressources humaines du 'groupe Lilnat' de lui régler 'la somme de 83 652 euros au titre des 5 dernières années de CA entre juin 2011 et juin 2016", en application de son contrat de travail prévoyant 'une prime de 0,25 % sur le chiffre d'affaire' .

Sa demande ayant été rejetée par lettre du 12 juillet 2016, aux motifs qu'elle avait accepté le poste de directrice de magasin au sein de la société Dagi à Nîmes à compter du 1er mars 2011 et bénéficié dès lors d'une rémunération fixe mensuelle brute de 3 500 euros, qu'elle ne pouvait donc plus faire valoir auprès de la société Lilnat, avec laquelle elle n'avait plus aucun lien juridique, les éléments de son contrat antérieur échu le 28 février 2011, et qu'elle n'avait d'ailleurs formulé aucune réclamation à ce titre pendant les cinq dernières années, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes, par requête reçue le 4 octobre 2016, afin de voir condamner in solidum les sociétés Lilnat et Dagi à lui payer la somme de 83 652 euros, portée par conclusions ultérieures à 92 782,50 euros, outre 8 000 euros à titre de dommages et intérêts et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui communiquer le relevé des chiffres d'affaires pour la période de juin 2011 à juin 2016.

La société Lilnat a été placée en redressement judiciaire par jugement du 4 mai 2017, suivi d'un jugement de liquidation judiciaire du 20 juillet 2017, désignant la Selafa MJA représentée par Me [K] [N] en qualité de liquidateur.

La société Dagi a également été placée en liquidation judiciaire par jugement du 3 août 2017, désignant le même liquidateur.

Après mise en cause du liquidateur judiciaire et de l'AGS CGEA Ile de France Ouest et Ile de France Est, le conseil de prud'hommes, a par jugement du 14 septembre 2018, ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les explications des parties sur une éventuelle novation du contrat de travail.

Saisi par la salariée de demandes subsidiaires en vue de voir fixer sa créance au passif de la seule société Dagi, tandis que l'AGS Ile de France Ouest lui opposait la prescription des salaires antérieurs au mois d'octobre 2013 et demandait subsidiairement d'ordonner la compensation entre la somme réclamée et les salaires perçus pendant la période de juin 2011 à juin 2016, d'un montant total de 144 000 euros, le conseil de prud'hommes a statué en ces termes par jugement du 29 mars 2019 :

'' Dit qu'il n'y a qu'un seul contrat : celui signé le 20 janvier 2009 entre la SAS Lilnat et Mme [I] [X]

' Dit qu'il n'y a pas eu novation du contrat de travail

' Dit que le montant mentionné de 2 400 € x 12 x 5 = 144 000 euros est non fondé, qu'il ne peut être qu'une erreur de plume et doit être interprété comme 1 400 € x 12 x 5 = 84 000 euros

' Dit que la prescription triennale de l'article L. 1345-1 (sic) ne peut être retenue

' Dit que rien ne fait obstacle à retenir une condamnation solidaire des deux sociétés

' Déclare recevable et fondée la demande de Mme [I] [X] des sommes de 92 782,50 euros au titre de rappel de rémunération variable de 2011 à 2016 et 700 euros au titre de l'article 700 du CPC tant contre la SAS Lilnat inscrite au RC de Bobigny sous le N° 442 891 628 que contre la SAS Dagi exerçant l'enseigne Giga Store inscrite au RC de Bobigny sous le N° 432 950 582

' Fixe la créance à la liquidation judiciaire de la société Dagi exerçant à l'enseigne Giga Store d'une part et à la liquidation judiciaire SAS Lilnat d'autre part au paiement des sommes de :

' 92 782,50 euros au titre de rappel de rémunération variable de 2011 à 2016

' 700 euros au titre de l'application de l'article 700 du CPC

' Déclare ces créances opposables aux AGS CGEA Ile de France Est et AGS CGEA Ile de France Ouest

' Ordonne l'exécution provisoire du jugement à venir

' Déboute Mme [I] [X] du reste de ses demandes

' Déboute les SAS Dagi et SAS Lilnat de leurs demandes reconventionnelles

' Condamne les défendeurs aux entiers dépens.'

L'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Ouest ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 avril 2019.

Par ordonnance de référé du premier président prononcée le 29 novembre 2019, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par les appelantes a été rejetée.

' Aux termes de leurs conclusions récapitulatives du 18 octobre 2021, l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Ouest présentent à la cour les demandes suivantes :

'Réformer la décision rendue.

Ordonner la mise hors de cause de l'Unedic AGS CGEA Ile-de-France Ouest.

Dire et juger que les demandes de rappel de salaire formulées par Mme [I] antérieurement au mois d'octobre 2013 sont prescrites.

Condamner Mme [I] à payer à la SAS Lilnat une somme de 84 000 euros au titre des salaires indûment perçus par elle, en application de l'article 1302 du code civil.

Apprécier les demandes de Mme [I] tendant au règlement de la partie variable de sa rémunération.

Ordonner la compensation entre les réclamations formulées par Mme [I] à l'encontre de la SAS Lilnat et de la SAS Dagi avec la créance dont dispose la SAS Lilnat et la SAS Dagi à l'encontre de Mme [I].

Condamner Madame [I] à payer à l'Unedic AGS une somme de 38 724,61 euros en application des articles 1302 et suivants du code civil compte tenu des sommes qu'elle a indûment perçues.

Dire et juger que les sommes allouées à Mme [I] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile sont hors garantie AGS.

Subsidiairement, fixer la créance salariale de Mme [I] à l'égard de la SAS Lilnat et de la SAS Dagi à la somme au plus de 8 782,50 euros compte tenu des différents salaires perçus par Mme [I].

Faire application des dispositions législatives et réglementaires du Code de Commerce.

Donner acte à la Délégation Unedic et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du Travail.'

Les appelantes exposent que :

' les procédures collectives ouvertes à l'égard des deux sociétés dépendent exclusivement de l'Unedic AGS CGEA Ile de France Est, l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest doit donc être mise hors de cause ;

' la demande de rappel de salaire est prescrite pour la partie antérieure au mois d'octobre 2013, eu égard à la date de la saisine ;

' Mme [I] ne peut tout à la fois solliciter l'application du contrat de travail signé le 20 janvier 2009, prévoyant un salaire mensuel fixe de 2 100 euros, ainsi qu'une part variable, et prétendre conserver le bénéfice de l'augmentation de 1 400 euros qui lui a été consentie sur son fixe à compter du 1er mars 2011, du fait de la suppression de la part variable ;

' si la cour considérait que le contrat de travail a été modifié indûment par la suppression de la part variable, la compensation devrait nécessairement être ordonnée entre le rappel dû à ce titre et la somme totale de 84 000 euros dont la salariée serait alors redevable (1 400 euros x 12 x 5 ans), et si la prescription triennale n'était pas retenue, la créance ne pourrait en tout état de cause excéder la somme de 8 782,50 euros ;

' conformément à l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts de retard ne peuvent être réclamés à la SAS Lilnat pour la période postérieure au 4 mai 2017 et à la SAS Dagi pour la période postérieure au 3 août 2017 ;

' la demande de dommages et intérêts du fait du non-paiement d'une partie du salaire n'est pas justifiée en l'absence de préjudice, d'autant que les intérêts de droit sont réclamés sur les sommes dues, et la salariée ne peut invoquer un préjudice résultant d'une prétendue absence d'exécution intégrale du jugement puisqu'elle a perçu une somme nette de 30 684,87 euros, déduction faite des impôts et charges sociales payés par l'AGS ;

' la salariée devra être condamnée en cas de réformation du jugement à rembourser la somme de 38 724,61 euros conformément aux articles 1302 et suivants du code civil ;

' le conseil de prud'hommes a omis d'indiquer que la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garantie.

' La SELAFA MJA représentée par Me [K] [N], ès qualités de liquidateur de la SAS Dagi et de la SAS Lilnat, a conclu le 20 novembre 2019 aux fins suivantes :

'Accueillant l'appel incident de la SELAFA MJA, le déclarant recevable et bien fondé,

Réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes,

Au principal,

Débouter purement et simplement Madame [X] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

Dire et juger que les demandes formées par Madame [X] [I] au titre des rappels de salaire antérieurement au mois d'octobre 2013 sont prescrites,

Condamner Madame [X] [I] à payer aux sociétés Lilna et Dagi la somme de 84 000 euros au titre de la répétition de l'indu,

Fixer la créance de Madame [I] à la somme de 50 468 euros,

Encore plus subsidiairement, dans l'hypothèse où la prescription triennale ne serait pas retenue,

Fixer la créance de Madame [I] à la somme de 82 782,50 euros,

En tout état de cause,

Ordonner la compensation judiciaire des créances réciproques entre les parties,

Condamner Madame [X] [I] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.'

Le liquidateur judiciaire réplique que :

' Mme [I], qui avait été embauchée par la société Lilnat en qualité de directrice du magasin Tati à [Localité 6], suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2009, moyennant un salaire fixe de 2 100 euros et une part de 0,25 % du chiffre d'affaires, pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, a accepté son transfert au sein de la société Dagi, exploitant un magasin à l'enseigne Giga Store à [Localité 8], à compter du 1er mars 2011, conformément à la clause contractuelle de mobilité au sein du groupe ;

' un nouveau contrat de travail a été adressé par cette société à la salariée le 10 février 2011, confirmant les conditions de son engagement et fixant sa rémunération mensuelle brute à 3 500 euros pour la même durée de travail, la part variable prévue dans son contrat antérieur avec la société Lilnat étant dès lors intégrée à son salaire fixe ;

' si Mme [I] n'a jamais retourné ce contrat revêtu de sa signature, il n'en demeure pas moins qu'elle a accepté sa mutation et qu'un nouveau contrat de travail s'est substitué à celui conclu initialement avec la société Lilnat, peu important que le certificat de travail établi par la société Dagi mentionne à tort qu'elle a été employée par la société Lilnat jusqu'au 28 septembre 2016, puisqu'elle s'est rendue sur le site de [Localité 8] où elle a de fait exercé les fonctions de directrice de magasin à compter du 1er mars 2011, et que ses bulletins de paie, systématiquement établis par la société Dagi, mentionnent exclusivement un salaire fixe de 3 500 euros, sans qu'elle n'ait jamais adressé la moindre réclamation pendant plus de cinq ans jusqu'à son courrier postérieur à sa démission, réclamant alors le paiement de la somme de 83 652 euros au titre de la part variable prétendument due par la société Lilnat pour la période de juin 2011 à juin 2016, durant laquelle cette société n'était plus son employeur ;

' après avoir adressé sa demande à la société Lilnat en la chiffrant ainsi à un montant inférieur à l'augmentation de la rémunération fixe qui lui avait été versée par la société Dagi pendant la même période, Mme [I] a formé sa réclamation devant le conseil de prud'hommes conjointement à l'encontre des deux sociétés à hauteur de la somme de 92 782,50 euros ;

' la juridiction prud'homale ayant été saisie le 5 octobre 2016, Mme [I] ne saurait en tout état de cause réclamer le paiement d'arriérés de salaires qu'à compter du mois d'octobre 2013 ; la prescription ne peut en effet être écartée au motif que la part variable litigieuse reposerait sur des chiffres d'affaires dont elle n'aurait pas eu connaissance, puisqu'elle reconnaît avoir eu directement accès à ces chiffres en sa qualité de directrice de magasin, et qu'au surplus ces éléments lui ont été communiqués dès le 19 décembre 2016 suite à sa demande ;

' la part variable qu'elle réclame s'établissant à 33 532 euros sur la base de ses propres chiffres, déduction faite des 9 premiers mois de l'année 2013 compte tenu de la prescription, la salariée serait ainsi redevable de la somme de 50 468 euros après compensation avec le trop-perçu mensuel de 1 400 euros versé par la société Dagi, d'un montant total de 84 000 euros, puisqu'elle considère que le seul contrat de travail existant est celui conclu avec la société Lilnat ;

' si la prescription n'était pas retenue, la créance ne pourrait être fixée à la somme réclamée dont le montant est erroné dès lors que le chiffre d'affaires cumulé sur la période de 2011 à 2016 ne s'élève pas à 37 113 000 euros, mais à 33 113 000 euros, de sorte que la salariée serait redevable de la somme de 1 217,50 euros après compensation des créances réciproques.

' Mme [I] présente les demandes suivantes au dispositif de ses dernières conclusions du 27 janvier 2022 :

'Vu les articles 1302, 1330 et 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Dire et juger l'appel principal interjeté par l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest valable en la forme mais infondé sur le fond,

Dire et juger l'appel incident interjeté par Madame [X] [I] valable en la forme et fondé sur le fond,

Par conséquent :

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Madame [X] [I],

Par conséquent :

' Déclarer recevable et fondée la demande de Madame [I] dirigée tant contre la SAS Lilnat inscrite au RC de Bobigny sous le n° 442 891 628 et la société SAS Dagi exerçant à l'enseigne Giga Store inscrite au RC de Bobigny sous le n° 432 950 582 ;

Vu le contrat de travail liant les parties et le certificat de travail du 28 septembre 2016,

' Rejeter le moyen tiré de la prescription triennale de l'article L. 3245-1, faute pour les débiteurs d'avoir communiqué les éléments de calculs au créancier (Cass ch soc 1-2-2011)

À titre principal

' Prononcer la condamnation solidaire des deux Sociétés en raison de leur intention frauduleuse de contourner les dispositions contractuelles,

' Fixer la créance à la liquidation judiciaire de la société Dagi exerçant à l'enseigne Giga Store d'une part et à la liquidation judiciaire SAS Lilnat d'autre part inscrite au RC de Bobigny sous le n° 442 891 628, au paiement de la somme de :

' 92 782,50 euros sauf à parfaire avec les intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 30 juin 2016

' À titre de dommages intérêts, la somme de 8 000 euros pour absence de règlement d'un élément du salaire et sur ce poste, faire droit à l'appel incident de la concluante et dire que l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest seront tenues à garantir,

' 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' Dire et juger que l'ensemble des sommes allouées porteront intérêts de droit à compter du 30 juin 2016 ;

Dire et juger l'arrêt à intervenir commun et opposable et lesdites créances opposables à l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest,

À titre subsidiaire

' Considérer que la Société Dagi a repris en l'état le contrat de travail de Madame [I] à l'issue de la mise en oeuvre de la clause de mobilité par la Société Lilnat,

' Fixer la créance à la liquidation judiciaire de la société Dagi exerçant à l'enseigne Giga Store au paiement de la somme de :

' 92 782,50 euros sauf à parfaire avec les intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 30 juin 2016

' À titre de dommages intérêts, la somme de 8 000 euros poru absence de règlement d'un élément du salaire et sur ce poste, faire droit à l'appel incident de la concluante et dire que l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest seront tenues à garantir,

' 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' Dire et juger que l'ensemble des sommes allouées porteront intérêts de droit à compter du 30 juin 2016 ;

Dire et juger l'arrêt à intervenir commun et opposable et lesdites créances opposables à l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest,

En tout état de cause

Débouter toutes parties de leurs demandes, fins, conclusions et appels incidents dirigés à l'encontre de Madame [X] [I],

Donner acte à Madame [X] [I] de ce qu'elle n'a reçu que la somme totale de 30 695,87 euros de la part de l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest, par l'intermédiaire de la SELAFA MJA,

Déclarer irrecevables et infondées les demandes de compensation et de condamnation présentées par l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest,

Condamner l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est et l'Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest à payer à Madame [X] [I] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Elle réplique que :

' son contrat de travail conclu avec la société Lilnat le 20 janvier 2009 et prévoyant un salaire fixe ainsi qu'une part variable n'a jamais été résilié et a perduré jusqu'à sa démission, comme le confirment les directives qu'elle a continué de recevoir de la part des responsables de cette société ainsi que le certificat de travail établi par le service des ressources humaines de la société Dagi, le 28 septembre 2016, mentionnant qu'elle a travaillé pour la société Lilnat du 1er février 2009 au 30 novembre 2010 et du 1er décembre 2010 au 28 septembre 2016 ;

' elle n'a jamais accepté une quelconque novation ni consenti expressément à la modification de la structure de sa rémunération, élément essentiel du contrat, peu important selon la Cour de cassation, que le nouveau mode de calcul soit plus avantageux et qu'elle ait continué de travailler sans rien réclamer, son accord ne pouvant résulter de la seule poursuite du contrat aux conditions ainsi modifiées ;

' la société Lilnat ayant non seulement omis de lui régler la part variable mensuelle de 0,25 % du chiffre d'affaires, mais également refusé de lui communiquer le montant du chiffre d'affaires et le décompte des sommes dues, elle est recevable et bien fondée à lui demander le paiement des sommes dues à compter de juin 2011, dont la société Dagi, qui a délivré les bulletins de paie et qui aurait repris le contrat de travail, se trouve également et en tant que de besoin redevable ;

' le document versé aux débats, intitulé 'progression' du chiffre d'affaires n'a aucun caractère officiel faute d'avoir été établi par un expert-comptable, de sorte que la somme qui lui est due, calculée suivant ses propres notes relatives aux chiffres d'affaires des magasins dans lesquels elle a exercé ses fonctions pendant les années 2011 à 2016, s'établit à 92 782,50 euros (37 113 000 € x 0,25 %) ;

' l'augmentation de sa rémunération fixe n'étant pas liée à l'intégration de la part variable dans le salaire fixe mais à l'accroissement de ses responsabilités suite à sa mutation de [Localité 6] à [Localité 8], où elle a pris la direction d'un magasin beaucoup plus important, aucune compensation ne peut lui être opposée, d'autant que la demande reconventionnelle, fixée initialement à 144 000 euros, puis ramenée à 84 000 euros, ne lui a jamais été présentée par aucune des deux sociétés ni par le mandataire ;

' l'intention frauduleuse des sociétés Lilnat et Dagi en vue de contourner l'application des dispositions du code du travail doit conduire à leur condamnation solidaire, ou subsidiairement, à l'inscription de sa créance au passif de la société Dagi qui lui a payé en dernier lieu ses salaires ;

' non seulement elle n'a pas perçu les sommes dues pendant plusieurs années, mais l'AGS a refusé d'exécuter le jugement malgré l'exécution provisoire, lui versant finalement la somme de 30 695,87 euros, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 décembre 2021, à effet au 28 janvier 2022, l'audience de plaidoiries étant fixée au 11 février 2022.

Le 3 février 2022, l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Est et l'Unedic Ile de France Ouest ont transmis de nouvelles conclusions aux mêmes fins que les précédentes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

' sur l'irrecevabilité des conclusions n° 5 de l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Est et Ile de France Ouest remises le 3 février 2022

En application des articles 802 et 907 du code de procédure civile, les conclusions de l'Unedic Délégation AGS CGEA Ile de France Est et Ile de France Ouest, remises le 3 février 2022, soit postérieurement à la clôture intervenue le 28 janvier 2022, seront déclarées d'office irrecevables.

' sur la mise hors de cause de l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest

Les sociétés Lilnat et Dagi dépendant de l'Unedic AGS CGEA Ile de France Est, l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest sera mise hors de cause.

' sur le rappel de salaire

* sur la prescription

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, il est constant que Mme [I] a cessé de percevoir, dès sa mutation au magasin de [Localité 8] exploité par la société Dagi, soit à compter du 1er mars 2011, la rémunération variable prévue à son contrat de travail conclu avec la société Lilnat 'Tati' le 20 janvier 2009, égale à 0,25 % du chiffre d'affaires.

Par lettre adressée à Mme [E], directrice des ressources humaines, le 30 juin 2016, suivant immédiatement sa démission notifiée par courrier du 28 juin 2016, la salariée a mis en demeure le 'groupe Lilnat' de lui régler la somme évaluée très précisément à 83 652 euros (33 461 149 € x 0,25 %) 'au titre des 5 dernières années de CA entre juin 2011 et juin 2016".

Sa demande ayant été rejetée, elle a, par requête déposée le 4 (et non le 5) octobre 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes afin d'obtenir la condamnation in solidum des sociétés Lilnat et Dagi au paiement de cette somme, réévaluée ultérieurement à 92 782,50 euros sur la base de ses notes relatives aux chiffres d'affaires réalisés dans les magasins où elle avait exercé ses fonctions.

La preuve étant ainsi rapportée que la salariée connaissait, dès le mois de juin 2011, les faits lui permettant d'exercer son action, sa demande de rappel de salaire présentée le 4 octobre 2016, au titre de la période de juin 2011 à juin 2016, est prescrite et irrecevable pour la période antérieure au 4 octobre 2013.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

* sur le fond

Sauf application éventuelle de l'article L 1224-1 du code du travail, aucun changement d'employeur ne peut intervenir sans l'accord exprès du salarié. La clause de mobilité par laquelle le salarié, lié par contrat de travail à une société, s'est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, est nulle, alors même que cette dernière appartiendrait au même groupe.

En l'espèce, Mme [I] a été embauchée par la société Lilnat 'Tati' en qualité de directrice de magasin à [Localité 6], suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 20 janvier 2009, stipulant qu'elle pourrait être mutée dans un autre service, établissement ou société actuels ou futurs, ayant des liens juridiques avec l'entreprise.

Peu important qu'elle ait, de fait, exercé les fonctions de directrice du magasin Giga Store exploité par la société Dagi à [Localité 8] à compter du 1er mars 2011, la preuve de son accord exprès à cette mutation n'est pas rapportée.

Le contrat conclu avec la société Lilnat n'ayant pas été transféré à la société Dagi en l'absence d'un tel accord, la relation de Mme [I] avec cette seconde société s'est nécessairement inscrite dans le cadre d'un nouveau contrat de travail non écrit ' le contrat du 10 février 2011 versé aux débats par le liquidateur n'étant pas revêtu de sa signature ' assorti de la reprise de son ancienneté au 1er février 2009 et d'une rémunération exclusivement composée d'un salaire mensuel brut fixe de 3 500 euros, porté en dernier lieu à 3 800 euros au vu des bulletins de paie versés aux débats, tous établis par la société Dagi à compter du 1er mars 2011.

Enfin, même si elle justifie avoir effectué ponctuellement quelques missions d'assistance au sein d'autres magasins du groupe ' dénommé 'Agora Distribution' au vu de ses pièces n° 3 et 13, inscrit au R.C.S. de Bobigny et qui n'est pas partie à l'instance ' sis à [Adresse 9], ayant donné lieu à l'établissement de notes de frais versées aux débats, il est constant qu'à compter du 1er mars 2011, Mme [I] a travaillé exclusivement et à temps plein pour la société Dagi, laquelle a dès lors été son seul employeur, peu important que le certificat de travail établi par cette société, le 28 septembre 2016, mentionne par suite d'une erreur matérielle manifeste non créatrice de droit qu'elle a été employée par la SAS Lilnat 'du 01//02/09 au 30/11/10" et du '01/12/10 au 28/09/16".

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé la créance de Mme [I] à la somme de 92 782,50 euros à titre de rappel de rémunération variable de 2011 à 2016, et sa demande portant sur la période antérieure au 4 octobre 2013 étant irrecevable, la salariée sera déboutée du surplus de sa réclamation.

' sur la demande indemnitaire

Les sociétés Lilnat et Dagi n'étant pas redevables des sommes réclamées, la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [I] pour non-paiement des 'sommes dues depuis de nombreuses années' n'est pas justifiée.

Aucune résistance abusive ne peut par ailleurs être reprochée à l'AGS qui a mis en oeuvre sa garantie suite au rejet de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.

' sur la demande reconventionnelle aux fins de restitution des sommes perçues

Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les conclusions de l'Unedic AGS CGEA Ile de Frnce Est et Ile de France Ouest postérieures à la clôture,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la mise hors de cause de l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest,

Déclare prescrite et irrecevable la demande de rappel de salaire portant sru la période antérieure au 4 octobre 2013,

Déboute Mme [I] du surplus de sa demande de rappel de salaire, ainsi que de sa demande indemnitaire,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes perçues par l'intimée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [I] aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/01755
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;19.01755 ?
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