COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 02 AVRIL 2015
ARRÊT No R. G : 13/ 03431
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 13 juin 2013 RG : 09/ 03476
SA GIRAL
C/
X... Y...
APPELANTE :
SA GIRAL, au capital de 300 euros, immatriculée sous le no 705 920 320, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège Minoterie de l'espérance orange 84100 ORANGE France
Représentée par Me Jean-Daniel CAUVIN de la SCP CAUVIN LEYGUE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER Représentée par Me Caroline JULIEN GUICHARD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/ 006892 du 09/ 09/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉS :
Monsieur Gérard Marie X... né le 07 Avril 1954 à ORANGE (84100)... 84100 ORANGE
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représenté par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame Myriam Pierrette Y... épouse Z... née le 11 Septembre 1955 à RETHEL (08300) ... 84240 CABRIERES D'AIGUES
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Novembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. André JACQUOT, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller
GREFFIER :
Mme Carole MAILLET, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 23 Février 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2015 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 02 Avril 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour. * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. Stéphane X... a acquis le 20 mai 2004 un fonds de commerce et artisanal de boulangerie pâtisserie situé à Rochefort du Gard (30 650) et a convenu avec la SA Giral-Minoterie de l'espérance d'un contrat d'approvisionnement exclusif en farine en contrepartie d'un prêt d'un montant de 18 200 ¿ destiné au financement partiel de l'acquisition du fonds. Des difficultés de remboursement étant intervenues, les parties convenaient d'un prêt de restructuration le 6 mai 2005 pour un montant total de 23 102, 21 ¿ remboursable en quatre ans sans intérêt selon mensualités de 483, 30 ¿. En garantie du remboursement, la SA Giral-Minoterie de l'espérance inscrivait un nantissement de second rang sur le fonds de commerce et obtenait la caution personnelle et indivisible de M. Gérard X... et Mme Myriam Y..., épouse Z..., parents de M. Stéphane X.... Le 4 juillet 2008, le tribunal de commerce de Nîmes prononçait la liquidation judiciaire de ses biens et désignait Me Julien en qualité de liquidateur ; le 24 mars 2009, ce même tribunal fixait la créance de la SA Giral-Minoterie de l'espérance au montant déclaré et renvoyait la demande en paiement initiée à l'encontre des cautions devant la juridiction civile. Selon jugement contradictoire du 13 juin 2013, le tribunal de grande instance d'Avignon rejetait la demande en prononçant la nullité des cautionnements et condamnait la SA Giral-Minoterie de l'espérance à payer à M. Gérard X... et Mme Myriam Y... la somme de 2 000 ¿ chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Giral-Minoterie de l'espérance a relevé appel de ce jugement et soutient dans ses dernières écritures en date du 11 février 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des demandes et moyens que : ¿ elle a consenti à M. Stéphane X... un prêt habituel en matière d'installation d'un acquéreur de fonds de commerce remboursable en deux ans selon un taux d'intérêt annuel de 4 % sans clause pénale et c'est en vain qu'il lui est reproché de ne pas produire le contrat d'approvisionnement exclusif de farine souscrit en contrepartie dès lors qu'aucun élément ne permet de dire qu'il serait à l'origine de l'échec économique de l'emprunteur et qu'en outre ce dernier ne l'a jamais prétendu ; ¿ la violence qui aurait vicié le consentement des cautions ne peut se déduire du prêt du 6 mai 2005, le nantissement de second rang n'offrant aucune garantie au regard de la primauté des organismes bancaires bénéficiant d'un nantissement de premier rang ; ¿ parents du débiteur principal, M. Gérard X... et Mme Myriam Y... étaient informés au mieux de sa situation et leur consentement était éclairé ; ¿ il n'est pas disproportionné au regard des revenus annuels des cautions soit 14 204 et 5 813 ¿ en 2005 ; ¿ l'admission définitive de la créance au passif de la liquidation s'impose aux cautions. La SA Giral-Minoterie de l'espérance conclut à l'infirmation du jugement déféré dans sa totalité et à la condamnation solidaire de M. Gérard X... et Mme Myriam Y... au paiement de la somme principale de 20 598, 95 ¿ avec intérêts au taux légal et capitalisé à compter du 12 novembre 2007 et d'une indemnité de 5 000 ¿ pour frais de procédure.
M. Gérard X... et Mme Myriam Y..., par conclusions récapitulatives et en réplique du 24 novembre 2014 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, font valoir que : ¿ M. Stéphane X... n'a pu très rapidement faire face aux échéances de remboursement du prêt, l'appelante « fournisseur exclusif de farine imposant ses prix et des quantités minimales à commander » mais n'a pas hésité à lui consentir un second prêt en exigeant les cautionnements solidaires litigieux ; ¿ ils n'ont eu d'autre choix que de se plier aux exigences du minotier pour tenter de sauver l'entreprise de leur fils et de s'engager sans commune mesure avec leur situation personnelle ; ¿ la SA Giral-Minoterie de l'espérance n'a pas contracté de bonne foi à leur égard et a prolongé artificiellement la vie de l'entreprise en aggravant l'insolvabilité du débiteur principal ; ¿ malgré injonction du juge de la mise en état du 15 avril 2011, elle n'a jamais produit le contrat d'approvisionnement exclusif de farine auquel elle fait pourtant référence dans le prêt du 6 mai 2005 ; ¿ l'admission de la créance au passif de la procédure collective n'interdit pas aux cautions d'invoquer l'exception personnelle tirée du comportement fautif de la banque. M. Gérard X... et Mme Myriam Y... concluent à la confirmation du jugement déféré et subsidiairement à la condamnation de la SA Giral-Minoterie de l'espérance au paiement d'une somme de 25 000 ¿ à titre de dommages-intérêts à compenser avec la créance due au titre du solde du prêt ; ils demandent en tout état de cause paiement d'une indemnité de 4 000 ¿ pour chacun d'eux en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Le simple rapprochement des dates, soit acquisition du fonds de boulangerie en 2004, prêt contemporain de 18 200 ¿ et prêt de restructuration de 2005 pour un montant supérieur établit que M. Stéphane X... s'est trouvé dans l'impossibilité quasi immédiate de rembourser les échéances du prêt d'installation consenti par la SA Giral-Minoterie de l'espérance et d'ailleurs cette circonstance n'est pas contestée ; le tableau communiqué par cette dernière montre qu'en effet M. Stéphane X... n'a remboursé que les trois premières mensualités d'un montant de 797, 33 ¿. Elle ne fournit pas de décompte des échéances réglées au titre du prêt de restructuration mais au visa de la mise en demeure adressée aux cautions en octobre 2007 réclamant un solde dû de 18 726, 32 ¿, ce montant correspond à l'échéance du 30 septembre 2005 ce qui démontre que M. Stéphane X... s'est trouvé tout aussi rapidement dans l'incapacité d'assumer le remboursement de mensualités moindres. S'il appartient aux cautions d'établir le vice du consentement qu'elles allèguent, encore faut-il que le débat demeure loyal ainsi que l'a très justement rappelé le premier juge. En effet il est indiscutable que M. Gérard X... et Mme Myriam Y..., de leur état manoeuvre maçon pour le premier et aide-ménagère pour la seconde (cf bulletins de salaire produits) d'une part étaient dans l'incapacité d'apprécier la pertinence de ce refinancement au regard de la situation de l'entreprise garantie et d'autre part et surtout entendaient sauver l'entreprise de leur fils dont ils partageaient la fierté de l'acquisition. Ils se trouvaient ainsi en situation de vulnérabilité et de faiblesse par rapport à un fournisseur pratiquant habituellement ce type de prêts à sa clientèle et en tout état de cause parfaitement à même d'apprécier le devenir de l'exploitation dont s'agit. La SA Giral-Minoterie de l'espérance conteste l'affirmation des intimés selon laquelle le contrat d'approvisionnement exclusif, où elle impose quantités et prix, a largement obéré cette exploitation ; si effectivement l'affirmation ne vaut pas preuve, l'argument est loin d'être dénué de tout fondement puisque nonobstant l'injonction du juge de la mise en état du 15 avril 2011 ordonnant la production par la SA Giral-Minoterie de l'espérance de ce contrat avant le 30 juin suivant, « ou à expliquer pourquoi ce contrat n'aurait pas été régularisé et comment se sont alors organisées les livraisons effectuées au profit de M. Stéphane X... », l'appelante non seulement n'a produit aucun document mais encore demeure totalement muette sur les renseignements demandés. Le premier juge a donc tiré toutes conséquences utiles de sa carence fautive et a pu valablement considérer que la SA Giral-Minoterie de l'espérance a profité d'une part de la dépendance économique de M. Stéphane X... et d'autre part de la vulnérabilité de ses parents pour obtenir leur caution sous la menace d'une disparition du fonds qu'elle savait déjà acquise et ainsi transformer une créance chirographaire en créance privilégiée, en sachant de surcroît qu'en l'état d'un nantissement de second rang sur le fonds de commerce, la garantie de sa créance était exclusivement assurée par les cautions. C'est donc par une application exacte des articles 1108 et 1113 du code civil et au moyen de motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a annulé les cautionnements consentis par M. Gérard X... et Mme Myriam Y.... Le jugement est confirmé sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des demandes.
***
Au visa de ce qui précède, il apparaît particulièrement équitable de mettre à la charge de la SA Giral-Minoterie de l'espérance les frais de conseil et de représentation auxquels elle a contraint les intimés. Elle sera enfin condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile. En revanche, il n'y a pas lieu de statuer d'ores et déjà sur l'application éventuelle du décret modifié du 8 mars 2001, la cour n'étant pas saisie d'une mesure d'exécution.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne la SA Giral-Minoterie de l'espérance à payer à M. Gérard X... et Mme Myriam Y... la somme de 3 000 ¿ chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Mme MAILLET, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,