COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 02 AVRIL 2015
R. G : 13/ 03376
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 17 juin 2013 RG : 11/ 02953
X... X... Y... X...
C/
Z... SA ALLIANZ IARD CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD CNRO
APPELANTS :
Monsieur Anthony X... né le 06 Mars 1991 à AVIGNON (84000)... 30650 ROCHEFORT DU GARD
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représenté par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Monsieur Mickaël X... né le 04 Juillet 1988 à AVIGNON (84000)... 30650 ROCHEFORT DU GARD
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représenté par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame Rose Y... épouse X... née le 22 Janvier 1964 à TOULON (83000)... 30650 ROCHEFORT DU GARD
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Mademoiselle Stéfany X... née le 06 Janvier 1986 à APT (84400)... 30650 ROCHEFORT DU GARD
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Serge BILLET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur Philippe Z... né le 09 Septembre 1966 à... 84510 CAUMONT SUR DURANCE
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représenté par Me Louis-Alain LEMAIRE, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
SA ALLIANZ IARD nouvelle dénomination d'AGF IART, au capital de 938. 787. 416 Euros, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 542 110 291, agissant en la personne de sesreprésentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis 87 Rue de Richelieu 75002 PARIS
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Louis-Alain LEMAIRE, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social assignée à personne habilitée 14 Rue du Cirque Romain 30000 NIMES
CNRO Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social assigné à personne habilitée BP 209 Parc Saint Véran 06802 CAGNES SUR MER
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Novembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. André JACQUOT, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller
GREFFIER :
Mme Carole MAILLET, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 23 Février 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2015 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 02 Avril 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour. * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. Boualem X... a été gravement blessé le 8 novembre 1992 en chutant d'un arbre sur la propriété de M. Marcel Z... et dont il aidait le fils Philippe Z... à couper du bois. Un premier jugement du 26 mars 1997 du tribunal de grande instance d'Avignon faisait droit à ses demandes indemnitaires en retenant la responsabilité de M. Philippe Z... et de l'assureur AGF mais cette décision était infirmée par arrêt de cette cour en date du 11 mai 1999 rejetant les demandes. Statuant sur recours en révision, cette même cour par arrêt postérieur du 8 novembre 2005 confirmait intégralement le jugement du 26 mars 1997 ; un pourvoi initié par l'assureur AGF a été frappé de déchéance par la Cour de Cassation. Soutenant que l'état de santé de leur mari et père s'était aggravé, Mme Rose Y..., épouse X..., Melle Stéphany X..., M. Michael et M. Anthony X... ont assigné M. Philippe Z... et la SA Allianz Iard venant aux droits de la compagnie AGF en paiement de dommages-intérêts complémentaires au contradictoire de la CPAM du Gard et de la Caisse CNRO. Selon jugement réputé contradictoire du 17 juin 2013, le tribunal de grande instance d'Avignon a rejeté la demande.
Les consorts X... en ont relevé appel et soutiennent dans leurs dernières écritures en date du 24 novembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des demandes et moyens que : - M. Boualem X... a dû attendre 13 ans pour obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel et 17 ans pour évoluer dans un domicile compatible à son handicap, circonstances ayant nécessairement eu des répercussions sur son état de santé et qui se sont caractérisées par un état dépressif sévère n'ayant jamais été pris en compte ni quantifié, une dégradation de son état physique suite à des escarres à répétition nécessitant des traitements lourds et des hospitalisations fréquentes, M. Boualem X... étant actuellement en attente d'une greffe cutanée ; - le docteur Serge A... désigné par ordonnance de référé du 7 septembre 2011 confirme cette aggravation au terme de deux rapports successifs des 3 avril 2012 et 24 février 2014 ; - Mme Rose X... a pour sa part développé des troubles de santé réactionnels dont un dysfonctionnement de l'hypophyse imputables au combat qu'elle a dû mener au côté de son mari pour faire reconnaître la vérité sur les circonstances de l'accident dont il a été victime ; - Stéphany X..., enfant aîné du couple connaît aujourd'hui des troubles du comportement alimentaire avec perte de poids en lien direct avec l'accident de son père ; - le préjudice moral d'Anthony et Michael n'est pas discutable au regard du bouleversement que l'handicap de leur père a apporté dans leurs conditions de vie. Les consorts X... concluent à l'infirmation du jugement déféré et à la condamnation solidaire de M. Philippe Z... et de l'assureur Allianz Iard à payer à : * Mme Rose X... les sommes de 50 000 ¿ pour préjudice corporel d'affection, 30 000 ¿ pour préjudice d'accompagnement et 25 000 ¿ pour préjudice extra patrimonial exceptionnel ; * Melle Stéphany X... les sommes de 50 000 ¿ pour préjudice corporel d'affection et 15 000 ¿ pour préjudice d'accompagnement ; * Anthony et Michael X... la somme de 15 000 ¿ chacun pour préjudice d'accompagnement. Subsidiairement, Mme Rose X... et Melle Stéphany X... sollicitent une mesure d'expertise judiciaire ; les consorts X... réclament enfin paiement d'une indemnité de 3 000 ¿ pour frais de procédure.
M. Philippe Z... et la SA Allianz Iard, par conclusions récapitulatives et en réplique du 13 décembre 2013 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, font valoir que : - le tribunal de grande instance d'Avignon a fait droit aux demandes des consorts X... dans son jugement du 26 mars 1997 en statuant sur les préjudices de l'épouse et des enfants et c'est à bon droit que la décision déférée a rejeté leur demande ; - il n'est pas établi par les pièces médicales versées au dossier que les problèmes de santé actuels qu'ils évoquent soient directement imputables à l'accident du 8 novembre 1992. M. Philippe Z... et la SA Allianz Iard concluent à la confirmation du jugement et au paiement par les appelants d'une indemnité de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM du Gard et la caisse CNRO ont été assignées à comparaître par actes d'huissier des 26 et 27 septembre 2013 ; elles n'ont pas comparu. Les assignations ayant été délivrées à personne habilitée, il est statué par arrêt réputé contradictoire conformément à l'article 474 du code de procédure civile.
DISCUSSION
La dégradation de l'état de santé de M. Boualem X... depuis l'intervention du jugement de 1997, résulte incontestablement des deux rapports précités établis par le médecin expert A... au contradictoire des intimés et qui conclut en ces termes : « une première période d'aggravation entre 1997 et 1999 va laisser un espace de temps libre sur le plan trophique jusqu'en 2007, date à laquelle l'abcès de la fesse droite va récidiver nécessitant un traitement antibiotique prolongé ; un deuxième épisode d'aggravation est ouvert en octobre 2006 avec prescription de soins infirmiers à domicile puis à partir du 5 mai 2007 prescription d'une antibiothérapie ; la récidive de l'escarre fessière au même site motive une hospitalisation nouvelle en avril 2008 dans le service de dermatologie de l'hôpital d'Avignon ; les soins antibiotiques généraux et locaux avec pansements locaux sont ensuite prolongés tout au long des années 2009 et 2010 avec finalement un succès relatif sur l'infection locale qui va permettre lors d'une récente hospitalisation d'octobre à décembre 2011 une greffe en lambeau de couverture de cette escarre profonde compliquée d'une récidive infectieuse... Le suivi est toujours en cours auprès des services de chirurgie plastique au CHU de Marseille. Une hospitalisation en centre de rééducation à la clinique Saint-Martin à Marseille est pendante afin d'essayer par une décharge programmée de résoudre le problème de cet écoulement sanieux fessier. Sur le plan psychiatrique le blessé en regard de la complication dûe à l'aggravation précédemment citée a dû être pris en charge à partir de janvier 2011 avec prescription d'un traitement antidépresseur continu et consultations psychiatriques. (Rapport du 3 avril 2012) Plusieurs interventions chirurgicales, mobilisation du lambeau antérieurement greffé compliquée de désunion de sutures nécessitant des pansements spéciaux. Un geste terminal de fermeture des sites d'escarre est alors proposé mais la convalescence nécessitant un alitement prolongé, le blessé sera pris en charge en rééducation fonctionnelle à la clinique Saint-Martin à Marseille pendant une quinzaine de jours en février 2012 permettant de tarir la fistulisation et d'obtenir la position assise au fauteuil.... Sur le plan neuropsychologique, la prise en charge en janvier 2011 d'un état dépressif d'intensité sévère qui aurait mérité une hospitalisation, non réalisée en raison de l'état somatique, sera traitée par antidépresseur oral et des consultations mensuelles avec un suivi régulier au CMP de Remoulins depuis le 12 février 2013 toujours appuyé par un antidépresseur en cours ». (Rapport du 24 février 2014)
Le jugement précité du 26 mars 1997 a alloué à Mme Rose X... la somme de 100 000 Fr. en réparation de son préjudice sexuel et 80 000 Fr. en réparation de son préjudice moral et 35 000 Fr. à chaque enfant alors mineur, en réparation de ce même préjudice. Il est certain au vu de ce qui précède que cette indemnisation ne tient pas compte de l'aggravation notoire de la situation de M. Boualem X... telle qu'exposée ci-dessus et des conséquences sur l'entourage familial. Cela est si vrai que l'épouse, qui au jour du jugement du 26 mars 1997 ne présentait aucune pathologie particulière, a nécessité postérieurement à cette date des soins constants ainsi qu'en attestent les divers documents médicaux qu'elle produits, tels les certificats des docteurs G... (du 17 avril 2009 faisant état d'une surcharge pondérale secondaire à un choc émotionnel, du 28 novembre 2012) et H... (7 octobre 1997, 24 novembre 2005), et les rapports d'analyses médicales multiples dont scanner et IRM relatifs à un dysfonctionnement de l'hypophyse (certificats des docteurs Georges B... du 24 septembre 1997, Denis C... du 20 mai 1998, Richard D... des 13 mars et 1er septembre 2000, Jean-Christophe E... du 25 février 2010). Il ressort de ces pièces que ces pathologies sont en relation directe avec l'aggravation de la situation de M. Boualem X... qui a également dégradé les conditions d'existence de l'épouse dans des proportions que ne pouvait appréhender le jugement de 1997. Il en va de même pour Stéphany X... au regard des certificats médicaux des docteurs Claudine F... du 2 juillet 1996 et G... du 10 avril 2008 mentionnant pour le premier une réaction dépressive nette après accident et paraplégie traumatique du père et pour le second un suivi pour des problèmes de comportement alimentaire avec perte de poids secondaire à un choc affectif. Aucun élément circonstancié ni document ne caractérisant « le préjudice extra patrimonial exceptionnel » de l'épouse, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour évaluer les préjudices complémentaires de Mme Rose X... et Melle Stéphany X... aux sommes respectives de 30 000 et 15 000 ¿. Si Anthony et Michael X... ne produisent pas de documents médicaux, l'aggravation de leur propre préjudice n'est pas contestable quand bien même elle serait moindre en l'absence de ces documents ; il convient dans ces conditions de leur allouer la somme de 8 000 ¿ à ce titre.
***
Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Les intimés qui succombent seront condamnés aux dépens en application de l'article 696 du même code. La cour ne statuant pas en matière d'exécution forcée, la demande en application éventuelle du décret du 8 mars 2001 modifié, est irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;
Condamne in solidum M. Philippe Z... et la SA Allianz Iard à payer à titre de dommages-intérêts à : * Mme Rose X... la somme de 30 000 ¿ ; * Melle Stéphany X... la somme de 15 000 ¿ ; * M. Anthony et Michael X... la somme de 8 000 ¿ chacun ;
Condamne in solidum les mêmes à payer aux consorts X... la somme de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;
Condamne in solidum les mêmes aux dépens.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Mme MAILLET, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,