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18/09/2012 | FRANCE | N°500

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile - 1ère chambre a, 18 septembre 2012, 500


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2012

ARRÊT No 500
R. G. : 11/ 00908
CJ/ CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE
09 février 2011

X...
C/
CAISSE COMMUNE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA LOZÈRE
Y...

APPELANTE :
Madame Sylvie X...
née le 07 Août 1968 à FOIX (09000)
...
48000 MENDE
Rep/ assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU dissoute représentée par ses co liquidateurs Me G. POMIES RICHAUD et Me E. VAJOU, Postulant (avocats au barreau de NIMES)
Rep/ assistant :

Me Catherine SZWARC, Plaidant (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉS :
CAISSE COMMUNE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA LOZÈRE pr...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2012

ARRÊT No 500
R. G. : 11/ 00908
CJ/ CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE
09 février 2011

X...
C/
CAISSE COMMUNE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA LOZÈRE
Y...

APPELANTE :
Madame Sylvie X...
née le 07 Août 1968 à FOIX (09000)
...
48000 MENDE
Rep/ assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU dissoute représentée par ses co liquidateurs Me G. POMIES RICHAUD et Me E. VAJOU, Postulant (avocats au barreau de NIMES)
Rep/ assistant : Me Catherine SZWARC, Plaidant (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉS :
CAISSE COMMUNE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA LOZÈRE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
Quartier des Carmes
BP 26
48000 MENDE
Rep/ assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS,
Plaidant/ Postulant (avocats au barreau de NÎMES)

Monsieur Sylvain Y...
né le 09 Avril 1955 à BOBO-DIOULASSO (HAUTE VOLTA)
...
48000 MENDE
Rep/ assistant : la SCP F. ROSENFELD, G. ROSENFELD ET V. ROSENFELD, Plaidant (avocats au barreau de MARSEILLE)
Rep/ assistant : Me Frédéric FRANC, Postulant (avocat au barreau D'AVIGNON)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 MAI 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Jany MAESTRE, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :
à l'audience publique du 15 Mai 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2012.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 18 Septembre 2012, par mise à disposition au greffe de la Cour.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au mois de juin 2002, Mme X... a été adressée par son chirurgien dentiste au Docteur Y..., stomatologue à MENDE (48). Après consultation de l'anesthésiste, elle a subi le 13 juin 2002 une intervention à la clinique du Gévaudan à MARVEJOLS réalisée par le Dr Y... qui a procédé à l'extraction de 11 dents.
Reprochant au Dr Y... un manquement à son devoir d'information sur les risques opératoires, sur le nombre de dents à extraire qui était de 6 et non de 11 et sur les alternatives thérapeutiques, Mme X... a, après dépôt du rapport de l'expertise ordonnée en référé le 7 juin 2006, fait assigner, par exploits du 23 avril 2010, le Dr Y... et la CPAM de MENDE en réparation de son préjudice.
Par jugement du 9 février 2011, le Tribunal de Grande Instance de MENDE a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes et M. Y... de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts. Mme X... a été condamnée à payer à ce dernier la somme de 1000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Mme X... a relevé appel de cette décision.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le :
-8 juillet 2011 pour M Y...
-9 mars 2012 pour Mme X....
Mme X... demande l'infirmation du jugement déféré et entend voir dire et juger que le Dr Y... n'a pas exécuté son obligation d'information envers elle et a commis une faute médicale engageant sa responsabilité. Elle se prévaut notamment des conclusions du Dr C... sapiteur psychiatre. Elle demande la condamnation du Dr Y... à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
-8 000 € au titre du pretium doloris,
-12 000 € au titre de l'IPP,
- préjudice professionnel :
* jusqu'au 30 décembre 2009 : 59 937, 10 €
* pour l'avenir (incidence professionnelle) : 42. 307, 96 €
- préjudice d'agrément : 20. 000 €
- article 700 : 4 000 €
Elle sollicite l'institution d'un complément d'expertise pour tous les postes de préjudice non déterminés par l'expertise ordonnée en référé à savoir : la période d'ITT, le préjudice esthétique et le préjudice professionnel.
À titre subsidiaire, elle demande l'institution d'une contre-expertise complète.
Le Dr Y... conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté de l'ensemble des demandes de Mme X.... Subsidiairement, il entend voir dire et juger que des préjudices allégués doivent être examinés à travers le prisme de la perte de chance, que celle-ci ne peut excéder 5 % et qu'il ne saurait donc porter la charge de préjudices sans lien avec ses interventions ; il conclut à la réduction des prétentions de Mme X... à de plus justes proportions. Il sollicite l'allocation d'une somme de 4000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La CPAM de MENDE entend voir statuer ce que de droit sur la responsabilité du docteur Y... et dans le cas où celle-ci serait retenue, la condamnation de ce médecin à lui payer la somme de 47. 990, 33 € dont 24. 306, 82 € au titre des indemnités journalières versées du 9 novembre 2004 au 31 octobre 2007 et 23. 683, 51 € au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation.

MOTIFS

SUR LA RESPONSABILITÉ
Les actes médicaux en cause étant postérieurs au 5 Septembre 2001, la loi du 4 mars 2002 est applicable à l'espèce. Conformément à l'article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique, la responsabilité du médecin est subordonnée à la démonstration d'une faute qu'il appartient au malade de prouver.
Le médecin est tenu de prodiguer au patient des soins attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science à l'époque de leur réalisation.
En application de l'article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique, le médecin est également tenu à un devoir d'information de son patient sur les investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information doit être loyale, claire et appropriée. Aux termes de l'alinéa 7 de ce texte, il appartient au professionnel de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.
En l'espèce, l'expert judiciaire relève l'absence de tout document écrit ou de conseil écrit remis à la patiente sur des informations concernant les risques inhérents à l'intervention stomatologique réalisée par le Dr Y... lequel reconnaît expressément, en page 3 de ses écritures récapitulatives, l'absence de tout document écrit prouvant l'exécution de l'obligation d'information. La rubrique " recueil du consentement " de la fiche de suivi d'intervention n'est pas renseignée et la case " oui " n'est pas cochée. L'affirmation d'une information donnée oralement à la patiente, non corroborée par une quelconque pièce, ne peut, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, être considérée comme la preuve de l'exécution du devoir d'information quelle que soit la nécessité de l'intervention qui n'a pas été réalisée en urgence mais programmée après consultation. Si le certificat médical du chirurgien-dentiste fait référence au mauvais état dentaire de Mme X... et à la nécessité d'extractions multiples (6) également visées par le médecin anesthésiste, il appartenait au Dr Y... qui réalisait cette intervention d'exécuter lui-même l'obligation légale d'information. Mme X... n'a pas été non plus informée du plus grand nombre d'extractions nécessitées par l'état de ses dents que celui prévu par son dentiste ni de la nature et de l'importance de ses conséquences. La conclusion de l'expert judiciaire selon laquelle il n'a pas de renseignement particulier concernant l'information sur les risques encourus par l'opération d'extraction et " pense que ceux-ci ont été indiqués par le Dr Y... sans en avoir de trace écrite " n'est pas probante du respect de cette obligation par le Dr Y.... En l'absence de preuve d'exécution effective de cette information de la patiente, le manquement du Dr Y... à cette obligation doit être retenu et engage sa responsabilité.
Concernant la faute médicale, Mme X... reproche au Dr Y... de s'être trompé sur l'objet de l'intervention en procédant à l'extraction de 11 dents au lieu de six dents et d'avoir procédé à une seule opération alors qu'il est d'usage en pratique de procéder en plusieurs opérations ce qui aurait évité les conséquences dommageables de cette avulsion massive et notamment le syndrome algo-dysfonctionnel fonctionnel de l'appareil mandicateur constaté par le Dr D.... Elle reproche en outre au Dr Y... d'avoir oublié d'enlever une racine et des morceaux d'os.
Toutefois, les constatations du Dr D... ne sont pas corroborées par les expertises et ses certificats décrivant les soins réalisés à la suite de l'intervention ne caractérisent pas une faute médicale du Dr Y....
L'expert judiciaire a conclu à l'absence de faute médicale.
Les experts désignés par la Commission Régionale de Conciliation Indemnisation des Accidents Médicaux, les Drs Z... et A..., dont le rapport est contradictoirement produit, ont également conclu à l'absence de faute médicale. L'indication thérapeutique doit être retenue compte tenu des infections récidivantes, des douleurs et de l'état dentaire que présentait la patiente. La survenue de douleurs habituelles d'alvéolite après l'intervention ni l'abcès ne caractérisent une faute du chirurgien. Aucune faute technique n'est relevée ni démontrée. Mme X... ne produit aucun élément objectif de nature à contredire les conclusions des experts ni à démontrer que le chirurgien aurait dû procéder en plusieurs interventions. Les contrôles radiographiques n'ont mis en évidence aucune anomalie. La guérison de l'abcès a été constatée le 3 septembre 2002 et les prélèvements n'ont mis en évidence aucune colonie pathogène.
En conséquence, seul le manquement au devoir d'information est caractérisé.

SUR LE PREJUDICE
Contrairement aux motifs développés sur ce point par le Tribunal, le non-respect du devoir d'information auquel le médecin est tenu cause à celui auquel l'information est légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation. Ce préjudice existe donc même si, comme en l'espèce, l'intervention était nécessaire et n'aurait pu être refusée par la patiente en raison de son état. Il s'agit du dommage spécifique résultant de l'absence d'information préalable et non d'une fraction d'une perte de chance.
Il résulte des pièces produites, des documents médicaux examinés par l'expert judiciaire et de l'avis du Dr C..., sapiteur psychiatre, que « l'on peut retenir en relation directe et totale un syndrome anxieux séquellaire de type traumatique. L'intervention chirurgicale (extractions de 11 dents) a fait irruption dans l'univers psycho affectif de Mme X... qui comporte des antécédents de souffrance névrotique de type hystéro-abandonnique. Le pretium doloris peut être évalué à 3/ 7 avec un préjudice d'agrément important. Sur le plan séquellaire, on retiendra une IPP pour la partie imputable à l'intervention du 13 juin 2002, un taux de 7 % selon le barème du concours médical. » Cet avis circonstancié et précis, non contredit par un avis médical contraire doit être retenu. Il ressort de ce rapport documenté et objectif que si Mme X... souffrait d'un état dépressif antérieur à l'intervention en lien avec un vécu doloureux depuis la petite enfance, le manquement du chirurgien à son obligation d'information lors de l'intervention en stomatologie a entraîné chez cette patiente fragilisée un syndrome anxieux du fait de ne pas avoir été avertie à temps de l'importance ni des conséquences de l'intervention chirurgicale qui a alors été vécue de manière négative ; ce syndrome est en lien de causalité direct et certain avec les préjudices décrits et évalués par le sapiteur qui doivent être indemnisés. La Cour dispose, au vu des pièces produites et des rapports d'expertise qui reprennent l'ensemble des documents médicaux, des éléments nécessaires pour statuer ; il n'y a pas lieu à nouvelle expertise.
En considération de l'âge (34ans) et de la situation de la victime stagiaire aide-soignante à la date de l'intervention du 13 juin 2002, au vu du rapport d'expertise judiciaire, des documents médicaux et pièces soumis à la discussion contradictoire des parties, et faisant application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 d'application immédiate aux situations en cours, relatif aux recours des tiers payeurs qui s'exerce désormais poste par poste, la réparation du préjudice corporel de Mme X... causé par le manquement du chirurgien à son obligation d'information sera fixée comme suit :
1- Préjudices patrimoniaux :
La consolidation de l'état en lien avec l'intervention du 6 juin 2002 doit être fixée au 30 novembre 2002, date de la sortie de clinique psychiatrique. La nouvelle décompensation et hospitalisation du mois de décembre 2002 et ses suites ne peuvent, au vu des éléments médicaux, être rattachées directement à cette opération.
A) avant consolidation :
*1) dépenses de santé actuelles :
L'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation dont le remboursement est demandé par la CPAM de la LOZÈRE ne peut être retenu comme résultant directement de l'inexécution fautive de l'obligation d'information. Ils sont en effet pour la plupart postérieurs à la consolidation à l'exception de l'hospitalisation du 14 octobre 2002 au 31 octobre 2002 à l'hôpital de MENDE consécutive aux troubles présentés par Mme X... en lien avec l'intervention du 6 juin 2002. Il revient donc à la CPAM de la LOZÈRE la seule somme de 7799, 52 €. La preuve de frais médicaux ou pharmaceutiques en lien direct avec cette opération n'est pas rapportée.
*2) perte de gains professionnels pendant l'ITT Mme X... ne justifie ni n'allègue aucune perte de revenus pendant l'ITT imputable à l'inexécution fautive.
B) préjudices patrimoniaux permanents :
*perte de gains professionnels futurs
Il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation, consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.
En l'espèce, Mme X... qui était en stage en qualité d'aide-soignante à l'hôpital de MENDE a repris son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique puis à plein temps. Contrairement à ses affirmations, l'hospitalisation en lien avec l'inexécution fautive de l'obligation d'information n'a pas fait obstacle à la poursuite de sa période de stage puisqu'il résulte des pièces qu'elle produit et de ses écritures récapitulatives que l'hospitalisation en cardiologie et celle du 13 décembre 2002 à la clinique des Sophoras puis en rééducation ne sont pas en lien de causalité direct avec l'intervention du 6 juin 2002, qu'elle a repris le travail le 30 janvier 2004 et que le CHU a décidé de prolonger son stage compte tenu des problèmes de santé qu'elle avait traversés. La décision de ne pas la titulariser et de mettre fin à son contrat est intervenue le 31 mars 2005 et fait référence à une inaptitude physique au poste de travail, alors qu'aucune absence ne peut être rattachée pour la période considérée à l'intervention du 13 juin 2002. La Cour administrative d'appel de Marseille a ordonné sa réintégration en qualité de stagiaire agent des services hospitaliers au sein du CHU de MENDE.
L'IPP de 7 % imputable à l'inexécution de l'obligation d'information n'est pas à l'origine des séquelles alléguées par Mme X... ni d'une pénibilité accrue, l'expert judiciaire et le sapiteur ayant, comme les experts désignés par la commission régionale d'indemnisation, clairement mis en évidence l'existence de séquelles dues à un état antérieur aggravé par des problèmes conjugaux et non à l'intervention du 13 juin 2002.
La demande de réparation d'un préjudice professionnel comprenant une perte de gains et une incidence professionnelle sera en conséquence rejetée.
2- Préjudices extra-patrimoniaux :
A) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
*déficit fonctionnel temporaire :
Aucune demande précisément chiffrée n'est présentée de ce chef duquel Mme X... sollicite un complément d'expertise qu'il n'y a pas lieu d'ordonner pour les motifs ci-dessus exposés. L'ITT doit, au vu des rapports d'expertise et des soins, être fixée à compter de l'intervention du 13 juin 2002 jusqu'au 30 novembre 2002, date de sa sortie de clinique psychiatrique soit 5 mois et 17 jours. Les hospitalisations postérieures ne peuvent être imputées à l'inexécution du devoir d'information du chirurgien. Compte tenu du montant total de la demande de réparation, une somme de 3000 € sera allouée au titre des troubles dans les conditions d'existence pendant l'ITT sans excéder le montant total de la demande d'indemnisation.
*souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique c'est-à-dire du jour du dommage à celui de sa consolidation.
L'expert judiciaire et le sapiteur ont chiffré à 3 sur 7 les souffrances endurées par Mme X... imputables à l'intervention chirurgicale dont elle n'a pas été informée alors qu'elles étaient prévisibles. Compte tenu du retentissement psychologique, de la nature et de la durée et des soins subis, il est justifié d'allouer à Mme X... une indemnité de 6000 € en réparation des souffrances endurées.
B) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
1) déficit fonctionnel permanent :
Ce poste de dommage non économique est lié au déficit définitif résultant de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime. Le déficit fonctionnel permanent correspond à un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime.
En l'espèce, l'IPP de 7 % résulte du syndrome anxieux de type hystéro-phobique retenu par le Dr C... en lien direct avec le non-respect de l'obligation d'information. Compte tenu de la nature des séquelles subies et de leur qualification par cet expert sapiteur, il sera alloué au titre du déficit fonctionnel permanent, une indemnité de 9000 €.
2) préjudice d'agrément :
Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice d'agrément spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.
En l'espèce, l'expert judiciaire et le sapiteur ont retenu un préjudice d'agrément important. Mme X... justifie qu'elle pratiquait l'athlétisme au sein du club L'EVEIL MENDOIS depuis 1995 et qu'elle participait à des compétitions. Elle établit aussi qu'elle pratiquait régulièrement le cyclisme et avait obtenu le diplôme d'animateur fédéral de la fédération française d'éducation physique. Il sera alloué au titre de la privation de ses activités sportives et de loisirs une indemnité de 6000 €.
Les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral relèvent de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et non du préjudice d'agrément.
3) préjudice d'établissement
Ce préjudice se définit comme un préjudice tellement important qu'il fait obstacle à la réalisation de tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap.
En l'espèce, le déficit fonctionnel permanent dont Mme X... est atteinte ne fait aucunement obstacle à une vie de couple et n'a pas pour conséquence de le priver de l'espoir et de la chance de normalement réaliser un nouveau projet de vie familiale, sa séparation conflictuelle d'avec son compagnon ne pouvant être rattachée à l'inexécution de l'obligation d'information.
En définitive, une indemnité totale de 24. 000 € sera allouée à Mme X....
Les demandes de la CPAM seront accueillies à hauteur de 7799, 52 €. Le surplus de ses prétentions est en voie de rejet en l'absence de lien de causalité avec l'inexécution fautive ci-dessus retenue. Une somme de 980 € lui sera allouée au titre de ses frais de gestion.
M. Y... succombe en sa demande de confirmation et supportera les dépens. Le rejet de sa demande de dommages-intérêts sera confirmé.

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme,
Vu les articles L. 1111-2, L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique,
Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. F...,
Dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise,
Réforme partiellement le jugement déféré,
Dit que le Dr Y... n'a pas exécuté son obligation d'information afférente à l'intervention chirurgicale du 13 juin 2002 et que sa responsabilité est engagée de ce chef,
Le condamne à payer à Madame X... la somme de 24. 000 € en réparation du préjudice causé par cette inexécution fautive,
Rejette le surplus des demandes de Madame X...,
Condamne Monsieur Y... à payer à la C. P. A. M. de LOZÈRE la somme de 7799, 52 € au titre de ses prestations en lien direct avec l'inexécution fautive de devoir d'information et celle de 980 € au titre de ses frais de gestion,
Confirme le rejet de la demande de dommages-intérêts de Monsieur Y...,
Condamne Monsieur Y... aux dépens,
Condamne Monsieur Y... à payer à Madame X... une somme de 2000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Monsieur Y... aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des SCP d'avocats GUIZARD-SERVAIS et POMIES RICHAUD VAJOU, représentée par ses liquidateurs, sur leurs affirmations de droit, dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par Monsieur BRUZY, Président et par Madame MAESTRE, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile - 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 500
Date de la décision : 18/09/2012
Type d'affaire : Civile

Analyses

1) En application de l'article L1111-2 du code de la santé publique, le médecin est tenu à un devoir d'information de son patient sur les investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information doit être loyale, claire et appropriée. Aux termes de l'alinéa 7 de ce texte, il appartient au professionnel de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tous moyens. En l'espèce, l'expert judiciaire relève l'absence de tout document écrit ou de conseil écrit remis à la patiente sur des informations concernant les risques inhérents à l'intervention stomatologique réalisée par le médecin lequel reconnaît expressément l'absence de tout document écrit prouvant l'exécution de l'obligation d'information. L'affirmation d'une information donnée oralement à la patiente, non corroborée par une quelconque pièce, ne peut être considérée comme la preuve de l'exécution du devoir d'information quelque que soit la nécessité de l'intervention qui n'a pas été réalisée en urgence mais programmée après consultation. Par conséquent, en l'absence de preuve d'exécution effective de cette information de la patiente, le manquement du médecin à cette obligation doit être retenu et engage sa responsabilité. 2) Le non-respect du devoir d'information auquel le médecin est tenu cause à celui auquel l'information est légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation. Ce préjudice existe donc même si, comme en l'espèce, l'intervention était nécessaire et n'aurait pu être refusée par la patiente en raison de son état. Il s'agit du dommage spécifique résultant de l'absence d'information préalable. En l'espèce, le manquement du chirurgien à son obligation d'information lors de l'intervention en stomatologie a entraîné chez la patiente fragilisée un syndrome anxieux séquellaire de type traumatique du fait de ne pas avoir été avertie à temps de l'importance ni des conséquences de l'intervention chirurgicale qui a alors été vécue de manière négative. Ce syndrome est en lien de causalité direct et certain avec les préjudices devant être indemnisés. À ce titre, la réparation du préjudice corporel de la victime, stagiaire aide-soignante, âgée de 34 ans à la date de l'intervention du 13 juin 2002, est fixée à hauteur de 7000 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, de 6000 euros pour les souffrances endurées de 3/7, de 9000 euros pour le déficit fonctionnel permanent de 7% et de 6000 euros pour le préjudice d'agrément


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mende, 09 février 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2012-09-18;500 ?
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