COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B
ARRÊT DU 21 JUIN 2011
ARRÊT No442
R. G : 10/ 00709
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 05 janvier 2010
X...
C/
Y... X...
APPELANTE :
Madame Geneviève Mireille Fernande X... née le 12 Mai 1952 à LA TOUR D'AIGUES (84240)... 13006 MARSEILLE 06
Rep/ assistant : la SCP CURAT JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Christian ATIAS (avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE)
INTIMÉ :
Monsieur François-Xavier Y... X... né le 13 Août 1973 à MARSEILLE (13000)...... 84240 LA TOUR D AIGUES
Rep/ assistant : la SCP FONTAINE MACALUSO-JULLIEN (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Eric FORTUNET (avocat au barreau D'AVIGNON)
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Mars 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nicole BERTHET, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président Mme Isabelle THERY, Conseiller Mme Nicole BERTHET, Conseiller
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 21 Avril 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2011. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 21 Juin 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
****
I/- EXPOSÉ DU LITIGE
Madame Cécile B... veuve X... est décédée le 20 juin 2008 à la TOUR D'AIGUES (Vaucluse) en l'état d'un testament authentique du 24 août 2007 que la testatrice dénommait " testament partage ", aux termes duquel elle laissait à sa fille Geneviève X..., unique héritière, divers biens, mobiliers et immobiliers et attribuait à 3 petits-enfants, à titre le legs, à chacun d'autres biens ; il était ainsi attribué à son petit-fil François-Xavier Y... X..., en pleine propriété, la propriété rurale sise à la TOUR D'AIGUES dénommée..., l'intégralité des meubles meublants la garnissant, les parts sociales détenues au sein de l'EARL..., et le quart de ses avoirs bancaires.
Débouté par ordonnance de référé du 15 juin 2009 de sa demande de délivrance de legs que lui refusait sa mère, Monsieur François-Xavier Y... X... a fait assigner à jour fixe devant le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON, Madame Geneviève X... aux mêmes fins.
Par jugement du 5 janvier 2010, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a :
– ordonné la délivrance à Monsieur François-Xavier Y... X... à compter du 29 juillet 2008 des legs particuliers qui lui ont été consentis de la propriété rurale "... ", située à la Tour d'Aigues, de son entier mobilier meublant, des parts sociales dans le capital de l'EARL... et un quart des avoirs bancaires de la défunte, – condamné Madame Geneviève X... à représenter et à remettre à Monsieur François-Xavier Y... X... le quart des avoirs bancaires dépendant de la succession dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard, – condamné Madame Geneviève X... à verser à Monsieur François-Xavier Y... X... une indemnité de 2. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, – ordonné l'exécution provisoire, – condamné Madame Geneviève X... aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP FORTUNET.
Madame X... a relevé appel de ce jugement et par conclusions du 4 mai 2010 elle demande à la Cour de :
" – Dire et juger l'appel régulier, recevable et bien fondé, Réformant le jugement rendu le 5 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON (no2010/ 1- RG : 09/ 3388), Et rejetant comme injustes, irrecevables ou mal fondées et, en tous cas, injustifiées les prétentions adverses, – Débouter Monsieur François-Xavier Y... X... de toutes ses demandes, fins et prétentions, – Dire et juger que l'acte de Maître C... du 24 août 2007 est manifestement illicite (art. 1075, 1079 et 1080 C. civ.), dès lors qu'il est porteur d'un testament-partage " attribuant " des biens à des descendants de générations différentes, en méconnaissance flagrante du principal général et fondamental de l'article 1075 du Code civil selon lequel c'est " entre ses héritiers présomptifs " qu'une personne " peut faire... la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ", le partage des descendants de générations différentes n'étant autorisé par la loi que pour les donations, afin notamment de permettre que soit recueilli le consentement des représentants de la première génération (art. 1078-5, al. 2, C. civ.), – Dire et juger que la reconnaissance d'un droit et, par conséquent, la délivrance d'un legs, est exclue sur le fondement d'un acte illicite, comme contraire à la prohibition des testaments-partages profitant " à des descendants de degrés différents " (art. 1075 et 1078-4 C. civ.), alors que l'incidence des legs sur les réserves propres aux deux successions susceptibles d'en être affectées ne peut être actuellement appréciée, – Condamner Monsieur François-Xavier Y... X... au paiement, à Madame Geneviève X..., d'une somme de 3. 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, – Condamner Monsieur François-Xavier Y... X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits sur son affirmation de droit au profit de la SCP CURAT JARRICOT, avoués (art. 699 CPC). "
Madame X... s'oppose à la délivrance des legs invoquant la nullité du testament, qui est contraire aux dispositions légales impératives régissant les testaments partages. Elle fait valoir que le testament partage litigieux allotit des personnes de générations différentes, fille et petits enfants de la testatrice ; que l'article 1075 du Code civil pose le principe général que c'est entre héritiers présomptifs qu'une personne peut faire la distribution et le partage de ses biens et droits ; qu'en application de l'article 1079 du Code civil les bénéficiaires d'un testament partage doivent avoir la qualité d'héritier " ab intestat " ; Que Monsieur François-Xavier Y... X... n'est pas héritier ab intestat ;
Que le testament partage transgénérationnel est prohibé. Elle ajoute que l'atteinte à la réserve est établie par l'expertise du cabinet ROUSSEL.
Monsieur François-Xavier Y... X... a conclu le 1er octobre 2010, demandant à la Cour de :
" Rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires, Validant, le cas échéant après disqualification, le testament-partage souscrit le 24 août 2007 et subsidiairement celui souscrit le 16 mars 2007, – Dire et juger Geneviève X... mal fondée en son appel, – L'en débouter, – Confirmer au contraire le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Mais ajoutant, – Mettre à charge de Geneviève X..., les entiers frais de délivrance du legs, – La condamner à payer au concluant la somme de 3. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, – La condamner aussi aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP FONTAINE, MACALUSO-JULLIEN, avoués. "
L'intimé fait valoir que les dispositions de l'article 1075-1 du Code civil, issues de la loi du 23 juin 2006 applicables à la cause, autorisent à toute personne la distribution et le partage de ses biens et de ses droits entre les descendants de degrés différents, qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs ; Que cette disposition générale se rapporte à toute " libéralité-partage " sans distinction, entre donation-partage ou testament-partage. Il ajoute que l'irrégularité alléguée du testament transgénérationnel n'est pas susceptible de déterminer sa nullité, si elle était retenue, mais seulement sa disqualification, de sorte que l'action en délivrance prospérera. L'intimé soutient également que la réserve héréditaire reste protégée par les dispositions des articles 912 et 918 et suivants du Code civil et de l'article 1080 en matière de testament-partage.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mars 2011.
II/- MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes du testament authentique du 24 août 2007, Mme Cécile B... veuve X... a établi un testament-partage, attribuant une partie de ses biens, à sa fille Geneviève X..., une autre partie de ses biens, à titre de legs, à ses trois petits-enfants ; qu'elle attribue ainsi à son petit-fils François-Xavier Y... X... la propriété rurale sise à La Tour-d'Aigues dénommé la " ... ", l'intégralité des meubles meublants garnissant cette propriété, les parts sociales de l'EARL... et le quart de ses avoirs bancaires.
Attendu qu'aux termes de l'article 1075 du Code civil, " toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs la distribution et le partage de ses biens et de ses droits, cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament partage.... ".
Attendu que l'article 1075-1 du même code dispose que : « toute personne peut également faire la distribution et le partage de ses biens et de ses droits entre des descendants de degrés différents, qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs ».
Attendu que ces deux articles constituent la section première " Dispositions générales " du chapitre relatif aux libéralités-partages.
Attendu que la section II relative aux donations-partages, comprend deux paragraphes, l'un consacré aux donations-partages faites aux héritiers présomptifs, l'autre consacré aux donations-partages faites à des descendants de degrés différents ; attendu que la section III concerne les testaments-partages ; que l'article 1079 stipule que le testament-partage produit les effets d'un partage.....
Attendu que les dispositions générales permettent la distribution et le partage que peuvent faire les ascendants ; qu'elles s'appliquent au testament-partage ; que les limites et les modalités des libéralités-partages sont précisées pour chacune d'elles, donation-partage et testament-partage, dans les sections qui leur sont spécifiquement consacrées.
Attendu que l'article 1079 du Code civil concernant le testament-partage ne comporte aucune limitation ou prohibition de dispositions au profit de descendants de degrés différents ; que l'existence de conditions spécifiques telles que le consentement du présomptif héritier, soient imposées dans le cadre de la donation-partage, est sans incidence sur les conditions de validité propres au testament-partage.
Attendu que la délivrance d'un legs est une mesure provisoire ; que l'héritier réservataire n'est pas fondé à surseoir à la délivrance des legs particuliers jusqu'à ce que la quotité disponible ait été déterminée ; que des lors, le moyen tiré de l'atteinte à la réserve de l'héritier présomptif invoqué par Mme X... opposé à la délivrance du legs a été à juste titre écarté par le premier juge, étant en outre rappelé que la réserve héréditaire demeure protégée par l'action en réduction prévue par les dispositions des articles 924 et 1080 du Code civil.
Attendu qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Attendu qu'en application de l'article 1016 du Code civil, les frais de la délivrance du legs doivent être mis à la charge de la succession.
Sur les frais et dépens de la procédure
Attendu que Mme X..., qui succombe en son appel doit en supporter les dépens, qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur François-Xavier Y... X... la somme complémentaire de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant :
Dit que les frais de délivrance du legs au profit de Monsieur François-Xavier Y... X... sont à la charge de la succession,
Condamne Mme Geneviève X... à payer à Monsieur François-Xavier Y... X... la somme complémentaire de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme Geneviève X... aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP FONTAINE MACALUSO-JULLIEN avoués en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Arrêt signé par Monsieur DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, Greffier.