ARRÊT No150
R. G : 10/ 04869
IT/ CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 29 septembre 2010
COMMUNE DE PUJAUT
C/
X...Y...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2011
APPELANTE :
COMMUNE DE PUJAUT poursuites et diligences de son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de Ville 30131 PUJAUT
Rep/ assistant : la SCP M. GUIZARD et P. SERVAIS (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Gilles MARGALL (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIMES :
Monsieur Michel X...né le 20 Juin 1960 à TOULON (83000) ...
Rep/ assistant : la SCP CURAT-JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : la SCP JUNQUA et ASSOCIES (avocats au barreau D'AVIGNON)
Madame Ghislaine Y... épouse X...née le 03 Mars 1960 à AVIGNON (84000) ...
Rep/ assistant : la SCP CURAT-JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : la SCP JUNQUA et ASSOCIES (avocats au barreau D'AVIGNON)
Statuant sur appel d'une ordonnance de référé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle THERY, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président Mme Isabelle THERY, Conseiller Mme Nicole BERTHET, Conseiller
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Janvier 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Février 2011. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 22 Février 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 19 octobre 2010 par la commune de Pujaut à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 29 septembre 2010 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 16 décembre 2010 par la commune de Pujaut, appelante et le 23 décembre 2010 par les époux X..., intimés, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
* * * * * Les époux X..., propriétaires d'une parcelle cadastrée section AD no65 située sur la commune de Pujaut, ont obtenu un permis de construire par arrêté du 27 avril 2006 autorisant l'édification d'une maison à usage d'habitation.
La commune de Pujaut, considérant que deux logements distincts avaient finalement été édifiés en violation de l'autorisation de construire, a fait assigner M. Michel X...et son épouse Madame Ghislaine Y... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins d'obtenir la remise en état des lieux.
Par ordonnance du 29 septembre 2010, le juge des référés s'est déclaré incompétent, a invité les parties à mieux se pourvoir et a condamné la commune de Pujaut à payer aux époux X...la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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La commune de Pujaut a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance en vue de son infirmation demandant à la Cour d'ordonner sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, aux époux X...de procéder à la remise en état des lieux consistant notamment en la suppression d'un des logements et de condamner les consorts X...à payer à la commune de Pujaut la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle prétend que la simple violation d'une règle d'urbanisme est constitutive d'un trouble manifestement illicite dont les communes peuvent demander la cessation sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile. Elle considère que le premier juge a commis une erreur de droit manifeste et méconnu sa propre compétence dès lors que la commune a la faculté de choisir la voie civile malgré les dispositions des articles L. 480 – 1 et L. 480 – 2 du code de l'urbanisme. Elle explicite en fait la violation des règles d'urbanisme et celle du règlement du plan d'occupation des sols soulignant que la construction irrégulière n'est pas régularisable.
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Les époux X...concluent à titre principal à la confirmation de l'ordonnance entreprise et subsidiairement au rejet des demandes en constatant l'absence d'infraction au plan d'occupation des sols de la commune et au permis de construire, l'illégalité par voie d'exception, du plan d'occupation des sols et du permis de construire en ce qu'il impose la présence d'un seul logement par parcelle construite, l'existence d'une contestation sérieuse concernant les demandes de mise en conformité. Ils sollicitent la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils se prévalent des motifs retenus par l'ordonnance déférée qui a écarté la compétence du juge des référés en retenant que la décision supposait l'appréciation de la conformité ou non de l'édifice, relevant de la seule compétence de la juridiction pénale dans le cas des infractions visées par les articles L. 480 – 1 et suivants du code de l'urbanisme.
Ils invoquent subsidiairement l'existence d'une contestation sérieuse et l'absence de trouble manifestement illicite prétendant que la preuve de deux logements distincts n'est pas rapportée, le logement étant seulement affecté à deux familles au lieu d'une. Ils ajoutent que les POS et PLU ne peuvent sous peine d'être irréguliers réglementer les logements, leur nombre ou leur surface.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le président, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Pour faire échec à l'action de la commune de Pujaut les époux X...opposent un premier moyen retenu par le juge des référés relatif à l'incompétence de ce dernier pour connaître de l'action tendant à la mise en conformité d'une construction par rapport au permis de construire dès lors qu'elle suppose l'appréciation de la conformité de l'édifice qui relève de la compétence de la juridiction pénale dans le cadre des infractions visées par les articles L. 480 – 1 et suivants du code de l'urbanisme.
Néanmoins la Cour ne peut suivre le premier juge et les intimés dans cette analyse dès lors que l'action diligentée par la commune de Pujaut ne s'inscrit pas dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 480 – 1 et suivants du code de l'urbanisme mais a uniquement pour objet de voir ordonner la remise en état des lieux sur le fondement du trouble manifestement illicite. Ainsi que le conclut exactement l'appelante, la commune dispose à cet égard de la faculté de choisir la voie civile ou la voie pénale pour faire cesser un trouble qu'elle considère illicite du fait de la méconnaissance des dispositions légales ou réglementaires. Il sera ajouté que le fondement de l'action est exclusivement celui de l'article 809 du code de procédure civile et non les dispositions du code de l'urbanisme ce qui rend non fondé le deuxième moyen invoqué à titre subsidiaire, relatif à l'existence d'une contestation sérieuse.
Il appartient à la commune de Pujaut de démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite. Elle soutient la violation des règles d'urbanisme en se référant en droit aux prescriptions du permis de construire et aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols et en fait au procès-verbal d'infraction du 21 avril 2010 et aux photographies jointes.
L'article R. 421 – 1 du code de l'urbanisme dispose que les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire et l'article NB5 du règlement du plan d'occupation des sols fixe à 1500 m ² la surface minimum des terrains pour être constructible et recevoir une habitation individuelle comportant un logement dans la zone NB et les secteurs Nba et Nbb.
Il est constant à la lecture de l'arrêté du 27 avril 2006 accordant le permis de construire NoPC ...aux époux X...que l'attention du pétitionnaire a été attirée sur le fait que l'habitation individuelle projetée ne pouvait comporter qu'un seul logement, ces deux derniers mots étant soulignés, et que la demande d'autorisation porte sur l'édification d'une habitation individuelle.
En l'occurrence il apparaît au vu du document adressé à la commune le 21 septembre 2005 par les époux X...précisément intitulé « demande de permis de construire une maison individuelle » que la superficie du terrain sur lequel a été édifiée la construction litigieuse qui se situe en zone Nba est de 2006 m ², que sur les plans de la construction figure une seule habitation et une seule entrée avec cependant deux garages de chaque côté de celle-ci.
Les photographies annexées aux courriers des époux A...au mois de décembre 2006 mettent en évidence l'existence d'un mur de séparation des deux habitations non prévu sur le plan, une entrée secondaire permettant l'accès à une seconde habitation en partie gauche ainsi qu'une autre entrée secondaire permettant l'accès à une première habitation en partie droite, éléments qui ne figurent pas sur les plans initiaux ayant fait l'objet de la demande de permis de construire.
Ces photographies, les constatations postérieures tant de la police municipale le 15 novembre 2007 qui relève l'existence de deux appartements distincts et de deux boîtes aux lettres, ce que corroborent les clichés photographiques ainsi que le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé le 21 avril 2010 au terme duquel il a été constaté depuis le domaine public que les logements présentent chacun une entrée distincte, qu'ils sont séparés par une clôture grillagée et qu'il existe deux boîtes aux lettres, mettent en évidence la violation manifeste des dispositions précitées.
Ces éléments qui démontrent à l'évidence l'existence de deux logements distincts ne sont pas utilement contestés par les intimés, qui se contentent de prétendre que la construction a été réalisée en conformité avec le permis de construire, tout en admettant la présence de deux familles.
Les intimés opposent enfin le moyen tiré de l'illégalité du plan d'occupation des sols de la commune et du permis de construire.
En vertu de l'article 49 du code de procédure civile, toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.
La Cour observe en premier lieu que si les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour préciser le sens des actes administratifs réglementaires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative d'en contrôler la légalité et en second lieu qu'il n'est tiré aucune conséquence de cette exception sur le plan procédural puisque les intimés concluent au débouté alors que la juridiction de l'ordre judiciaire à laquelle est opposée l'exception d'illégalité est seulement tenue de surseoir à statuer si cette exception présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige.
En l'occurrence il est argué de la non-conformité des règles du plan d'occupation des sols et du permis de construire aux dispositions de l'article R. 123 – 9 du code de l'urbanisme en ce que ce dernier ne prévoit pas de règles relatives au nombre de logements par terrain. Cette exception est dépourvue de caractère sérieux alors que l'arrêté de permis de construire a toutes les apparences de la légalité et que l'article précité n'est pas limitatif.
Ce moyen de défense doit être en conséquence écarté.
En l'état de la violation manifeste des règles édictées par le code de l'urbanisme mais également du permis de construire accordé et du règlement du plan d'occupation des sols, il doit être considéré que l'exécution de ces ouvrages qui ne sont pas régularisables engendre un trouble manifestement illicite qui rend fondée la demande de remise en état formulée par la commune de Pujaut qui interviendra selon les modalités spécifiées au dispositif de la présente décision. La condamnation interviendra sous astreinte afin d'en assurer l'exécution, le délai accordé pour la remise en état tenant compte de la présence de locataires dans les lieux.
L'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l'instance
Les époux X...qui succombent devront supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile et devront payer à la commune de Pujaut une somme équitablement arbitrée à 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Condamne M. Michel X...et Madame Ghislaine Y... épouse X...à procéder aux travaux de remise en état de l'immeuble situé chemin des plaines sur la commune de Pujaut, cadastré section AD no65 aux fins de sa mise en conformité au permis de construire No PC ... accordé le 27 avril 2006 par le maire de Pujaut, dans un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai sous astreinte de 50 € par jour de retard,
Condamne M. Michel X...et Madame Ghislaine Y... épouse X...aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Guizard Servais, avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile et les condamne à payer à la Commune de Punaut la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par Monsieur DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT