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11/01/2011 | FRANCE | N°08/05196

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 11 janvier 2011, 08/05196


COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2011



ARRÊT No17

R. G. : 08/ 05196





TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
30 septembre 2008


Z...

SA SERENIS ASSURANCES

C/


X...

CAISSE RÉGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS PROVENCE ALPES
MUTUALITE DE PROVENCE
CAISSE REGIONALE DE PROVENCE



COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2011



APPELANTES :

Madame Ma

rie-Rose
Z...
épouse A...

née le 01 Février 1974 à STRASBOURG (67)
Chemin du Bourg de la Canelle
84550 MORNAS

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de Me Thier...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2011

ARRÊT No17

R. G. : 08/ 05196

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
30 septembre 2008

Z...

SA SERENIS ASSURANCES

C/

X...

CAISSE RÉGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS PROVENCE ALPES
MUTUALITE DE PROVENCE
CAISSE REGIONALE DE PROVENCE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2011

APPELANTES :

Madame Marie-Rose
Z...
épouse A...

née le 01 Février 1974 à STRASBOURG (67)
Chemin du Bourg de la Canelle
84550 MORNAS

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA SERENIS ASSURANCES, venant aux droits des Assurances du sud,
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
63 Chemin A. Pardon
69160 TASSIN LA DEMI LUNE

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Monsieur Yann X...

né le 25 Juin 1963 à ORANGE (84)

...

84100 ORANGE

représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour
assisté de la SCP PREZIOSI & CECCALDI, avocats au barreau de MARSEILLE

CAISSE RÉGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS PROVENCE ALPES, venant aux droits de la Caisse AVA Provence Alpes Corse, Caisse Maladie Régionale de Provence, et la Caisse Organic Provence, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
29 Boulevard de Dunkerque
13002 MARSEILLE

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de Me Jean Pierre BINON, avocat au barreau de MARSEILLE

MUTUALITE DE PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
25 Route de Montfavet-BP 336
84022 AVIGNON CEDEX 1

Assignée à personne habilitée
n'ayant pas constitué avoué

CAISSE REGIONALE DE PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
215 Chemin de Cassis
13009 MARSEILLE 09

Assignée à personne habilitée
n'ayant pas constitué avoué

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Octobre 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Dominique BRUZY, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

à l'audience publique du 02 Novembre 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2011
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 11 Janvier 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
* * *

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 26 janvier 2003, vers 16 heures, sur la voie communale le PK de MORNAS (84), une collision s'est produite entre la motocyclette conduite par M Yann X..., non assurée, et le véhicule automobile VOLKSWAGEN conduit par Mme Marie-Rose
Z...
épouse A..., assuré auprès de la compagnie ASSURANCES DU SUD, qui sortait du chemin privé "... ". M. X... était grièvement blessé.

Saisi par M X..., le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS a ordonné une expertise médicale confiée au Dr D... et alloué une provision de 35 000 € ; Mme A... et la compagnie ASSURANCES DU SUD ont été déboutés de leur demande d'expertise mécanique de la motocyclette. Le rapport d'expertise médicale a été déposé le 10 mars 2004. Par arrêt du 29 mars 2005, la Cour de ce siège a confirmé cette ordonnance à l'exception du montant de la provision qui a été porté à 152. 449, 01 €. La cause et les parties ont été renvoyées devant le Tribunal de Grande Instance pour qu'il soit statué au fond.

Par exploits en date des 9, 10 et 16 août 2005, M. X... a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Carpentras Mme A..., la Cie ASSURANCES DU SUD, la Caisse RSI, la CAISSE REGIONALE DE PROVENCE et la MUTUALITE DE PROVENCE pour obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement réputé contradictoire en date du 30 septembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Carpentras a statué comme suit :

" Dit que M. Yann X... a droit à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont il a été victime le 26 janvier 2003 à Mornas (Vaucluse) et que Mme Marie-Rose
Z...
épouse A... et SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la Cie ASSURANCES DU SUD sont tenues à réparation ;

Rejette la demande subsidiaire d'expertise technique présentée par Mme Marie Rose
Z...
et par la société Anonyme SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la Cie Assurances du Sud, en application de l'article 145 du Code de Procédure Civile ;

Rejette la demande de désignation d'un expert architecte présentée par M. Yann X... ;

Fixe à la somme de 1. 483. 329 € le montant du préjudice corporel actuel global de M. Yann X..., cette indemnité ne couvrant pas les frais pour tierce personne après le 23 septembre 2008 ;

Condamne Mme Marie-Rose
Z...
et la société Anonyme SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la Compagnie Assurances du Sud à payer in solidum à M. Yann X..., après déduction des créances actuelles des tiers payeurs (RSI) venant aux droit de L'AVA PROVENCE ALPES ET CORSE, d'un montant de 304. 591, 69 € et de l'indemnité provisionnelle de 152. 449, 01 € déjà allouée, une indemnité complémentaire à verser de 1. 026. 288, 30 € en réparation du préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Dit que l'indemnité allouée au titre des frais de logement adapté, soit la somme de 64. 940. 21 €, sera actualisée en fonction de l'indice du coût de la construction BT01 à compter du 12 octobre 2003 jusqu'au présent jugement ;

Donne acte à SA SERENIS ASSURANCES de ce qu'elle accepte de payer la première acquisition des aides techniques pour un montant de 5. 685, 26 €, puis de régler les renouvellements capitalisés à hauteur de 22. 086, 81 € ;

Condamne Mme Marie-Rose
Z...
et SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la Cie Assurance du Sud à payer in solidum à la Caisse Régionale de Provence et le Régime Social des Indépendants (RSI) venant aux droits de l'AVA PROVENCE ALPES ET CORSE, l'un des organismes sociaux tiers payeur, une somme de 28. 684, 68 € au titre de son recours subrogatoire arrêté au 31 mai 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2007 ;

Invite le Régime Social des Indépendants (RSI) venant aux droits de l'AVA PROVENCE ALPES ET CORSE à fournir à Mme Marie-Rose
Z...
et à la SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la Cie Assurances du Sud le relevé définitif de ses prestations exposées après le 31 mai 2006 afin que ces versements soient déduits de la somme revenant à M. Yann X... en réparation de la perte de gains professionnels futurs ;

Dit que toute indemnité complémentaire versée à Monsieur Yann X... par le Régime Social des Indépendants (RS. I) venant aux droits de l'AVA PROVENCE ALPES ET CORSE à compter du 31 mai 2006 devra revenir à Madame Marie-Rosé
Z...
et à la SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la compagnie ASSURANCES DU SUD ;
Ordonne une nouvelle expertise confiée au Docteur Philippe D..., en complément de sa précédente expertise du 10 mars 2004., à l'effet de rechercher si. l'état de santé de Monsieur Yann X... nécessite encore et toujours, et de quelle manière, à la suite des travaux d'aménagement du lieu de vie de Monsieur Yann. X... qui vont pouvoir être réalisés à la suite du présent jugement, la présence d'une tierce personne pour l'aider à accomplir les actes ordinaires de la vie ; dans l'affirmative, l'expert devra préciser la nature et l'importance de cette aide apportée par une tierce personne ;
Dit qu'il appartiendra à Monsieur Yann X... d'informer le médecin expert de l'achèvement des travaux afin que celui-ci puisse débuter et réaliser sa nouvelle mission ;
Dit que l'expert sera mis en oeuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport au greffe du tribunal (contrôle des expertises) dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine suivant le versement de la consignation et l'achèvement des travaux d'aménagement du logement, sauf prorogation ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de sa part, il sera remplacé par ordonnance rendue sur requête ;
Dit que Monsieur Yann X... consignera au greffe du tribunal avant le 31 décembre 2008 la somme de 500 € à valoir sur la rémunération de l'expert ;
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai fixé, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
Dit que dans le cas ou l'expert s'adjoindra un spécialiste de son choix, notamment un sapiteur ergothérapeute, il en avisera le président de la juridiction aux fins de fixation d'une consignation complémentaire ;

Dit qu'il appartiendra à Monsieur Yann X... de saisir à nouveau, s'il y a lieu, le tribunal de grande instance de Carpentras, à l'effet d'obtenir une indemnisation complémentaire au titre de la tierce personne, pour la période postérieure à celle prise en compte dans la présente décision, à savoir à compter du 24 septembre 2008 ;
Condamne Madame Marie-Rosé
Z...
et la SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la compagnie ASSURANCES DU SUD à payer in solidum à Monsieur Yann X... la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande du Régime Social des Indépendants (RS. I) venant aux droits de l'AVA PROVENCE ALPES ET CORSE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de Monsieur Yann X... au titre de la prise en charge des frais éventuels d'exécution forcée ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions., sinon à limiter cette mesure, s'agissant de l'indemnité de 1. 026. 288, 30 € revenant à Monsieur Yann X..., à concurrence de la somme de 700. 000 €. ;
Déclare la présente décision commune et opposable à la CAISSE RÉGIONALE DE PROVENCE et à la MUTUALITE DE PROVENCE ;
Condamne Madame Marie-Rosé
Z...
et la Société Anonyme SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la compagnie ASSURANCES DU SUD à payer in solidum aux entiers dépens, la SCP AUZIAS-BONHOMMO, avocats, pouvant recouvrer directement contre la partie ci dessus condamnée ceux des dépens dont l'avocat désigné aura, fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. "
Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES venant aux droits de la compagnie ASSURANCES DU SUD ont relevé appel de cette décision le 12 novembre 2008. M. X... a relevé appel le 9 décembre 2008. Ces appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 janvier 2009.

*

Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le :
-6 octobre 2010 pour M X....
-8 octobre 2010 pour Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES
-28 octobre 2010 pour RSI PROVENCE ALPES

Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES demandent la réformation du jugement déféré et la fixation du droit à indemnisation de M. X... à 50 %. Elles entendent voir fixer à 518. 906, 48 € le montant de l'indemnité due à la victime avant déduction des règlements déjà effectués. Elles demandent le remboursement des sommes qui dépasseraient ce montant et réglées en exécution de l'arrêt rendu sur référé et de l'exécution provisoire du jugement déféré. Elles concluent au débouté des demandes de RSI PROVENCE ALPES. Elles entendent voir dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

M. X... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a consacré son droit intégral à indemnisation et lui a alloué une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Formant appel incident des chefs de certains postes de préjudice, il demande la condamnation solidaire de Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES à lui payer des sommes suivantes :
* 101. 003, 40 € au titre des dépenses de santé actuelles
* 27. 562, 50 € au titre de la perte de gains professionnels actuels,
* 166. 351, 78 € au titre des dépenses de santé future prises en charge par l'organisme social,
* 2. 040, 66 € au titre du préjudice professionnel futur depuis la consolidation jusqu'à la date de la décision à intervenir,
* 437. 258, 85 € au titre du préjudice professionnel futur à compter de la décision à intervenir,
* 164. 720 € au titre des arrérages échus de la tierce personne pour la période du 23 septembre 2003 au 23 septembre 2008,
* 64. 940, 21 € à actualiser par application de l'indice du coût de la construction au titre de l'aménagement de son lieu de vie,
* la somme de 5. 685, 26 € et celle de 22. 086, 80 € au titre des frais futurs échus et à échoir,
* la somme de 8. 235 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* la somme de 70. 000 € au titre du pretium doloris,
* la somme de 250. 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
* la somme de 40. 000 € au titre du préjudice esthétique,
* la somme de 50. 000 € au titre du préjudice d'agrément,
* la somme de 75. 000 € au titre du préjudice sexuel et d'établissement,
* la somme de 23. 479, 63 € au titre du préjudice matériel,
* la somme de 68. 308, 11 € au titre des frais d'acquisition et d'aménagement d'un véhicule.

Il entend voir dire que les sommes allouées seront indemnisées en sus de la créance des organismes sociaux laquelle devra s'imputer poste par poste. Il sollicite l'allocation d'une somme de 4000 € au titre de ses frais irrépétibles, la mise à la charge des débiteurs des frais d'huissier en cas d'exécution forcée et la condamnation de Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES aux dépens. Il demande en outre de :
- Confirmer la désignation du Docteur D....
- Condamner solidairement Mme
Z...
et la Compagnie SERENIS ASSURANCES à lui payer la somme de 4. 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La Caisse RSI PROVENCE ALPES, venant aux droits de la caisse AVA PROVENCE ALPES CORSE et de la caisse MALADIE RÉGIONALE DE PROVENCE, demande la condamnation in solidum de Mme A... et de la SA SERENIS ASSURANCES à lui payer, en deniers ou quittances, la somme de 80. 769, 58 € au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité versée à M. X... avec intérêts de droit à compter de la signification des précédentes conclusions et au titre de la capitalisation fictive de cette pension selon le barème de 1954, la somme de 163. 103, 22 € soit un total général au 31 octobre 2010 de 243. 872, 80 €, avec application de l'article 1154 du code civil. Elle sollicite en outre l'allocation d'une somme de 966 € au titre de ses frais forfaitaires de gestion et une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La MUTUALITÉ DE PROVENCE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.

Après la clôture des débats, les appelantes ont déposé une note en date du 5 novembre 2010 complétée par une autre note du 18 novembre 2010 par lesquelles elles rectifient les montants des indemnités proposées en fonction de la créance actualisée de RSI et demandent le remboursement par cette caisse d'un trop perçu de 13. 659, 46 euros après application d'un partage de responsabilité à hauteur de 50 %.

Par courrier du 9 novembre 2010, les avoués de RSI s'opposent à l'admission de cette note.

A l'audience, le Président n'a pas demandé le dépôt d'une note en délibéré. En application de l'article 445 du Code de Procédure Civile, les notes déposées les 5 et 18 novembre 2010 par les appelantes seront écartées des débats.

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

**

MOTIFS

SUR LE DROIT A INDEMNISATION

Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES demandent la réduction du droit à indemnisation de M X... à 50 % en invoquant l'interdiction de faire circuler la motocyclette équipée de pneus cross sur la voie publique, une vitesse excessive et un freinage défectueux. Elles produisent deux rapports unilatéraux d'experts accidentologues.

M X... conteste toute faute de sa part ayant concouru à la réalisation de son dommage alors qu'il ne pouvait pas voir le véhicule de Mme A... en raison du bosquet d'arbustes et que celle-ci a avancé sur la chaussée, ce qui est, selon lui, la cause unique de l'accident. Il conteste les rapports unilatéraux qu'il estime fondés sur des affirmations gratuites et des suppositions sans élément probant.

En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages résultant d'atteintes à la personne qu'il a subies sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation du conducteur victime ou de l'exclure. Cette faute doit être appréciée en faisant abstraction du comportement des autres conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident. Il n'y a pas lieu de rechercher si la faute du conducteur victime est la cause exclusive de l'accident, cette condition n'étant pas prévue par la loi.

Au vu du procès-verbal d'accident établi par les services de gendarmerie de BOLLENE, des photographies et des pièces produites comprenant notamment deux rapports d'expertises unilatérales mais soumis à la discussion contradictoire des parties ainsi qu'un constat d'huissier en date du 20 février 2003 régulièrement communiqué, la Cour dispose de tous les éléments suffisants pour statuer. Il n'y a pas lieu à nouvelle expertise.

Le Tribunal a précisément rappelé la teneur du procès-verbal de synthèse établi par les services de gendarmerie selon lequel : " la conductrice du véhicule A (Mme A...) sortait de son domicile situé chemin ... à MORNAS. Elle s'engage de 22 cm sur la chaussée pour lui permettre d'avoir une meilleure visibilité quant à la manoeuvre qu'elle va effectuer. À ce moment-là, elle percute la motocyclette B venant de sa gauche et se dirigeant vers le centre-ville de MORNAS. Le motard a été déséquilibré par le choc qui, compte tenu des dégâts constatés sur le véhicule A a été vraisemblablement léger. " Il est en outre indiqué que des arbres étaient situés sur le côté droit de la chaussée dans le sens de marche du motocycliste, que la visibilité était masquée et réduite pour le véhicule automobile, que la vitesse maximale était limitée à 30 km/ heure et qu'il n'y avait pas de signalisation. Mme A... a déclaré qu'elle ne se sentait pas responsable de l'accident car elle était à l'arrêt et non-engagée sur la chaussée et qu'elle estimait que le motard roulait excessivement vite, le chemin étant limité à 30 km/ heure.

M. X... a déclaré qu'il ne se servait de cette motocyclette que pour faire du chemin ou des courses, qu'en revenant de randonnée il s'est trouvé sur une petite route goudronnée bordée de cyprès et d'arbres, qu'il portait son casque et roulait à 30 ou 40 km/ h phare allumé quand soudain un véhicule a déboîté sur sa droite et s'est engagé sur la route qu'il n'a pas pu éviter et qui est venu le percuter avec son avant sur son côté droit, qu'il a été projeté et s'est retrouvé face à terre en ne sentant plus rien dans ses cuisses et qu'il est paralysé des jambes depuis l'accident.

Le choc entre la motocyclette conduite par M. X... et le véhicule automobile conduit par Mme A... est établi par les constatations par les enquêteurs de traces sur le côté droit de la moto et sur l'avant du véhicule de Mme A... ; les deux véhicules sont impliqués dans l'accident de la circulation au sens de l'article premier de la loi du 5 juillet 1985.

La vitesse excessive du motocycliste n'est aucunement établie par les éléments résultant de l'enquête de gendarmerie et les rapports d'expertise technique unilatéraux émettent de simples hypothèses à partir d'une analyse du choc mais ne constituent pas la preuve de la vitesse alléguée. D'ailleurs le procès-verbal d'enquête et les photographies y annexées montrent que le choc a été léger sur le véhicule automobile ce qui ne serait pas le cas si la vitesse de la moto avait été excessive puisqu'il y a eu collision, et ce même en tenant compte d'une trajectoire de la moto telle que retenue par les experts mandatés par les appelantes soit perpendiculaire au véhicule automobile au moment du choc.

Comme pertinemment retenu par le Tribunal, le freinage défectueux de la motocyclette (d'ailleurs présenté comme une hypothèse non prouvée dans l'avis technique APEX produit par les appelantes), la prétendue qualité défectueuse du seul pneumatique de type mono cross emportant selon l'expert accidentologue interdiction de faire circuler la motocyclette sur la voie publique (non relevée par les gendarmes) ou le défaut de maîtrise ne sont ni caractérisés ni en relation de causalité directe avec la réalisation du dommage subi par M. X.... En effet, il résulte des photographies annexées au procès-verbal d'enquête que celui-ci ne pouvait pas, en raison de la végétation, voir le véhicule de Mme A... avant la collision qui est survenue au moment de l'engagement de celle-ci sur la voie de circulation, après les bosquets et il ne pouvait donc ni freiner ni tenter une manoeuvre d'évitement. Sa position à droite de la chaussée est conforme aux règles de la circulation.

Les deux rapports unilatéraux dont se prévalent les appelantes sont en totale contradiction avec les constatations des gendarmes et les photographies produites, notamment celles annexées au procès-verbal et celles prises par huissier le 23 février 2003 soit quelques jours après l'accident, qui confirment que le motocycliste ne pouvait voir la voiture qu'au dernier moment lorsqu'elle s'est engagée sur la voie de circulation en sortant de sa propriété. Les constatations des gendarmes sur la motocyclette mentionnent un bon état apparent du système de freinage.

Le défaut d'assurance est, comme exactement retenu par le Tribunal, sans aucune relation de causalité avec la réalisation du dommage.

Le Tribunal a donc, après avoir examiné dans le détail l'ensemble des éléments de la cause concernant le comportement de M. X..., exactement retenu que ce dernier n'a pas commis de faute ayant contribué à la réalisation de son dommage. Les pièces produites devant la Cour ne sont pas de nature à remettre en cause cette analyse pertinente. La confirmation de la décision déférée du chef du droit de M. X... à entière indemnisation s'impose.

SUR LE PRÉJUDICE

L'expert judiciaire relève qu'à la suite de l'accident du 26 janvier 2003, M. X... a présenté une fracture D5/ D6, des lésions médullaires et une paraplégie flasque d'emblée d'où une paralysie de l'ensemble des métamères sous-jacents. Il a constaté au jour de son examen une paraplégie haute sur le plan fonctionnel, une position assise non autonome, des troubles urinaires, des troubles sexuels, des troubles de la défécation et des éléments constitutifs d'un syndrome dépressif actuellement parfaitement compensé.

Les conclusions de l'expert sont les suivantes :
"- ITT du 26 janvier 2003 au 10 mars 2004,
- date de consolidation des blessures : 10 mars 2004, jour de l'expertise, l'état du blessé étant stabilisé et aucune amélioration ni aggravation n'existant depuis plusieurs mois ; les lésions osseuses sont parfaitement consolidées et des lésions nerveuses ne présenteront pas de récupération ;
- incapacité permanente partielle : 75 % tous reliquats invalidants confondus,
- préjudice de la douleur : 6/ 7 (important) pour les différentes interventions, la longue rééducation y compris la souffrance morale,
- préjudice esthétique : 5/ 7
- tierce personne : quatre heures d'auxiliaire de vie journalière et six heures d'aide ménagère hebdomadaire,
- préjudice d'agrément : perte définitive de possibilité pour le blessé de s'adonner à ses activités de loisirs,
- répercutions professionnelles : les activités professionnelles de la victime se faisant à l'extérieur s'agissant de plomberie, chauffage, électricité et celle-ci travaillant sur les chantiers qui lui seront complètement inaccessibles, aucune de ces activités n'ont pu et ne pourront être reprises,
- une incidence sexuelle. "

M. X... était âgé de 39 ans à la date de l'accident. Il exerçait la profession d'artisan électricien ; En considération de l'âge et de la situation de la victime, au vu du rapport d'expertise judiciaire et des pièces produites soumises à la discussion contradictoire des parties, et faisant application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 d'application immédiate aux situations en cours, relatif aux recours des tiers payeurs qui s'exerce désormais poste par poste, la réparation du préjudice corporel de M. X... sera fixée comme suit :
1- Préjudices patrimoniaux :
A) avant consolidation :
– 1) dépenses de santé actuelles :

L'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation a été pris en charge par la CAISSE REGIONALE DE PROVENCE ; leur montant de 101. 003, 40 € n'est pas contesté.

– 2) perte de gains professionnels actuels
La durée de l'ITT est de 13 mois et demi. L'année précédant l'accident, M X... a réalisé un bénéfice de 24 500 € confirmé par l'avis d'imposition produit aux débats. L'évaluation de ce poste de préjudice par le Tribunal à hauteur de 27. 562, 50 € avant déduction des indemnités journalières de 8 551, 83 euros soit un solde de 19 010, 67 € n'est pas contestée.

– 3) frais divers
Il s'agit de tous les frais d'ordre matériel exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures.
Au vu des justificatifs produits, le Tribunal a alloué de ce chef la somme de 23. 479, 63 € qui n'est pas contestée par M X... et qui correspond selon ses écritures à des frais de remorquage, aux changements de casque, à l'automatisation du portail, à un coussin voiture, à une literie adaptée, à des frais de location de matériel, et des honoraires déboursés auprès de praticiens et non remboursés.

Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES concluent à la réduction de ce poste de préjudice à 5 080, 57 € au motif que seuls peuvent être pris en compte les frais de régularisation du permis de conduire, les frais de réparation moto et de remorquage et la facture de Hélio moto, de changement de casque, de télévision, de chambre pour les accompagnants, des honoraires de l'ergothérapeute et ceux du docteur F.... Elles demandent l'exclusion des autres postes qui concernent des aides techniques ou des aménagements du domicile, des frais non justifiés de location de matériel et de CDEO médical ainsi que la demande de remboursement des honoraires du Dr G... dont l'intervention n'a pas été envisagée par l'expert judiciaire.

Les frais divers non contestés par les appelantes doivent effectivement être pris en compte puisqu'ils correspondent soit à des frais exposés en conséquence directe du préjudice matériel de l'accident, hors frais médicaux, soit à des honoraires de médecins et spécialistes dont l'intervention était nécessaire pour évaluer le préjudice. En revanche, les frais de déplacement et de location de matériel ne sont pas justifiés et ont d'ailleurs été écartés pour les premiers par le Tribunal qui a toutefois retenu au titre des frais divers le remboursement d'équipements constituant des éléments de l'adaptation du logement (automatisation du portail, visiophone, porte coulissante) ou encore des aides techniques à charge alors que, comme soutenu par les appelantes, ces dépenses sont indemnisées distinctement.

Les frais d'ostéopathie engagés pour atténuer certaines des douleurs physiques doivent être prises en compte car en lien direct avec les séquelles. Il revient donc à la victime au titre des frais divers, hors aménagements du logement et aides techniques, une somme de 6. 373 €.

4) aides techniques à charge
Le montant des dépenses techniques à charge concernant le fauteuil roulant, la literie adaptée au handicap, le coussin anti-escarres, le matériel de verticalisation, la chaise douche évalué par le Tribunal à 5 685, 26 € au vu des justificatifs produits n'est contesté par aucune des parties.

B) préjudices patrimoniaux permanents :

La table de capitalisation appliquée par le Tribunal correspond au barème TD 88/ 90 au taux de 3, 11 % soit une valeur de l'euro de rente viager de 19, 8400 pour un homme de 41ans (âge de la victime à la consolidation) et de 17, 8473 pour un homme de 47ans (âge de la victime à la date du présent arrêt). Devant la Cour, Mme A... et de la SA SERENIS ASSURANCES demandent l'application d'un taux de 3, 67 % en temporaire 65 ans soit une valeur de l'euro de rente de 12, 088. M. X... se prévaut de l'application du barème TD 88/ 90 au taux d'intérêt de 3 % tout en demandant expressément, concernant la perte de gains futurs, la confirmation du taux de 3, 11 % retenu par le Tribunal (page 14 des écritures récapitulatives). Ce taux sera retenu, à défaut de demande d'application d'un barème autre que le TD 88/ 90, car plus adapté aux données économiques actuelles, le taux de 3, 67 % correspondant à des paramètres aujourd'hui obsolètes.

*dépenses de santé futures
Le montant retenu par le Tribunal de 166. 351, 78 € correspond au décompte de la Caisse Régionale de Provence selon son état définitif du 28 octobre 2005 et a été réglé à celle-ci. M X... ne formule aucune réclamation à ce titre mais demande la confirmation du jugement déféré au titre des aides techniques restant à charge capitalisées pour un montant total de 22. 086, 81 €. Cette indemnité sera confirmée, les frais afférents à ces aides techniques devant être capitalisés compte tenu de l'état séquellaire définitif.

*frais de logement adapté
Ces dépenses concernent les frais que doit débourser de la victime à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier d'un habitat en adéquation avec ce handicap. En l'espèce, le Tribunal a alloué une indemnité de 64 940, 21 € au vu de l'évaluation du projet d'aménagement par l'ergothérapeute à la date du 12 octobre 2003. Les parties s'accordent sur ce montant, seule l'actualisation ordonnée par le Tribunal jusqu'à la date de sa décision est contestée par Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES compte tenu des provisions versées qui permettaient selon elles d'assumer ces dépenses. Le préjudice est évalué à la date de la décision et l'actualisation du devis établi en 2003 doit être confirmée étant observé que ce coût des travaux d'aménagement n'inclut pas les frais d'adaptation du logement exposés à titre temporaire couverts par les provisions.

*frais de véhicule adapté
Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un véhicule aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent. Il inclut également le surcoût lié à l'acquisition et au renouvellement du véhicule.
M. X... demande l'allocation d'une indemnité de 68 000 € au motif qu'il a dû acheter un véhicule de gamme supérieure pour un prix de 33. 042 € dont le surcoût par rapport à un véhicule de gamme moyenne est, selon lui, de 15. 000 euros outre les frais d'aménagement de 2496, 15 €, ces dépenses devant être capitalisées sur la base d'un amortissement sur cinq ans.

Le coût des aménagements pour adapter le véhicule au handicap de la victime est justifié. Le Tribunal a retenu ce seul poste avec capitalisation à l'exclusion du surcoût du véhicule non justifié. Devant la Cour, la facture produite inclut le coût total d'un véhicule AUDI haut de gamme de 33. 042 € sur laquelle seuls doivent être pris en compte les équipements spéciaux justifiés par le handicap de M X... concernant l'aide au stationnement, le détecteur de luminosité pour un montant de 894, 65 €. En outre, il y a lieu de tenir compte du surcoût du véhicule lié à la nécessité d'avoir des portes et un espace adaptés au transport du fauteuil roulant, qui doit être évalué à 4000 €. La dépense totale concernant le véhicule liée au handicap s'évalue donc à 1. 478, 16 € par an compte tenu d'un amortissement sur cinq ans (2. 496, 15 € + 894, 65 € + 4. 000 €) : 5. Après capitalisation sur la base de l'euro de rente viager à la date de consolidation, il revient à M X... une somme de 29 327 €.

*assistance par tierce personne
Ce poste de préjudice vise à indemniser la victime de la présence nécessaire d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

La demande de M. X... est expressément limitée dans la durée au 24 septembre 2008, compte tenu du complément d'expertise ordonné par le Tribunal sur ce point, M X... ne souhaitant pas une évocation par la Cour de ce chef pour bénéficier du double degré de juridiction. Il y a donc lieu de statuer seulement sur l'indemnisation provisionnelle de la tierce personne pour la période du retour à domicile, soit le 23 septembre 2003 jusqu'au 23 septembre 2008. La victime doit en effet être indemnisée de ses besoins d'assistance humaine à compter de la date de son retour à domicile et non seulement à compter de la date de consolidation comme soutenu à tort par Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES, l'aide temporaire devant également être indemnisée en fonction des besoins de la victime et non des dépenses justifiées.

L'expert judiciaire a retenu comme indispensables la présence d'une auxiliaire de vie quatre heures par jour ainsi que celle d'une aide ménagère six heures par semaine, ces besoins devant être réévalués pour l'avenir après réalisation des travaux d'aménagement du logement pour l'adapter au handicap de M. X....

Le Tribunal a donc, à juste titre, ordonné un complément d'expertise au vu duquel le Tribunal sera à nouveau saisi.

L'estimation par l'expert du nombre d'heures nécessaires en auxiliaire de vie (quatre heures par jour) et en aide ménagère (six heures par semaine) pour la période considérée n'est pas contestée.

Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES demandent la réduction des coûts horaires retenus par le Tribunal à 11 € pour l'auxiliaire de vie et 10 € pour l'aide ménagère ; M X... demande au contraire l'augmentation de ces coûts à 20 € pour l'auxiliaire de vie et 12 € pour l'aide ménagère. Il produit des devis de l'ADMR et des études de M. H... et de M. I..., experts-comptables. Toutefois, ces estimations et analyses sont générales, concernent des assistances de 24h sur 24 et ne portent pas sur une étude des besoins réels d'assistance de M X... au vu des constatations et conclusions expertales. Les besoins en auxiliaire de vie ne correspondent pas à une aide médicalisée.

Au vu des pièces produites et du rapport de l'expert judiciaire, les coûts horaires retenus par le tribunal sur la base de 14 € pour l'auxiliaire de vie et de 11 € pour l'aide ménagère ont été exactement appréciés tenant compte de la nature des aides, des charges patronales et des congés payés et seront confirmées soit un total pour la période considérée, jusqu'au 23 septembre 2008, de 119. 360 €, somme allouée à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation définitive de la tierce personne.

*perte de gains professionnels futurs
Il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation, consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

M. X... était artisan en plomberie-chauffage-électricité et réalisait lui-même les travaux. Atteint de paraplégie, il ne pourra pas reprendre son activité professionnelle et la gravité de son handicap fait obstacle à l'exercice d'une quelconque activité. Les parties s'accordent sur un revenu annuel net de 24. 500 euros perçu avant l'accident. L'indemnisation de la perte de gains professionnels doit inclure l'incidence de la perte des droits à la retraite qui étaient afférents à la situation professionnelle avant l'accident. Contrairement aux affirmations de Mme A... et de la SA SERENIS ASSURANCES, le fait d'avoir cotisé antérieurement à l'accident ne supprime pas la perte des droits à la retraite résultant du handicap lequel rend impossible l'exercice d'une quelconque activité professionnelle à l'âge de 41 ans, ce qui justifie une capitalisation sur la base de l'euro de rente viager comme à juste titre retenu par le Tribunal.

Les parties s'accordent pour reprendre un calcul distinguant la période ayant couru à compter du 10 mars 2004, date de consolidation, jusqu'à la décision à intervenir sur la base de 24 500 € par an ce qui correspond à 2041, 66 € par mois, puis celle courant à compter du présent arrêt, sur la base d'une perte annuelle de 24 500 € capitalisée. La valeur de l'euro de rente viager pour un homme de 47 ans est, en fonction de la table sus-visée, de 17, 8473.

Il y a lieu de déduire le montant de la pension invalidité versée par RSI. Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES proposent en page 22 de leurs écritures récapitulatives soit de réserver l'indemnisation de la victime et le droit à remboursement de la caisse si elle n'a pas fait connaître sa créance définitive soit de liquider l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs en tenant compte d'un montant capitalisé de la pension d'invalidité versée de 935, 33 €. Avant l'ouverture des débats et après révocation de l'ordonnance de clôture, RSI a fait connaître le montant des arrérages échus au 31 octobre 2010 s'élevant à 80. 769, 58 € et la capitalisation " fictive " de la pension d'invalidité pour 163. 103, 22 € à la même date soit un total de 243 872, 80 €.

Le responsable et son assureur ne peuvent être condamnés sans leur accord préalable à payer le montant du capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité, seuls l'Etat, les collectivités locales et les établissements publics pouvant exiger ce versement en application de l'ordonnance du 7 janvier 1959. En l'espèce, Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES seront condamnées in solidum à payer les arrérages échus s'élevant à 80 769, 58 € et les arrérages à échoir au fur et à mesure de leur échéance à hauteur du capital représentatif.

Il revient donc à M. X... :
- de la consolidation (10 mars 2004) au 10 janvier 2011 :
2041, 66 € x 82 mois = 167 416, 12,
- à compter du présent arrêt : 24 500 € x 17, 8473 = 437. 258, 85 €
- soit un total de : 604. 674, 97 € (167. 416, 12 + 437. 258, 85)
dont à déduire la pension invalidité de 243. 872, 80 € soit un solde de 360. 802, 17 € arrondi à 360 803 €.

L'indemnité revenant à la victime sera versée en capital compte tenu de l'âge et de la situation de la victime en capacité de gérer ses revenus pour pourvoir à son avenir.

*

2- préjudices extra-patrimoniaux :
A) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

*déficit fonctionnel temporaire :
Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle subie par celle-ci jusqu'à sa consolidation. Il correspond aux périodes d'hospitalisation mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante subies par la victime pendant la durée de l'incapacité. Cette invalidité dans la sphère personnelle de la victime jusqu'à la consolidation est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des documents produits devant la Cour que M. X... a subi des troubles importants dans les actes de la vie courante pendant une période de 13 mois et demi avant consolidation. L'indemnité de 8 235 € non contestée par les parties sera confirmée.

*souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique c'est-à-dire du jour du dommage à celui de sa consolidation.

L'expert judiciaire a chiffré à 6 sur 7 les souffrances endurées par M X... imputables à l'accident. Compte tenu de la gravité des blessures initiales, du retentissement psychologique, de la nature et de la durée des soins subis, le Tribunal a exactement apprécié la réparation des souffrances endurées par l'allocation d'une indemnité de 40 000 €.

B) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

1) déficit fonctionnel permanent :
Ce poste de dommage non économique est lié au déficit définitif résultant de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime. Le déficit fonctionnel permanent correspond à un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime.

En l'espèce, l'IPP de 75 % résulte :

* sur le plan de la sensibilité, des hyperesthésies de la partie abdominale basse du tronc et des membres inférieures particulièrement invalidantes ;
* sur le plan génito-urinaire, d'un dysfonctionnemt vésico et recto sphinctérien neurologique central ;
* sur le plan moteur, d'un oedème des membres inférieurs bilatéral et des troubles trophiques au niveau des deux pieds et des deux malléoles ;
* sur le plan fonctionnel, de la perte de capacité de déplacement et sa capacité de verticalisation, la position assise ne pouvant être maintenue qu'aidée par un corset, le tonus musculaire étant insuffisant pour se réadosser et se redresser lors de la position penchée en avant, cette insuffisance ne lui permettant pas les actes élémentaires ; la motricité des membres inférieurs se limite sur le plan fonctionnel à une faible action des releveurs des orteils à droite ;
* sur le plan urinaire, de l'absence d'émissions d'urines spontanées, les auto-sondages s'effectuant cinq fois par jour ;
* sur le plan de l'ampoule rectale, des difficultés d'élimination.
Compte tenu de la nature des séquelles subies et de leur évaluation par l'expert, il sera alloué au titre du déficit fonctionnel permanent, une indemnité de 250 000 euros ;

2) préjudice esthétique permanent :
Ce poste de dommage vise à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime ; il a un caractère strictement personnel.

En l'espèce, M. X... présente diverses cicatrices, une amyotrophie et doit se déplacer en fauteuil roulant. L'allocation d'une somme de 30 000 € par le Tribunal sera confirmée compte tenu de l'évaluation par l'expert à 5/ 7 de ce préjudice.

3) préjudice d'agrément :
Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice d'agrément spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu une impossibilité de s'adonner à ses activités de loisirs puisque M X... est atteint de paraplégie. Il ne peut plus pratiquer la moto qui était son loisir favori. L'indemnisation de 40. 000 € allouée par le tribunal sera ramenée à 30 000 € compte tenu de la prise en compte de la privation des agréments de la vie au titre du déficit fonctionnel permanent ci-dessus indemnisé.

4) préjudice sexuel
Ce préjudice résulte de l'altération partielle ou totale, séparée ou cumulative, des trois aspects de la fonction sexuelle : la libido, l'acte sexuel proprement dit et la fertilité. Il se distingue du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel permanent ; son évaluation est modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu une incidence sexuelle car s'il existe quelques réactions réflexes au moment des sondages, il y a une absence complète de plaisir et d'éjaculation. Le Tribunal a précisément rappelé les constatations expertales concernant l'absence de toute sensibilité tant au niveau du scrotum que de la verge et retenant que si l'érection est possible, elle n'est pas ressentie et qu'il existe une hypoesthésie de l'ensemble de la zone sexuelle avec impossibilité d'éjaculation. S'il n'y a pas d'impossibilité de procréer au moyen d'une méthode médicalement assistée, M X... est toutefois privé de toute vie sexuelle alors qu'il n'était âgé que de 41 ans à la consolidation.

L'indemnité de 40 000 € allouée par le Tribunal sera confirmée.

5) préjudice d'établissement
Ce préjudice se définit comme un préjudice tellement important qu'il fait obstacle à la réalisation de tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap.

À la date de l'accident, M X... était célibataire mais pouvait encore prétendre à réaliser une vie de couple et une vie familiale. L'expert judiciaire a relevé l'existence de difficultés relationnelles et de rapport avec l'autre. Il est certain que le handicap sévère de M X..., les troubles relationnels et l'absence de tout désir et possibilité de relation sexuelle normale constituent des obstacles majeurs à l'établissement d'une vie conjugale durable ; c'est donc à juste titre que le Tribunal a indemnisé ce poste de préjudice sans excéder la demande totale formulée par M. X... au titre du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement. Le montant de cette indemnité fixé à 20 000 € sera confirmé.

En définitive, le préjudice corporel subi par M. AUBERT à la suite de l'accident du 26 janvier 2003 s'établit comme suit :

I-PRÉJUDICES PATRIMONIAUX :
– dépenses de santé actuelles101. 003, 40 € prises en charge
– frais divers : 6. 373, 00
– aides techniques actuelles : 5. 685, 26
– perte de gains professionnels actuels : 19. 010, 67
– dépenses de santé futures : 166. 351, 78 € prises en charge
– aides techniques futures à charge : 22. 086, 81
– frais de logement adapté avant actualisation : 64. 940, 21
– frais de véhicule adapté : 29. 327, 00
– assistance par tierce personne à titre
provisionnel : 119. 360, 00
– perte de gains professionnels futurs :
dont à déduire, la pension d'invalidité versée par RSI
Solde revenant à la victime : 360. 803, 00

II-PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX :
– déficit fonctionnel temporaire : 8. 235
– souffrances endurées : 40. 000
– préjudice esthétique : 30. 000
– déficit fonctionnel permanent : 250. 000
– préjudice d'agrément : 30. 000
– préjudice sexuel : 40. 000
– préjudice d'établissement : 20. 000

Total : 1. 045. 820, 95 €

Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES seront condamnées in solidum à payer cette somme sous déduction des provisions et autres sommes déjà réglées.

Le jugement déféré sera donc réformé, au vu des éléments actualisés soumis à la Cour, des seuls chefs du montant de l'évaluation totale du préjudice de M X... et par voie de conséquence du montant des condamnations à paiement au bénéfice de ce dernier ainsi que des dispositions concernant la créance de RSI fixée définitivement par le présent arrêt et de la condamnation à paiement au profit de cette caisse.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DEPENS

Au visa de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à Monsieur X... une somme supplémentaire de 2000 €. Il n'y a pas lieu à application de ce texte au profit de RSI ; une somme de 966 € sera accordée à cette caisse au titre de ses frais de gestion.

Les dépens seront mis à la charge des appelantes qui succombent sur l'essentiel de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Dit l'appel régulier et recevable en la forme,

Vu les articles 442 et suivants du Code de Procédure Civile,

Ecarte des débats les notes en délibérée déposées par les appelantes les 5 et 18 novembre 2010,

Réforme le jugement déféré des seuls chefs du montant de l'évaluation totale du préjudice de M X... et par voie de conséquence du montant des condamnations à paiement prononcées au bénéfice de ce dernier ainsi que des dispositions concernant la créance de RSI fixée définitivement par le présent arrêt et de la condamnation à paiement au profit de cette caisse.

Statuant à nouveau sur ces points,

Fixe le préjudice de Monsieur X... à 1. 045. 820, 95 €, ce montant ne comprenant pas les frais pour tierce personne après le 23 septembre 2008 qui seront évalués par le Tribunal au vu du complément d'expertise ordonné par la décision entreprise,

Condamne in solidum Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES à payer à Monsieur X... outre intérêts légaux à compter du jugement déféré, déduction faite des créances des organismes sociaux, la somme de 1. 045. 820, 95 € dont seront déduites les provisions et sommes déjà versées,

Les condamne sous la même solidarité à payer à RSI la somme de 80. 769, 58 € outre intérêts légaux à compter du présent arrêt au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité ainsi que les arrérages à échoir au fur et à mesure de leur échéance à hauteur du capital représentatif de 163. 103, 22 €, outre une somme de 966 € au titre des frais de gestion,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Déboute les appelantes de leurs demande de remboursement,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de RSI,

Condamne in solidum Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES à payer à Monsieur X... la somme supplémentaire de 2. 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit le présent arrêt opposable à la MUTUALITE DE PROVENCE,

Condamne Mme A... et la SA SERENIS ASSURANCES aux dépens qui seront distraits au profit des SCP PERICCHI, CURAT-JARRICOT, avoués, sur leurs affirmations de droit.

Arrêt signé par M. BRUZY, Président et Mme VILLALBA, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 08/05196
Date de la décision : 11/01/2011

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Carpentras


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-11;08.05196 ?
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