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08/06/2010 | FRANCE | N°343

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile 1ère chambre a, 08 juin 2010, 343


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT DU 08 JUIN 2010
ARRÊT No343
R. G. : 09/ 03990
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 24 août 2009

X... MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE

C/
MUTUELLE DU MIDI Y... Y... CPAM DU VAUCLUSE

APPELANTS :
Monsieur Sébastien X......... 84580 OPPEDE

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Camille MAURY, avocat au barreau de NÎMES

MACIF PROVENCE MEDITERRANEE, poursuites et diligences de ses représentants légaux de sa Délégation Régional

e sise Centre de Gestion BP 40152 Quartier Fourchon 13631 ARLES CEDEX

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT DU 08 JUIN 2010
ARRÊT No343
R. G. : 09/ 03990
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 24 août 2009

X... MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE

C/
MUTUELLE DU MIDI Y... Y... CPAM DU VAUCLUSE

APPELANTS :
Monsieur Sébastien X......... 84580 OPPEDE

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Camille MAURY, avocat au barreau de NÎMES

MACIF PROVENCE MEDITERRANEE, poursuites et diligences de ses représentants légaux de sa Délégation Régionale sise Centre de Gestion BP 40152 Quartier Fourchon 13631 ARLES CEDEX

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me Camille MAURY, avocat au barreau de NÎMES

INTIMÉS :

Monsieur Jeannick Y... né le 25 Janvier 1957 à APT (84)... 84400 APT

représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON

Mademoiselle Laetitia Y... née le 18 Mars 1981 à APT (84)... ... 84400 APT

représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON

CPAM DU VAUCLUSE poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 7 Rue François Ier BP 324 84043 AVIGNON CEDEX 9

Assignée à personne habilitée n'ayant pas constitué avoué

MUTUELLE DU MIDI poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 16 la Canebière 13001 MARSEILLE 01

Assignée à personne habilitée n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER : Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Avril 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2010 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 08 Juin 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour * * *

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Melle Laetitia Y..., âgée de 17 ans, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'elle était passagère transportée du véhicule conduit par M. X... assuré auprès de la MACIF PROVENCE MEDITERRANEE. Par ordonnance de référé du 29 janvier 2003, le Dr D... a été désigné en qualité d'expert et une provision de 15. 245 € s'ajoutant à une précédente provision de 3. 048, 98 € a été allouée à Mlle Y.... Le rapport d'expertise a été déposé le 5 mai 2003 concluant notamment à une IPP de 5 % et à l'aptitude physique et intellectuelle de la victime à reprendre ses activités antérieures.
Par exploits en date des 29 mars et 1er avril 2005, Mlle Y... a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon Mr X... et son assureur, la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE, la CPAM d'Avignon, la MUTUELLE DU MIDI pour obtenir l'institution d'une nouvelle expertise médicale. Par jugement du 14 mars 2006, le Tribunal de Grande Instance d'Avignon a fait droit à la demande et désigné le Dr F... en qualité d'expert. Le Dr G... a été désigné en remplacement du Dr F... ; il a déposé son pré-rapport le 9 juin 2008 puis son rapport définitif.
Mlle Y... et son père, M Jeannick Y..., qui est intervenu volontairement à l'instance, ont demandé la condamnation in solidum de M. X... et de la MACIF à réparer leurs préjudices.
Par jugement du 24 août 2009, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a, après révocation de la clôture et fixation d'une nouvelle clôture au 19 juin 2009 :
- déclaré recevables les conclusions signifiées par le défendeur le 5 juin 2009,- déclaré recevable en la forme l'intervention volontaire de M. Y...,- condamné in solidum M X... et la MACIF à payer à :

Mlle Laetitia Y... les sommes de : * 615. 517, 96 €, en deniers ou quittances, en réparation du préjudice corporel, * 460, 67 € en réparation du préjudice matériel, * 2000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

M. Y... les sommes de : * 5. 000 € en réparation de son préjudice moral, * 1. 500 € en réparation de ses frais de transport ;

- condamné in solidum M. X... et la MACIF aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire,- ordonné l'exécution provisoire de la décision,- rejeté toutes autres prétentions.

M. X... et la MACIF ont relevé appel de cette décision. Ils ont saisi M. le Premier Président d'une demande d'autorisation de consigner partie des dommages-intérêts alloués à Mlle Y... ; cette demande a été rejetée par ordonnance du 7 décembre 2009 et l'affaire a été fixée prioritairement.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le :-19 janvier 2010 pour Mlle Laetitia Y... et M Y...,-24 mars 2010 pour M. X... et la MACIF.

Les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement déféré pour voir dire et juger qu'il n'est nullement établi que l'accident a pu occasionner une incidence professionnelle ouvrant droit à indemnisation.

Subsidiairement, ils entendent voir constater que ce préjudice professionnel ne se traduit pas par une perte de gains définitive mais tout au plus par une incidence professionnelle justifiant une indemnisation forfaitaire qui ne saurait être équivalente au montant de l'indemnité allouée mais doit être fixée à 15. 000 €. Ils concluent au rejet des demandes de réparation d'un préjudice scolaire faisant, selon eux, double emploi avec l'incidence professionnelle, et de l'indemnisation d'une tierce personne en l'absence de nécessité de cette assistance. À titre infiniment subsidiaire, ils demandent la réduction du temps d'assistance et la réformation du mode de calcul et d'attribution de l'indemnisation qu'ils entendent voir fixer sous forme de rente. Ils demandent à la Cour de déclarer satisfactoires leurs offres d'indemnisation concernant les postes de préjudice à caractère personnel soit 1710 € en réparation du déficit fonctionnel temporaire sur la base de 450 € par mois, 70. 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent de 35 % sur la base de 2. 000 € le point, 2. 100 € en réparation du préjudice esthétique et 4000 € au titre des souffrances endurées. Ils concluent au rejet des demandes formées au titre du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel qu'ils estiment devoir être rapporté au syndrome dépressif réactionnel déjà pris en considération dans le taux d'IPP.
Mlle Y... et M Y... forment appel incident et présentent les demandes suivantes :- " AU PRINCIPAL INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 24 août 2009, CONDAMNER la compagnie MACIF à payer à Mlle Laetitia Y... à titre de dommage-intérêts correspondant au préjudice subi à la suite de l'accident de la voie publique du 4 janvier 1998, les sommes suivantes :

- PRÉJUDICES PATRIMONIAUX a) Préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation : Dépenses de santé actuelles : donner acte à Mlle Y... de ce qu'elle entend faire siennes les demandes présentées par la Caisse et que la Caisse sera subrogée en ses droits ; Frais divers (effets personnels) : 460, 67 euros b) Préjudices patrimoniaux permanents après consolidation : Dépenses de santé futures : A réserver Assistance par tierce personne : Tierce personne échue : 79. 862 euros Tierce personne à venir et capitalisée : 1. 245. 000, 88 euros Pertes de gains professionnels futurs : 159. 434, 184 euros Incidence professionnelle : 30. 000 euros Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 50. 000 euros-PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX Préjudices extra-patrimoniaux temporaires : Déficit fonctionnel temporaire : 16. 800 euros Préjudice esthétique temporaire : 10. 000 euros Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation : Déficit fonctionnel permanent : 140. 000 euros Préjudice d'agrément : 25. 000 euros Préjudice esthétique permanent : 4. 000 euros Préjudice sexuel : 30. 000 euros

Recevoir Mr Jeannick Y..., père de Mlle Laetitia Y..., en son intervention volontaire ; Condamner la Compagnie MACIF à payer à Mr Jeannick Y... la somme de 25. 000 € au titre du préjudice d'affection ; Condamner la Compagnie MACIF à payer à Mr Jeannick Y... au titre de ses frais de transports la somme de 1. 968, 67 euros.

SUBSIDIAIREMENT Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 24 août 2009 ; En tout état de cause : condamner la Compagnie MACIF à payer à Mlle Y... la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile La condamner au paiement des dépens, qui comprendront les frais d'expertise. ",

La CPAM du Vaucluse, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile. Par courrier en date du 14 juin 2005, cet organisme social a fait connaître le montant définitif de sa créance s'élevant à 20. 466, 44 € et se décomposant comme suit :- frais médicaux et pharmaceutiques : 1. 273, 64 €- frais d'hospitalisation : 19. 145, 35 €- frais de transport : 47, 45 €.

Ce décompte a été confirmé par courrier du 1er février 2010.
La MUTUELLE DU MIDI, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.
MOTIFS
Comme à juste titre relevé par le Tribunal, le droit à indemnisation de Mlle Y... n'est pas contesté ; l'intervention volontaire de son père pour obtenir réparation de ses préjudices d'affection et matériel a, à bon droit, été déclarée recevable, cette intervention volontaire n'étant soumise à aucun formalisme.
Concernant le préjudice subi par Mlle Y..., l'expert judiciaire relève qu'à la suite de l'accident du 4 janvier 1998, Mlle Y... a subi un traumatisme crânien avec perte de connaissance, coma d'emblée et Glasgow à 5, une plaie du scalp frontal gauche, une plaie avec perte de substance du coude droit, une plaie du genou gauche et de la face dorsale de la main droite, un traumatisme dentaire et de multiples dermabrasions.
Les conclusions du Dr G..., neurochirurgien, sont les suivantes : "- la date de consolidation des blessures peut-être reconnue 24 mois après le traumatisme crânien soit le 4 janvier 2000 car on sait que ces traumatisés crâniens ne sont que rarement évolutifs après deux ans de recul,- l'ITT s'est étendue jusqu'au 27 avril 1998 avec son retour à l'école,- il existe une atteinte permanente de plusieurs fonctions essentiellement neuropsychologiques ;- aucun travaux d'aménagement du logement de la victime ne doit être envisagé ;

- le taux d'IPP peut être fixé à 35 % incluant les troubles mnésiques, un syndrome frontal mineur, en prenant en compte le niveau socio-culturel pré-traumatique (retard scolaire troisième technologie) et l'insertion professionnelle actuelle, ainsi que la situation familiale et affective de la patiente et un syndrome dépressif réactionnel mineur ;- il existe une incidence professionnelle ; on peut imaginer que Mlle Y... pouvait prétendre à un éventuel emploi de secrétaire et que très probablement le poste obtenu à l'heure actuelle est en rapport avec la position professionnelle de son père. Elle peut cependant effectuer une activité professionnelle en CDI ;- il est à signaler qu'aucun document rapporté par le médecin recours, le Dr H..., ni même par l'avocat ne permet de juger du retentissement fonctionnel sur l'activité professionnelle à l'heure actuelle chez cette patiente ;- l'état de la victime ne nécessite pas de tierce personne compte-tenu du fait qu'elle arrive à être indépendante pour la majorité des actes de la vie courante (faire ses courses, s'occuper de son bébé),- pretium doloris : 3, 7/ 7- préjudice esthétique : 2, 5/ 7- préjudice sexuel associé avec un manque de libido,- il existe un préjudice d'agrément lié à l'arrêt d'activité sportive comme le volley-ball qui est pratiqué de manière occasionnelle ainsi que le retrait sur elle-même concernant les sorties entre amis. En conclusion l'état de la victime est susceptible de modification, tant en aggravation qu'en amélioration notamment concernant un syndrome dépressif qui est peut être fluctuant et peut interférer avec les conséquences neuropsychologiques de ce traumatisme. "

Mlle Y... était âgée de 19 ans à la date de consolidation.
En considération de l'âge et de la situation de la victime à la date de l'accident et à la consolidation, au vu du rapport d'expertise judiciaire mais aussi des pièces produites et soumises à la discussion contradictoire des parties, et faisant application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 d'application immédiate aux situations en cours, relatif aux recours des tiers payeurs qui s'exercent désormais poste par poste, la réparation du préjudice corporel de Mlle Y... sera fixée comme suit :
1- Préjudices patrimoniaux :
A) avant consolidation : 1) dépenses de santé actuelle : L'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation a été pris en charge par l'organisme social ;

2) frais divers : L'indemnité de 460, 67 € au titre de la perte de bijoux et de lunettes détruits dans l'accident, n'est pas contestée non plus que l'allocation de cette somme au titre du préjudice matériel, hors réparation du préjudice corporel ;

3) perte de gains professionnels pendant l'ITT : Mlle Y... ne justifie ni n'allègue aucune perte de revenus pendant l'ITT. Il n'y a pas lieu de réserver ce poste de préjudice alors que la victime, collégienne au moment de l'accident, ne percevait aucune rémunération.

4) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : ce poste de préjudice vise à réparer la perte d'études scolaires, universitaires de formation ou autres consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. En l'espèce, l'accident est survenu le 4 janvier 1998 alors que Mlle Y... était scolarisée en classe de troisième technologique. Elle n'a pu reprendre sa scolarité qu'au 27 avril 1998 de sorte que son année scolaire a été grandement perturbée. En revanche, il n'est pas établi que les échecs au BTS et au BAC professionnel en 2002 soient en lien de causalité direct et certain avec l'accident. L'indemnité de 6 000 € allouée par le Tribunal sera confirmée.

B) préjudices patrimoniaux permanents :
Les postes donnant lieu à capitalisation seront indemnisés en faisant application du barème publié à la Gazette du Palais des 7et 9 novembre 2004 qui prend en compte une espérance de vie et un loyer de l'argent conformes aux données économiques actuelles. La valeur de l'euro de rente viagère pour une femme de 19 ans est, selon ce barème, de 27, 622.
*dépenses de santé futures En l'absence de toute justification, il n'y a pas lieu de réserver ce poste de dommage.

*assistance par tierce personne Ce poste de préjudice vise à indemniser la victime de la présence nécessaire d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie. Le montant de l'indemnité allouée au titre de la tierce personne ne peut être réduit en cas d'assistance d'un ou plusieurs membres de la famille. En l'espèce, l'expert G... relève que Mlle Y... est assistée de son père et de son concubin pour l'accomplissement de certaines tâches ; que toutefois, elle s'occupe de son enfant handicapé, se rend à son travail, et arrive à être indépendante pour la majorité des actes de la vie courante. Les conclusions des rapports d'ergothérapie et neuro-psychologique établis en 2005 retenant une impossibilité d'assumer les tâches ménagères en fin de journée, des difficultés à se déplacer, des handicaps très lourds pour s'occuper d'un enfant ne sont plus d'actualité, l'état de Mlle Y... s'étant amélioré depuis 2006 ainsi qu'il ressort des constatations de l'expert judiciaire non contredites par des documents médicaux. Elle ne souffre plus d'épilepsie post-traumatique et ne prend plus de traitement. Même jusqu'en 2006, le temps de l'assistance nécessaire au quotidien a été surévalué par le Tribunal compte tenu des tâches pour lesquelles cette assistance était nécessaire et de ce que Mlle Y... n'avait pas d'enfant ; l'assistance d'une tierce personne sera ramenée pour cette période à 2 h par jour. Depuis l'amélioration de son état et pour l'avenir, compte tenu des activités décrites pour lesquelles l'assistance d'une tierce personne est nécessaire, soit essentiellement la cuisine le soir et l'aide aux formalités administratives en raison d'un certain apragmatisme et des problèmes d'attention surtout après la journée de travail, la durée de cette assistance sera fixée à 1h par jour en moyenne exclusion faite des fins de semaine et des congés pendant lesquels Mlle Y... ne travaille pas et ne subit pas la fatigabilité expressément relevée dans le rapport d'expertise, en fin de journée après le travail qui fait obstacle à l'accomplissement des tâches ménagères ou de gestion administrative. Si l'expert retient que Mlle Y... accomplit la majorité des tâches de la vie courante, il note expressément qu'" il faut moduler cette observation car l'entourage familial est relativement présent et le milieu professionnel plutôt protecteur ". Or, l'accomplissement de tâches par le compagnon et le père de Mlle Y... ne doivent pas être pris en compte pour réduire le droit à indemnisation de celle-ci. L'accompagnement sur de longues distances est ponctuel ; Mlle Y... se déplace seule au quotidien.

L'indemnité pour assistance d'une tierce personne sera évaluée comme suit sur la base d'un taux horaire de 12 € incluant les charges patronales : *du retour à domicile le 14 février 1998 jusqu'à la consolidation au 4 janvier 2000 : 12 € x 2h x 768 jours (compte tenu des congés et jours fériés devant être payés à la tierce personne) = 18. 432 € *à compter de la consolidation (4 janvier 2000) jusqu'en 2006 : 12 € x 2h x 405 jours (nombre de jours sur un an compte tenu des jours fériés et congés devant être payés à la tierce personne) x 6 ans = 58. 320 € *à compter de 2006 et pour l'avenir 12 € X 1 h x 284 jours (405-121) x 26, 721 (Valeur de l'euro de rente pour une femme de 25 ans) = 91. 065, 16 € TOTAL : 167. 817, 16 € somme arrondie à 167. 818 € ;

*perte de gains professionnels futurs il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation, consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

Le Tribunal a indemnisé la victime d'une perte de gains futurs estimée forfaitairement à 300 € par mois et capitalisée. Or, Mlle Y... occupe un emploi à temps complet sous CDI en bureau dans une entreprise de travaux publics et ne justifie pas d'une perte de revenus par rapport à un emploi de secrétaire auquel elle pouvait prétendre. Après deux ans d'ancienneté, elle perçoit un salaire mensuel net de 1150 € en moyenne (1. 550 € brut). Mlle Y... était, à la date de l'accident, âgée de 17ans et scolarisée en classe de 3eme technologique. L'obtention d'un diplôme ou d'un emploi de secrétaire de direction ne présentait aucun caractère de certitude. Le poste obtenu grâce à l'aide de son père est effectivement occupé par Mlle Y... à plein temps et n'est pas un poste pour travailleur handicapé. Il n'est ni justifié ni soutenu que la rémunération de cet emploi est inférieure à celle d'un poste normal de secrétariat. Si les efforts remarquables de Mlle Y... pour s'insérer professionnellement doivent être soulignés, les difficultés qu'elle éprouve dans l'accomplissement de son travail en raison des séquelles de l'accident caractérisent une incidence professionnelle et non une perte de gains futurs. En effet, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable qui n'est pas établie en l'espèce. Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu'il a indemnisé la perte de gains futurs.
*incidence professionnelle ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputables au dommages. En l'espèce, le rapport de l'expert judiciaire G... et les pièces médicales produites aux débats démontrent qu'il existe chez Mlle Y... des troubles de la mémoire ainsi que des troubles des fonctions exécutives, un certain apragmatisme, des problèmes de planification et de concentration qui peuvent nuire à l'ensemble de ses activités quotidiennes et dans son futur privé et professionnel. L'état de Mlle Y... s'est incontestablement amélioré puisque comme précédemment relevé, elle occupe un emploi à plein temps sous contrat à durée indéterminée, de sorte que les conclusions des bilans neuropsychologique et ergothérapeutique effectués en 2005 dans le sens d'une impossibilité d'exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire ne sont plus d'actualité. En revanche, il ressort de l'expertise judiciaire et des attestations établies par M I... de l'entreprise APPIA que Mlle Y... présente, même pour des tâches simples, des troubles attentionnels, de raisonnement et des difficultés de concentration et d'organisation ; elle souffre de maux de tête et présente une grande fatigabilité notamment en fin de journée ; son poste a été aménagé avec un encadrement. Ces troubles et difficultés dans l'accomplissement de son travail, la pénibilité accrue et la dévalorisation sur le marché du travail qui en résultent justifient l'indemnisation d'une incidence professionnelle à hauteur de 70. 000 €.

2- préjudices extra-patrimoniaux :
A) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
*déficit fonctionnel temporaire : Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle subie par la victime jusqu'à sa consolidation. Il correspond aux périodes d'hospitalisation mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante subies par la victime pendant la maladie traumatique. Cette invalidité dans la sphère personnelle de la victime jusqu'à la consolidation est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des documents produits devant la Cour que Mlle Y... a subi une ITT du 4 janvier 1998 au 27 avril 1998 soit pendant 3 mois et 23 jours. L'indemnité de 1850 € allouée de ce chef par le Tribunal sera confirmée. De la fin de l'ITT jusqu'à la consolidation, Mlle Y... a également subi une gêne dans les actes de la vie courante qui sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 4. 200 €. Il revient donc à Mlle Y... une somme de 6. 050 €.
*souffrances endurées Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique c'est-à-dire du jour du dommage à celui de sa consolidation.

L'expert judiciaire a chiffré à 3, 7 sur 7 les souffrances endurées par Mlle Y... imputables à l'accident. Compte tenu des blessures initiales, du retentissement psychologique, de la nature et de la durée des soins subis, le Tribunal a exactement apprécié la réparation des souffrances endurées par l'allocation d'une indemnité de 5000 €.
*préjudice esthétique temporaire Ce poste de dommage vise à réparer l'altération de l'apparence physique, même temporaire, subie par la victime pendant la maladie traumatique et notamment pendant l'hospitalisation.

En l'espèce, Mlle Y... présentait à la suite de l'accident de multiples plaies dont une au niveau du scalp frontal.
L'indemnité allouée par le Tribunal de 500 € sera confirmée.
B) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
1) déficit fonctionnel permanent :
Ce poste de dommage non économique est lié au déficit définitif résultant de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime. Le déficit fonctionnel permanent correspond à un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime.
En l'espèce, l'IPP de 35 % résulte de l'atteinte permanente de plusieurs fonctions essentiellement neuropsychologiques, des troubles amnésiques, d'un syndrome frontal mineur, d'un syndrome dépressif réactionnel mineur.
Le Tribunal a alloué de ce chef une indemnité de 98. 000 € correspondant à 2 800 € le point. Mlle Y... demande 140. 000 € sur la base de 4. 000 € le point. Les appelants offrent une indemnité de 70. 000 € soit 2. 000 € le point.
Compte tenu de la nature des séquelles subies, de leur qualification par l'expert, de l'âge de la victime à la consolidation, l'indemnité allouée par le Tribunal sera confirmée.
2) préjudice esthétique permanent :
Ce poste de dommage vise à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime ; il a un caractère strictement personnel.
En l'espèce, Mlle Y... présente des cicatrices au niveau des deux coudes, de la rotule droite, du fémur gauche et du front. Ce préjudice évalué à 2, 5/ 7 par l'expert judiciaire est entièrement réparé par l'indemnité de 4000 € allouée par le Tribunal qui sera confirmée.

3) préjudice d'agrément :
Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice d'agrément spécifique lié à l'impossibilité définitive pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.
En l'espèce, l'expert judiciaire retient un préjudice d'agrément lié à l'arrêt du volley-ball que Mlle Y... pratiquait en compétition scolaire. Il est justifié d'allouer de ce chef une somme de 4. 000 €. Le repli sur soi concernant des sorties entre amis est pris en compte dans le syndrome réactionnel indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent ;

4) préjudice sexuel
Ce préjudice résulte de l'altération partielle ou totale, séparée ou cumulative, des trois aspects de la fonction sexuelle : la libido, l'acte sexuel proprement dit et la fertilité. Il se distingue du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel permanent ; son évaluation est modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.
En l'espèce, l'expert judiciaire retient l'existence d'un préjudice sexuel associé à un manque de libido. Compte tenu de l'âge de la victime à la consolidation, l'indemnité de 4 000 € allouée de ce chef par le Tribunal sera confirmée.

En définitive, le préjudice corporel subi par Mlle Y... à la suite de l'accident du 4 janvier 1998 s'établit comme suit :
I-PRÉJUDICES PATRIMONIAUX : – dépenses de santé actuelle : prises en charge – frais divers : indemnisés distinctement par le Tribunal au titre du préjudice matériel : (460, 67 €) – perte de gains professionnels actuels : aucune – dépenses de santé futures : non justifiées – assistance par tierce personne : 167. 818 € – perte de gains professionnels futurs : rejet – incidence professionnelle : 70. 000 € – préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 6. 000 €

II-PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX : – déficit fonctionnel temporaire : 6. 050 € – souffrances endurées : 5. 000 € – préjudice esthétique : *temporaire : 500 € *permanent : 4. 000 € – déficit fonctionnel permanent : 98. 000 € – préjudice d'agrément : 4. 000 € – préjudice sexuel : 4. 000 €

Total : 365. 368 €

En l'absence de décompte précis de l'ensemble des sommes déjà réglées M. X... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE seront condamnés in solidum au paiement de cette somme en deniers ou quittances. L'indemnisation du préjudice matériel fixée par le Tribunal à 460, 67 € n'est pas critiquée.
SUR LE PREJUDICE DE M. Y...
Le préjudice matériel de M. Y... résultant des frais de trajet quotidien pour aller voir sa fille au CHU de Marseille puis au centre de rééducation de Valmante jusqu'au 14 février 1998 et pour l'accompagner ensuite aux rendez-vous médicaux comme le préjudice moral subi du fait du traumatisme et des blessures graves dont sa fille mineure a été victime sont réels et doivent être indemnisés ; leur réparation a été exactement appréciée par le Tribunal.
En définitive, le jugement déféré sera réformé du seul chef du montant de la réparation du préjudice corporel de Mlle Y... et donc de la condamnation à paiement prononcée à ce titre contre M X... et la MACIF.
SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS
Au visa de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à Mlle Y... une somme supplémentaire de 2000 €.
Les dépens seront mis à la charge de M X... et de son assureur qui sont tenus à réparation et succombent dans leurs demandes de rejet de l'indemnisation de la tierce personne, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel et de réduction des postes de préjudice personnel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme,
Réforme le jugement déféré du seul chef du montant de la condamnation à paiement de M X... et de la MACIF au titre de la réparation du préjudice corporel de Mlle Y...,
Condamne in solidum M X... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE à payer de ce chef à Mlle Y..., en deniers ou quittances, la somme de 365 368 € (trois cent soixante cinq mille trois cent soixante huit euros),
Confirme la décision entreprise pour le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. X... et la MACIF à payer aux intimés la somme supplémentaire de 2. 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Les condamne sous la même solidarité aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, avoués, sur ses affirmations de droit.
Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 343
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

La réparation du préjudice corporel d'une victime d'un accident de la circulation est fixé en considération de son âge et de sa situation à la date de l'accident et à la date de consolidation, au vu du rapport d'expertise judiciaire et des pièces produites et soumises à la discussion contradictoire des parties. Les postes de préjudice donnant lieu à capitalisation sont indemnisés en faisant application du barème publié à la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004 qui prend en compte une espérance de vie et un loyer de l'argent conformes aux données économiques actuelles. En application de ce barème, la valeur de l'euro de rente viagère est de 27,622 pour une femme de 19 ans correspondant, en l'espèce, à l'âge de la victime à la date de consolidation, et de 26,721 pour une femme de 25 ans qui est, en l'espèce, l'âge à partir duquel son état de santé s'est amélioré. Le poste d'assistance par tierce personne vise à indemniser la victime de la présence nécessaire d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie. Le montant de l'indemnité allouée à ce titre ne peut être réduit en cas d'assistance d'un ou plusieurs membres de la famille. En l'espèce, compte tenu notamment de l'amélioration notable de son état de santé, la victime doit être indemnisée à hauteur de 167.818 euros au titre de ce poste de préjudice. Le poste de perte de gains professionnels futurs permet d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. A ce titre, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. Tel n'est pas le cas le cas en l'espèce, les difficultés éprouvées par la victime dans l'accomplissement de son travail en raison des séquelles de l'accident caractérisant une incidence professionnelle et non une perte de gains futurs. Le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a indemnisé ce poste de préjudice. Le poste lié à l'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle. En l'espèce, les troubles et les difficultés rencontrés par la victime dans l'accomplissement de son travail, la pénibilité accrue et la dévalorisation sur le marché du travail qui en résultent justifient l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 70.000 euros


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 24 août 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2010-06-08;343 ?
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