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08/06/2010 | FRANCE | N°08/03404

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 08 juin 2010, 08/03404


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 08 JUIN 2010






ARRÊT N 745
R. G. : 08/ 03404
RT/ CA


CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AUBENAS
08 octobre 2008
Section : Activités Diverses



X...

C/

Y...





APPELANTE :
Madame Sophie X...

née le 07 Avril 1969 à VESOUL (70000)

...

07800 ST LAURENT DU PAPE
représentée par la SCP ASHURST, avocats au barreau de PARIS plaidant par Maître Agnès FOLGUERAL, avocate au même barreau




INTIMÉE :


Madame Isabelle Y...

née le 17 Novembre 1973
Montée de Léouzée
07800 ST LAURENT DU PAPE
représentée par Maître Laurette GOUYET-POMMARET, avocate au barreau de PRIVAS substituée par M...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 08 JUIN 2010

ARRÊT N 745
R. G. : 08/ 03404
RT/ CA

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AUBENAS
08 octobre 2008
Section : Activités Diverses

X...

C/

Y...

APPELANTE :
Madame Sophie X...

née le 07 Avril 1969 à VESOUL (70000)

...

07800 ST LAURENT DU PAPE
représentée par la SCP ASHURST, avocats au barreau de PARIS plaidant par Maître Agnès FOLGUERAL, avocate au même barreau

INTIMÉE :
Madame Isabelle Y...

née le 17 Novembre 1973
Montée de Léouzée
07800 ST LAURENT DU PAPE
représentée par Maître Laurette GOUYET-POMMARET, avocate au barreau de PRIVAS substituée par Maître Emmanuelle MILLIAT, avocate au même barreau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller,
Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller

GREFFIER :
Mademoiselle Karen VIEILLARD, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé.

DÉBATS :
à l'audience publique du 27 Avril 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2010 prorogé au 08 Juin 2010.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 08 Juin 2010.

***

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Isabelle Y... saisissait le Conseil des Prud'hommes d'Aubenas exposant les faits suivants :
- elle est assistante maternelle agréée, et avait la garde, depuis septembre 2005, d'Emrik Z...-X..., âgé de deux ans, qui, à la suite d'une chute à son domicile était retiré par la mère qui le lui notifiait par lettre du 8 juin 2007 pour motif grave avec effet immédiat dès réception de la lettre sans plus de précision,
- elle a fait aussi l'objet d'une plainte en raison des conditions d'accueil de l'enfant au domicile dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui lui a causé un préjudice,
- or elle était employée par les deux parents d'Emrik, et seule la mère de l'enfant, Madame X... a signé la lettre de rupture du contrat, ce qui constitue une irrégularité,
- aucun élément ne permet de caractériser l'existence d'une faute grave à son encontre.
Ainsi Madame Y... contestait tant le bien fondé que la régularité du retrait exercé, car selon elle si, en principe le droit de retrait d'un enfant confié à un assistant maternel peut s'exercer librement, en cas de motif disciplinaire de nature à priver le salarié de certains droits, la lettre de retrait doit être obligatoirement motivée.
Selon elle ce retrait disciplinaire a eu des conséquences très préjudiciables car d'une part elle fut privée de sa période de préavis ainsi que de toute indemnité de rupture, d'autre part les services départementaux ont suspendu son agrément d'assistante maternelle en application des dispositions des articles L. 421-6 et R. 421-24 du Code de l'action sociale et des familles.
Elle estimait qu'elle avait été privée, de manière totalement injustifiée, de l'exercice de son activité d'assistante maternelle lui occasionnant une perte financière, et un préjudice moral.
Elle sollicitait donc la condamnation de l'employeur au paiement de :
-452 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-63 euros au titre de l'indemnité de rupture, conformément à l'article 18 f de la Convention collective nationale, étendue, des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004,
-10. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du retrait disciplinaire irrégulier, abusif et non justifié,
-2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 8 octobre 2008 cette juridiction :
- considérait la procédure de retrait régulière,
- condamnait Madame X... à payer à Madame Y... les sommes de :

* 2. 000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral,
* 400 euros au titre du préavis conventionnel,
* 63 euros d'indemnité conventionnelle de rupture,
*500 euros pour ses frais non compris dans les dépens.
- rejetait les autres demandes.
Madame X... a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient essentiellement que :
- elle avait constaté l'existence de bleus ou d'hématomes sur le visage, dans le cou, ou sur une jambe à plusieurs reprises aux mois de décembre 2006, février 2007, mars 2007, mai 2007, et le 5 juin 2007,
- compte tenu de la situation elle avisait le 7 juin 2007 le médecin responsable du secteur de la PMI, retirait son enfant le 8 juin, et déposait plainte le 13 juin 2007.
Elle prétend que :
- elle n'avait pas à motiver le retrait, car elle a respecté les formes exigées et a agi sans abus, selon les dispositions de la Convention collective en cas de manquement grave aucun préavis ni aucune indemnité de rupture ne sont dues,
- en l'espèce elle avait de sérieuses inquiétudes justifiées par des éléments objectifs, des témoins en ont attesté, et le 5 juin 2007 un médecin a délivré un certificat médical ce qui constituait un motif de retrait sans délai,
- le classement sans suite de la plainte n'a aucune incidence sur le litige
Elle sollicite donc l'infirmation du jugement déféré, le rejet des demandes, la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit soit 463 euros et le paiement de la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Y... reprend ses prétentions, précisant que la suspension de son agrément a pris fin le 17 octobre 2007 à la suite de la Commission consultative paritaire.
Elle soutient que :
- en la forme l'expédition de la lettre par recommandée est nécessaire à la validité de la notification, article 773-12 de plus elle était employée par les deux parents, et la lettre devait être signée par les deux employeurs à savoir les deux parents,
- si la rupture intervient pour un motif disciplinaire et prive l'assistant maternel de ses droits, la lettre de retrait doit être impérativement motivée,
- enfin elle verse de nombreuses attestations établies par d'autres parents satisfait ce qui rend peu vraisemblable des faits de maltraitance.

MOTIFS

Attendu que selon les articles L. 773-2 et L. 773-12 du Code du travail repris par les articles L. 423-2 et L. 423-24 du Code de l'action sociale et des familles, les dispositions des articles L. 122-14-2, L. 122-14-4, devenus L. 1232-6 et L. 1235-2, du Code du travail ne s'appliquent pas en cas de rupture du contrat d'assistant maternel et seules les règles du droit commun des contrats peuvent être mises en oeuvre ;
Attendu que dès lors la lettre de rupture doit adopter une forme recommandée uniquement pour fixer le point de départ du préavis, cette exigence n'étant pas requise pour la validité de l'acte lui même ;
Attendu qu'également si l'intimée Madame Y... avait été recrutée par les deux parents, cette lettre de rupture ne devait pas être nécessairement signée par les deux parents simultanément ; qu'en effet le pouvoir tiré d'un mandat suffisait à conférer à l'un d'entre eux la possibilité de le rompre, sous réserve d'une ratification de l'autre, ce qui est le cas de l'espèce ;
Attendu que les énonciations de la lettre de rupture n'ont aucun effet sur les limites du litige ; qu'à cet égard si l'employeur a invoqué une faute grave, cette précision ne peut modifier la nature juridique des règles applicables en obligeant l'employeur à énoncer une motivation ; qu'en effet les points 5 et 6 de l'article 2 de la Convention internationale du Travail sur le licenciement n 158, publiée par décret 90-140 du 9 février 1990, autorise l'exclusion de catégories limitées de travailleurs salariés eu égard aux conditions d'emploi particulières des travailleurs intéressés, ce qui est le cas en l'espèce, les conditions de protection de l'assistant maternel étant assurées, entre autres, par un accès simplifié au juge prud'homal et par l'application du principe selon lequel celui qui résilie unilatéralement un contrat à durée indéterminée le fait toujours à ses risques et périls peu important les modalités formelles de la résiliation contractuelle ;
Attendu que de plus en application des articles 1134 et 1184 du Code civil les motifs de la rupture se déduisent des certificats médicaux produits et qui établissent, sur une durée de plusieurs mois, l'existence à plusieurs reprises d'hématomes, de dermabrasion, de bleus et de griffures, sur le corps de l'enfant en garde ; que ces éléments caractérisent donc un manquement à l'obligation de surveillance qui devait être vigilante compte tenu de l'âge de ce jeune garçonnet dont l'apprentissage du langage n'était pas acquise ;
Attendu qu'en outre le dernier certificat médical du 5 juin 2007, particulièrement détaillé, mentionnait une incapacité temporaire de 8 jours, de sorte que l'immédiateté du retrait était devenue une mesure indispensable ; que l'intérêt supérieur du mineur, au sens de l'article 3 alinéa 1 de la Convention internationale du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant publié par le décret 90-917 du 8 octobre 1990 publié le 12 octobre 1990, devant aussi gouverner les principes du présent arrêt il est certain que cette mesure correspondait le mieux à cet intérêt ;
Attendu qu'ainsi la mère avait la faculté, sous le contrôle du juge, de supprimer le préavis à la suite de ce dernier manquement survenu dans le milieu d'accueil peu important son origine ou son auteur ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'examiner si une faute grave imputable personnellement à l'intimée existait fondant le retrait immédiat et telle qu'exprimée par la mère dans sa lettre de rupture sous l'emprise de l'émotion, cette affirmation ne liant pas la juridiction ;
Attendu que dans la mesure où il existait des éléments objectifs d'inquiétude pour la mère, les démarches de celle-ci, auprès des services du département et des militaires de la gendarmerie, ne peuvent être considérées comme fautives et engageant la responsabilité de son auteur, même si la plainte a été classée sans suite et même si l'autorité publique départementale a maintenu l'agrément après enquête ;
Attendu que, dans ces conditions, les faits ne pouvant constituer un abus ou une mesure illicite, il convient d'infirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des demandes, et d'ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit soit 463 euros ;
Attendu qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Rejette l'intégralité des demandes de Madame Y...,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ordonne la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement mis à néant soit 463 euros,
Condamne Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame SIOURILAS Greffier, présente lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 08/03404
Date de la décision : 08/06/2010

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Aubenas


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-08;08.03404 ?
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