COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2010 ARRÊT N
R. G. : 08/ 04579
NB/ DDP TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
30 juillet 2008 SCCV LE CLOS DE LA BONNE BRISE
C/
X...
C...
Y...
APPELANTE :
SCCV LE CLOS DE LA BONNE BRISE
poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
164 rue Jean Perronet
30000 NIMES
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe AUDOUIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS : Monsieur Denis Henri X...
né le 09 Mai 1962 à MOULINS (03000)
...
...
84210 ALTHEN DES PALUDS
représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour
assisté de la SCP TROEGELER-GOUGOT-BREDEAU-TROEGELER, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame Josiane Monique C... épouse X...
née le 28 Mars 1956 à SURESNES (92150)
...
...
84210 ALTHEN DES PALUDS
représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour
assistée de la SCP TROEGELER-GOUGOT-BREDEAU-TROEGELER, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Lucien Y...
né le 16 Février 1935 à ALTHEN LES PALUDS (84520)
...
...
84210 ALTHEN DES PALUDS
représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de Me Marie-Suzy PASCAL-PONS MERMET, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 07 Décembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président,
Mme Isabelle THERY, Conseiller,
Mme Nicole BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 08 Décembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Février 2010
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 02 Février 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
I EXPOSE DU LITIGE : Suivant acte authentique du 18 juin 1999, Monsieur Claude F... et Madame Simone G... Veuve René F... ont vendu aux époux X... :
Monsieur Claude F... une parcelle de terrain à bâtir cadastrée Section B n 2988 et Madame G... une parcelle de terrain à bâtir cadastrée Section B n 2954, sises à ALTHEN LES PALUDS.
Monsieur Claude F... cédait en outre le 1/ 5ème indivis d'une parcelle de terre à usage de chemin, cadastrée Section B n 2794.
Par acte authentique du 29 mai 2006, la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE a acquis de Monsieur Claude F... et de Madame Simone G... Veuve F..., une propriété sise à ALTHEN LES PALUDS cadastrée Section B n 266, 3521 et 3522 et les 1/ 5ème indivis sur le chemin d'accès cadastré Section B n 2794.
Monsieur Lucien Y... est propriétaire de la parcelle sise même commune, cadastrée Section B n 268 et 269.
Par acte du 18 septembre 1998, il était établi une convention de servitudes entre Monsieur Y... et les consorts F...- G..., aux termes de laquelle il a été constitué au profit des parcelles Section B 267 et 270, une servitude de passage sur celle cadastrée Section B 268.
La SCCV LE CLOS DE LA BONNE BRISE, ayant obtenu le 6 juillet 2007 un permis de construire, entreprenait en mars 2008, des travaux de raccordement de ses parcelles aux réseaux, par enfouissement, via la parcelle B 2794.
Par exploit du 31 juillet 2007, Monsieur Denis X... et Madame Josiane C... son épouse, exposant que ces travaux contreviendraient gravement aux dispositions de l'article 815-9 du Code Civil, ont fait assigner la SCCV LE CLOS DE LA BONNE BRISE devant le Tribunal de grande instance de CARPENTRAS aux fins de :
- lui voir interdire sous astreinte de 10. 000 Euros par jour où l'infraction serait constatée, d'enfouir dans la parcelle B 2794 des canalisations pour assurer la desserte de l'ensemble immobilier de quinze logements qu'elle veut réaliser sur ses parcelles 2795, 266, 271P et 2956P,
- la voir condamner à leur payer la somme de 2. 000 Euros au titre des frais irrépétibles,
- voir ordonner l'exécution provisoire,
- la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions postérieures, ils concluaient subsidiairement sur la notion d'enclave.
Monsieur Lucien Y... intervenait volontairement à l'instance.
Par jugement du 30 juillet 2008, le Tribunal de grande instance de CARPENTRAS a statué en ces termes :
"- Interdit à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE, sous astreinte de 200 Euros par jour où l'infraction serait constatée, d'enfouir dans la parcelle cadastrée à ALTHEN DES PALUDS (Vaucluse) Section B n 2794, des canalisations d'amenée ou d'évacuation de quelconques fluides et d'utiliser ledit chemin pour assurer la desserte de l'ensemble immobilier de quinze logements qu'elle se propose de réaliser sur les parcelles 2795, 266, 271P et 2956 P,
- Rejette la demande reconventionnelle de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE,
- Déboute Monsieur Lucien Y... des fins de son intervention volontaire,
- Ordonne, avant dire droit sur les conséquences tirées de la situation d'enclave du fonds de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE, tous droits et moyens des parties étant par ailleurs réservés sur ce point, la réouverture des débats, au visa des dispositions des articles 682 à 684 du Code Civil,
- Renvoie à cette fin la cause et les parties à l'audience de mise en état du 23 septembre 2008,
- Donne acte aux époux X... des réserves exprimées sur cette question,
- Invite la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE à conclure sur la question relative à la situation d'enclave de son fonds dans les meilleurs délais et à mettre en cause, s'il échet, toutes parties concernées par cette question,
- Rejette les réclamations des parties sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions,
- Condamne la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE aux dépens exposés à ce jour, à l'exclusion de ceux concernant l'intervention volontaire de Monsieur Lucien Y... qui resteront à la charte de ce dernier,
- Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de la SCP PENARD OOSTERLYNCK. "
La SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE a interjeté appel de ce jugement le 4 septembre 2008.
Par conclusions du 7 décembre 2009, la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE demande à la Cour, au visa des articles 815-9 et suivants, 682, 683 du Code Civil, 684 alinéa 2 et suivants, 637 du Code Civil et suivants, 1134 du Code Civil, 1319 du Code Civil, de la notion de " père de famille " :
- réformer le jugement du Tribunal de grande instance de CARPENTRAS ;
- rejeter l'ensemble des demandes des consorts X... pour irrecevabilité et en toute hypothèse, en raison de leur caractère infondé ;
- rejeter l'intervention et l'ensemble des demandes de Monsieur Y... pour irrecevabilité et en toute hypothèse, en raison de son caractère infondé ;
- donner acte du désistement d'instance concernant la demande reconventionnelle financière de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE ;
- faire défense et interdire aux consorts X... et Y..., sous astreinte de 1. 000 Euros par jour où l'infraction serait constatée d'empêcher la réalisation des canalisations et passage des fluides prévues pour le projet immobilier sur la parcelle B n 2794 et autres dont 268 ;
- faire défense et interdire aux consorts X... et Y..., sous astreinte de 1. 000 Euros par jour où l'infraction serait constatée d'empêcher le passage et l'accès aux parcelles de la propriété de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE ou leurs auteurs (acheteurs des logements),
- en toute hypothèse, rejeter la requête et toutes les demandes des consorts X... et Y... ;
- subsidiairement dans l'hypothèse où la Cour retiendrait une enclave relative, fixer l'indemnité à régler sur la base de 7. 411 Euros et à répartir selon les règles de l'indivision, dire et juger contre paiement de cette somme que la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE et ses ayants droits auront le droit de passer et d'enfouir les réseaux sur la fraction de la parcelle litigieuse,
- condamner solidairement les consorts X... et Monsieur Y... au paiement d'une somme de 3. 500 Euros à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de la SCP TARDIEU,
- condamner solidairement les consorts X... et Monsieur Y... aux entiers dépens, les dépens d'appel étant distraits au profit de la SCP M. TARDIEU, avoué soussigné.
La SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE explique que la parcelle n 2794 appartient en indivision à Monsieur F... 1/ 5ème indivis, à elle-même 1/ 5ème indivis, aux époux X... 1/ 5ème indivis et à deux autres acquéreurs de Monsieur F... et est grevée par une servitude de passage desservant :
- Monsieur F... pour les parcelles n 279, 2956, 3520, 3523 et 3524,
- la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE pour les parcelles n 266, 3521, 3522,
- les époux X... pour les parcelles n 954 et 2955,
- les autres acquéreurs pour les parcelles n 2953 et 2791,
qu'elle est à la fois propriétaire indivis de la parcelle n 2794 et bénéficie d'une servitude de passage, dans le même acte notarié.
L'appelante se réfère à la volonté des parties et à la création dans l'acte de partage du 18 septembre 1998 entre les consorts F... la fois d'une servitude de passage et d'une attribution indivise du chemin n 2794, et soutient que les règles de la servitude priment en l'espèce sur celles de l'indivision ; qu'elle bénéficie d'une servitude " légale et conventionnelle ", servitude de passage, conforme à l'article 682 du Code Civil.
Sur le fondement de l'article 815-9 du Code Civil, elle considère que la destination est respectée et que son projet ne porte pas atteinte aux droits égaux des indivisaires.
Elle ajoute l'absence de lien de causalité tiré d'une gêne directe et d'un préjudice pour les époux X....
Monsieur Denis X... et Madame Josiane C... son épouse ont conclu le 1er décembre 2009, et demandent à la Cour de :
" Débouter la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE des fins de son appel,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Dire et juger que la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE ne peut, en application des articles 673 et 705 du Code Civil, revendiquer le bénéfice d'une servitude de passage sur la parcelle 2794, cette servitude étant atteinte de nullité et étant, de surcroît, éteinte par confusion,
Dire et juger, par application à titre principal de l'article 815-9 du Code Civil et, subsidiairement et en toute hypothèse, de l'article 702 dudit Code, une aggravation selon le cas, que le projet de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE emporterait une aggravation des droits et obligations des co-indivisaires, ou en toute hypothèse de la servitude de passage si elle venait par impossible à être retenue, et que la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE ne peut imposer une telle aggravation,
Interdire en conséquence à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE, sous astreinte de 200 Euros par jour où l'infraction serait constatée à l'interdiction ci-après, d'enfouir dans la parcelle cadastrée à ALTHEN DES PALUDS, Section B n 2794, des canalisations d'amenée ou d'évacuation de quelconques fluides et d'utiliser ledit chemin pour assurer, dans l'un et l'autre cas, la desserte de l'ensemble immobilier de quinze logements qu'elle se propose de réaliser sur les parcelles 2795, 266, 271P et 2956P,
Débouter la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE de toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande reconventionnelle,
Donner acte à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE de son désistement de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts contre les époux X... et, constatant que ces derniers acceptent ledit désistement, le déclarer parfait,
Déclarer irrecevable, par application de l'article 564 du Code de Procédure Civile, la demande de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE tendant à voir fixer l'assiette d'un passage et l'indemnité qui doit en être la corollaire en cas d'enclave,
Renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de grande instance de CARPENTRAS pour qu'il soit statué sur l'état d'enclave s'induisant de l'interdiction qui sera faite à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE d'utiliser la parcelle n 2794 pour les besoins de son projet de construction,
Dire et juger, en tout état de cause :
* que, par application de l'article 684 du Code Civil, le passage doit être par priorité recherché sur les terrains qui ont fait l'objet des actes de division par les consorts F...,
* qu'en toute hypothèse, le passage, par application de l'article 683 du Code Civil, doit être pris du côté où le trajet est le plus court et dans l'endroit le moins dommageable,
* qu'en ce cas la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE serait débitrice, au profit des époux X..., par application de l'article 682 du Code Civil, " d'une indemnité proportionnée au dommage " que le désenclavement pourrait occasionner,
Donner acte en ce cas aux époux X... de ce qu'ils se réservent expressément de chiffrer ultérieurement, pour le cas où il viendrait à être jugé que le désenclavement doit être opéré sur la parcelle 2794, le montant du préjudice dont ils entendent demander réparation à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE,
Condamner la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE à payer aux époux X... une somme de 3. 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE aux entiers dépens. "
Les époux X... fondent leur demande à titre principal sur les dispositions de l'article 815-9 du Code Civil, invoquant l'atteinte portée aux droits des co-indivisaires par la SCCV LE CLOS DE LA BONNE BRISE, et expliquant que l'utilisation du chemin prévue par cette dernière serait beaucoup plus intensive, s'agissant de desservir un ensemble de 15 logements ; ils font état d'un surcroît important de circulation automobile.
Sur le fondement d'une servitude de passage, les époux X... soutiennent qu'il ne peut exister deux régimes juridiques, indivision et servitude, qui se superposeraient, que l'on ne peut bénéficier d'une servitude sur soi-même.
Ils invoquent l'extinction de la servitude en application de l'article 705 du Code Civil, par la confusion dans les mêmes mains du fonds servant et du fonds dominant, la SCCV étant propriétaire du fonds dominant et propriétaire co-indivisaire du fonds servant.
Ils considèrent que la constitution de servitude instituée initialement par les consorts F... à leur profit et aujourd'hui de la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE est atteinte de nullité.
A titre surabondant, ils invoquent les dispositions de l'article 702 du Code Civil et soutiennent que l'utilisation du passage et des canalisations pour assurer la desserte de 15 logements constitue une aggravation manifeste de la condition du fonds servant.
Subsidiairement sur l'état d'enclave, ils considèrent qu'il s'agit d'une demande nouvelle et que de surcroît, la Cour ne pourrait statuer de plano.
Monsieur Lucien Y... a conclu le 22 septembre 2009 et demande à la Cour de :
" Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a interdit à la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE sous astreinte de 200 Euros par jour où l'infraction serait constatée, d'enfouir dans la parcelle cadastrée à ALTHEN LES PALUDS Vaucluse section B n 2794, des canalisations d'amenée ou d'évacuation de quelconques fluides et d'utiliser ledit chemin pour assurer la desserte de l'ensemble immobilier de 15 logements qu'elle se propose de réaliser sur les parcelles 2795, 266, 271P et 2956P,
Condamner la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE à porter et payer au concluant la somme de 2. 000 Euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE en tous les dépens. "
Monsieur Y... explique que du fait que la servitude consentie à Monsieur F... se poursuit sur la parcelle n 2794 et que le lotissement construit par la SCCV LE CLOS DE BONNE BRISE empruntera cette parcelle ainsi que la parcelle 168, qui se trouve dans son prolongement, il était légitime qu'il intervienne volontairement aux débats.
La mise en état a été clôturée le 7 décembre 2009.
II MOTIFS DE LA DECISION : Sur l'intervention volontaire Monsieur Lucien Y...
Attendu que Monsieur Lucien Y..., qui sollicite la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a interdit à la SCCV le Clos de Bonne Brise d'enfouir dans la parcelle cadastrée section B numéro 2794 à ALTHEN les PALUDS des canalisations et d'utiliser ledit chemin pour assurer la desserte de l'ensemble immobilier de 15 logements qu'elle se propose de réaliser, n'est pas propriétaire indivis du chemin litigieux de sorte que c'est à juste titre que le tribunal l'a débouté de son intervention volontaire. Sur le désistement de la SCCV le Clos de Bonne Brise
Attendu que la SCCV le Clos de Bonne Brise se désiste de l'instance concernant sa demande reconventionnelle financière et que les époux X... ont déclaré accepter ce désistement ; qu'il y a donc lieu de déclarer ce désistement parfait. Sur le fond
Attendu qu'il convient au préalable de rappeler les différents actes constitutifs des droits des parties :
- acte de partage du 18 septembre 1998 entre Mme Simone G... veuve René F... et M. Claude F... aux termes duquel Mme F... est attributaire en pleine propriété de la parcelle de terre numéro 2792 et du cinquième indivis de la parcelle de terre numéro 2794 et M. Claude F... est attributaire en pleine propriété des parcelles cadastrées numéro 266, 270, 271, 2795, 2791 et 2793 et des 4/ 5 indivis de la parcelle numéro 2794
Cet acte de partage établit entre autres la création d'un droit de passage réciproque libellé en ces termes : « Il est ici créé une servitude réelle et perpétuelle de droit de passage réciproque, par chacune des parties au profit de l'autre sur la parcelle indivise à usage de chemin cadastré section B. numéro 2794. En aucune manière le passage ne devra être obstrué ou encombré, il ne devra pas servir de stationnement de véhicules.
Fonds servant : section B. numéro 2794 appartenant indivisément à Madame G... et à M. F...
Fonds dominant : section B. numéro 266, 270, 271, 2791, 2792, 2793 et 2795.
L'entretien de ce droit de passage réciproque sera supporté par tous les utilisateurs........ »
- acte de vente du 18 juin 1999 aux termes duquel M. Claude F... et Mme Simone G... vendent à Monsieur et Madame X..., M. Claude F... la parcelle de terre cadastrée section B. numéro 2955 et Madame veuve F... la parcelle de terre cadastrée numéro 2954 (ces immeubles provenant de la division des parcelles cadastrées section B numéro 2792 et 2793) et M. F... le cinquième indivis d'une parcelle de terre à usage de chemin cadastrée section B. numéro 2794
- acte de vente du 29 mai 2006 aux termes duquel Mme G... et M. Claude F... vendent à la société civile immobilière de construction vente le Clos de Bonne Brise les immeubles cadastrés section B. numéro 266, 3521 et 3522, étant précisé que ces biens proviennent de la division des parcelles B 271 et B. 2795 (la parcelle B 271 a été divisée en deux parcelles numéro 3521 et 3520 et la parcelle le B. 2795 a été divisée en trois parcelles numéro 3522 de, 3524 et 3523) ainsi que le cinquième indivis sur le chemin d'accès cadastré section B. numéro 2794
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces actes que :
La parcelle de terre cadastrée section B. numéro 2794 est à usage de chemin et est la propriété indivise, entre autres propriétaires, de la SCCV le Clos de Bonne Brise et des époux X....
Les parcelles numéro 266, 3521 et 3522 bénéficient d'une servitude de passage sur cette parcelle numéro 2794 indivise. Sur le fondement de l'article 815-9 alinéa premier du Code civil
Attendu que l'article 815-9 alinéa premier du Code civil dispose que : « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. À défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal..... »
Attendu qu'en l'espèce, le projet de construction de la Société Civile Immobilière de Construction Vente le Clos de Bonne Brise concerne la réalisation de 15 logements pour lesquels elle a obtenu un permis de construire en définitive le 9 octobre 2009 ; que les époux X... n'établissent pas que l'utilisation du chemin indivis par les futurs propriétaires du Clos de la Bonne Brise serait de nature à restreindre leur propre usage de ce chemin, dont la destination n'est au demeurant pas modifiée ; que la seule circonstance qu'un plus grand nombre d'utilisateurs soit de nature à générer une circulation automobile plus importante n'entraîne aucune restriction pour les co-indivisaires de leurs propres droits d'usage et de jouissance ; qu'elle n'affecte pas l'exercice par les co-indivisaires, en particulier par les époux X..., qui s'en plaignent, de leurs droits concurrents sur la chose commune ; qu'il en est de même pour le passage des canalisations ;
Attendu qu'en conséquence il n'y a pas eu lieu sur le fondement de l'article 815-9 du Code civil d'interdire à la Société Civile immobilière de Construction Vente le Clos de Bonne Brise l'enfouissement des canalisations dans la parcelle cadastrée à ALTHEN les Paluds section B. numéro 2794, ni l'utilisation de ce chemin pour assurer la desserte de l'ensemble immobilier de 15 logements devant être réalisé sur les parcelles dont elle est propriétaire cadastrées numéros 266, 3521 et 3522.
Que le jugement déféré doit en conséquence être réformé de ce chef. Sur le fondement de la servitude conventionnelle
Attendu qu'en vertu de l'acte de partage du 18 septembre 1998, les parcelles cadastrées numéro 266 et aujourd'hui 3521 et 3522, propriété de la Société Civile immobilière de Construction Vente le Clos de Bonne Brise, à la suite de l'acquisition qu'elle en a faite par acte du 29 mai 2006, bénéficient d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle indivise numéro 2794, à usage de chemin, étant précisé que cette servitude est expressément rappelée en page 20 de l'acte d'acquisition de la SCCV le Clos de Bonne Brise du 29 mai 2006 ; attendu que cette même servitude est également rappelée dans les annexes de l'acte de propriété du 18 juin 1999 des époux X... paraphées par eux.
Attendu que l'article 705 du Code civil dispose que : « toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due et celui qui la doit, sont réunis dans la même main ».
Attendu qu'il n'y a pas unité de personnes entre M. F... et l'indivision dont il fait partie concernant la parcelle numéro 2794 ; que cette parcelle ne peut être considérée comme constituant un fonds unique avec celui de Monsieur F... ou de ses ayants droit, en l'occurrence la société civile immobilière de construction vente le Clos de Bonne Brise.
Attendu qu'en application de l'article 686 du Code civil, la servitude est attachée au fonds ;
Attendu que les parties à l'acte de partage du 18 septembre 1998 ont fait une juste application des dispositions de l'article 684 du Code civil, lorsque, à l'occasion de la division du fonds d'origine, elles ont réglé les situations d'enclave ainsi créées, par l'institution d'une servitude de passage, expressément spécifiée « réelle et perpétuelle », à laquelle s'attache des droits et des obligations dont il n'y a pas lieu de les priver ou de les exonérer ; que la société civile immobilière de construction vente le Clos de Bonne Brise, venant aux droits de Monsieur F..., a reçu de lui les droits et obligations attachés au fonds, en ce compris ceux convenus sur la parcelle indivise numéro 2794.
Attendu que les actuels propriétaires demeurent en l'état de cette institution conventionnelle, expression de la volonté des parties, que ce soit pour avoir concouru à sa création ou en qualité d'ayants droit.
Attendu qu'en conséquence, la servitude de passage dont bénéficie le fonds appartenant à la société civile immobilière de construction vente Le Clos de Bonne Brise sur la parcelle cadastrée numéro 2794 n'est pas éteinte ; que le moyen tiré de l'extinction de cette servitude invoqué par les époux X... doit être rejeté, alors au demeurant que sur le terrain de la prétendue extinction de servitude, leur situation est strictement identique à celle de la SCCV Le Clos de Bonne Brise, puisqu'ils sont propriétaires indivis du fonds servant et propriétaires de l'un des fonds dominants. Sur l'aggravation de la servitude de passage
Attendu que l'article 702 du Code civil prévoit que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier.
Attendu que l'utilisation par la société civile immobilière de construction vente le clos de Bonne Brise de la servitude de passage dont elle bénéficie sur la parcelle indivise numéro 2794 est conforme à son titre ; que cette utilisation dans le cadre du projet de construction de 15 logements et du permis de construire obtenu n'aggrave pas la situation du fonds servant,
la parcelle numéro 2794 dont la seule destination est de permettre le passage ; qu'en effet, compte tenu de cette destination, la desserte de constructions nouvelles et un éventuel passage plus intensif par les propriétaires des logements plus nombreux, n'aggravera pas la situation de cette parcelle ; l'afflux de circulation éventuel n'est pas générateur de troubles ou de contraintes particuliers qu'auraient à subir les époux X....
Attendu qu'en conséquence le moyen tiré de l'aggravation de la servitude invoquée par les époux X... ne peut davantage prospérer
Attendu que les époux X... doivent en conséquence être déboutés de l'intégralité de leurs demandes et le jugement déféré infirmé ; que cette disposition suffit sans qu'il soit nécessaire dès à présent de prononcer une quelconque interdiction aux consorts X...- Y... en ce qui concerne la réalisation des canalisations et le passage ; qu'en effet, dès lors qu'ils sont déboutés de leur demande tendant à interdire le passage requis au profit des parcelles de la SCCV, ils ne peuvent de leur propre initiative y faire obstacle sans exposer leur propre responsabilité, et il n'y a pas lieu de présumer le non respect de la présente décision. Sur les frais et dépens de la procédure
Attendu que les époux X... et M. Y... qui succombent, doivent supporter l'ensemble des dépens de première instance et d'appel et l'équité commande que chacune des parties concerne la charge des frais hors dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Lucien Y... de ses demandes ; l'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
Déboute Monsieur Denis X... et Mme Josiane C... son épouse de toutes leurs demandes
Constate le désistement d'instance concernant la demande reconventionnelle financière de la société civile immobilière de construction vente LE CLOS DE BONNE BRISE et le déclare parfait
Dit que chaque partie conservera la charge de l'ensemble des frais hors dépens exposés
Condamne Monsieur Lucien Y... et les époux X... aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers distractions au profit de la SCP TARDIEU, avoués, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par M. DELTEL, Président et par Mme BERTHIOT, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,