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26/01/2010 | FRANCE | N°07/03393

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile 1ère chambre b, 26 janvier 2010, 07/03393


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
ARRÊT DU 26 JANVIER 2010

ARRÊT N
R. G : 07 / 03393
NB / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
20 juin 2007

X...
C /
Commune de AVEZE

APPELANT :
Monsieur André X...
né le 08 Juin 1946 à AVEZE (72400)
...
30120 AVEZE
représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, avocats au barreau de NÎMES

INTIMÉE :
Commune de AVEZE
prise en la personne de son Maire
Hôtel de Ville r>30120 AVEZE
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP GRANDJEAN-POINSOT, avocats au barreau de MONTPELLIER ...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
ARRÊT DU 26 JANVIER 2010

ARRÊT N
R. G : 07 / 03393
NB / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
20 juin 2007

X...
C /
Commune de AVEZE

APPELANT :
Monsieur André X...
né le 08 Juin 1946 à AVEZE (72400)
...
30120 AVEZE
représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, avocats au barreau de NÎMES

INTIMÉE :
Commune de AVEZE
prise en la personne de son Maire
Hôtel de Ville
30120 AVEZE
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP GRANDJEAN-POINSOT, avocats au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Novembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nicole BERTHET, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président
Mme Isabelle THERY, Conseiller
Mme Nicole BERTHET, Conseiller

GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :
à l'audience publique du 30 Novembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2010.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 26 Janvier 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

I /- EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur X... est propriétaire à AVEZE de divers biens immobiliers, suivant acte de partage du 9 avril 2003, en particulier d'une maison d'habitation lieu-dit le Village, cadastrée section A n 837 et de parcelles de terre cadastrées section A n 452, 474, 530, 547.
Exposant que ces parcelles sont traversées par un chemin d'exploitation créé par son père, Roger X..., chemin se situant dans le prolongement du chemin dit de Vilonge et que la Commune d'AVEZE avait, courant février 2004, entrepris sur ce chemin qui est sa propriété des travaux de construction d'un réseau de distribution d'eau potable au profit des habitants de la Commune, Monsieur X... l'a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de NÎMES, par exploit du 17 mai 2006 aux fins de remise en état et cessation du trouble de voisinage.
Par jugement du 20 juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de NÎMES statuait en ces termes :
" Déboute Monsieur André X... de tous ses chefs de demandes.
Vu les articles L. 161-1 et L. 162-2 du Code rural,
Constate que la portion du chemin de Vilonge traversant les parcelles de Monsieur André X... est un chemin rural faisant partie du domaine privé de la Commune d'AVEZE,
Rejette le surplus des demandes principales ou reconventionnelles, plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur André X... aux dépens. "
Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement le 23 juillet 2007.
Par conclusions du 10 août 2009, Monsieur André X... demande à la Cour de :
''Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de NÎMES en date du 20 juin 2007,
- Dire que le chemin de Vilonge Commune d'AVEZE sur les parcelles cadastrées A numéros 452, 474, 530, 547 est un chemin d'exploitation au sens de l'article L. 162-1 du Code rural,
- Dire que la Commune d'AVEZE ne peut prétendre à aucun droit sur ledit chemin,
- Dire que la Commune d'AVEZE n'a aucun intérêt à procéder à de quelconques travaux que ce soit,
- Ordonner à la Commune d'AVEZE de remettre en état les lieux avant les travaux effectués en février 2004 et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard dès la signification de la décision à venir,
- Condamner la Commune d'AVEZE à payer à Monsieur André X... la somme de 6. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et matériel, outre celle de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Condamner la Commune d'AVEZE aux entiers dépens tant ceux de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN sur leurs affirmations. "
Il reproche au premier juge d'avoir inversé les règles de la preuve.
Il soutient que le chemin litigieux est un chemin d'exploitation et non un chemin rural ; qu'il sert exclusivement à l'accès aux propriétés privées et non au public.
Il relève que la promesse de cession opposée par la Commune n'est ni datée, ni signée du représentant de la Commune, et que la Commune ne rapporte pas la preuve de la signature de Roger X... à cet acte ; il invoque les dispositions des articles 1325 et 1589-2 du Code civil et soutient que la promesse est nulle.
Il conclut que la Commune d'AVEZE ne dispose d'aucun titre, qu'en aucun cas le chemin de Vilonge peut être considéré comme étant public dans son tracé et par rapport aux propriétés qui lui sont contiguës.
Il explique en outre que les travaux effectués par la Commune ont généré un préjudice matériel à sa propriété.
La Commune d'AVEZE a conclu le 29 octobre 2009 au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement, au rejet des demandes de Monsieur X...,
Très subsidiairement au cas où il serait fait droit à sa demande de revendication, constater que le chemin litigieux est un chemin d'exploitation,
Débouter Monsieur X... de ses demandes tendant à la remise en état des lieux avant les travaux de 2004, lesdits travaux de VRD l'étant dans l'intérêt collectif des usagers.
Elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP CURAT-JARRICOT, avoués.
La Commune précise en préambule que la juridiction civile est saisie d'une action en revendication de propriété à laquelle elle s'oppose.
Elle soutient que le chemin litigieux est un chemin communal, dépendant de son domaine privé, qu'il est ouvert à la circulation publique depuis sa création.
Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1589 du Code civil et sur la promesse unilatérale de vente de Monsieur X..., père, promesse qui vaut vente dès lors que le conseil municipal a approuvé l'acquisition des parcelles. (DCM du 21 septembre 1968).
Elle fait également état d'un document d'arpentage établi contradictoirement et invoque subsidiairement la prescription acquisitive ; elle fait valoir qu'elle a pris possession des terrains d'emprise dès 1971 ou au plus tard en 1972 et qu'elle exerce depuis plus de trente ans, une possession paisible, publique et non équivoque.
Elle réplique que le fait que le cadastre n'ait pas été modifié est sans incidence sur la réalité du transfert.
Elle ajoute que l'appelant n'a pu ignorer les travaux réalisés en 1991 par l'entreprise X..., son frère, propriétaire indivis et membre à cette époque du conseil municipal.
Sur les dommages et la demande de remise en état la Commune d'AVEZE, explique que l'usage d'un chemin d'exploitation étant collectif, la demande de Monsieur X... tendant à la suppression d'aménagement faits dans l'intérêt collectif se heurte à une fin de non recevoir, dès lors que Monsieur X... n'est pas seul titulaire du droit d'usage.
La mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 novembre 2009.

II /- MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur X... a qualité et intérêt à défendre les droits qu'il prétend avoir sur le chemin litigieux sans être obligé d'attraire à la procédure d'autres riverains du chemin qu'il entend faire qualifier de chemin d'exploitation. Son action est recevable.
L'article L. 161-1 du code rural dispose que :
" Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. "
L'article L. 162-1 du code rural dispose que :
" Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public. "
La commune revendique, contre les titres de Monsieur X... propriétaire des parcelles sur lesquelles il a son assiette, la propriété du chemin litigieux en se prévalant en particulier d'une promesse de cession gratuite, mais cette promesse n'est pas datée et sa signature, qui serait celle de feu Roger X..., père de l'appelant, est contestée par ce dernier, or elle ne présente aucune ressemblance avec celles des documents de comparaison. Elle a pour forme l'écriture du nom entier en lettres nettement liées avec un trait de soulignement séparé, alors que sur sa carte d'identité, son testament du 14 octobre 1983 et le document d'arpentage évoqué ci-après, elle prend la forme du nom entier en lettres partiellement liées, par groupes de lettres, le'o'terminal se prolongeant en trait de soulignement de la droite vers la gauche.
Le document d'arpentage de Monsieur Y..., géomètre-expert, du 17 décembre 1979 porte la signature de Monsieur X... père, et cette signature, conforme à celles des documents de comparaison, est d'autant moins suspecte qu'elle a été recueillie par un tiers digne de foi ; mais il ne s'agit que d'un document d'arpentage, et non d'un procès-verbal de bornage, et il ne rend compte que de la disposition des lieux, en particulier du chemin litigieux, et non de leur statut ; il ne vaut pas titre translatif de propriété.
La commune démontre la continuité de son action depuis la délibération du conseil municipal du 21 septembre 1968 portant notamment sur une proposition de création de chemins communaux en vue de désenclaver des maisons d'habitation et des propriétés, suivie d'une lettre du 26 novembre 1969 de l'ingénieur des TPE selon laquelle le projet de création de quatre chemins dont celui de Vilonge, du CD 329 au Mas du Cruveiller, a été déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral du 1er août 1969 pour une durée de cinq ans ; un courrier de Monsieur le subdivisionnaire de la direction départementale de l'équipement du Gard, du 4 octobre 1971 confirme cette déclaration d'utilité publique, et il résulte de ce courrier que le projet a reçu l'approbation d'une délibération du conseil municipal du 23 juillet 1970 puis du sous-préfet le 1er octobre 1970, et que le marché des travaux a été approuvé par Monsieur l'ingénieur en chef le 4 décembre 1970 et notifié le 13 janvier 1971 (nota : ce courrier ne fait pas référence aux parcelles X...). Enfin, les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception définitive du 21 novembre 1972. Une délibération du conseil municipal du 21 mars 1991 reconduit l'entreprise X..., frère de l'appelant, pour l'entretien des chemins communaux (débroussaillage) dont le chemin de Vilonge.
Ces documents rendent compte d'actes accomplis par la commune, en particulier l'entretien du chemin, correspondant à des actes de propriétaire, pendant plus de trente ans avant l'action introduite par Monsieur X... par exploit du 17 mai 2006, mais ils ne comportent aucun élément de localisation de ces actions ; or, sur le plan cadastral, le chemin s'arrête à la propriété de Monsieur X..., aucun prestataire ne donne de repaire géographique de son intervention, et les photocopies de photographies versées aux débats, outre leur mauvaise qualité, ne représentent qu'un chemin sans aucun élément de localisation ; il n'est pas matériellement démontré que ces travaux ou actions d'entretien ont été réalisés sur le prolongement du chemin de Vilonge dans la propriété X....
L'acquisition par prescription trentenaire n'est donc pas établie.
L'affectation à l'usage du public n'est pas démontrée ; l'attestation du maire du 11 juillet 2006, outre qu'elle émane de la partie elle-même, n'y suffit pas. En effet, son auteur ne fait état d'aucun site, d'aucun équipement public ou à l'usage du public auquel ce chemin donnerait accès, et aux termes de cette attestation, le maire fait de l'usage de ce chemin cette description :
« il est fréquenté (depuis sa création) quotidiennement notamment par les membres des trois familles qui résident dans ce quartier, à savoir les familles Z..., A... et B.... Il est également emprunté très régulièrement par les propriétaires des « campagnes » ou « vignes » (comme on les appelle chez nous) qu'il dessert, mais aussi par les randonneurs. »
L'utilisation ainsi décrite est parfaitement compatible avec la qualification de chemin d'exploitation, y compris avec l'éventualité du passage de randonneurs qui n'est accréditée par aucun élément, aucun dépliant touristique, aucun document émanant d'une quelconque association ou autre, aucune constatation d'un tel passage, lequel, à le supposer établi, n'est pas exclusif de la notion de chemin d'exploitation, l'article L. 162-1 du Code rural sus-énoncé laissant à leurs propriétaires la faculté de les fermer à la circulation publique.
La commune d'AVEZE ne fait donc pas la preuve de la propriété du chemin litigieux, et sur le principe il doit être fait droit à l'action de Monsieur X....
Monsieur X... ne fait état d'aucun autre préjudice que celui résultant de l'atteinte à son droit de propriété, les ouvrages critiqués ayant pour seul effet de limiter l'usage de la surface qu'ils affectent à celui qu'il en fait actuellement, à savoir celui de chemin ; en réparation de ce préjudice, il doit lui être alloué la somme de 1000, 00 € ; par contre, les canalisations enterrées dans ce chemin et leurs regards sont des ouvrages publics dont le juge de l'ordre judiciaire ne peut pas ordonner la suppression, et la demande de remise en état formée par Monsieur X... ne peut prospérer.
La commune d'AVEZE qui succombe doit supporter les dépens, et il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Monsieur X... la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Déclare l'action de Monsieur André X... recevable.
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Dit que le chemin de Vilonge, commune d'AVEZE, sur les parcelles cadastrées section A n 452, 474, 530, et 547 est un chemin d'exploitation au sens de l'article L. 162-1 du Code rural.
Condamne la commune d'AVEZE à payer à Monsieur André X... la somme de 1000, 00 € à titre de dommages et intérêts.
Déboute Monsieur André X... de sa demande de remise en état des lieux.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la commune d'AVEZE aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP FONTAINE MACALUSO JULLIEN.
Arrêt signé par Monsieur DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile 1ère chambre b
Numéro d'arrêt : 07/03393
Date de la décision : 26/01/2010
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNE - Voirie - Chemin rural - Détermination - Affectation à l'usage public

De la combinaison des articles L161-1 et L162-1 du code rural, il résulte d'une part que les chemins ruraux sont ceux appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voie communale, d'autre part que les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. En l'espèce, dans son attestation, le maire de la commune intimée ne fait état d'aucun site ni d'aucun équipement public ou à l'usage du public auquel le chemin litigieux donnerait accès, précisant seulement à propos de son usage qu'il est emprunté régulièrement par les propriétaires des parcelles qu'il dessert et par des randonneurs. L'affectation à l'usage du public n'est donc pas démontrée, d'autant que le passage de randonneurs, à le supposer établi, n'est pas exclusif de la notion de chemin d'exploitation, l'article L162-1 susvisé laissant à leurs propriétaires la faculté de les fermer à la circulation publique. Il s'ensuit que l'utilisation du chemin est parfaitement compatible avec la qualification de chemin d'exploitation


Références :

articles L161-1 et L162-1 du code rural

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 20 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2010-01-26;07.03393 ?
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