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26/01/2010 | FRANCE | N°07/03305

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile 1ère chambre b, 26 janvier 2010, 07/03305


CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 26 JANVIER 2010
R. G. : 07/ 03305
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 24 mai 2007

SA LE CRÉDIT LYONNAIS (LCL)
C/
X...
APPELANTE :
SA LE CRÉDIT LYONNAIS (LCL) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis 18 Rue de la République 69002 LYON 02

représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

INTIMÉE :

Madame Marie Paule X... ve

uve Z... née le 17 Octobre 1914 à SAINT MÉDARD D'EYRANS (33650) décédée à Nimes (30) le 8 avril 2009

INTERVENAN...

CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 26 JANVIER 2010
R. G. : 07/ 03305
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 24 mai 2007

SA LE CRÉDIT LYONNAIS (LCL)
C/
X...
APPELANTE :
SA LE CRÉDIT LYONNAIS (LCL) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis 18 Rue de la République 69002 LYON 02

représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

INTIMÉE :

Madame Marie Paule X... veuve Z... née le 17 Octobre 1914 à SAINT MÉDARD D'EYRANS (33650) décédée à Nimes (30) le 8 avril 2009

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Monsieur Charles A... pris en sa qualité d'héritier légal de Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le 08/ 04/ 2009 né le 26 Décembre 1925 à NÎMES (30000)... 30000 NÎMES

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Monsieur Robert C... pris en sa qualité d'héritier légal de Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le 08/ 04/ 2009 né le 29 Août 1927 à NÎMES (30000)... 30320 MARGUERITTES

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Madame Jeanine C... épouse D... pris en sa qualité d'héritier légal de Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le 08/ 04/ 2009 née le 16 Janvier 1929 à NÎMES (30000)... 30000 NÎMES

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Monsieur Jacky C... pris en sa qualité d'héritier légal de Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le 08/ 04/ 2009 né le 26 Mai 1934 à NÎMES (30000)... 86000 POITIERS

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Monsieur Christian C... pris en sa qualité d'héritier légal de Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le 08/ 04/ 2009 né le 28 Avril 1942 à NÎMES (30000)... 30000 NÎMES

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Madame Lucile A... prise en sa qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit par Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le née le 16 Mars 1984 à TANNERON (83440)...... 92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

Madame Aude E... prise en sa qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit par Mme Marie Paule Z... née le 17/ 10/ 1914 et décédée le née le 20 Février 1982 à AVIGNON (84000)... 23130 SAINT CHABRAIS

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Karline GABORIT, avocat au barreau de NÎMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Novembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président, Mme Isabelle THERY, Conseiller, Mme Nicole BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 01 Décembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2010. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 26 Janvier 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 16 juillet 2007 par la SA le Crédit Lyonnais (LCL) à l'encontre du jugement prononcé le 24 mai 2007 par le tribunal de grande instance de Nîmes.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état : – le 8 octobre 2009 par la SA LCL – Crédit Lyonnais, appelante, – le 23 novembre 2009 par M. Charles A..., M. Robert C..., Madame Jeannine C... épouse D..., M. Jacky C..., M. Christian C..., intervenant volontairement ès qualité d'héritiers de Madame Marie-Paule Z... décédée le 8 avril 2009, Madame Lucile A... et Madame Aude A... E..., intervenant volontairement ès qualités de bénéficiaires du contrat d'assurance-vie n... souscrit par Madame Marie-Paule Z..., intimés,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 30 novembre 2009.

* * * * *

Reprochant à sa banque, le Crédit Lyonnais, de lui avoir fait souscrire un contrat d'assurance-vie le 20 février 2004, sans avoir respecté son obligation d'information et de conseil, Madame Marie-Paule X... veuve Z... a fait assigner la SA Le Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 37. 267, 54 € en réparation de son préjudice matériel et celle de 2000 € au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 24 mai 2007, le tribunal a dit que la SA LCL Crédit Lyonnais a manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'a condamnée à payer à Madame Paulette Z... la somme de 35. 000 €, outre celle de 1100 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en rejetant toutes autres demandes plus amples et contraires.
* * * * *

La SA LCL Crédit Lyonnais a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation. Madame Marie-Paule Z... est décédée le 8 avril 2009. Ses héritiers et les bénéficiaires du contrat d'assurance-vie souscrit le 20 février 2004 sont intervenus volontairement à l'instance.

* * * * *

Aux termes de ses dernières écritures, la SA LCL Crédit Lyonnais sollicite le rejet des demandes des héritiers de Madame Z... et leur condamnation au paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle rappelle que l'action des héritiers ne peut s'exercer que sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Elle considère qu'elle a respecté son obligation d'information, la demande de rachat des contrats d'assurance-vie ayant été expresse et univoque et la notice descriptive ayant bien été remise à sa cliente ce que celle-ci n'a jamais contesté. Elle soutient que Madame Z... a parfaitement été informée des conséquences du rachat des quatre contrats d'assurance-vie puisqu'elle souhaitait percevoir des revenus réguliers et qu'elle a souscrit un nouveau contrat avec la désignation d'un nouveau bénéficiaire, M. Christian C.... Elle ajoute qu'il n'existe aucun préjudice dans la mesure où Madame Z... n'était que le souscripteur du contrat et que seul le bénéficiaire devra payer le cas échéant les droits sur le capital à percevoir.

* * * * *

M. Charles A..., M. Robert C..., Madame Jeannine C... épouse D..., M. Jacky C..., M. Christian C..., intervenant volontairement ès qualité d'héritiers de Madame Marie-Paule Z..., Madame Lucile A... et Madame Aude A... épouse E..., intervenant

également volontairement en leur qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie n... souscrit par Madame Marie-Paule Z... demandent à la cour : – de déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire, – de confirmer en son principe jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes, – d'y ajouter en condamnant la SA LCL Crédit Lyonnais à payer à : M. Charles A... la somme de 21. 712, 50 €, M. Robert C..., Madame Jeanine C... épouse D... M. Jacky C..., M. Christian C... chacun la somme de 5. 428, 12 €. Ils réclament également les sommes de 2. 267, 54 € au titre du remboursement des frais prélevés et 2000 € pour le préjudice moral subi par Madame Z... ainsi que la somme de 2500 € pour leurs frais irrépétibles.

Sur l'action engagée par Madame Z..., ils soutiennent : – l'absence de remise des documents contractuels d'une part, au titre du rachat des anciens contrats soulignant que le courrier du 20 février 2004 n'a pas été envoyé par Madame Z... mais imprimé le jour de la souscription du contrat par le conseiller financier et d'autre part, au titre du nouveau contrat, dont la notice d'information n'a jamais été remise au souscripteur, – la violation du devoir d'information et de conseil dans le cadre du rachat des anciens contrats puisque Madame Z... n'avait aucun intérêt à souscrire un nouveau contrat alors que les anciens contrats étaient défiscalisés et qu'elle n'a pu dans le cadre de la souscription du nouveau contrat vérifier le taux de rémunération garanti, le montant des frais etc... Ils considèrent que les avantages fiscaux des contrats d'assurance-vie constituent une des conditions essentielles du contrat sans laquelle l'assurée n'aurait pas contracté et que le rachat a privé Madame Z... de cette clause contractuelle alors qu'elle était âgée de plus de 90 ans ce qui justifie le montant retenu par le premier juge (35. 000 €) à titre de dommages-intérêts. En ce qui concerne les prétentions des héritiers de Madame Z..., il est sollicité la nullité des contrats, l'application de l'article 1146 du Code civil et l'octroi de dommages et intérêts correspondant au montant des droits de succession exigibles.

* * * * *

Il est fait expressément référence aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La régularité et la recevabilité de l'intervention volontaire des héritiers de Madame Marie-Paule Z... et des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie litigieux ne sont pas discutées de sorte qu'il sera fait droit à la demande des intimés.
* * * * *

En l'état du décès de Madame Z..., il s'avère, à l'examen des prétentions des parties que le litige a évolué puisqu'il est sollicité, outre la confirmation du jugement, la condamnation de la banque à payer des dommages et intérêts aux héritiers de Madame Z....

L'appel interjeté par la banque nécessite de déterminer en premier lieu si les conditions permettant de retenir la responsabilité de la banque sont remplies à savoir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Le fondement juridique de l'action à savoir l'article 1147 du Code civil n'est pas discuté.
Il convient de se placer à la date de souscription du contrat litigieux pour examiner les obligations du banquier.
Il est constant en fait au vu des pièces versées aux débats par les parties que Madame Z... âgée de 89 ans a signé le 20 février 2004 à l'agence Crédit Lyonnais de Nîmes Victor Hugo des demandes de rachat de quatre contrats d'assurance-vie dont elle était titulaire, contractés par l'intermédiaire d'une autre agence de la banque à Grenoble ainsi qu'une demande d'adhésion à un contrat d'assurance de groupe sur la vie souscrit par cette banque auprès des assurances fédérales vie, contrat de capital différé en optant pour la distribution de revenus à hauteur de 300 € par mois, avec une fiscalité permettant une exonération des droits jusqu'à 30. 500 € et des frais correspondants à 2, 75 % du montant du contrat, outre les frais de gestion. Le bénéficiaire mentionné dans ce nouveau contrat était M. Christian C....

Elle a également signé le même jour un courrier dactylographié en apposant la mention “ lu et approuvé ” confirmant les rachats de ces contrats afin de souscrire un contrat “ Lion vie jaune saison ” et en précisant que cette opération était destinée à lui procurer des revenus réguliers, le bénéficiaire étant son neveu M. Christian C....
Les relevés communiqués aux débats et la déclaration de revenus 2004 permettent de retenir que : – les quatre contrats représentaient une valeur de 98. 189 € au 20 février 2004, – Madame Z... disposait par ailleurs d'un portefeuille évalué au 19 février 2004 à 30. 100 € ainsi que d'une pension annuelle de 16. 791 € outre des revenus locatifs annuels de 47. 114 €, soit une moyenne de 5. 325 € par mois, – qu'il a été réinvesti la somme de 98. 000 € dans le nouveau contrat, celui-ci ayant une valeur au 10 mai 2004 de 95. 547 € et qu'il a été remboursé le 13 avril 2004 à Madame Z... la somme de 1. 524, 49 € correspondant à des cotisations prélevées à tort, – que, dès réception du courrier relatif à ce remboursement, Madame Z... a réclamé des éclaircissements à la banque selon courrier du 21 avril 2004 également dactylographié.

Au regard des documents signés par Madame Z..., les intimés ne peuvent prétendre que la banque a “ laissé croire ” à sa cliente qu'elle opérait un simple transfert des fonds de ses comptes de Grenoble à Nîmes alors que les courriers postérieurs démontrent qu'elle gérait sa fortune en toute lucidité.

La faute de la banque doit dès lors être examinée lors des opérations de rachat et de la conclusion du contrat litigieux.
La Cour relève que si l'original ou la copie des 4 contrats d'assurance vie souscrits antérieurement par Madame Z..., qui ont fait l'objet d'un rachat le 20 février 2004, n'ont pas été versés aux débats, il n'est pas discuté qu'ils comportaient des avantages fiscaux portant notamment sur l'exonération de droits de succession ce que confirme la lecture du jugement déféré.
Il est rappelé en droit que le banquier est tenu d'une obligation d'information et de conseil, cette dernière étant appréciée en fonction de l'ignorance du souscripteur sur les avantages et les inconvénients liés au produit bancaire proposé. L'information donnée doit être pertinente afin de permettre la compréhension des avantages liés au contrat en tenant compte de la situation personnelle du souscripteur.

Sur la première obligation, force est de constater au vu des pièces produites, que la banque ne justifie pas avoir remis à sa cliente l'original des ordres de rachat en méconnaissance des dispositions de l'article 1325 du Code civil ce qui ôte à ces actes toute force probante.
Il appartenait également au banquier de remettre, conformément aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa version applicable au litige, contre récépissé une notice d'information sur les dispositions essentielles du contrat.
Ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, la signature de la demande d'adhésion portant comme mention la reconnaissance de la remise d'un exemplaire du contrat, de la note d'information et de la connaissance de la faculté de renonciation ne suffit pas à établir la remise de ces pièces dès lors que les originaux de celles-ci ne sont pas versés aux débats et qu'il n'est pas produit le récépissé prévu à l'article précité. Il sera ajouté que la note d'information est un document distinct des conditions générales et particulières du contrat puisqu'elle résume les dispositions essentielles du contrat et qu'en l'espèce, le défaut de remise de ce document ne peut être suppléé par la remise des conditions générales et particulières du contrat.

Dès lors, contrairement à ce qu'elle prétend, la banque ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information. Néanmoins la seule sanction du défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par le texte précité est la faculté de renoncer à ce contrat, ce qui n'est pas revendiqué par les intimés qui ne sont pas fondés à réclamer des dommages et intérêts du fait de cette inexécution.
L'obligation de conseil doit s'examiner au regard des éléments d'information dont la banque disposait lors de la signature du contrat.
La circonstance que Madame Z... ait souscrit antérieurement des contrats d'assurance-vie est sans incidence sur l'obligation de conseil du banquier dès lors qu'il s'agissait d'un nouveau produit et qu'il appartenait à la banque de démontrer les avantages que le souscripteur pouvait en retirer.
À cet égard, la banque justifie qu'une information a été donnée sur l'objet du contrat permettant le versement de revenus réguliers contrairement aux contrats précédents et que cet objectif pouvait être légitimement poursuivi par Madame Z... qui, compte tenu de son âge, a pu manifester l'envie de profiter de sa fortune et d'accroître ses revenus mensuels alors qu'elle disposait d'un patrimoine immobilier très important. Il n'appartient pas au banquier de s'immiscer dans la vie privée de sa cliente de sorte qu'il ne peut être fait grief à la banque de s'être abstenue de rechercher si Madame Z... avait réellement besoin d'une somme complémentaire, minime au regard de ses ressources et qui pouvait correspondre à des dépenses mensuelles supplémentaires.

En revanche, la banque n'établit pas qu'ait été abordée la question de la fiscalité qui constitue, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, un élément déterminant de ce type de contrat en particulier dans la situation de Madame Z..., veuve et sans descendants directs, dont les revenus et le patrimoine immobilier étaient conséquents.
Il s'avère au contraire que le produit offert s'est révélé moins avantageux fiscalement et a diminué son épargne initiale en raison des frais prélevés tant au niveau du rachat des contrats antérieurs que lors de la souscription.
Il s'ensuit que le premier juge a retenu à bon droit la faute de la banque.
Il appartient aux intimés de démontrer que cette faute est à l'origine d'un préjudice pour Madame Z....
La somme retenue par le premier juge correspond au montant des droits de succession pouvant être réglés par les héritiers de Madame Z... sur la base du contrat souscrit le 20 février 2004. Néanmoins la privation d'un avantage fiscal pour les bénéficiaires du contrat au moment du décès ne saurait constituer pour le souscripteur un préjudice direct et certain puisque Madame Z... n'a réglé de son vivant aucun droit à l'administration fiscale, qu'elle a modifié par la suite dans le cadre de son testament intervenu en 1987 le nom des bénéficiaires puisqu'initialement seul M. Christian C... en bénéficiait de sorte que l'existence d'un préjudice lié à l'imposition fiscale par nature hypothétique puisqu'évoluant en fonction des bénéficiaires n'est pas démontrée.

Il sera ajouté qu'il ne ressort pas du relevé de la déclaration de succession produit la démonstration d'une perte d'une partie de son investissement initial puisque le contrat s'élevait à la somme de 127. 000 € au moment du décès le 8 avril 2009 alors que l'investissement initial était de 98. 000 €.
En revanche, il est fait état à juste titre dans le cadre du préjudice des frais générés par la souscription d'un nouveau contrat dont l'intérêt n'était pas démontré ce qui justifie de retenir la somme prélevée à cet effet, à concurrence de 2267, 54 € selon les écritures non contestées des intimés à titre de dommages et intérêts. Il échet en conséquence d'infirmer le jugement sur le montant de la condamnation.

Les héritiers de Madame Z... invoquent vainement la nullité des contrats en application des articles 1109, 1116 du Code civil qui supposent de démontrer l'existence d'un dol déterminant le consentement de la victime.
La seule violation de l'obligation d'information et de conseil de la banque caractérisée ci avant ne saurait être assimilée à des manoeuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de Madame Z.... Il s'ensuit que la demande de nullité ne peut qu'être rejetée.

Il est sollicité par les héritiers à titre personnel des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1146 du Code civil qui correspondent au montant des sommes versées à l'administration fiscale au titre des droits de succession.
Cette demande ne saurait prospérer faute de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute de la banque à l'égard de Madame Z... alors même que le préjudice subi par celle-ci a été réparé. Le mécanisme de l'assurance-vie repose en effet sur la stipulation pour autrui qui intéresse trois personnes : le stipulant qui charge le promettant de faire un paiement au tiers bénéficiaire, paiement qui ayant une cause gratuite constitue une donation indirecte. Il résulte de l'essence même du contrat d'assurance-vie que le capital demeure extérieur à la succession du souscripteur. Le caractère direct de la stipulation pour autrui a pour conséquence que les héritiers du stipulant n'ont aucun droit sur la valeur qui est attribuée au tiers bénéficiaire. Ce dernier ne participe pas à la définition de son droit qui résulte exclusivement de la convention conclue entre le stipulant et le promettant.

En l'occurrence le règlement des droits en exécution du contrat souscrit sur le capital à percevoir par les bénéficiaires qui sont également les héritiers de Madame Z... ne constitue pas un préjudice indemnisable.
Il y a lieu en conséquence de débouter les intimés de leurs demandes. Il n'existe aucun élément de nature à caractériser un préjudice moral subi par Madame Z.... Le rejet de cette demande doit être confirmé.

Sur les frais de l'instance

Dès lors qu'il est fait partiellement droit aux prétentions des intimés, la SA LCL Crédit Lyonnais devra supporter les dépens d'instance sans que l'équité commande d'allouer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de M. Charles A..., M. Robert C..., Madame Jeannine C... épouse D..., M. Jacky C..., M. Christian C..., Madame Lucile A... et Madame Aude A... épouse E...,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SA LCL Crédit Lyonnais à payer à Madame Paulette Z... la somme de 35. 000 €,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la SA LCL Crédit Lyonnais à payer à M. Charles A..., M. Robert C..., Madame Jeannine C... épouse D..., M. Jacky C..., M. Christian C..., la somme de 2. 267, 54 € à titre de dommages-intérêts,
Y ajoutant,
Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties,
Condamne la SA LCL Crédit Lyonnais aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
Arrêt signé par M. DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile 1ère chambre b
Numéro d'arrêt : 07/03305
Date de la décision : 26/01/2010
Type d'affaire : Civile

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute

1) Le banquier est tenu d'une obligation d'information et de conseil, laquelle s'apprécie en fonction de l'ignorance du souscripteur sur les avantages et les inconvénients liés au produit bancaire proposé. L'information donnée doit être pertinente afin de permettre la compréhension des avantages liés au contrat en tenant compte de la situation personnelle du souscripteur. En l'espèce, ni l'original des ordres de rachat ni le récépissé prévu par les dispositions de l'article L132-5-2 du code des assurances attestant de la remise d'une notice d'information sur les conditions essentielles du contrat ne sont versés aux débats. La banque qui est dans l'incapacité d'établir la remise de ces pièces ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information. L'obligation de conseil doit s'examiner au regard des éléments d'information dont la banque dispose lors de la signature du contrat. S'agissant d'un nouveau produit, il appartient à la banque de démontrer les avantages que le souscripteur peut en retirer. En l'espèce, la banque n'établit pas qu'ait été abordée la question de la fiscalité qui constitue un élément déterminant du contrat d'assurance-vie en particulier dans la situation du souscripteur, veuf et sans descendants directs, dont les revenus et le patrimoine étaient conséquents. Il s'avère au contraire que le produit offert s'est révélé moins avantageux fiscalement et a diminué son épargne initiale en raison des frais prélevés tant au niveau du rachat des contrats antérieurs que lors de la souscription. Il s'ensuit que le premier juge a retenu à bon droit la faute de la banque. 2) Il appartient aux bénéficiaires du contrat de démontrer que la faute est à l'origine d'un préjudice pour le souscripteur. En l'espèce, la privation d'un avantage fiscal pour les bénéficiaires du contrat au moment du décès ne saurait constituer pour le souscripteur un préjudice direct et certain puisque ce dernier n'a réglé de son vivant aucun droit à l'administration fiscale et que par la suite le nom des bénéficiaires a été modifié de sorte que l'existence d'un préjudice par nature hypothétique puisqu'évoluant en fonction des bénéficiaires n'est pas démontrée. En outre, il n'est démontré aucune perte d'une partie de l'investissement initial du souscripteur. Par conséquent, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la banque à verser au souscripteur la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 24 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2010-01-26;07.03305 ?
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