ARRÊT N° 668
R. G. : 07 / 01067
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AIX EN PROVENCE
07 avril 2005
X...
C /
URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE
Z...
Y...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre B
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2009
APPELANT :
Monsieur Claude X...
né le 20 Mars 1943 à ALGER
...
représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de Me Albert HINI, avocat
INTIMÉS :
URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
20 Avenue Viton
13299 MARSEILLE CEDEX 20
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de la SCP BROQUERE DANTHEZ DE CLERCQ COMTE, avocats au barreau de NÎMES
Maître Bernard Z...
administrateur judiciaire pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la SARL CLINIQUE GÉNÉRALE D'ISTRES
...
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
Maître Jean-Claude Y...
huissier de justice
...
représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assisté de la SCP DE ANGELIS DEPOERS SEMIDEI VUILLQUEZ HABART MELKI, avocats au barreau de MARSEILLE
Statuant sur appel d'un jugement rendu par le Juge de l'Exécution
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président,
Mme Isabelle THERY, Conseiller,
Mme Nicole BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 29 Septembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2009.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 10 Novembre 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 12 avril 2005 par Claude X... à l'encontre du jugement prononcé le 7 avril 2005 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A) du 16 février 2007 qui a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes au visa de l'article 47 du nouveau code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 3 août 2009 par M. Claude X..., appelant et le :
– 28 janvier 2009 par Maître Jean-Claude Y...,
– 24 septembre 2008 par Maître Bernard Z...,
– 3 mars 2008 par l'URSSAF des Bouches-du-Rhône,
intimés, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
Suivant acte sous seing privé du 19 avril 1999, M. Claude X..., demeurant... s'est porté caution de la SARL clinique générale d'Istres au profit de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône à hauteur de la somme de 4. 892. 702 francs.
À la suite de la défaillance du débiteur principal, l'URSSAF des Bouches-du-Rhône a fait délivrer une contrainte datée du 6 juillet 2004 signifiée par exploit de Maître Jean-Claude Y..., huissier de justice, du 15 septembre 2004 puis un commandement aux fins de saisie vente par exploit du 15 décembre 2004.
Par acte d'huissier du 24 décembre 2004 dénoncé le 27 décembre 2004 à maître Jean-Claude Y... et à maître Bernard Z... en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL clinique générale d'Istres, M. Claude X... a fait assigner l'URSSAF devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins principalement de voir prononcer la nullité du commandement de saisie vente.
Par jugement du 7 avril 2005, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
– rejeté la demande,
– déclaré valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 15 décembre 2004,
– mis hors de cause Maître Z... et condamné M. Claude X... à payer à l'URSSAF et à Maître Y... la somme de 500 à chacun par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.
M. X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation.
Par arrêt du 16 février 2007, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a renvoyé, sur le fondement de l'article 47 du nouveau code de procédure civile, l'examen de l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes en réservant les dépens.
Par ailleurs par acte du 16 mars 2005, M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de solliciter l'annulation de la contrainte signifiée le 6 juillet 2004 ainsi que celles des actes subséquents.
Par jugement du 6 mars 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône a prononcé le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour.
M. X..., réitérant ses prétentions initiales, demande à la cour de déclarer nuls les actes de signification de la contrainte et du commandement aux fins de saisie vente et de prononcer la nullité du commandement de saisie vente signifié le 15 décembre 2004, de débouter l'URSSAF, maître Z... et Maître Y... de leurs demandes en constatant leur intervention volontaire et de condamner l'URSSAF des Bouches-du-Rhône à lui payer la somme de 1500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Il fait essentiellement valoir que les actes de signification de la contrainte et du commandement aux fins de saisie vente sont irréguliers en ce qu'ils n'ont pas été signifiés à son adresse en Guadeloupe, que l'huissier n'a accompli aucune diligence pour vérifier l'adresse du destinataire de l'acte alors qu'il s'agissait du domicile de son frère Hervé, que le créancier et l'huissier de justice avaient connaissance du fait qu'il n'était pas domicilié à Aix-en-Provence et que cette irrégularité lui a causé un grief dans la mesure où il n'a pu saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de 15 jours.
Il considère ainsi que l'acte de signification de la contrainte étant irrégulier, le commandement doit être annulé.
L'URSSAF des Bouches-du-Rhône conclut à l'irrecevabilité de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique qu'à défaut de signification à personne, la signification peut être faite à domicile ou à défaut de domicile connu à résidence et que l'huissier n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations de la personne dès lors qu'elle accepte de recevoir la copie.
Elle affirme que la résidence de M. X... est bien celle située..., adresse à laquelle deux sociétés dont il est associé ont leur siège social.
Elle ajoute que l'existence d'un grief n'est pas démontrée.
Maître Bernard Z... ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL clinique générale d'Istres conclut également la confirmation du jugement et à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 1000 pour ses frais irrépétibles, demandant à la cour de constater qu'aucune demande n'est formée à son encontre en cause d'appel.
Maître Jean-Claude Y... soulève à titre principal l'irrecevabilité de son intimation dans la mesure où il n'a pas la qualité de partie à l'instance comme n'ayant jamais été assigné.
Il conclut à l'irrecevabilité de la demande tendant à la nullité de la signification de la contrainte du 6 juillet 2004 s'agissant d'une demande nouvelle et au rejet des demandes de l'appelant.
À titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement, à la validité du commandement aux fins de saisie vente et à l'absence de grief.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est observé que l'URSSAF soulève l'irrecevabilité de l'appel sans invoquer de moyens à l'appui de cette argumentation de sorte que cette prétention ne peut qu'être écartée.
Il appartient la cour de se prononcer en premier lieu, en l'état des moyens soulevés par maître Y..., sur la recevabilité de sa mise en cause en appel et sur la recevabilité de la demande tendant à la nullité de la signification de la contrainte du 6 juillet 2004.
Sur le premier moyen, l'examen de l'assignation délivrée le 4 décembre 2004, fait apparaître que celle-ci a été régulièrement dénoncée à Maître Y... le 27 décembre 2004 (acte remis à domicile à sa secrétaire, Madame Christine Y...).
Il est rappelé qu'en tant qu'acte de procédure, la demande en justice s'exprime selon des modalités diverses et peut revêtir différentes formes.
En l'occurrence la dénonciation constitue un acte de procédure tout à fait régulier qui a eu pour effet de faire connaître à Maître Y... l'existence de cette procédure.
Dans la mesure où il a été mis en cause par le demandeur, il ne peut s'agir que d'une intervention forcée au sens de l'article 66 du code de procédure civile, qui lui a conféré la qualité de partie ce que corrobore la lecture du jugement déféré de sorte que la déclaration d'appel, également dirigée contre Maître Y..., en sa qualité de partie est bien recevable à son égard.
Il s'ensuit que le premier moyen n'est pas fondé.
Quant au second moyen, il est rappelé qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
Ainsi que le conclut exactement l'appelant, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle puisque cette prétention peut être analysée comme le complément de la demande d'annulation du commandement aux fins de saisie vente, étant observé que si elle s'avère fondée, elle aura nécessairement pour effet d'affecter la validité du commandement de saisie vente de sorte que ce moyen est inopérant.
Au soutien de la demande de nullité du commandement, l'appelant invoque l'absence de signification régulière tant du titre exécutoire que de l'acte de signification du commandement.
Ces prétentions nécessitent de rappeler en droit que l'article 114 du code de procédure civile applicable en vertu de l'article 649 du code précité prévoit que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée pour vice de forme qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Selon l'article 50 de la loi du 9 juillet 1991 le créancier qui fait procéder à une saisie vente, doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
L'appelant conclut à bon droit que la contrainte délivrée par l'URSSAF des Bouches-du-Rhône ne peut valoir titre exécutoire qu'à la condition qu'elle ait fait l'objet d'une signification régulière et qu'aucune opposition du débiteur n'ait été faite devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de 15 jours.
En l'espèce, il s'avère à l'examen de ces actes que :
– la contrainte délivrée le 6 juillet 2004 par l'URSSAF des Bouches-du-Rhône qui mentionne l'adresse de M. X...
... a été signifiée à domicile conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, le 15 septembre 2004,...,
– l'acte a été remis à une amie Madame Danielle D... qui a confirmé le domicile du destinataire,
– le commandement a été également signifié à cette même adresse le 15 décembre 2004 à domicile, l'acte étant remis à Madame Gisèle E..., salariée.
L'article 655 dans sa rédaction applicable au litige dispose que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu à résidence. La copie peut être remise à toute personne présente, à défaut au gardien de l'immeuble, en dernier lieu à tout voisin.
La copie ne peut être laissée qu'à la condition que la personne présente, gardien ou le voisin l'accepte, déclare ses nom, prénoms, qualité...
L'huissier de justice doit laisser, dans tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Les pièces produites aux débats par l'appelant permettent de retenir que :
– le domicile situé à Aix-en-Provence s'avère être, au vu de la quittance EDF du 4 mai 2004, celui du frère de l'appelant, Hervé X..., qui est également médecin,
– que M. Claude X... s'est établi en Guadeloupe depuis 2001 ce qu'attestent les déclarations de revenus 2001, 2002 et 2003 et les factures de téléphone,
– les extraits Kbis des SNC MK2 et SNC HAP, s'ils mentionnent comme adresse du siège social..., indiquent en qualité d'associé M. Hervé X... demeurant... et en qualité de gérant associé M. Claude X... domicilié ...
Si les deux actes de signification présentent les apparences de la régularité, puisque les deux personnes présentes au domicile ont accepté de recevoir l'acte en opérant manifestement une confusion entre les deux frères qui exerçaient la même profession, force est de constater que cette adresse ne correspondait pas à celle de M. Claude X... ce qui est de nature à affecter la validité de l'acte.
L'URSSAF des Bouches-du-Rhône ne peut prétendre qu'elle ignorait la nouvelle adresse de M. X... alors qu'elle lui a adressé un courrier à son adresse en Guadeloupe le 19 août 2002 l'informant de sa radiation, que les coordonnées de M. X... figuraient encore dans les pages de jaune de
l'annuaire de France Télécom et que les mentions figurant dans l'extrait Kbis ne permettaient pas d'établir que M. Claude X... était domicilié...
Il appartenait au créancier d'adresser à l'huissier de justice les coordonnées exactes de son débiteur et à l'huissier de justice de vérifier préalablement à la signification l'exactitude de ces coordonnées en particulier au niveau du prénom.
Il résulte de ces énonciations que si les significations au visa de l'article 655 sont en apparence régulières en la forme puisque la personne a déclaré à l'huissier être habilitée à recevoir l'acte, elles sont affectées d'une irrégularité de fond puisqu'il est démontré qu'elles ont été faites à une adresse qui ne correspondait pas à celle du débiteur.
Cette signification effectuée à une adresse erronée a causé un grief à M. Claude X... puisqu'il n'a pu avoir connaissance de l'existence de la contrainte et la contester dans le délai légal devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et affecte la validité même de la saisie vente qui ne peut que viser des meubles entreposés à ce domicile qui n'appartiennent pas au débiteur.
Dès lors le commandement de saisie vente délivré sur la base d'un titre exécutoire irrégulièrement signifié est affectée de nullité ce qui justifie de faire droit aux prétentions de l'appelant.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a mis hors de cause Maître Bernard Z...
Sur les frais de l'instance
L'équité commande de n'allouer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de M. X... de ce chef doit être en conséquence écartée.
Les demandes de Maître Z... et de Maître Y... ne peuvent prospérer à ce titre en ce qu'elles sont dirigées contre M. X... alors que l'URSSAF des Bouches-du-Rhône qui succombe devra supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Déclare recevables l'appel et la demande tendant à la nullité de la signification de la contrainte du 6 juillet 2004,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause maître Bernard Z...,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité des actes de signification intervenus les 15 septembre et 15 décembre 2004 et la nullité du commandement de saisie vente du 15 décembre 2004,
Déboute M. Claude X..., Maître Z... et Maître Y... de leur demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne l'URSSAF des Bouches-du-Rhône aux dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande.
Arrêt signé par M. DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.