COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2009
ARRÊT No 1293
RG : 08/ 02568
09/ 01404
RT/ AG
Conseil de prud'hommes d'Aubenas
21 mai 2008
Section : Activités Diverses
Association Jean Marie Girard
C/
X...
APPELANTE :
ASSOCIATION JEAN MARIE GIRARD
gestionnaire du Centre d'Observation et Rééducation " PONT BRILLANT " prise en la personne de son représentant légal en exercice
Domaine de St Etienne de Dion
07700 ST MARCEL D'ARDECHE
représentée par Maître Eric Vacassoulis, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉ :
Monsieur Cédric X...
...
07220 VIVIERS
comparant en personne, assisté de la SCP SANGUINETTI-FERRARO-CLERC, avocats au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Anne GIARD, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 18 Septembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2009
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 27 Octobre 2009,
EXPOSÉ DES FAITS
Le Centre d'Orientation et de Rééducation de Pont Brillant à Saint Marcel d'Ardèche était créé en 1972 par l'association Jean-Marie GIRARD qui auparavant s'occupait de jeunes travailleurs en difficulté.
Cet établissement est agréé, par les ministères de la Santé et celui de l'Education Nationale, pour 45 lits en internat et 15 places de suivi répartis sur deux villas. Il reçoit des garçons présentant des troubles du caractère et du comportement.
Au mois de juin 2001, le Parquet était informé de violences sexuelles entre mineurs au sein de l'établissement, qui se déroulaient depuis 1997 et impliquant onze enfants. A la suite de ces révélations, un comité de suivi était institué sous l'autorité conjointe de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, ou DDASS, et de l'Inspection Académique.
Sur demande des autorités, le Centre Régional pour l'Enfance et l'Adolescence Inadaptée, dit CRAI, était sollicité pour élaborer un diagnostic technique sur le fonctionnement de l'établissement. Une note de synthèse du 12 juin 2002 de cet organisme résumait les préconisations et les conditions nécessaires à la mise en oeuvre d'un scénario de projet :
L'établissement élabore, selon un calendrier précis, un nouveau projet et les modalités de prise en charge dans une exigence de sécurité et de qualité conformément aux dispositions de la loi du 2 Janvier 2002.
Cela suppose :
- L'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet associatif avec une aide externe ; des exigences réaffirmées par l'association à l'égard de l'établissement.
- Un processus de changement réel de l'établissement et donc des salariés. Il repose sur la formulation précise d'exigences de travail, un engagement non négociable de chaque salarié, et un pilotage par l'équipe de Direction.
- Une programmation du changement avec des mesures à court, moyen et long terme par :
* Renforcement des moyens humains au plan pédagogique (diminuer la tailles des groupes classes, intégrer des enseignants ayant une certaine expérience), éducatif (équipe de nuit et de jour renforcées y compris dans les villas).
* Traitement rapide des éléments conjoncturels : absentéisme au sein de la fonction éducative, programmation, contenu et organisation des transferts, afin de garantir la sécurité des enfants.
- Soutien de l'équipe de direction par une supervision et un contrat d'engagement sur les résultats du travail sur le projet.
- Elaboration et mise en oeuvre d'un projet d'établissement qui tiennent compte du schéma départemental et qui incluent des éléments de garantie évaluables.
- A terme et suite à l'élaboration du projet, une refonte des locaux.
Ce processus de changement doit être soutenu par une aide externe.
Ces conditions ne peuvent être dissociées.
Si ces conditions ne sont pas rapidement réunies, nous préconisons la fermeture de l'établissement, les éléments de garantie quant à la sécurité des usagers n'étant pas présents.
D'autres éléments tirés de l'enquête administrative soulignaient :
- la carence du contrôle de l'association,
- une critique de l'équipe éducative sur la prise en charge éducative défaillante et une absence patente de surveillance,
- des accompagnements éducatifs obsolètes et une prise en charge thérapeutique au coup par coup, seul le service pédagogique étant épargné par les autorités de tutelles.
L'établissement était fermé provisoirement et ré-ouvert au mois de septembre 2002, en raison d'une part de contingences économiques locales, d'autre part de la nécessité pour le département de disposer de cet institut de rééducation, deux seules structures de ce type existant dans le département de l'Ardèche.
De nouveaux signalements de maltraitances entre mineurs étaient effectués au Parquet au mois d'avril 2004, et dans ces conditions, la DDASS, agissant sous l'autorité préfectorale, diligentait une inspection en sollicitant le concours de la Direction Départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ou DDPJJ.
Le rapport de la DDPJJ fait état des éléments suivants :
La consultation des personnels a démontré sans ambiguïté, combien l'institution avait souffert d'un manque de pilotage et avait laissé se développer des postures individuelles. Cette constatation est surtout apparue dans les entretiens avec les personnels éducatifs qui se sont appropriés le terrain abandonné par l'encadrement.
Certains se sont alors autogérés en se construisant leur propre méthode de prise en charge, arguant que c'était le meilleur moyen de se protéger du désordre installé.
L'abandon des principes de base de la fonction éducative et de ses exigences se manifestait par une absence structurée de liens directs avec les familles et des notes et rapports de situations des référents des jeunes dont ils avaient la charge.
Dans ces conditions, la nature ayant horreur du vide, des personnalités très affirmées ont investi le champ décisionnel à des places et fonctions différentes. Le rôle, la place, les influences qui se sont installées dans l'établissement ont imposé une loi du silence rendant la résolution des conflits impossible.
Ajouté à cela, les liens intimes entre plusieurs personnes qui s'entrecroisent, se nouent et se dénouent, opacifient la nécessaire confidentialité, transparence et confiance qui doit exister dans un contexte professionnel. Ce mélange des genres interdit alors toute évolution, et rend impossible le rétablissement de la paix sociale. Cela est apparu très fortement durant les entretiens avec le personnel de l'institution, qui en majorité, souscrit et attend que le directeur dirige au delà de tout corporatisme, dans le respect et les mission de chacun.
Nous avons été surpris de constater que les réticences au changement concernent majoritairement le personnel éducatif, notamment les plus anciens de l'institution. A contrario, le personnel des services généraux, présent au quotidien, démontre une capacité à exprimer le malaise passé et loue la nouvelle direction qui " traite " cette catégorie professionnelle avec respect. Le droit de s'exprimer et de pouvoir intervenir en lien avec les éducatifs sur les enfants est nouveau. Cette prise en compte est source de motivation pour beaucoup d'entre eux.
Observations de l'inspection.
Aujourd'hui le (nouveau) directeur est perçu comme un homme d'autorité et clair dans ses orientations. Il n'est pas mis en cause dans sa fonction décisionnelle. Il a engagé le changement :
- dans l'amélioration du bâti, dans le respect des recommandations des instances de contrôle chargées de l'application de l'hygiène et de la sécurité,
- dans l'élaboration du projet d'établissement en cours de réalisation, qui s'appuie sur le projet précédent, sur la loi du 2 janvier 2002, et sur le schéma départemental de novembre 2003 ; les fiches de poste sur les fonctions professionnelles ont été élaborées dans le respect des principes et des missions de ce type d'établissement,
- dans le projet personnalisé individuel de l'enfant qui fonde l'action éducative dans toutes ses composantes. Son contenu a été officialisé au début du mois de juin 2006 et semble garantir les principes énoncés dans le cadre de la loi du 2 janvier 2002.
Un élément majeur du besoin de changement est très vite apparu. Comment appliquer les modifications et les nouvelles applications du projet d'établissement sans prendre des décisions radicales. Cette réflexion conjointe avec les services de l'Etat, les membres de l'association et les cadres de l'établissement, a débouché sur plusieurs décisions.
- Repositionner certains professionnels dans la mission qui doit être la leur en conformité aux fiches de postes.
- Envisager de se séparer de professionnels qui ne peuvent s'inscrire dans le nouveau dispositif de l'établissement et qui entravent la bonne marche de l'institution. Ces décisions sont soumises aux principes du droit du travail et selon les cas peuvent donner lieu à des licenciements. Ces applications conduisent conjointement, et sur proposition du directeur de l'établissement, les services de l'Etat et l'association Jean Marie GIRARD à en assumer le coût. Le service de l'inspection est convaincu que la viabilité de ce service est soumise à des préconisations.
Cette procédure, qui est engagée pour plusieurs dossiers, doit obtenir un accord sans faille de tous les responsables. Il ne peut y avoir de cohérence institutionnelle pour ce type de structure sans direction forte, orientée et soutenue par son conseil d'administration, contrôlée par son ministère de tutelles qu'est la DDASS et en concertation avec l'Education Nationale, partenaire incontournable.
Monsieur X..., engagé par contrat à durée indéterminée le 7 septembre 1996, occupait au sein du Centre d'Observations et de Rééducation PONT BRILLANT un poste de moniteur éducateur.
Il était sous l'autorité de l'ancien directeur, avant l'arrivée en septembre 2004 du nouveau directeur.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Après un arrêt de travail du 9 mars 2006 au 3 juillet 2006, Monsieur X... était déclaré inapte à cette dernière date à tout poste de travail de l'entreprise par le médecin du travail qui visait un danger immédiat au sens de l'article R241-51-1 devenu R4624-31 du Code du travail.
Le 12 septembre 2006 Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable fixé au 20 septembre et licencié le 24 février 2006 aux motifs suivants :
Le médecin du travail a déclaré vous concernant une " inaptitude à tout poste de l'entreprise. Visite médicale unique-reprise impossible, car danger immédiat pour la santé du salarié, selon l'article R241-51 du code du travail ".
Nous sommes malheureusement, comme nous l'avons déjà indiqué, dans l'impossibilité de pourvoir à votre reclassement car il n'y a pas dans le Centre d'emploi disponible que vous soyez susceptible d'occuper, compte tenu de votre état de santé.
Nous avons également recherché les aménagements possibles pour vous offrir un emploi de reclassement. Malheureusement, nous n'avons pas abouti.
Nous sommes par conséquent dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre la rupture de votre contrat de travail. La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois qui ne pourra être exécuté, non de notre fait mais en raison de votre inaptitude à effectuer votre travail.
Contestant la légitimité de cette rupture, Monsieur X... saisissait alors le Conseil de prud'hommes d'Aubenas, qui, par un premier jugement du 21 mai 2008 :
- déclarait le licenciement de Monsieur Cédric X... nul et de nul effet.
- condamnait l'association à lui payer les sommes de :
-23. 644, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3. 974, 62 euros au titre du délai-congé ainsi que 347, 46 euros au titre des congés payés afférents,
-3. 362, 81 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur de délégué du personnel ainsi que les cotisations afférentes sur cette somme qui constitue un complément de salaire,
-1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- ordonnait à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage éventuellement perçues par Monsieur X... dans la limite de 6 mois d'indemnités.
- se déclarait en partage de voix sur la demande portant sur l'exécution fautive du contrat de travail.
L'association a régulièrement relevé appel de cette première décision, instance enregistrée sous le numéro RG 08/ 02568.
Ensuite par un second jugement du 27 janvier 2009 le Conseil de prud'hommes, en formation de départage, déboutait Monsieur X... de ses demandes, ce dont ce dernier a régulièrement relevé appel, instance enregistrée sous le numéro RG 09/ 01404.
L'association, première appelante, soutient que :
- Monsieur X... était salarié protégé et le délai d'expiration de la protection peut être fixé soit au terme de ce délai soit le 14 novembre 2006, soit le 30 septembre, date d'expiration du délai de 6 mois après sa nouvelle candidature, fut elle irrecevable, et elle s'en remet à la justice de ce chef,
- la demande en paiement correspondant à une indemnité compensatrice de perte de salaire ne peut être allouée à Monsieur X..., car il ne peut en bénéficier en l'absence d'une demande de réintégration avant l'expiration de sa période de protection,
- or Monsieur X... a présenté cette demande le 13 février 2007, pour la première fois, et l'employeur lui a alors proposé infructueusement cette réintégration,
- en tout état de cause, il ne peut obtenir que la somme de 3. 269, 45 euros si l'on considère que la période de protection s'achevait le 14 novembre 2006, ou la somme de 4. 231, 05 euros si la période de protection est considérée comme ayant expiré le 30 novembre 2006,
- en ce qui concerne la demande de paiement d'une somme de 59. 619 euros à titre de dommages intérêts pour réparation du préjudice moral et matériel, il est de principe que celle-ci ne peut revenir qu'au salarié qui bénéficiait d'un statut protecteur et qui n'a pas souhaité être réintégré, en tout cas si une telle indemnité est prononcée, elle doit l'être au visa de l'article L122-14-4 du Code du travail fixant pour référence 6 mois de salaire,
- elle n'a aucune responsabilité dans l'état de Monsieur X..., n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat et n'a jamais eu un comportement discriminatoire à son égard.
Elle demande donc l'infirmation du premier jugement et la confirmation du second, outre le rejet des demandes en paiement de :
- la somme forfaitaire de 23. 847, 72 euros ou de toute somme relative à la période d'éviction ou de toute indemnité compensatrice pour perte de salaire, en tout cas de la ramener à la somme de 3. 269, 45 euros ou 4. 231, 05 euros,
- la somme de 59. 619 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral et matériel, ou en tout cas la ramener à 11. 923, 86 euros correspondant à 6 mois de salaire,
- dommages intérêts en réparation d'une exécution fautive du contrat de travail ayant entraîné l'inaptitude de Monsieur X... à son poste, et celle pour discrimination.
L'intimé sollicite la confirmation du jugement du 21 mai 2008 et par voie de réformation les sommes de :
-4. 438, 77 euros pour la violation du statut protecteur,
-4. 067, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés y afférents,
-59. 619 euros de dommages intérêts pour licenciement nul,
-15. 000 euros de dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
-2. 000 euros pour ses frais non compris dans les dépense,
la fixation des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et leur capitalisation.
MOTIFS
Sur la jonction
Attendu qu'il convient de prononcer la jonction des procédures répertoriées sous les numéros RG 08/ 02568 et 09/ 01404 dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
Sur le licenciement
Attendu que selon l'article L425-1 devenu L2411-5 du Code du travail le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, cette autorisation étant également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat ;
Attendu que selon l'article L2411-7 l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures, la durée de six mois courant à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur ;
Attendu qu'en l'espèce, le premier tour ayant eu lieu le 27 avril 2006, Monsieur X... avait la faculté de se porter candidat le 30 mai pour les élections de délégué du personnel, afin de renouveler son mandat expirant le 14 mai 2006, et ainsi de participer au deuxième tour fixé au 7 juillet 2006 ; qu'en effet sa candidature constituant à elle seule une liste et les électeurs, pouvant, en application de l'article L433-10 devenu L2324-22, voter au second tour pour d'autres listes que celles présentées par les organisations syndicales ;
Attendu que la période de protection de Monsieur X... avait ainsi recommencé à compter du 30 mai, pour une durée plus longue que la précédente, et devait expirer au titre de cette candidature le 30 novembre 2006 ; que seule cette période doit être prise en considération ;
Attendu que Monsieur X... ayant été licencié le 12 septembre 2006 sans autorisation de l'inspecteur du travail, cette décision de rupture est frappée de nullité ;
Sur la réparation du licenciement
Attendu que le salarié protégé licencié sans autorisation peut solliciter à tout moment sa réintégration ou y renoncer ; que si Monsieur X... a sollicité sa réintégration dans l'acte de saisine de la juridiction prud'homale, actuellement il ne poursuit plus cette demande et son changement d'attitude n'a aucune incidence sur la détermination des modalités de son indemnisation ;
Attendu que le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l'expiration de la période de protection, et, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires ;
Attendu que les dispositions applicables au licenciement économique ne peuvent être invoquées, en sorte que doit être réformé le jugement qui fait référence à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ; qu'également s'agissant d'une nullité et non d'une absence de cause réelle et sérieuse, ne peut être ordonnée la sanction du remboursement aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage ;
Attendu qu'il sera donc alloué à Monsieur X... les sommes de :
-4. 438, 77 euros pour la violation du statut protecteur,
-4. 067, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférents.
Attendu qu'en l'état de l'ancienneté de Monsieur X..., de son salaire moyen au moment de la rupture, et à défaut d'éléments particuliers sur sa situation familiale et l'évolution de sa situation professionnelle future, il convient de lui allouer la somme de 16. 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice découlant de cette nullité ;
Sur l'exécution du contrat jusqu'au 9 mars 2006
Attendu que, contrairement à ce que soutient Monsieur X... les relations difficiles avec la direction n'ont pas commencé avec l'arrivée du nouveau directeur ;
Attendu qu'en effet Madame Dominique Y... s'adressait le 5 juillet 2004 à l'ancien directeur en ces termes :
" Ce jour, lundi 5 juillet 2004, alors qu'il était un peu plus de 9h00, Monsieur Cédric X... est entré dans mon bureau et a refermé violemment la porte derrière lui. Il a gardé une main sur la poignée pour s'assurer que personne ne puisse rentrer. J'étais installée à mon poste, devant l'ordinateur sur lequel je travaillais.
Il a alors commencé à me menacer verbalement, prenant un ton très agressif, avec certains propos dont je n'ai pas tout compris, mais indiquant : " ça sera traité en justice et ça ne s'arrêtera pas là, tu vas voir ce qui t'attend ". Après lui avoir indiqué qu'il n'avait pas à me menacer, et que j'allais vous informer de son attitude et voir déposer une plainte pour harcèlement, intimidation et menaces, il est ressorti, toujours en débitant des paroles, à la fois incompréhensibles et sur un ton toujours très menaçant mais en rajoutant : " préviens la, la police, vas-y, je leur parlerai moi, ça ne me fait pas peur ". Il a claqué la porte de mon bureau pour la refermer. Le chef de service, supérieur hiérarchique de Monsieur X..., était dans le couloir devant la porte de bureau en train de discuter avec un salarié. Il a dit : " doucement, il y a des enfants ".
Je vous ai donc informé, immédiatement de cet incident, que je trouve lamentable et que je ne pouvais pas passer sous silence, puisqu'il a eu lieu dans l'établissement pendant mes heures de travail.
En votre qualité de directeur, vous représentez l'autorité dans l'établissement, et il vous appartient, d'une part, de faire appliquer le règlement intérieur, d'autre part, de signifier à Monsieur X... que ce comportement n'est pas acceptable et qu'il doit cesser, afin que chacun dans cet établissement puisse exercer ses fonctions dans les meilleures conditions. "
Attendu qu'après la prise de fonctions du nouveau directeur il résulte des déclarations du témoin, Monsieur Z..., chef de service :
" J'atteste que lors de la réunion de synthèse du 15 décembre 2005 programmée de 10 h à 11 h, peu avant 11h, une salariée de l'établissement qui croyait que la réunion du personnel (prévue et programmée à 11h) était commencée, entre dans la salle.
Voyant son erreur, cette personne ressort et ferme la porte. Presque immédiatement une autre personne agit de même et referme la porte.
Dans la minute qui suit, la porte s'ouvre à la volée, surgit Monsieur X..., qui prend ostensiblement la parole, arguant, en pointant du doigt sa montre et de manière péremptoire, que le temps imparti pour la réunion est terminé et qu'il faut libérer la salle. Devant tant d'irrespect et d'agressivité, à la fin même de la journée, lors de la réunion des cadres, il a été décidé qu'un courrier serait adressé à Monsieur X.... "
Attendu que le témoin Madame C... atteste :
" J'ai démissionné du Conseil d'Etablissement de PONT BRILLANT le 6 février 2006 parce que je n'étais plus d'accord avec Monsieur X... (délégué titulaire) qui était en opposition systématique avec la direction de l'établissement et qui voulait me faire signer un document accusant cette dernière d'avoir tenu " des propos diffamatoires " à l'égard de deux salariés de l'établissement (Madame A..., sa compagne, et Madame B...) au cours d'une réunion avec les services généraux. J'ai remis ma lettre de démission à la direction qui m'a répondu par écrit qu'elle prenait acte de ma démission.
De plus je voudrais dire que les travaux effectués à la lingerie ont amélioré mes conditions de travail comme celles de mes collègues de travail. "
Attendu que d'ailleurs la lettre de démission de Madame C... avait précisé dans sa dernière phrase : Je me suis présentée pour rendre des services pratiques au personnel de cet établissement et non pour être en conflit permanent.
Attendu qu'en ce qui concerne les éléments de fait étayant les prétentions de M. X..., il apparaît des nombreuses lettres produites et adressées par lui au directeur que leur ton et leur style démontrent une discussion, à tout propos, des indications du directeur ;
Attendu qu'ainsi Monsieur X..., répondant à une note de service du directeur rappelant que " véhiculer un discours négatif sur l'institution à l'extérieur ne va pas aider à changer l'image de marque déjà dégradée de cette dernière " lui écrivait dans les termes suivants au mois de décembre 2005 " Dois-je vous rappeler que la France fait partie des démocraties de ce monde, et que le COR Pont Brillant y est inclus de ce fait. Dois-je vous rappeler également les grandes heures de l'histoire qui ont permis cela, où des militants, des citoyens se sont battus et dont certains ont trouvé la mort pour avoir ce droit aujourd'hui qui est le droit d'expression, le droit de vie privée ".
Attendu que dans une lettre du 13 janvier 2006, il lui écrivait aussi :
" De plus j'en profite pour montrer que les problèmes de confidentialité dont vous osez vous plaindre à Madame la Présidente, vous reviennent comme un retour de bâton. Mais votre chef éducatif aura-t-il droit aussi à une mise au point avec ou sans témoins en dehors du cadre légal prévu à cet effet ? " ; que le 12 mars il terminait une lettre en écrivant " Je vois que vous continuez votre travail d'usure, de manipulation, et que le mensonge continue à être votre meilleure stratégie. Je ne doute pas que vous trouverez encore des choses à me reprocher dans les mois qui suivent ", alors que le directeur avait demandé la comptabilité du Comité d'entreprise ainsi que le budget prévisionnel ;
Attendu que Monsieur X... prétend, dans ses conclusions, que son engagement et son caractère " actif " de l'exercice de ses mandats insupportaient la nouvelle direction et qu'il était dans son rôle de :
- formuler des critiques relatives aux changements et mouvements de personnel,
- demander le respect des délais légaux de transmission des éléments nécessaires lorsque le Comité d'établissement est consulté sur un projet de licenciement d'un salarié dit protégé,
- de s'interroger sur la multiplication d'entretiens individuels en dehors de tout cadre légal dans le bureau de la direction avec certains salariés,
- réclamer le solde du budget de fonctionnement du comité d'entreprise afin de pouvoir clôturer la comptabilité ;
Attendu, cependant, que la seule lettre du 10 janvier 2006 émanant du directeur dans laquelle celui-ci met en cause son comportement nuisant à l'image de marque de l'institution se termine par la phrase suivante :
" En tant que professionnel de l'éducation et en plus représentant du personnel, vous devez vous comporter de façon respectueuse à l'égard de vos pairs. En conséquence nous vous invitons fermement à oeuvrer pour le bien commun. "
Attendu qu'en l'état de l'ensemble de tous ces éléments il n'est pas établi que l'employeur a commis une exécution fautive du contrat de travail comme il est prétendu et qu'il soit, pour cette période, par son comportement ou ses actes à l'origine de l'inaptitude de Monsieur X... ;
Attendu que cette argumentation n'est donc pas fondée ;
Sur l'exécution du contrat à compter du 9 mars 2006
Attendu qu'à compter du 9 mars 2006 Monsieur X... était en arrêts de maladie ; que dans une lettre du 7 juin 2006 le directeur indiquait que le 31 mai précédent il était rentré dans son bureau proférant des menaces " je vous ferai tomber et je m'occuperai personnellement de votre tête " ; que cette lettre n'a jamais reçu une réponse de Monsieur X... alors que les habitudes de celui-ci démontrent une forte capacité à écrire de longues lettres comprenant des argumentations et des justifications ;
Attendu que le 14 juin 2006 la présidente de l'association écrivait à Monsieur X... que contrairement à ses allégations, il n'existait aucune levée de bouclier du personnel face aux directives du nouveau directeur ;
Attendu que sur interrogation du directeur quant au reclassement, par lettre manuscrite du 18 juillet 2006, le médecin du travail répondait : " Monsieur X... mis en inaptitude pour danger immédiat ne désire pas être reclassé au sein de votre établissement ".
Attendu que pour cette période aucun élément ne vient corroborer une aggravation de la situation antérieure du fait de l'employeur ;
Attendu que, dès lors, il n'est pas établi que l'inaptitude aurait pu trouver sa cause dans tous ces événements ;
Sur la discrimination syndicale
Attendu qu'il résulte de l'abondance des correspondances et des comptes rendus que le directeur n'a pas entravé l'exercice de l'activité d'élu de Monsieur X..., même si une particulière agressivité de la part de ce dernier a pu être difficile à supporter ;
Attendu qu'en ce qui concerne les éléments tirés des lettres adressées au directeur et émanant de Monsieur X..., si leur ton et le style démontrent une vigueur telle qu'elles sont profondément irrespectueuses pour le directeur, elles ne font jamais référence à des éléments de faits particuliers susceptibles de laisser présumer une discrimination à quelque niveau que ce soit ;
Attendu qu'ainsi si ce délégué du personnel pouvait être admis à formuler des critiques sur les choix de gestion, il n'en demeure pas moins que Monsieur X... a eu de sa propre initiative un comportement tel à l'égard du personnel, du directeur et des organes dirigeants qu'il s'est lui-même enfermé dans un isolement revendicatif ; que d'ailleurs s'il invoque une irrégularité lors de l'élection des représentants du personnel, il n'a jamais voulu saisir dans les délais de la juridiction compétente comme il aurait pu faire, ce qui démontre que, dès cette date, il ne souhaitait plus rester dans une institution dans laquelle il ne pouvait pas maintenir des pratiques de travail et des attitudes mises en cause par les rapports des inspecteurs ;
Attendu qu'enfin en ce qui concerne les autres salariés, qui ont soutenu Monsieur X..., à savoir Madame B..., celle-ci n'avait plus reparu au Centre depuis septembre 2005 alléguant exercer, pendant de longs mois, un droit de retrait pour harcèlement moral, et le Ministre du travail a autorisé son licenciement, son recours au Tribunal administratif de Lyon a été rejeté par jugement du 21 avril 2009 ;
Attendu que s'agissant de Madame A..., ancienne secrétaire de Direction, et compagne de Monsieur X..., la Cour statue ce jour par arrêt distinct, mais rejette ses prétentions ; qu'il en est de même de Madame D..., assistante sociale, qui avait elle aussi saisi la juridiction prud'homale et dont la majorité des prétentions est rejetée ;
Attendu que, dans ces conditions, les affirmations de Monsieur X... sont contredites par l'ensemble des éléments de faits, qui au contraire viennent corroborer une action destructrice de sa part et une impossibilité d'accepter l'autorité d'un directeur chargé d'une indispensable réorganisation ;
Attendu que la discrimination alléguée n'est donc pas fondée ;
Sur les autres demandes
Attendu qu'il convient de fixer le point de départ des intérêts au taux légal, pour les sommes contractuelles, à compter de la date de l'audience de conciliation du 21 mars 2007 en l'absence de toute possible indication sur la date de convocation de l'employeur valant mise en demeure ;
Attendu, en ce qui concerne la demande de capitalisation des intérêts, que la première demande en possession de la Cour est contenue dans les conclusions présentées le 20 février 2008 ; qu'il convient de faire droit à cette demande, la première capitalisation ne pouvant intervenir que le 20 février 2009, et pour les intérêts courus entre le 20 février 2008 et le 20 février 2009 ;
Attendu que le point de départ des intérêts pour la somme indemnitaire est fixé à la notification du présent arrêt ;
Attendu qu'il paraît équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la jonction des procédures répertoriées sous les numéros RG 08/ 02568 et 09/ 01404 qui se poursuivra sous le numéro le plus ancien,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit le licenciement nul et de nul effet,
Statuant à nouveau,
Condamne l'association à payer à Monsieur X... les sommes de :
-4. 438, 77 euros pour la violation du statut protecteur,
-4. 067, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés y afférents,
Fixe le point de départ des intérêts aux taux légal, pour les sommes contractuelles, à compter du 21 mars 2007,
Fait droit à la demande de capitalisation des intérêts pour les sommes contractuelles,
Dit que la première capitalisation pourra intervenir le 20 février 2009, et pour les intérêts courus entre le 20 février 2008 et le 20 février 2009, et par la suite tous les ans, pour les intérêts échus pour une année entière,
Condamne l'association à payer à Monsieur X... la somme de 16. 000 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice découlant de cette nullité, avec intérêts à la date de notification du présent arrêt,
Rejette toute les autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens tant de première instance que d'appel.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame SIOURILAS, Greffier.