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13/10/2009 | FRANCE | N°08/03544

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 13 octobre 2009, 08/03544


COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIAL

ARRÊT DU 13 OCTOBRE

ARRÊT No 1212 RG : 08/ 03544

RT/ AG CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES 12 novembre 2008

Section : Industrie

SA MERLIN GERIN ALES

C/


X...


APPELANTE :

SA MERLIN GERIN ALES

prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 Rue Maurice Ravel 30100 ALES

représentée par la SCP CLEMENT-CUZIN, COUTTON, BRAMBILLA, avocats au barreau de GRENOBLE



INTIMÉ :

Monsieur Frédéric X...


né le 30 Juillet 19

74 à ALES (30100)


... 30340 SAINT PRIVAT DES VIEUX

comparant en personne, représenté par la SCP OTTAN-FEVBRE, avocats au barreau de MONTPELLIER PARTIE



INT...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIAL

ARRÊT DU 13 OCTOBRE

ARRÊT No 1212 RG : 08/ 03544

RT/ AG CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES 12 novembre 2008

Section : Industrie

SA MERLIN GERIN ALES

C/

X...

APPELANTE :

SA MERLIN GERIN ALES

prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 Rue Maurice Ravel 30100 ALES

représentée par la SCP CLEMENT-CUZIN, COUTTON, BRAMBILLA, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMÉ :

Monsieur Frédéric X...

né le 30 Juillet 1974 à ALES (30100)

... 30340 SAINT PRIVAT DES VIEUX

comparant en personne, représenté par la SCP OTTAN-FEVBRE, avocats au barreau de MONTPELLIER PARTIE

INTERVENANTE : LA HALDE

11 Rue Saint Georges 75009 PARIS

représentée par la SCP SCHEUER VERNHET & ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER plaidant par Maître MEISSONNIER, avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Régis TOURNIER, Président, Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller, GREFFIER : Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS : à l'audience publique du 09 Septembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2009

ARRÊT : Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 13 Octobre 2009, date indiquée à l'issue des débats,

********

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Frédéric X..., employé niveau II échelon 2 coefficient 180, salarié de la société MERLIN GERIN ALES, saisissait, avec d'autres requérants, le Conseil de prud'hommes d'Alès de demandes tendant à :

- obtenir le bénéfice de congés supplémentaires d'assiduité, et de congés supplémentaires au titre de parents d'enfants à charge,

- ordonner à l'employeur de lui octroyer sous astreinte les jours de congés supplémentaires arriérés de 2002 à 2006 accolés au non au congé principal suivant la demande de l'intéressé sur le fondement d'une discrimination, et d'octroyer ces jours de congés supplémentaires au titre de l'année 2007,

- au paiement de la somme de 2. 000 euros à titre de dommages intérêts.

Par jugement du 12 novembre 2008, le Conseil de prud'hommes, siégeant en formation de départage, a :

- en ce qui concerne le congé supplémentaire de " parents d'enfants à charge " :

* déclaré irrecevable la demande de question préjudicielle présentée par l'employeur,

* constaté la nullité de l'article 51 de la convention collective des industries métallurgiques de l'arrondissement d'Alès repris par l'article IV-11 de la convention collective Gard et Lozère applicable à compter du 1er novembre 2006,

* condamné l'employeur à accorder au demandeur des jours de congés supplémentaires dits de " parents d'enfants à charge " cumulés entre le 14 décembre 2002 et le 31 décembre 2006,

* dit que chaque salarié demandeur devrait également bénéficier de ces jours de congés supplémentaires de " parents d'enfants à charge " au titre de l'année 2007,

* alloué la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- en ce qui concerne le congé supplémentaire d'assiduité :

* constaté la nullité de l'article 5 de l'accord d'entreprise du 14 avril 1976 réglementant le congé supplémentaire de même que de toute autre disposition contractuelle relative à ce même congé,

* condamné l'employeur à accorder au demandeur des jours de congés supplémentaires dits d'assiduité cumulés entre le 14 décembre 2002 et le 31 décembre 2006,

* dit que le demandeur devrait également bénéficier de ces jours de congés supplémentaires d'assiduité au titre de l'année 2007,

* alloué la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Société MERLIN GERIN a régulièrement interjeté appel de chaque jugement.

Elle soutient que :

1) Sur la discrimination illicite homme femme à travers le congé mère de famille : Certains salariés demandeurs, par ailleurs, pères d'enfants à charge, sollicitent sa condamnation à des jours de congés supplémentaires estimant que les dispositions conventionnelles octroyant aux salariées femmes deux jours ouvrables de congés supplémentaires par enfant à charge et vivant au foyer sont discriminatoires. La convention collective de l'arrondissement d'Alès prévoyait effectivement un congé supplémentaire de deux jours ouvrables par enfant à charge de moins de 16 ans et réservait cette possibilité aux salariées et aux apprenties ; la convention collective Gard et Lozère est venue la remplacer à compter du 1er décembre 2006. Par renvoi au Code du travail, celle-ci rappelle le droit pour les femmes de moins de 21 ans à bénéficier d'un congé supplémentaire de deux jours ouvrables par enfant à charge. Pour les demandeurs, cette discrimination, même indirecte, " ne repose sur aucune justification objective et raisonnable " et serait donc illégale.

Or ces dispositions ne sont que la reprise dans un texte conventionnel des dispositions légales de l'article L223-5, devenu L3141-9 du Code du travail qui précise dans son alinéa 1er : " Les femmes salariées ou apprenties âgées de moins de 21 ans au 30 avril de l'année précédente bénéficient de deux jours de congé supplémentaire par enfant à charge. Le congé supplémentaire est réduit à un jour si le congé légal n'excède pas six jours. " Elle ne fait qu'appliquer la loi et à aucun moment la Cour de cassation n'a jugé que ces dispositions étaient illicites par rapport aux engagements internationaux de la France. Bien au contraire, dans son arrêt du 21 octobre 1982, la Cour de cassation a considéré qu'en présence d'une convention collective qui prévoyait un nombre de jours de congés supplémentaires plus élevé que celui prévu par l'article L223-5, il n'y avait pas lieu de cumuler les deux congés. Si les demandeurs prétendent que le droit national serait contraire au droit communautaire et plus particulièrement au principe d'égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs sources importantes du droit communautaire permettent de déroger au principe absolu de l'égalité entre hommes et femmes. Il s'agit tout d'abord de l'article 157 du Traité sur l'Union Européenne (anciennement article 141 du Traité de Rome) qui précise en son 4) : " Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ".

L'alinéa 2 de l'article 23 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne précise, lui également, que " le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous représenté ". De même l'article 2 paragraphe IV de la directive 76/ 207 reprise dans la directive 2006/ 54 précise que des mesures de " discrimination positive " peuvent être prises afin de remédier aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans le domaine de l'emploi. C'est bien d'une telle discrimination positive dont il s'agit en l'espèce car partant du constat que les jeunes mères de famille étaient placées dans une situation objectivement particulière, le législateur français a souhaité leur accorder deux jours de congés supplémentaires afin de remédier aux difficultés particulières rencontrées par ces dernières dans l'accès à l'emploi. Ceci est en parfaite conformité avec l'esprit du droit communautaire. Le dernier rapport de la Commission des Communautés Européennes relatif à l'égalité entre femmes et hommes de 2008 précise bien à ce titre qu'on constate une chute importante du taux d'emploi des femmes ayant de jeunes enfants à charge (-23, 6 points en moyenne) alors que celui des hommes augmente. Ainsi le taux d'emploi des femmes ayant des enfants à charge n'est que de 62, 4 % contre 91, 4 % pour les hommes, soit une différence de 29 points. Aussi ce congé " parent d'enfant à charge " instauré au profit des jeunes mères de moins de 21 ans conformément à l'article L3141-9 du Code du travail, est non seulement légal mais parfaitement conforme aux dispositions communautaires relatives à l'égalité entre hommes et femmes.

En tout état de cause, le Conseil n'est pas allé jusqu'au bout de son raisonnement car il n'écarte pas l'application de l'article L3149-9. Enfin il existe bien un motif légitime à cette différence de traitement selon que " le parent d'enfant à charge " est âgé de plus ou moins 21 ans, en sorte qu'une discrimination fondée sur l'âge n'est pas établie.

2) En ce qui concerne les congés supplémentaires d'assiduité : Les salariés demandeurs réclament l'octroi de 1 à 5 jours de congés supplémentaires d'assiduité institués par un accord d'entreprise de 1976. L'unique fondement juridique invoqué est tiré de l'interprétation de l'article L521-1 du Code du travail précisant que l'exercice du droit de grève " ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération ". Les salariés demandeurs se fondent sur quatre arrêts de la Cour de cassation en prétendant que le refus de leur octroyer des jours d'assiduité à la suite de leur absence pour journée de grève constitue une mesure discriminatoire. En l'espèce, la société MERLIN GERIN ALES octroie une " journée supplémentaire de congés payés pour les personnes pouvant justifier d'aucune absence le trimestre précédent ".

Cette mesure a été instituée par un accord d'entreprise de 1976 et rappelée la même année par un règlement du 14 avril 1976 qui stipule : " Conformément au contrat, cet avantage concernera les personnes justifiant d'aucune absence quel qu'en soit le motif et la durée, pendant la période de référence (trimestre précédent). Il est précisé que les absences :- pour congés payés-pour congés mère de famille-en cas d'hospitalisation d'un enfant ou du conjoint (article 5 du contrat 1976) n'entrent pas en ligne de compte. Par contre, la maladie, les motifs personnels quels qu'ils soient et les journées d'absence correspondant aux deux jours de tolérance (article 4 du contrat 1976) sont considérés comme des absences entraînant la suppression du congé supplémentaire ". D'autre part à aucun moment, ni la loi, ni la jurisprudence ne prévoient que les jours d'absence pour fait de grève doivent être considérés comme un temps de travail effectif pour le calcul des congés payés. Ce sont toutes les absences, y compris pour fait de grève qui entraînent la perte du jour d'assiduité. Seules sont prévues les exceptions légales, vues ci-dessus. La société appelante demande donc le rejet de l'intégralité des demandes, l'infirmation du jugement et de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Chaque salarié sollicite la confirmation du jugement, plus une actualisation, outre la somme de 2. 000 euros à titre de dommages intérêts, et 500 euros pour leur frais non compris dans les dépens. En cours d'instance d'appel, la HALDE a décidé, par une délibération de son collège de procéder à une recommandation et d'appliquer l'article 13 de la loi 2004-1486 du 30 décembre 2004 telle que modifiée par la loi du 31 mars 2006 selon lequel : " Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions, dans ce cas, cette audition est de droit. " A l'audience il a été demandé tant au représentant de la HALDE qu'aux parties de s'expliquer sur le caractère obligatoire imposée à la juridiction de procéder à l'audition de la HALDE tant au regard de l'article 6 de la Convention EDH que de la jurisprudence du juge constitutionnel, et de l'arrêt de cette Cour publié sur le site Internet Légifrance du 25 avril 2007 numéro RG 06/ 03377.

MOTIFS

Sur l'audition de plein droit de la HALDE Attendu qu'il convient de rappeler que lors de la création de la HALDE en 2004, la disposition de " l'audition de plein droit " avait été exclue selon les débats parlementaires, à la suite des avis contraires tant du rapporteur que du ministre, et que ce n'est qu'à la suite de la promulgation de la nouvelle loi de 2006 que la HALDE dispose de cette faculté ;

Attendu que la HALDE dispose actuellement des attributions suivantes :

- une saisine soit d'office soit d'une personne physique,

- un pouvoir d'investigation en demandant à toute personne des explications, la communication d'éléments d'informations ou de documents quel qu'en soit le support, d'entendre toute personne dont le concours lui parait utile, étant précisé que la HALDE dispose d'agents assermentés et spécialement habilités par le Procureur de la république pouvant constater les délits de discrimination,

- un pouvoir d'injonction, en cas de carence des détenteurs des renseignements ou de documents, et la possibilité de saisir un juge des référés pour contraindre le récalcitrant,

- un pouvoir de vérifications sur place, à l'exception des lieux privés, et si un refus est opposé la saisine possible d'un juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise ces vérifications,

- un pouvoir de demander aux autorités publiques toutes mesures de nature à lui faciliter sa tâche lesquelles doivent lui communiquer toutes informations et pièces utiles, les agents publics ou chargés d'un service public étant tenus d'y déférer,

- un devoir d'assistance de la victime dans la constitution de son dossier et du choix de la procédure la mieux adaptée à son cas,

- un pouvoir de proposer une médiation,

- un pouvoir de recommandation, les destinataires devant rendre compte de la mesure prise sous peine de publication d'un rapport spécial publié au journal officiel,

- la possibilité de faire des observations aux juridictions traitant de discrimination, à la demande des parties ou du juge,

- un pouvoir de proposer une transaction pénale,- le pouvoir de mettre en mouvement l'action publique par une citation directe en cas de refus de la transaction ou d'inexécution de celle-ci,

- le pouvoir de porter les faits à la connaissance de l'autorité disciplinaire laquelle doit l'informer des suites données à cette transmission ;

Attendu qu'en outre en matière prud'homale le législateur a adopté un renversement de la charge de la preuve afin de soulager le fardeau du demandeur en raison de l'impérieuse nécessité de lui venir en aide ; que la HALDE peut exercer, en sus, des poursuites et recueillir les charges et, le cas échéant, prononcer des recommandations ou même des sanctions dans le cadre d'une procédure administrative ; qu'elle dispose, dans ce cadre, de la faculté d'utiliser des voies de droit et des contraintes, qui sont dès lors accessibles à la seule victime en rassemblant des éléments même chez les dépositaires de l'autorité publique et en recourant à des enquêteurs assermentés ; qu'enfin elle assiste la victime dans la constitution de son dossier et l'aide dans ses choix procéduraux ;

Attendu que le principe des droits de la défense et en particulier celui de l'égalité des armes tels que découlant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, implique l'existence d'une procédure juste garantissant l'équilibre des droits des parties ; que notamment si une modification de la règle actori incombit probatio peut poursuivre un but légitime c'est à la condition que la substance même du droit de la défense ne soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ;

Attendu qu'en l'espèce à propos des mêmes faits la HALDE dispose ainsi de la possibilité de rassembler des éléments au profit de la victime, de l'assister, par des moyens exorbitants du droit commun, d'orienter le choix de la procédure à diligenter et ceci sans justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général, dont la défense incombe au seul Ministère public, et dont l'intervention fonderait alors la proportionnalité de cette dérogation ;

Attendu qu'en conséquence les dispositions du-dit article 6 font obstacles à ce que la HALDE, puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs d'une consultation juridique élaborée et construite, après une enquête et obtention de communications de documents d'une partie, et de la faculté de demander son audition de plein droit en justice ce qui est le cas de l'espèce, pour solliciter la confirmation du jugement ;

Attendu qu'il sera ajouté enfin que, selon le nouveau projet de loi organique relatif au Défenseur des Droits, découlant de la réforme de la loi constitutionnelle 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions, les attributions du Défenseur des droits doivent s'étendre non seulement à celles aujourd'hui exercées par le Médiateur de la République, mais élargies à celles du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ;

Attendu qu'il est prévu dans ledit projet que, dans le cas où les autorités judiciaires sont déjà saisies d'une affaire qui a été portée à la connaissance du Défenseur des droits, l'article 19 oblige celui-ci à recueillir leur accord préalable pour la mise en oeuvre de ses pouvoirs d'audition, de communication de documents et de vérification sur place, de sorte que, conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, l'exercice des pouvoirs du Défenseur des droits ne trouble pas le bon déroulement de la justice ; qu'il paraît, dès lors, conforme à l'interprétation de ce principe que la HALDE ne puisse pas disposer d'attributions supplémentaires qui ne sont même pas envisagées de confier à ce nouveau et éminent organe ;

Attendu que, dans ces conditions, la demande d'audition de plein droit de la HALDE n'est pas recevable en application des principes ci-dessus rappelés ;

Sur l'attribution d'un congé supplémentaire de parents d'enfants à charge ;

Attendu que, selon la stipulation critiquée par les salariés, les femmes de moins de vingt et un ans au 30 avril de l'année précédente bénéficient de deux jours de congé supplémentaire par enfant à charge, l'enfant devant avoir moins de quinze ans au 30 avril de l'année en cours et vivre au foyer ;

Attendu que d'abord l'article 119 du Traité de Rome, devenu l'article 141 du Traité des Communautés Européennes, interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins ; qu'en application du principe de primauté du droit communautaire, tant l'article 51 de la convention collective des industries métallurgiques de l'arrondissement d'Alès repris par l'article IV-11 de la convention collective Gard et Lozère que l'article L223-5, devenu L3141-9 du Code du travail, ne peuvent faire obstacle à l'application du principe d'égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins résultant de l'article 141 précité et mis en oeuvre par la directive 76/ 207/ CEE du 9 février 1976 en raison de la primauté du droit communautaire, sans qu'il soit nécessaire de prononcer la nullité des textes conventionnels ;

Attendu qu'ensuite, selon les pièces et éléments fournis aux débats, les congés payés supplémentaires tels qu'ils sont alloués dans l'entreprise ne compensent pas directement les désavantages professionnels qui résultent pour les femmes salariées de moins de vingt et un ans de leur éloignement du travail du fait de leur grossesse ;

Attendu qu'il ne s'agit pas non plus d'une mesure destinée à protéger la maternité ou à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent concrètement les chances des femmes en matière d'emploi ou de promotion au sein de l'entreprise ; qu'en effet les seuls éléments produits à ce sujet sont des études générales et abstraites sans lien avec l'entreprise exploitée par la société appelante et la population féminine qui y travaille ; Attendu qu'enfin les jours de congés supplémentaires accordés, qui constituent un élément de la rémunération, visent seulement à permettre à la jeune salariée de mieux assumer sa présence auprès d'un enfant mineur de quinze ans vivant à son foyer, présence à laquelle l'homme de cet âge, placé dans les mêmes conditions, doit aussi faire face ;

Attendu qu'ainsi cette mesure ne peut être destinée à remédier à une inégalité de fait entre les hommes et les femmes, car ceux-ci, en leur qualité de père et mère, vivent une situation identique et sont soumis aux mêmes contraintes et sujétions en ce qui concerne la nécessité de pourvoir à la garde et à l'éducation de leurs enfants ;

Attendu que, dans ces conditions, le jugement a décidé, à juste titre, que cette mesure constituait une mesure discriminatoire à l'égard des salariés hommes qui remplissaient toutes les conditions d'obtention de ces jours de congés, sauf le sexe ; que de ce chef, la décision déférée doit être maintenue, sauf à prévoir une actualisation pour la période postérieure au jugement ; que toutefois il n'y a pas lieu de prononcer une annulation des textes conventionnels en sorte que le jugement doit être réformé ;

Sur les journées supplémentaires de congé pour assiduité ;

Attendu que, selon les pièces produites, depuis le 14 avril 1976, est accordée dans l'entreprise une journée supplémentaire de congé payé pour les salariés pouvant justifier d'aucune absence pendant le trimestre précédent ;

Attendu que selon l'article L521-1 devenu L2511-1 du Code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux ; que selon l'article L122-45 devenu L1132-2, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération en raison de l'exercice normal du droit de grève ;

Attendu que, dans ce cadre, l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour l'attribution d'un tel congé, à condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ; qu'en effet, les absences pour cause de grève ne peuvent être traitées d'une manière moins favorable que les autres motifs d'absences, aussi dignes d'intérêt soient-ils ;

Attendu qu'il convient donc de rechercher si, concrètement, toutes les absences autorisées ou non, entraîneraient les mêmes conséquences au regard de ce congé ;

Attendu que l'employeur prétend se référer aux congés assimilés au travail effectif et à l'article L233-4 devenu L3141-5 du Code du travail ; que selon ce texte sont considérées comme périodes de travail effectif les périodes de congé payé, les périodes de congé maternité, paternité et d'adoption, adoption et éducation des enfants, les repos compensateurs obligatoires, les jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail, les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, enfin les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas tenu compte par l'employeur, dans sa décision d'attribution et contrairement à ses affirmations, des absences pour hospitalisation d'un enfant, et des absences pour une hospitalisation du conjoint ;

Attendu qu'ainsi il existe des motifs d'absences qui n'entraînent pas de suppression du congé et qui ne sont pas légalement assimilés à un temps de travail effectif énumérés à l'article précité ; Attendu qu'à défaut de prise en considération par l'employeur de toutes les absences et pas seulement de certaines d'entre elles pour arrêter sa décision, le refus opposé au salarié d'une obtention de ce congé pour fait de grève revêt un caractère discriminatoire ;

Attendu que, dès lors, de ce chef la décision déférée doit être maintenue, sauf à prévoir une actualisation pour la période postérieure au jugement ; que toutefois il n'y a pas lieu de prononcer une annulation des textes conventionnels en sorte que le jugement doit être réformé ;

Attendu qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice causé à l'occasion de la procédure actuelle en sorte que les dommages intérêts ne sont pas justifiés ; qu'en revanche, il paraît équitable que la société participe à concurrence de 100 euros aux frais exposés par l'intimé en cause d'appel, en sus de ceux déjà accordés en première instance, et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare irrecevable en cause d'appel la demande d'audition de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité,

Réforme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que caractérise une discrimination l'interprétation par l'employeur des textes conventionnels invoqués qui ne peuvent pas faire obstacle à l'octroi des congés supplémentaires revendiqués,

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'annulation des textes conventionnels,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à accorder les jours de congés supplémentaires, et alloué un dédommagement pour les frais non compris dans les dépens,

Y ajoutant,

Condamne également l'employeur, pour la période postérieure au jugement, à accorder à l'intimé Monsieur X... les jours de congés supplémentaires au titre de parents d'enfants à charge, les jours de congés supplémentaires d'assiduité,

Ordonne la liquidation sur état des jours de congés et dit qu'en cas de difficultés sur cette liquidation l'une ou l'autre des parties pourra saisi la Cour, pour y mettre fin, et ceci par simple requête préalablement notifiée,

Rejette la demande de dommages intérêts,

Condamne la société appelante à payer à l'intimé pour l'instance d'appel la somme de 100 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 08/03544
Date de la décision : 13/10/2009

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Alès


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-13;08.03544 ?
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