COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 JUIN 2009
ARRÊT N 731
R. G. : 07 / 02752
RT / AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORANGE
07 juin 2007
Section : Commerce
INSTITUTION DE PREVOYANCE DES SALARIES DE L'AUTOMOBILE, DU CYCLE ET DU MOTOCYCLE (IPSA)
C /
AGS-CGEA D'ANNECY
X...
Y...
Y...
Z...
APPELANTE :
INSTITUTION DE PREVOYANCE DES SALARIES DE L'AUTOMOBILE, DU CYCLE ET DU MOTOCYCLE (IPSA)
prise en la personne de son représentant légal en exercice
39 Avenue de Iéna
75202 PARIS CEDEX 16
représentée par la SELARL Laurence LAUTRETTE et associés plaidant par Maître DELTEIL, avocat
INTIMÉS :
AGS-CGEA D'ANNECY
Immeuble Acropole
89 Avenue d'Aix les Bains BP37
74602 SEYNOD CEDEX
représentés par la SCP GRAS-DIARD-ADJEDJ, avocats au barreau de CARPENTRAS plaidant par Maître SABATIER, avocat
Madame Marguerite X... veuve Y...
agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur Alain Y...
née le 13 Avril 1943 à SAINTE MARGUERITE (88100)
...
26230 COLONZELLE
Monsieur Patrick Y...
agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur Alain Y...
né le 14 Juillet 1963 à SAINT POURCAIN SUR SIOULE (03500)
...
26230 COLONZELLE
Mademoiselle Nathalie Y...
agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur Alain Y...
née le 21 Octobre 1972 à VALREAS (84600)
...
84600 RICHERENCHES
représentés par la SELAFA LELONG & POLLARD, avocats au barreau de VALENCE plaidant par Maître MARCON, avocat
Maître Frédéric Z...
mandataire liquidateur de la SA GINOUX MONDIAL AUTO VAUCLUSIEN
...
30000 NIMES
représenté par Maître GEIGER, avocat au barreau de CARPENTRAS substitué par Maître Frédéric DARRIBEROUGE, avocat au barreau de CARPENTRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Madame Nathalie DOMINIQUE, Vice Présidente placée,
GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 28 Avril 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2009
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 09 Juin 2009, date indiquée à l'issue des débats,
********
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Y... était embauché par la SA GINOUX le 1er mars 1976 en qualité de mécanicien.
Il était en arrêt de travail pris en charge au titre professionnel du 5 mai 2000 jusqu'au 23 avril 2001, puis déclaré inapte par le médecin du travail, et finalement licencié le 20 décembre 2001.
La SA GINOUX était déclarée en redressement judiciaire le 6 décembre 2002 puis en liquidation judiciaire le 4 juillet 2003 et Maître Z... désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Ce dernier, saisi par Monsieur Y... d'une demande en paiement du capital de fin de carrière, écrivait à l'Institution de Prévoyance des Salariés de l'Automobile, IPSA, qui assure la gestion du régime professionnel obligatoire de prévoyance prévu par la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile.
Par courrier du 31 mai 2006, l'IPSA répondait en indiquant que pour bénéficier du capital de fin de carrière avant l'âge de 57 ans, le salarié devait avoir été reconnu en accident du travail et indemnisé à ce titre par la sécurité sociale jusqu'à la rupture de son contrat de travail, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;
Monsieur Y... saisissait alors le Conseil des prud'hommes d'Orange et mettait en cause Maître Z..., les AGS et l'IPSA.
Par jugement du 7 juin 2007 cette juridiction :
- condamnait l'IPSA à lui payer la somme de 19. 828, 03 euros au titre du capital de fin de carrière avec intérêts de droit à compter du 1er décembre 2001,
- fixait à la somme de 8. 901, 40 euros la créance au titre de l'indemnité spéciale de licenciement due par la SA GINOUX à Monsieur Y..., et ce avec intérêts de droits à compter du 1er décembre 2001.
Sur appel de l'IPSA, la Cour par arrêt du 27 janvier 2009 auquel le présent se réfère expressément a :
- confirmé le jugement déféré en ce que le Conseil des prud'hommes s'est déclaré compétent,
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du 28 avril 2009 à 14 heures afin que les parties s'expliquent sur le fond du litige.
Dans ses dernières conclusions l'IPSA soutient que :
- en réalité Monsieur Alain Y... a déclaré une maladie professionnelle le 26 janvier 1998 et n'a pas été victime d'un accident de travail comme allégué par les ayants droit,
- il a perçu une indemnisation pour cette maladie jusqu'à sa consolidation qui a été prononcée par la CPAM le 27 mars 2000, et à compter de cette date fut en arrêt de maladie en raison cette fois d'une maladie non professionnelle liée à un état antérieur à sa déclaration de maladie professionnelle,
- à l'époque de son licenciement il n'était plus indemnisé au titre de la législation professionnelle et ceci depuis 21 mois,
- ainsi l'inaptitude n'est pas consécutive à une maladie professionnelle, mais à une maladie non professionnelle, et étant alors âgé de moins de 57 ans, il ne remplit pas les conditions de l'article 17 du règlement de prévoyance obligatoire de l'IPSA pour bénéficier d'un capital de fin de carrière.
Elle sollicite donc l'infirmation du jugement et le rejet des demandes outre la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire elle prétend que le montant de l'indemnité de fin de carrière ne peut être supérieure à la somme de 18. 447, 60 euros.
Les consorts Y... sollicitent sa confirmation, outre la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article700 du Code de procédure civile.
L'AGS association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, et le Centre de Gestion et d'Etude CGEA d'Annecy délégation régionale AGS du Sud Est, unité déconcentré de l'UNEDIC association gestionnaire de l'AGS, estiment qu'elles ne doivent leur garantie qu'à défaut de paiement par l'IPSA.
MOTIFS
Sur l'indemnité spéciale de licenciement
Attendu que l'article 2. 10 du chapitre II de la Convention collective nationale étendue par arrêté du 30 octobre 1981 est ainsi libellé :
a) Inaptitude définitive :
Lorsque le licenciement, à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, est inévitable du fait de l'impossibilité de reclasser le salarié conformément aux prescriptions légales, le salarié bénéficie de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par la loi.
Attendu qu'en l'espèce aucune des parties ne discute que le défunt remplissait les conditions pour percevoir cette indemnité ; que dès lors il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à la somme de 8. 901, 40 euros la créance au titre de l'indemnité spéciale de licenciement due par la SA GINOUX à Monsieur Y..., et ce avec intérêts de droits à compter du 1er décembre 2001 ;
Attendu que toutefois ces intérêts ne peuvent courir après la date du prononcé du redressement judiciaire à savoir le 6 décembre 2002, en application de l'article 55 de la loi du 25 janvier 2005 devenu L 621-48 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement ;
Attendu que le jugement doit être réformé de ce dernier chef ;
Sur le capital de fin de carrière
Attendu, comme précisé ci-dessus, que :
b) Inaptitude définitive :
Lorsque le licenciement, à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, est inévitable du fait de l'impossibilité de reclasser le salarié conformément aux prescriptions légales, le salarié bénéficie de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par la loi.
Lorsqu'il a au moins 10 ans d'ancienneté dans la profession et que le montant de cette indemnité spéciale est inférieur au plafond annuel de la sécurité sociale, il bénéficie en outre du capital de fin de carrière calculé comme indiqué à l'article 2-14 et limité, le cas échéant de telle sorte que le montant total des indemnités de rupture n'excède pas 100 % du plafond annuel de la sécurité sociale. La date de cessation des effets du contrat de travail étant celle de la notification du licenciement, le salarié bénéficiera en outre d'une indemnité égale à l'indemnité conventionnelle de préavis. Dans le cas où il bénéficiait d'indemnités de prévoyance au moment du licenciement, celles-ci continueront de lui être versées dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visé à l'article 1-26.
Attendu qu'également l'article 2. 14 stipule :
c) Capital de fin de carrière
1. Droit à un capital de fin de carrière
Le salarié ayant au moins 10 ans d'ancienneté dans la profession au terme du préavis de départ à la retraite bénéficie d'un capital de fin de carrière dès lors que le montant de l'indemnité légale visée au paragraphe b, lorsqu'elle est due, est inférieur au plafond annuel de la sécurité sociale.
L'ancienneté dans la profession est la somme en fin de carrière des périodes d'activité salariée exercée sur le territoire métropolitain dans toute entreprise relevant du champ d'application de la présente convention collective ; chacune de ces périodes d'activité est attestée par le certificat de travail visé à l'article 1-21, et calculée conformément à l'article 1-13, le total étant apprécié en années entières.
(...)
3. Versement du capital de fin de carrière
Le capital de fin de carrière est versé directement au salarié par l'organisme assureur désigné (OAD) mentionné à l'article 1-26, dans les conditions et limites précisées par le règlement de prévoyance.
Attendu que selon l'article 1. 26 du chapitre 1er au titre du régime obligatoire de prévoyance il est précisé :
Garanties collectives de prévoyance
Les garanties collectives de prévoyance dont bénéficient les salariés ou leurs ayants droit en matière d'incapacité de travail, d'invalidité, de décès, de fin de carrière et de toutes autres prestations complémentaires prévues par l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale, sont fixées par des règlements de prévoyance établis et modifiés par accord conclu au sein de la commission paritaire nationale.
Attendu qu'ainsi les consorts Y... pouvaient attraire devant la juridiction prud'homale non seulement l'employeur du défunt pour obtenir le bénéfice de certaines dispositions spécifiques de la convention collective et la fixation de leur créance à ce titre, mais encore, et pour d'autres dispositions de cette convention, l'organisme en l'espèce conventionnellement tenu, à titre principal, au paiement aux lieu et place de l'employeur et se substituant aux obligations de ce dernier ;
Attendu que, dès lors, les consorts Y... disposent tant d'un droit direct contre l'organisme assurant le versement que de la possibilité d'invoquer les règles gouvernant les conventions collectives à l'encontre de l'IPSA ; qu'en effet l'interprétation de ces dernières doit obéir aux principes fixés par le Code du travail et non à ceux du droit de la sécurité sociale les textes précités ne faisant référence au Code la sécurité sociale que pour désigner les organismes chargés du paiement sans modifier aucune autre règle de l'instrument collectif ;
Attendu que peu importe donc que cet organisme soit dit de prévoyance, et qu'il puisse emprunter certains mécanismes d'assurance, les seules modalités de paiement du capital de fin de carrière ne peuvent caractériser une opération d'assurance à l'égard du salarié qui soit distincte de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que, selon l'article 2-10 précité, la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ne prend fin que par la visite de reprise du médecin du travail, telle que la définit et l'organise le Code du travail ; qu'il suffit que le licenciement soit consécutif à l'inaptitude déclarée par ce médecin lors de la reprise et que depuis la déclaration de maladie professionnelle, il n'y ait pas eu fin de cette période ;
Attendu qu'en conséquence n'est pas fondée l'argumentation de l'IPSA selon laquelle Monsieur Y... ayant été déclaré consolidé par le médecin conseil de la CPAM, cette décision avait modifié la nature juridique de la suspension du contrat de travail ouverte à l'origine par une maladie professionnelle ;
Attendu que l'IPSA étant débitrice principale sera condamnée au paiement de la somme de 18. 447, 60 euros, seul montant à retenir par voie de réformation, compte tenu des explications et précisions de calcul fournies par l'IPSA ;
Attendu qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais non compris dans les dépens
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Vu l'arrêt du 27 janvier 2009,
Réforme le jugement déféré,
Fixe à la somme de 8. 901, 40 euros la créance au titre de l'indemnité spéciale de licenciement due par la SA GINOUX à Monsieur Y... aux ayants droit de Monsieur Y..., et ce avec intérêts de droits à compter du 1er décembre 2001 au 6 décembre 2002,
Dit que cette somme sera inscrite par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
Condamne l'IPSA à leur payer la somme de 18. 447, 60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2001,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,
Confirme le jugement pour le surplus,
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame SIOURILAS Greffier, présente lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT