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04/06/2009 | FRANCE | N°07/01620

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 04 juin 2009, 07/01620


COUR D'APPEL DE NÃŽMES


DEUXIÈME CHAMBRE
Section B-COMMERCIALE


ARRÊT DU 04 JUIN 2009






ARRÊT No 161
Magistrat Rédacteur : M. BERTRAND / DDP
R. G : 07 / 01620




TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
07 mars 2007





X...

C /

Y...







APPELANT :


Monsieur Alain X...

né le 04 Avril 1943 à VEZINS DE LEVEZOU (12780)
Chez M. Marc Z...


...

et actuellement...

30200 SAINT MICHEL D'EUZET


représentÃ

© par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assisté de la SELARL FAVAREL & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE






INTIMÉ :


Maître Christian Y..., mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur...

COUR D'APPEL DE NÃŽMES

DEUXIÈME CHAMBRE
Section B-COMMERCIALE

ARRÊT DU 04 JUIN 2009

ARRÊT No 161
Magistrat Rédacteur : M. BERTRAND / DDP
R. G : 07 / 01620

TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
07 mars 2007

X...

C /

Y...

APPELANT :

Monsieur Alain X...

né le 04 Avril 1943 à VEZINS DE LEVEZOU (12780)
Chez M. Marc Z...

...

et actuellement...

30200 SAINT MICHEL D'EUZET

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assisté de la SELARL FAVAREL & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

Maître Christian Y..., mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la Sté B...
X...,

...

84000 AVIGNON

représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Avril 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Alain FAVRE, Conseiller,
Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller,
ont entendu les plaidoiries et en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

GREFFIER :

Melle Jany MAESTRE, Greffier, lors des débats et Mme Dominique RJVOALLAN, lors du prononcé,

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

à l'audience publique du 22 Avril 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2009
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur BERTRAND, Conseiller faisant fonction de Président, publiquement, le 04 Juin 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour

********

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'assignation délivrée le 29 novembre 2005 à M. Alain X... devant le tribunal de commerce d'Avignon, par Me Christian Y..., mandataire judiciaire liquidateur de la SA B...
X... entreprise de négoce de fruits et légumes à Cavaillon (84), qui sollicitait notamment :
- le prononcé du redressement judiciaire personnel de M. Alain X..., ancien président et associé majoritaire de la SA B...
X..., mise en liquidation judiciaire immédiate par jugement du tribunal de commerce d'Avignon rendu le 2 juillet 2003, au visa de l'article L. 624-5 du code de commerce,
- subsidiairement, au visa de l'article L. 624-3 du code de commerce, la condamnation de M. Alain X... à combler intégralement l'insuffisance d'actif, ainsi qu'à lui payer une somme provisionnelle de 8. 000, 000, 00 € de ce chef, outre celle de 5. 000, 00 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu la décision en date du 7 mars 2007, de cette juridiction qui a, notamment, au visa de l'article L. 652-1 nouveau du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 :
- constaté les fautes de gestion et le comportement fautif de M. Alain X...,
- condamné M. Alain X... à combler à hauteur de 3. 000. 000, 00 € l'insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de la SA B...
X...,
- enrôlé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire,
- rejeté toute demande contraire ;

Vu l'appel de cette décision interjeté le 10 avril 2007 par M. Alain X... ;

Vu l'arrêt de renvoi de cette cour no435, rendu le 23 octobre 2008 à la demande de M. Alain X... dont le nouvel avocat, Me Favarel, avait invoqué des problèmes de santé personnels l'empêchant de venir plaider à l'audience fixée au 18 septembre 2008 ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 21 avril 2009 et signifiées à son adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles M. Alain X... soutient notamment que ;
- l'action en paiement des dettes sociales, prévue par l'article L. 652-1 du code de commerce, substituée à l'action fondée sur l'article L. 624-5, ancien, du code de commerce, n'a été présentée à l'audience du 6 septembre 2006, pour la première fois, que plus de trois ans après la liquidation judiciaire de la SA B...
X..., le 2 juillet 2003, elle est donc prescrite,
- subsidiairement, aucune des conditions de l'article L. 652-1 du code de commerce n'est présente en l'espèce et le jugement doit donc être infirmé, les demandes du liquidateur judiciaire étant infondées, pas plus que celles de l'article L. 624-3, ancien du code de commerce, invoquées à titre subsidiaire.
- la nomination de M. C... en qualité d'administrateur " ad hoc " de la SA B...
X... par le tribunal de commerce d'Avignon, le 11 mars 2003, signifie qu'à cette date la société n'était pas en état de cessation des paiements, à défaut de quoi la juridiction commerciale aurait dû ouvrir une procédure de redressement judiciaire,
- la COFACE, en conseillant à la société, dont elle était l'assureur à l'exportation, d'investir en Côte d'Ivoire, alors pays à risque, porte une responsabilité dans la survenance de sa liquidation judiciaire et elle a été condamnée, le 4 novembre 2003, à payer une somme de 78. 870. 30 € qu'elle devait à celle-ci, au titre de sa garantie,
- la faillite frauduleuse de la banque Khalifa, en Algérie, survenue en avril 2003 a fait perdre à la société Malagulti X... l'encours bancaire qu'elle y avait déposé, soit 1. 000. 000, 00 €, précipitant sa défaillance,
- la société a engagé de nombreuses procédures judiciaires à l'encontre de ses partenaires commerciaux en Algérie mais elle n'a pas réussi à exécuter les décisions prises en sa faveur dans ce pays,
- très subsidiairement, seule une partie du passif de la liquidation judiciaire pourrait être mise à la charge de M. X.... et non la totalité,
- Me Christian Y..., mandataire liquidateur judiciaire de la SA B...
X..., doit être condamné au paiement de la somme de 10. 000, 00 € pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions no2 déposées au greffe de la cour le 21 avril 2009 et signifiées à son adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles Me Christian Y..., mandataire liquidateur judiciaire de la SA B...
X..., demande notamment la confirmation de la décision entreprise, sauf en son montant, dont il sollicite qu'il soit porté à la totalité des dettes de la société ;

Vu sa demande subsidiaire en condamnation de M. Alain X... à combler l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, au visa de l'article L. 624-3, ancien, du code de commerce, au paiement d'une provision de 8. 000. 000, 00 €, ainsi que la demande de condamnation de M. Alain X... à lui payer une somme de 5. 000, 00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la communication de l'affaire au procureur général près la cour d'appel de Nîmes qui l'a visée sans avis le 9 avril 2009 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 avril 2009 ;

Vu les écritures des parties auxquelles il y a lieu de se référer pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens de celles-ci ;

********

SUR CE :

SUR LA PROCÉDURE :

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est ni contestée ni contestable au vu des pièces produites ;

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

sur l'application des dispositions de l'article L. 652-1 du code de commerce

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005 que les instances aux fins de sanction engagées à l'égard des dirigeants des personnes morales sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à cette loi, ne peuvent plus être poursuivies si la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire n'a pas été ouverte avant le 1er janvier 2006, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 7 mars 2005 ;

Que tel est le cas en l'espèce et qu'il convient donc de statuer sur la demande, substituée par Me Y..., ès-qualités, d'obligation aux dettes sociales dirigée contre M. Alain X..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 652-1 du code de commerce issues de la loi du 26 juillet 2005 ;

Qu'en effet, en application de l'article 191 de la loi no 2005-845 du 26 juillet 2005, ces dispositions légales sont applicables immédiatement aux procédures de sanction des dirigeants sociaux en cours au 1er janvier 2006, ce qui est le cas en l'espèce, l'assignation en redressement judiciaire personnel de M. Alain X... ayant été délivrée le 29 novembre 2005 et le tribunal de commerce d'Avignon n'ayant pas statué sur cette action avant le 1er janvier 2006 ;

sur la prescription de l'action en obligation aux dettes sociales

Attendu que M. Alain X... soutient que l'action en obligation aux dettes sociales résultant de l'article L. 652-1 nouveau du code de commerce, applicable à compter du 1er janvier 2006, était prescrite à son égard trois ans après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SA B...
X..., soit le 2 juillet 2006 ;

Qu'il soutient que faute par le liquidateur d'avoir développé oralement, à l'audience du tribunal de commerce d'Avignon, des conclusions modifiant sa demande initiale en redressement judiciaire personnel pour lui substituer une demande de condamnation au paiement des dettes sociales fondées sur l'article L. 652-1 du code de commerce, celle-ci présentée après le 2 juillet 2006, est prescrite ;

Attendu qu'il résulte en effet des dispositions d'ordre public de l'article L. 652-4 du code de commerce que l'action en obligation aux dettes sociales exercée contre le dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ;

Qu'il est de principe que le cours de cette prescription n'est pas interrompu par les poursuites engagées contre le dirigeant, sous l'empire de la loi antérieure au 26 juillet 2005, en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire à titre de sanction, fondée sur les dispositions abrogées depuis lors de l'article L. 624-5 ancien du code de commerce ;

Qu'en l'espèce l'action en obligation aux dettes sociales dirigée contre M. Alain X..., ancien dirigeant de la SA B...
X..., mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Avignon rendu le 2 juillet 2003, devait donc être exercée par le liquidateur judiciaire de cette société, Me Christian Y..., avant le 2 juillet 2006 ;

Que celui-ci soutient qu'ayant saisi le tribunal de commerce d'Avignon, sur le fondement de l'article L. 624-5, ancien, du code de commerce depuis le 29 novembre 2005, il a substitué à cette action la nouvelle demande fondée sur les dispositions de l'article L. 652-1 du code de commerce dans des conclusions régulièrement notifiées à son adversaire, dont l'avocat a accusé réception le 24 mai 2006, soit avant la prescription ;

Mais attendu qu'en application de l'article 871 du code de procédure civile, la procédure devant le tribunal de commerce est orale et que les prétentions des parties peuvent être formulées seulement au cours de l'audience, sauf à ce que des conclusions écrites, ultérieurement reprises oralement à l'audience du tribunal par la partie qui les a développées soient déposées avant celle-ci au greffe de la juridiction (2éme Chambre Civile de la Cour de Cassation, 26 novembre 1998) ;

Qu'en l'espèce Me Y..., ès-qualités, ne justifie pas, ni même n'allègue avoir déposé au greffe du tribunal de commerce d'Avignon ses conclusions notifiées à son adversaire le 24 mai 2006, avant l'audience de cette juridiction, qui a eu lieu le 6 septembre 2006 ;

Que contrairement à ce qu'il soutient il n'a pas été empêché d'agir, par l'effet de la loi, pendant le délai de prescription puisque le dépôt au greffe du tribunal de commerce d'Avignon de ses conclusions à la date à laquelle elles ont été communiquées à l'avocat de son adversaire, le 22 mai 2006, permettait d'interrompre utilement le délai de prescription :
Qu'il s'ensuit que sa demande additionnelle tendant à la condamnation de M. Alain X... au titre de l'obligation aux dettes sociales, fondée sur les dispositions de l'article L. 652-1, nouveau, du code de commerce était donc prescrite depuis le 3 juillet 2006 ;

Qu'il convient donc, réformant de ce chef le jugement déféré, de déclarer cette demande irrecevable ;

sur l'action en comblement d'insuffisance d'actif de l'article L. 624-3 ancien, du code de commerce

Attendu qu'à titre subsidiaire le liquidateur judiciaire de la SA B...
X... sollicite la condamnation personnelle de l'ancien dirigeant de cette société, M. Alain X... à combler l'intégralité de l'insuffisance d'actif apparue, en application de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;

Que cette demande, également présentée à titre subsidiaire dans l'assignation du 29 novembre 2005, n'est donc pas prescrite et se trouve recevable en l'état de l'irrecevabilité de l'action fondée à titre principal sur les dispositions de l'article L. 652-1, nouveau, du code de commerce ;

Attendu que comme l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 19 décembre 2006, en application de l'article 191, 5o de la loi du 26 juillet 2005, l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, demeure applicable pour condamner les dirigeants au paiement de l'insuffisance d'actif d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective antérieurement au ler janvier 2006 ; que tel est le cas en l'espèce pour la SA B...
X..., déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Avignon en date du 2 juillet 2003 ;

Attendu que l'existence d'une insuffisance d'actif apparue lors de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SA B...
X... bien que celle-ci ne soit pas encore clôturée, n'est pas contestée, pas plus que ne l'est le montant des déclarations de créance effectuées régulièrement entre les mains de Me Y..., ès-qualités, soit la somme de 8. 524. 264, 00 € à titre
définitif, outre celle de 544. 670, 00 € à titre provisionnel, sans que l'actif existant, dont 401. 408, 00 € ont été réalisés, permette d'y faire face ;

Qu'à l'appui de sa demande de condamnation de M. Alain X..., actionnaire majoritaire à hauteur de 93 % de cette société, et président directeur général de celle-ci, Me Y..., ès-qualités, lui reproche les fautes de gestion suivantes, prévues par l'article L. 624-3, ancien, du code de commerce :
- absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de la loi, soit 15 jours selon l'article L. 621-1, ancien, du code de commerce,
- poursuite d'une activité déficitaire,
- impayé des charges fiscales et sociales,
- irrégularités comptables dans la valorisation des bilans 2002 et 2001, mises en exergue par un contrôle fiscal dont M. X... a fait l'objet ;

Attendu qu'il est constant que M. Alain X... n'a jamais déclaré l'état de cessation des paiements de la SA B...
X..., le tribunal de commerce d'Avignon prononçant sa mise en liquidation judiciaire immédiate le 2 juillet 2003 à la suite d'une assignation d'un créancier, l'EARL Minière " Le Moulin " qui soutenait que celle-ci ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible, ce qu'a retenu la juridiction commerciale ;

Que la société mise en liquidation judiciaire n'a pas relevé appel de cette décision, laquelle a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 15 avril 2003, soit 2 mois et 15 jours avant le jugement, date de l'assignation par le créancier ; que cette date n'a pas été modifiée depuis lors ;

Que M. X... soutient qu'il résulte de l'ordonnance de non-lieu rendue à l'égard, par M. Régis A..., juge d'instruction au tribunal de grande instance d'Avignon, en date du 18 mars 2009, des chefs d'escroquerie et présentation de faux bilans, qu'il a été démontré à l'instruction que la société n'était pas en état de cessation des paiements entre août et octobre 2002, pas plus qu'en février et mars 2003 ;

Mais attendu que la juridiction commerciale chargée d'apprécier l'existence de fautes de gestion du dirigeant social d'une société en liquidation judiciaire n'est pas tenue par la fixation d'une date de cessation des paiements par la juridiction ayant statué sur l'ouverture de la procédure collective ni par l'appréciation par la juridiction pénale, saisie de la recherche d'infractions économiques imputables au dirigeant, quant à la situation économique de l'entreprise, faite au jour où elle a statué, en fonction des éléments d'information alors portés à sa connaissance ;
Que M. X... prétend également que la désignation de M. Laurent C..., mandataire judiciaire en qualité de mandataire " ad hoc " chargé d'assister le chef d'entreprise dans ses négociations avec ses créanciers, par ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce d'Avignon en date du 11 mars 2003, établit qu'à cette date la société n'était pas en état de cessation des paiements, faute de quoi le juge aurait dû ouvrir une procédure de redressement judiciaire ;

Mais attendu qu'il convient de rappeler que le président du tribunal de commerce, statuant sur requête déposée par le chef d'entreprise et désignant un mandataire " ad hoc ", dès lors qu'il n'a ouvert aucune procédure de règlement amiable au visa de l'article L. 611-3, ancien, du code de commerce, ne s'est pas prononcé sur l'état de cessation des paiements ou non de la SARL B...
X... à cette date, au vu qui plus est des seuls éléments fournis par M. Alain X... ;

Que dès lors il ne peut être tiré de cette décision la reconnaissance judiciaire ni même une preuve de l'absence d'état de cessation des paiements de la société à la date du 11 mars 2003 ;

Que la cour relève en l'espèce que :
- les cotisations obligatoires dues à l'URSSAF de Vaucluse n'ont plus été payées depuis le mois de novembre 2002, selon la déclaration de créance de cet organisme, et il était dû en avril 2003 (21. 361, 00 € + 114. 642, 00 €) = 136. 003, 00 €,
- la créance du Trésor Public, déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société, à titre définitif, comprend des impayés depuis le 31 octobre 2001 au titre de la taxe professionnelle, pour la somme de 21. 302, 81 €, ainsi que des loyers dus au titre du Marché d'intérêt national de Cavaillon depuis le 14 janvier 2003, pour 9. 450, 12 €,
- un contrôle fiscal a mis en exergue des impayés en matière de TVA pour les années 2000 à 2002 déclarés comme créances provisionnelles par le Trésor Public pour 90. 546, 00 €, montant confirmé par le redressement définitif notifié le 16 octobre 2003, et la comptabilité n'est donc pas sincère et régulière, l'administration fiscale la considérant comme frauduleuse pour plusieurs écritures et du fait de l'encaissement personnel par le dirigeant de certaines sommes faussement déclarées comme des commissions,
- ce contrôle fiscal a conduit à un redressement de 83. 114. 00 € et révélé des prélèvements occultes du dirigeant social en 2001, pour 84. 400. 00 Francs (12. 866, 70 €) masqués par l'émission de faux bons de caisse (dénommés " commissions Intermarché "), alors même qu'il percevait aussi une rémunération annuelle de 85. 981, 00 € de la part de la société ainsi que des remboursements de frais de déplacements à hauteur de 87. 270, 00 € par an,
- l'administration des Douanes et droits indirects, particulièrement concernée par l'activité d'import-export internationale de fruits et légumes de cette société, a déclaré une créance définitive de 299. 714, 00 €, outre une créance provisionnelle de 250. 000, 00 €. au passif,
- le bilan et le compte de résultat de l'exercice comptable clos au 31 décembre 2002 font apparaître un effondrement du résultat d'exploitation commerciale, passé de + 651. 382, 00 € en 2001 à-5. 740. 781. 00 € en 2002, malgré une hausse du chiffre d'affaires (33. 361. 730. 00 € au lieu de 29. 056. 969, 00 € en 2001).
- après un bénéfice comptable de 326. 106, 00 € en 2001, la SA B...
X... enregistre une perte de 6. 556. 966, 00 € en 2002, et ses capitaux propres sont négatifs de 4. 839. 908. 00 € ;

Qu'il résulte de ces éléments que l'état de cessation des paiements de la SA B...
X..., caractérisé par l'impossibilité de faire face avec son actif disponible au passif exigible, existait depuis, au plus tard, le 1er janvier 2003 ;

Que le dirigeant social de la société ne pouvait ignorer cette situation, ne serait-ce que parce qu'il laissait impayées des sommes exigées par l'URSSAF de Vaucluse et le Trésor Public depuis plusieurs mois, notamment ;

Qu'en s'abstenant de déclarer l'état de cessation des paiements de la société qu'il dirigeait avant le 15 janvier 2003, comme le lui imposait l'article L. 621-1 du code de commerce, il a commis une faute de gestion, laquelle a permis la poursuite de l'activité déficitaire de la société jusqu'au 3 juillet 2003, en aggravant le passif, qui a alors atteint, selon les déclarations des créanciers, un total supérieur à 9. 000. 000, 00 € ;

Que connaissant le caractère gravement déficitaire de son activité, M. X... a sollicité la désignation d'un mandataire " ad hoc " chargé de l'assister mais a omis, comme la procédure qu'il mettait en oeuvre le permettait, de solliciter l'ouverture d'une procédure de règlement amiable avec ses créanciers impayés, ce qu'il aurait au moins dû faire s'il croyait, par erreur, ne pas être en état de cessation des paiements, compte-tenu des impayés persistants constatés à cette date ;

Qu'il a donc choisi délibérément de poursuivre une activité qu'il savait déficitaire, recherchant l'intervention de partenaires extérieurs espagnols, qui n'ont apporté qu'une somme de 403. 000. 00 €, dont une partie correspondait à une dette antérieure de 269. 880, 00 €, insuffisante à apporter une solution économiquement viable à la situation de l'entreprise et à remédier à l'insuffisance des fonds propres constatée ;

Que cette poursuite de l'activité avait pour lui, également, un intérêt personnel lié à sa rémunération de dirigeant social et à sa position de créancier de la société à hauteur de la somme de 170. 000, 00 € sur son compte courant d'associé, ainsi qu'à sa situation de caution solidaire de la société à l'égard de la SA CAMEFI Banque, depuis le 3 septembre 2002, notamment ;

Que l'existence, alléguée, de multiples procédures judiciaires engagées par la société en Algérie ou à propos d'investissements hasardeux effectués en Côte d'Ivoire par son dirigeant social, sans prise de garanties suffisantes, ne justifiait en rien son attitude fautive, les gains obtenus ou raisonnablement escomptés de ces litiges ne pouvant lui permettre de redresser la situation compromise de la SA B...
X... qui existait à la date du 31 décembre 2002 ;

Qu'il suffit en effet de rapprocher le montant de l'insuffisance d'actif constatée à ce jour, soit plus de 8. 000. 000, 00 € avec la somme que la COFACE a été condamnée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 4 novembre 2003, à payer à la société au titre de sa garantie de contrats d'exportation, soit 78. 870, 30 € (compensée avec une dette de cotisations impayées de la SA B...
X... à hauteur de 34. 798, 49 €, en outre), pour percevoir la disproportion manifeste existant, alors qu'aucune autre procédure judiciaire ne s'est avérée fructueuse pour la société à ce jour, 7 ans après ;

Qu'à ces fautes de gestion s'ajoute la fraude fiscale retenue par cette administration qui a opéré le redressement susvisé, le 2 septembre 2003 et le détournement par M. Alain X... de sommes appartenant à la société, à titre personnel, pour la somme indiquée ci-dessus de 12. 866, 70 € en 2001 ;

Qu'en effet l'allégation, dans les conclusions de M, X..., du reversement de cette somme à un employé non identifié d'Intermarché, pour s'assurer de la fidélité commerciale de ce client, n'est en rien justifiée ; que même si elle l'était, elle traduirait une pratique de corruption et une dissimulation comptable au sein de la SA B...
X..., en violation de ses obligations légales ;

Que contrairement aussi à ce qu'allégué dans ses conclusions M. Alain X..., le fait que cette pratique frauduleuse ait fait l'objet d'un redressement fiscal, imputé à la SA B...
X... et non à lui-même, n'interdit nullement à la cour de retenir ces faits comme également constitutifs d'une faute de gestion commise par le dirigeant social, ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Que par ailleurs M. Alain X..., sans justifier d'une décision du conseil d'administration de la SA B...
X... à cet égard, a consenti un prêt par la société qu'il dirigeait d'une somme de 914. 694, 00 € à la société Négoce Ivoire, filiale à 50 % en Côte d'Ivoire, le 1er janvier 2000, sans que soit connu le motif de ce prêt ;

Qu'il l'a fait sans prendre aucune garantie ni convenir d'un délai de remboursement, lequel n'a toujours pas eu lieu, ni prévoir le paiement d'intérêts à la charge de l'emprunteur, et sans inscrire non plus de provision comptable pour le risque d'irrecouvrabilité de cette créance dans la comptabilité, jusqu'en 2003 (comptabilité de 2002) ;

Qu'il a ainsi privé indûment la SA B...
X... d'une somme importante au titre de sa trésorerie, qui lui a fait défaut lorsqu'elle a été en cessation des paiements, puis au titre de sa solvabilité même, contribuant à l'insuffisance de capitaux propres au 31 décembre 2002 et à la liquidation judiciaire qui a suivi ;

Que contrairement à ce qu'il soutient dans ses conclusions, M. X... n'apporte aucune preuve de ce que la décision d'investir en Côte d'Ivoire, pays dont l'instabilité politique lui été connue depuis 1999, ainsi qu'il l'écrit dans sa lettre du 29 novembre 2000 adressée à la COFACE, pas plus qu'en Algérie, pays non signataire de la convention de Vienne, lui aurait été imposée ou même conseillée par cet organisme d'assurance à l'exportation ;

Que comme le relève également le liquidateur judiciaire, il ne ressort d'aucune écriture de la comptabilité de la SA B...
X... que celle-ci aurait disposé d'une somme de 1. 000. 000, 00 € déposée dans les livres de la banque algérienne Khalifa, dont la liquidation en avril 2003 est invoquée par M. Alain X... pour expliquer en partie sa propre défaillance ; que la cour constate à cet égard que M. X... ne produit non plus aucun élément ni même n'indique le numéro du compte courant ouvert au nom de la SA B...
X... dans cette banque, inconnu du mandataire liquidateur ;

Qu'il ressort de la lettre de M. Alain X... à son avocat, qu'il verse aux débats, en date du 14 janvier 2003, que la société B...
X... a vendu, entre 2000 et 2002, pour 3. 244. 260, 52 € de marchandises à 19 clients algériens, sans prendre aucune garantie, ni assurance auprès de la COFACE ; que ceci a entraîné l'impayé de cette créance, devenue irrécouvrable malgré l'engagement de multiples procédures judiciaires infructueuses en Algérie, caractérisant une prise de risques commerciaux considérable et irraisonnée, nonobstant la faillite de la banque Khalifa, invoquée comme seule cause du préjudice ;

Qu'enfin M. Alain X... est pour le moins mal venu d'imputer au défaut de comparution de Me Y..., ès-qualités, à une confrontation organisée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille saisi d'une plainte pour faux en écriture privée qu'il avait déposée, le non-lieu prononcé ensuite par ce magistrat ;

Qu'il résulte en effet de l'ordonnance de refus d'expertise prononcée par Mme E... le 14 décembre 2005, que M. Alain X... lui-même ne s'est pas présenté à la confrontation avec un témoin assisté contestant le faux dénoncé par lui et qu'il n'a pas produit l'original du document argué de faux ;

Que l'ensemble de ces fautes de gestion a ainsi contribué à la réalisation de l'insuffisance d'actif constatée, pour une partie que la cour évalue en l'espèce à la moitié de l'insuffisance d'actif compte tenu des éléments ci-dessus exposés ;

Qu'il convient donc de condamner M. Alain X... à payer à Me Christian Y..., mandataire liquidateur judiciaire de la SA B...
X..., la somme de 3. 000. 000, 00 €, à titre provisionnel, au titre de sa contribution aux dettes de la personne morale qu'il doit personnellement supporter ;

SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Attendu qu'il y a lieu d'allouer à Me Christian Y..., mandataire liquidateur judiciaire de la SA B...
X..., la somme de 5. 000. 00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer M. Alain X..., condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de M. Alain X... les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens ;

********

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant, publiquement et par arrêt contradictoire, après communication au ministère public,

Vu les articles 6, 9 et 871 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 621-1 et L. 624-3, anciens, du code de commerce,
Vu l'article L. 652-4, nouveau, du code de commerce,
Vu les articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005,

Reçoit les appels en la forme,

Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Avignon prononcé le 7 mars 2007 ;

Et statuant à nouveau :

- Déclare irrecevable comme prescrite l'action en obligation aux dettes sociales dirigée contre M. Alain X..., exercée par le liquidateur judiciaire de la SA B...
X... sur le fondement des dispositions de l'article L. 652-1, nouveau, du code de commerce ;

- Condamne M. Alain X..., né le 4 avril 1943, à Vezins de Levezou (Aveyron), ancien dirigeant social de la SA B...
X..., à supporter les dettes de la liquidation judiciaire de la SA B...
X..., jusqu'à concurrence de la moitié de l'insuffisance d'actif constatée ;

- Le condamne à payer à Me Christian Y..., pris en sa qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la SA B...
X... une provision de 3. 000. 000, 00 € à valoir sur cette condamnation ;

Condamne M. Alain X... aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Me Christian Y..., mandataire liquidateur judiciaire de la SA B...
X..., la somme de 5. 000, 00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Autorise la S. C. P. CURAT-JARRICOT, titulaire d'un office d'avoué, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ainsi prononcé et jugé à NÎMES le 4 juin 2009.

Arrêt signé par Monsieur B. BERTRAND, faisant fonction de Président de Chambre et Madame D. RIVOALLAN, Greffier divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 07/01620
Date de la décision : 04/06/2009

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Avignon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-06-04;07.01620 ?
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