COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2009
ARRÊT No 613
R. G. : 07 / 02724
RT / MM
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MENDE
19 juin 2007
Section : Activités diverses
X...
C /
ASSOCIATION A. D. A. P. E. I. LOZÈRE
APPELANT :
Monsieur Albin X...
né le 15 Février 1971 à SÈTE (34200)
...
...
comparant en personne, assisté de Maître Luc-Etienne GOUSSEAU, avocat au barreau de MENDE
INTIMÉE :
ASSOCIATION A. D. A. P. E. I. LOZÈRE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Fontaine Notre Dame
48400 FLORAC
représentée par la SCP CARREL-PRADIER-DIBANDJO, avocats au barreau de MENDE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Madame Nathalie DOMINIQUE, Vice Présidente placée,
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 31 Mars 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2009
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 05 Mai 2009, date indiquée à l'issue des débats,
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FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Albin X... était embauché le 3 janvier 1994 par l'Association Départementale des Amis et Parents de Personnes handicapées mentales de Lozère, ci-après A. D. A. P. E. I, en qualité d'aide-soignant, et était affecté au sein de la MAS des Bancels à Florac.
Le 1er novembre 2003, il était convoqué par le directeur, mis à pied à titre conservatoire, convoqué à un entretien préalable, et sur décision du Conseil d'administration de l'A. D. A. P. E. I, licencié le 19 novembre 2003, pour faute grave, la lettre de licenciement étant ainsi libellée :
" Nous faisons suite à notre entretien du 12 novembre 2003 au cours duquel nous avons recueilli vos explications qui n'ont pu malheureusement nous apporter d'élément satisfaisant pouvant annihiler les faits reprochés.
Vous avez nié sans autre précision, sans pouvoir apporter la moindre lumière ou explication les accusations graves qui vous sont reprochées.
Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, en raison des comportements et agissements inacceptables qui se sont en outre passés pendant vos temps de travail, à savoir :
- des abus d'autorité, de pouvoir en votre qualité d'aide-soignant d'expérience sur une jeune salariée de l'établissement qui effectuait des remplacements.
Ces agissements se sont traduits par des attitudes très éloignées de vos obligations professionnelles vis-à-vis de cette salariée, des pressions en tout genre, jusqu'au harcèlement moral et sexuel, pour obtenir ses faveurs, avec un passage à l'acte forcé selon cette personne, en présence de résidants.
Ces faits graves ne nous permettent pas de pouvoir maintenir une quelconque collaboration d'autant plus, qu'en votre qualité d'aide-soignant, vous avez la responsabilité des résidants qui sont des personnes totalement dépendantes.
Depuis, des troubles importants se sont fait ressentir sur l'organisation de notre activité. La première présentation de cette lettre marquera la fin effective de notre collaboration sans préavis ni indemnité. Parallèlement, la mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée devient définitive. "
Mademoiselle Samantha B... ayant déposé plainte à rencontre de Monsieur X..., et l'employeur ayant avisé le Parquet des faits portés à sa connaissance par courrier du 5 novembre 2003, une information était ouverte.
À la suite d'une mesure de garde à vue et d'information, celle-ci était clôturée par une ordonnance de non-lieu.
Le 2 février 2006, Monsieur X... saisissait le Conseil de prud'hommes de Mende sollicitant les sommes de :
-1. 429, 71 euros au titre de mise à pied conservatoire, et les congés payés afférents de 142, 97 euros ;
-95. 447, 52 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rupture abusive et vexatoire.
En cours d'instance il demandait aussi le paiement d'une indemnité de préavis et les congés payés y afférents.
Par jugement du 19 juin 2007, le Conseil de prud'hommes, en formation de départage, condamnait l'A. D. A. P. E. I à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :
-1. 789, 64 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-3. 976, 98 euros au titre de l'indemnité de préavis et les congés payés y afférents de 397, 69 euros,
-1. 429, 71 euros de rappel de salaire pendant la mise à pied et les congés payés y afférents de 142, 97 euros,
-10. 000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur X... a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient que :
- la réalité des faits tels que rapportés par l'employeur n'a pas été établie et la direction de l'établissement s'est laissée abuser par de fausses accusations,
- contrairement à ce que le jugement a retenu, il ne s'agit pas de faire profiter le salarié d'un doute sur sa participation, car les faits reprochés n'ont jamais existé,
- son préjudice a été extrêmement lourd et n'a pas été correctement apprécié par le jugement,
- il évalue le sien à 97. 447, 52 euros compte tenu du caractère abusif et vexatoire de la rupture.
L'A. D. A. P. E. I demande au principal et par appel incident le rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur X... et subsidiairement de considérer qu'il existe une cause réelle et sérieuse de licenciement.
MOTIFS
Attendu que selon la lettre de licenciement, Monsieur X... a été licencié pour s'être rendu coupable d'abus d'autorité et de pouvoir en sa qualité d'aide soignant sur une jeune salariée de l'établissement qui effectuait des remplacements, ces agissements se traduisant par des attitudes très éloignées de ses obligations professionnelles vis-à-vis de cette salariée, des pressions en tout genre, jusqu'au harcèlement moral et sexuel, pour obtenir ses faveurs, avec un passage à l'acte forcé, selon cette personne, en présence de résidants ;
Attendu que selon les explications de Mademoiselle B... les faits auraient eu lieu dans la douche après une séance de balnéothérapie ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance de non-lieu que d'abord les faits exclusivement retenus par le Ministère public étaient relatifs à un viol ;
Attendu qu'en effet selon les pièces de la procédure versée aux débats, la plainte introduite par Mademoiselle B... à l'encontre de Monsieur X... portait aussi sur des faits de harcèlements moral et sexuel ; que le réquisitoire introductif du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Mende en date du 16 janvier 2004 ne fait pas état de poursuites de ce chef ;
Attendu que des motifs particulièrement détaillés de cette ordonnance il résulte que :
- une infirmière de l'association s'est entretenue avec Mademoiselle B... quelques instants après le moment où celle-ci a prétendu avoir été victime d'un viol, et atteste que le comportement des deux salariés était tout à fait normal,
- le kinésithérapeute de l'association, Monsieur C..., avait été la dernière personne à avoir vu Mademoiselle B... et Monsieur X... avant les agissements allégués,
- il a attesté que lorsqu'il était sorti, pour fumer une cigarette, il a laissé Mademoiselle B... et Monsieur X... seuls avec les résidants de l'association pendant quelques minutes seulement, et que lorsqu'il est revenu Monsieur X... avait déjà pris sa douche et était habillé ;
Attendu que l'employeur s'est fondé, pour retenir les charges énoncées dans la lettre de licenciement, sur les déclarations de Mademoiselle B... recueillies par Monsieur D..., chef de service, et sur l'audition de celle-ci par Monsieur E..., directeur, enfin sur les déclarations écrites de Madame F..., salariée à qui l'intéressée s'était confiée ;
Attendu que l'employeur a entendu Mademoiselle B... le 28 octobre 2003 et Monsieur X... le 5 novembre 2003 ; qu'entre cette dernière date et le licenciement du 19 novembre il n'a procédé à aucune audition personnelle omettant ainsi d'entendre les témoins les plus directs à savoir Monsieur C..., et l'infirmière, cette dernière ayant un bureau jouxtant la balnéothérapie, et qui s'est entretenue tant avec Mademoiselle B... que Monsieur X... juste après les prétendus faits et qui n'a rien remarqué ;
Attendu que d'une part il apparaît des éléments ci dessus retracés que la décision a été prise non pas après avoir entrepris quelques vérifications permettant de diligenter une mesure disciplinaire conservatoire mais seulement en considération de la déclaration de Mademoiselle B... ;
Attendu qu'en raison de la gravité des accusations portées contre un salarié bénéficiant de neuf années d'ancienneté, n'ayant jamais été sanctionné disciplinairement, et alors même que la procédure pénale n'avait été engagée que depuis deux semaines, il appartenait à l'employeur de s'affranchir de toute émotivité afin de conserver son discernement ;
Attendu que d'autre part les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ne sont pas avérés et les motifs de l'ordonnance de non-lieu ne font état d'aucun élément pouvant venir corroborer même le caractère plausible des accusations formulées compte tenu de la proche présence de deux témoins et de leurs déclarations respectives et de celles de l'époux de la victime qui a indiqué qu'elle n'était pas fiable, selon le terme que la Cour choisira au lieu de celui exprimé par ce conjoint ;
Attendu qu'enfin il est établi que Monsieur X... ne s'est jamais rendu coupable de harcèlement moral ou sexuel ni de viol à l'encontre de Mademoiselle B... ; qu'également l'employeur ne justifie pas d'élément attestant de l'existence d'abus d'autorité et de pouvoir qu'il invoque ; qu'enfin aucune explication n'a été fournie par l'ADAPEI sur la survenance d'un trouble ou d'une perturbation dans l'entreprise imputable au salarié ;
Attendu que, dès lors, l'employeur s'étant fondé sur des motifs erronés pour rompre le contrat de Monsieur X..., le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'il conviendra en conséquence d'allouer à Monsieur X... la somme de 28. 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant l'ensemble des préjudices de Monsieur X..., dont celui entourant les circonstances de la rupture, et celui relatif à son déménagement pour rechercher un emploi ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du même Code ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne l'association A. D. A. P. E. I Lozère à verser à Monsieur X... la somme de 28. 000 euros à titre de d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Confirme pour le surplus en toutes ses autres dispositions,
Dit qu'il n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne l'association A. D. A. P. E. I aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame SIOURILAS Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,