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17/03/2009 | FRANCE | N°218

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0355, 17 mars 2009, 218


ARRÊT N° 218
R. G. : 07 / 02262
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 10 avril 2007

X... E... La société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS

C /
SA POLYCLINIQUE URBAIN V CPAM DE VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A

ARRÊT DU 17 MARS 2009
APPELANTS :
Monsieur Claude X... né le 30 Septembre 1957 à MARSEILLE (13)... 84140 MONTFAVET

représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de Me Jean-François CECCALDI, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur Richard E... né le 18 Févri

er 1943 à TOULON (83) ... 84023 AVIGNON CEDEX 1

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté ...

ARRÊT N° 218
R. G. : 07 / 02262
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 10 avril 2007

X... E... La société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS

C /
SA POLYCLINIQUE URBAIN V CPAM DE VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A

ARRÊT DU 17 MARS 2009
APPELANTS :
Monsieur Claude X... né le 30 Septembre 1957 à MARSEILLE (13)... 84140 MONTFAVET

représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de Me Jean-François CECCALDI, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur Richard E... né le 18 Février 1943 à TOULON (83) ... 84023 AVIGNON CEDEX 1

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Frédérique BAFFERT SAVON, avocat au barreau de MARSEILLE

La société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS Poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice 86 Boulevard Haussmann 75008 PARIS

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me Frédérique BAFFERT SAVON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES :
SA POLYCLINIQUE URBAIN V poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social Chemin du Pont des Deux Eaux 84000 AVIGNON

représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de Me Béatrice VINDRET-CHOVEAU, avocat au barreau D'AVIGNON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 7, Rue François 1er 84000 AVIGNON

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Pierre BROT, avocat au barreau D'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Décembre 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 20 Janvier 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Mars 2009 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 17 Mars 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour * * *

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M X..., alors âgé de 41 ans, a été opéré le 3 septembre 1998 à la clinique URBAIN V d'AVIGNON, par le docteur E... qui a pratiqué une ostéotomie du tibia gauche pour correction du varus et du recurvatum. A la suite de l'apparition d'une inflammation au niveau des points de suture, le docteur E... réalisait une nouvelle intervention. Les douleurs persistaient malgré une antibiothérapie. Le 21 septembre 1998, était mis en évidence un staphilocoque doré. En décembre 1998 puis en janvier 1999, M X... subissait de nouvelles interventions chirurgicales.
Par ordonnance de référé du 12 mai 1999, une expertise médicale était ordonnée et confiée au Professeur F... ; les opérations d'expertise étaient déclarées communes à la clinique URBAIN V par ordonnance du 3 novembre 1999. Le Professeur G..., spécialiste en asepsie et en infections nosocomiales, était commis par ordonnances du 18 juillet 2000 et du 2 novembre 2000. Les rapports d'expertise ont été déposés le 8 août 2001 et le 6 juin 2004.
Par exploits des 10 et 15 juin 2005, M X... a fait assigner le docteur E..., l'assureur de ce dernier, la société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS venant aux droits de la Cie LLOYD CONTINENTAL, et la SA polyclinique URBAIN V devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon aux fins d'obtenir la condamnation in solidum des défendeurs à réparer son préjudice. Il appelait en cause la CPAM de VAUCLUSE.
Par jugement du 10 avril 2007, le Tribunal de Grande Instance d'Avignon a : – condamné in solidum M E..., la compagnie SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V à réparer intégralement le préjudice subi par M X... du fait de l'infection nosocomiale contractée après l'opération du 3 septembre 1998, – dit que dans leurs rapports entre eux, M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS assumeront la charge des deux tiers de cette condamnation et la société POLYCLINIQUE URBAIN V la charge d'un tiers, – condamné in solidum M E..., la Cie SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V à payer à M X... la somme de 137. 500 € en réparation de son préjudice corporel et la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, – débouté M X... du surplus de ses demandes,- condamné in solidum M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V à payer à la CPAM de Vaucluse la somme de 59. 440, 35 € au titre des prestations versées et de l'indemnité de gestion due,- dit que dans leurs rapports entre eux M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS assumeront la charge des deux tiers de cette condamnation et la société POLYCLINIQUE URBAIN V la charge d'un tiers.- rejeté les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,- ordonné l'exécution provisoire du jugement,- condamné in solidum M E..., la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V aux dépens,- dit que dans leurs rapports entre eux M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS assumeront la charge des deux tiers de cette condamnation et la société POLYCLINIQUE URBAIN V la charge d'un tiers,

M X... puis M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS ont successivement relevé appel de cette décision, l'appel de M X... étant cantonné au rejet des demandes relatives à la perte de gains et salaires et au préjudice économique. Les deux appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le : – 28 octobre 2008 pour M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS, – 9 décembre 2008 pour M X..., – 17 décembre 2008 pour la société POLYCLINIQUE URBAIN V.

M X... demande à la Cour de :- réformer la décision déférée en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes relatives à la perte de gains et salaires et à la réparation du préjudice économique,- condamner in solidum les parties intimées à lui payer la somme 14 071, 93 € au titre de la perte de gains et salaires,- condamner in solidum les parties intimées à lui payer la somme de 150 000 € en réparation du préjudice économique,- les condamner au paiement de la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,- les condamner aux dépens.

M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS demandent à la Cour de :- réformer partiellement le jugement déféré,- dire et juger que la clinique URBAIN V est seule à l'origine de l'infection nosocomiale contractée par M. X...,- dire et juger que le non-respect du protocole d'asepsie et de stérilisation de la clinique est constitutif d'une faute de nature à exonérer de toute responsabilité le docteur E... dans la survenance du préjudice subi par M. X...,- condamner la clinique URBAIN V à leur rembourser toutes les sommes réglées en exécution du jugement du 10 avril 2007.

Subsidiairement, ils entendent voir ordonner un partage de responsabilité entre le médecin et la polyclinique à hauteur d'un quart pour le docteur E... et trois quarts pour la polyclinique sur la base du rapport d'expertise ; ils demandent condamnation de celle-ci à leur rembourser la somme de 59. 375 € versée à M X... et celle de 24. 766, 21 euros réglées à la CPAM, en exécution de la décision du 10 avril 2007. Ils sollicitent l'allocation d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la condamnation de M. X... aux dépens.
La SA POLYCLINIQUE URBAIN V conclut à la confirmation du jugement déféré au vu de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 26 juin 1999 et au débouté des demandes de M E... et de son assureur. Concernant les demandes de M X..., elle entend voir dire et juger que la perte de gains et salaires doit être évaluée sur la période du 19 octobre 1998 au 31 mars 2001 sur la base d'un salaire moyen de 924 euros pas mois sans pouvoir excéder la somme totale de 6596, 32 € après déduction des indemnités journalières perçues pendant cette période et elle demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande formulée au titre du préjudice économique en l'état du jugement ayant alloué à M X... la somme de 90. 000 € en réparation de l'incapacité partielle permanente avec incidence professionnelle ; à titre subsidiaire, elle conclut au débouté de cette demande. Elle entend se voir accorder une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La CPAM de Vaucluse conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle indique que le montant définitif de sa créance s'éléve à 59. 440, 35 € se décomposant comme suit :- indemnités journalières : 20 661, 68 €- frais médicaux et d'hospitalisation : 22 099, 90 €- frais de transport : 15 768, 77 €- indemnité forfairaire de gestion : 910 €

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 décembre 2008.
MOTIFS
Sur la responsabilité
Attendu que l'intervention chirurgicale en cause est en date du 3 septembre 1998 donc antérieure au 5 septembre 2001 ; que les dispositions de l'article L 1142-1 du Code de la Santé Publique issues de la loi du 4 mars 2002 ne sont pas applicables à la cause ;
Attendu que comme à bon droit énoncé par le Tribunal, le médecin et l'établissement de santé sont tenus à l'égard du patient d'une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; qu'il appartient au patient de démontrer le caractère nosocomial de l'infection ;
Attendu qu'en l'espèce, le Professeur F... relève dans son rapport que les caractéristiques cliniques de l'infection, la date de son installation quasi immédiate après l'opération, la nature du germe (un staphylocoque doré) sont en faveur d'une infection nosocomiale ; que ces conclusions ne sont pas contestées ; qu'elles sont corroborées par les conclusions du Professeur G... selon lesquelles « M X... a bien été victime d'une infection nosocomiale (infection ostéoarticulaire sur matériel orthopédique survenue dans une période post-opératoire précoce) » ;
Attendu que le Professeur G... précise que les infections staphylococciques sont des infections manuportées, non transmises par les instruments ou par l'environnement, et relève au titre des causes de l'infection nosocomiale dont a été victime M X... plusieurs fautes :- un non-respect des protocoles d'hygiène par le personnel : port de bijoux en salle d'opération, lavage des mains inadapté (produits et temps non respectés),- au niveau de l'établissement, le produit mis à disposition du personnel pour le lavage des mains (savon doux) non conforme à celui requis pour le protocole de lavage chirurgical des mains (savon antiseptique) et l'absence régulière d'essuie-mains à usage unique,- non respect des recommandations concernant la dépilation de la zone opératoire ;

Attendu que le médecin, tenu à un devoir d'asepsie et professionnellement indépendant, ne peut être exonéré de sa responsabilité par l'absence de faute ni par les fautes de la clinique non constitutives d'une cause étrangère ; que le risque d'infection nosocomiale était, à l'époque des faits, connu et prévisible ; que le docteur E... devait veiller au strict respect des protocoles d'hygiène par les aides opératoires qui l'assistaient et notamment au lavage des mains ainsi qu'au respect de l'interdiction du port de bijoux en salle opératoire ; qu'en outre, ce chirurgien a tenu personnellement à appliquer le rasage pré-opératoire malgré l'avertissement du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) ; que si le rasage était prévu par les protocoles écrits de la clinique, le chirurgien, qui n'était pas salarié, devait non pas se fonder sur un protocole inadapté mais tenir compte de l'avertissement du CLIN basé sur les données actuelles de la science, le rasage pré-opératoire ayant été proscrit dans la littérature médicale française dès 1992 parce que générant des microtraumatismes de la peau favorisant la pullulation des micro-organismes et tout particulièrement des staphylocoques ;
Attendu qu'en outre, les constatations expertales démontrent que le traitement anti-infectieux prescrit par le docteur E... n'était pas adapté à ce type d'infection ; que malgré l'échec de ce traitement prescrit pendant plus de deux ans, ce chirurgien n'a pas demandé l'avis d'autres praticiens spécialistes et a tenu à gérer seul le traitement de l'infection alors que cette pathologie relève d'une approche pluridisciplinaire et qu'il existe à proximité immédiate un service de maladies infectieuses à Avignon et trois centres de maladies infectieuses au centre hospitalier de Marseille qui sont tout à fait familiarisés avec ce type de problème et qui auraient dû être contactés par le docteur E... ; que la prescription d'une antibiothérapie pour une telle infection ne relève pas en principe du chirurgien et cela d'autant plus que les techniques du laboratoire de la clinique URBAIN V n'étaient pas conformes aux données acquises de la science ; que compte tenu de la gravité de l'infection et de sa résistance aux antibiotiques prescrits, le docteur E... devait s'adresser à un service spécialisé pour faire réaliser un diagnostic microbiologique fiable qui aurait empêché l'infection aiguë d'évoluer vers une infection chronique qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales et a directement influencé l'état de santé actuel de M. X... ;
Attendu que l'ensemble de ces constatations et les motifs précis et pertinents développés par le tribunal caractérisent les fautes respectives du chirurgien et de la polyclinique Urbain V qui ont concouru à la réalisation du préjudice de M. X... ; que le Tribunal a donc à bon droit condamné in solidum M E..., la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V à réparation intégrale ; que dans leurs rapports entre eux, la répartition des parts de responsabilité à raison de deux tiers pour le médecin et un tiers à charge de la clinique ont été exactement appréciés au regard de leurs fautes respectives ;
Sur le préjudice et sa réparation
Attendu que concernant le préjudice subi par M. X..., l'expert judiciaire relève qu'à la suite de l'infection nosocomiale, M. X... a subi : « – une incapacité totale de travail le 3 septembre 1998 au 31 mars 2001, – consolidation : 31 mars 2001, – incapacité partielle permanente : 30 %, – quantum doloris : 5 / 7, – préjudice esthétique : 2, 5 / 7, – il existe un préjudice d'agrément, – du fait de son incapacité permanente, M X... est aux plans médical physiquement inapte à reprendre dans les conditions antérieures les activités professionnelles et de loisirs qu'ils exerçaient avant les traitements subis. »

Attendu que le Professeur F... précise que les séquelles dont M X... est atteint consistent en une perte fonctionnelle de la loge antérieure, une fistule permanente, des douleurs à la marche et une claudication qui nécessitent l'usage d'une canne, des troubles trophiques ;
Attendu que M. X... était âgé de 41 ans à la date de l'intervention chirurgicale et de 43 ans à la date de consolidation ;
Attendu qu'en considération de l'âge et de la situation de la victime, au vu du rapport d'expertise judiciaire et des pièces produites soumises à la discussion contradictoire des parties, et faisant application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 d'application immédiate aux situations en cours, relatif aux recours des tiers payeurs qui s'exerce désormais poste par poste, la réparation du préjudice corporel de M X... sera fixée comme suit :

1- Préjudices patrimoniaux :

A) avant consolidation :

– 1) dépenses de santé actuelle : L'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation a été pris en charge par l'organisme social ;

– 2) perte de gains professionnels pendant l'ITT M X... demande sur la base d'un salaire net de 924 € par mois, pour la période comprise entre le 3 septembre 1998 et le 31 mars 2001, l'allocation d'une somme de 14. 071, 93 €, déduction faite des indemnités journalières ; que le montant mensuel de 924 euros est justifié par l'avis d'imposition sur les revenus de 1998 produit aux débats devant la Cour ; toutefois, comme à juste titre soutenu par la clinique URBAIN V, l'intervention chirurgicale aurait, compte tenu de sa nature et même sans la survenance d'une complication, entraîné une ITT jusqu'au 19 octobre 1998, date à partir de laquelle les indemnités journalières versées font l'objet d'une demande de remboursement par l'organisme social à l'encontre des responsables ; que seule peut être prise en compte la perte de revenus en lien direct avec l'infection nosocomiale soit du 19 octobre 1998 au 31 mars 2001 ; qu'après déduction de la somme de 20. 661, 68 €, il revient donc à M. X... une somme de 6596, 32 € (924 € x29 mois + 924 € : 30 x15) ;

B) préjudices patrimoniaux permanents
- perte de gains professionnels futurs :il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation, consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage ; l'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputables au dommage ou encore du préjudice subi relatif à la nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage.

M X... fait valoir qu'il a été licencié de son emploi d'agent d'entretien en raison de son inaptitude physique et qu'il a en outre subi une perte de chance d'être embauché comme plongeur professionnel par la société COMEX au salaire de 12 000 F par mois ; le Tribunal a rejeté la demande formulée au titre du préjudice économique en l'absence de production des avis d'imposition avant l'opération et après la consolidation et de tout élément sur la situation financière de M X... depuis son licenciement ; une indemnité de 90. 000 € a été allouée à ce dernier au titre des séquelles fonctionnelles tenant compte de l'incidence professionnelle ; cette indemnité répare l'inaptitude professionnelle consécutive à l'infection nosocomiale et sera confirmée au vu des pièces produites.
La perte de chance est un préjudice distinct. Pour ouvrir droit à indemnisation, elle doit être certaine ; sa réparation ne peut consister qu'en une fraction du préjudice, mesurée à la chance perdue ; elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En l'espèce, il est justifié d une offre d'embauche de M X... par la société COMEX PRO, spécialisée dans les travaux et recheches sous-marins, suivant écrit du 7 Août 1998, avec effet au 2 novembre 1998, en qualité de chef d'équipe montage au salaire de 12 000 francs soit 1829 € par mois ; que cette offre était subordonnée à une période d'essai d'un mois. Les attestations, articles de presse et certificats produits établissent que M X... participait régulièrement à des expéditions et recherches de plongée en eaux profondes, encore un mois et demi seulement avant l'intervention chirurgicale et que ses compétences étaient unanimement reconnues. En raison des opérations et de l'immobilisation subies à la suite de l'infection nosocomiale, la COMEX PRO a annulé son offre par courrier du 11 décembre 1999. Ces éléments caractérisent la réalité de la perte de chance d'obtenir un emploi au sein de cette société en lien direct avec l'infection nosocomiale. Compte tenu de l'âge et de la situation de M X..., des éléments produits, des revenus perçus depuis la consolidation procurés par l'exercice d'une activité salariée à temps plein avec une moyenne de 1 071 € par mois ainsi qu'il ressort des avis d'imposition, le préjudice résultant de cette perte de chance sera estimé à un cinquième de la majoration de salaires à laquelle il aurait pu prétendre jusqu'à 60 ans et réparé par l'allocation d'une somme de 31 000 €.
2- préjudices extra-patrimoniaux :
Attendu que les indemnités allouées par le Tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire (gêne dans la vie courante), des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice fonctionnel d'agrément et du préjudice d'agrément ne font l'objet d'aucune critique précise ; qu'au vu des conclusions de l'expertise médicale, de l'âge et de la situation de la victime, ces indemnités ont été exactement appréciées et seront confirmées ;
En définitive, le préjudice corporel subi par M. X... à la suite de l'infection nosocomiale s'établit comme suit :
I - PREJUDICES PATRIMONIAUX :
– dépenses de santé actuelle : prises en charge – perte de gains professionnels actuels : 6 596,32 € – incidence professionnelle des séquelles physiologiques : 90 000 € – perte de chance : 31 000 €

II - PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX : – déficit fonctionnel temporaire : 10. 000 € – souffrances endurées : 15. 000 € – préjudice esthétique : 3. 000 € – déficit fonctionnel permanent : 4. 500 € – préjudice d'agrément : 15. 000 € TOTAL : 175. 096, 32 € arrondi à 176. 000 €

Attendu que M E..., la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V seront condamnés in solidum à payer cette somme à M X... ;
Attendu que les condamnations prononcées au profit de la CPAM de Vaucluse seront confirmées au vu du décompte produit ;
Attendu que le jugement déféré sera donc réformé du seul chef du montant des condamnations à paiement en réparation du préjudice de M X... ;
Attendu qu'au visa de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à M X... une somme supplémentaire de 2 000 € à charge de M E... et de la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS qui succombent en leur recours et supporteront les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme,
Réforme le jugement déféré du seul chef du montant de la condamnation à paiement prononcée in solidum contre M E..., la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS et la société POLYCLINIQUE URBAIN V en réparation du préjudice subi par M X... à la suite de l'infection nosocomiale, porté à 176. 000 € (cent soixante seize mille €) déduction faite de la créance de la CPAM de Vaucluse,
Le confirme en toutes ses autres dispositions,
Rejette les demandes de paiement formées par M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS,
Dit n'y avoir lieu à application de l'artcle 700 du Code de Procédure Civile au profit de la polyclinique URBAIN V,
Condamne in solidum M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS à payer à M X... la somme supplémentaire de 2000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne M E... et la Cie SWISS LIFE ASSURANCES de BIENS aux dépens qui seront distraits au profit des SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, PERICCHI, POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués, sur leurs affirmations de droit.
Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0355
Numéro d'arrêt : 218
Date de la décision : 17/03/2009

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Responsabilité - / JDF

Étant précisé qu'en raison de la date de l'opération chirurgicale litigieuse, les dispositions de l'article L1142-1 du Code de la santé publique sont inapplicables, le médecin et l'établissement de santé sont tenus d'une obligation de sécurité et de résultat dont ils ne peuvent s'exonérer qu'en rap- portant la preuve d'une cause étrangère. Le risque d'infection nosocomiale étant connu et prévisible à l'époque des faits, le médecin, tenu à un devoir d'asepsie et professionnellement indépendant, ne peut être exonéré de sa responsabilité ni par l'absence de faute ni par les fautes de la clinique non constitutives d'une cause étrangère


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 10 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-03-17;218 ?
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