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10/03/2009 | FRANCE | N°06/03067

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile, 1re chambre b, 10 mars 2009, 06/03067


RG : 06 / 03067
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 17 janvier 2006

X... Y... C / Z... C... Commune de BONNIEUX

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1re Chambre B ARRÊT DU 10 MARS 2009

APPELANTS :
Monsieur Jacques Germain X... né le 23 Avril 1961 à MOUTIERS (89520)... représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Madame Ghyslaine Renée Maryse Y... née le 16 Novembre 1948 à MEGEVE (74120)... représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de M

e Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMÉS :
Monsieur Louis Z... né le ...

RG : 06 / 03067
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 17 janvier 2006

X... Y... C / Z... C... Commune de BONNIEUX

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1re Chambre B ARRÊT DU 10 MARS 2009

APPELANTS :
Monsieur Jacques Germain X... né le 23 Avril 1961 à MOUTIERS (89520)... représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Madame Ghyslaine Renée Maryse Y... née le 16 Novembre 1948 à MEGEVE (74120)... représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMÉS :
Monsieur Louis Z... né le 12 Juillet 1952 à APT (84400)... représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour

assisté de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, avocats au barreau de NÎMES
Madame Fernande C... veuve Z... née le 10 Août 1924 à GARGAS (84400)... représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, avocats au barreau de NÎMES

Commune de BONNIEUX représentée par son maire en exercice demeurant ès qualités Mairie 84480 BONNIEUX représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me Michel GILS, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Décembre 2008, révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties, et à nouveau clôturée au jour de l'audience avant les débats.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Mme Muriel POLLEZ, Conseillère, Mme Isabelle THERY, Conseiller,

GREFFIER : Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : à l'audience publique du 13 Janvier 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mars 2009.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 10 Mars 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS et PROCÉDURE MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 26 juillet 2006 par M. Jacques X... et Madame Ghyslaine Y..., à l'encontre du jugement prononcé le 17 janvier 2006 par le tribunal de grande instance d'Avignon.
Vu la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée, à la demande de tous les avoués de la cause, par mention au dossier à la date de l'audience du 13 janvier 2009 pour le motif grave pris de la nécessité de veiller au respect du principe du contradictoire, afin de permettre de recevoir les dernières écritures déposées par les parties, ainsi que la nouvelle clôture prononcée par mention au dossier avant l'ouverture des débats.

Madame Ghyslaine Y... et M. Jacques X... ont acquis par acte notarié du 15 janvier 2001 une maison d'habitation avec terrain attenant, dans un hameau situé sur la commune de Bonnieux,..., cadastrée section D n° 336 et 1114.
M. Louis Z... et sa mère Madame Fernande C... veuve Z... sont respectivement nu-propriétaire et usufruitier de diverses parcelles dans ce hameau et notamment de la parcelle cadastrée section D n° 340 sur laquelle se trouve implanté un bâtiment à usage de gîte rural et de la parcelle n° 380 qui supporte une maison d'habitation occupée par Madame Z..., ces parcelles étant situées de part et d'autre des parcelles appartenant aux consorts Y... X....
Les consorts Z... ont été déboutés par ordonnance du juge des référés du 5 décembre 2001 de leur demande tendant à faire supprimer toute entrave sur le chemin traversant la parcelle n° 336 et permettant le passage entre les parcelles n° 340 et 380 et une expertise a été ordonnée, confiée à M. E.... À la suite du dépôt de son rapport le 15 janvier 2004, les consorts Y... X... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Avignon les consorts Z... ainsi que la commune de Bonnieux afin de voir notamment ordonner la démolition sous astreinte de la terrasse située dans le prolongement de la parcelle n° 340 sur un terrain appartenant à la commune, sur le fondement d'une servitude de vue illicite.

Dans le cadre de cette action, les consorts Z... ont revendiqué l'existence d'une servitude légale de passage sur le chemin situé sur la parcelle n° 336 et subsidiairement l'existence d'un chemin d'exploitation ainsi que la propriété indivise d'une parcelle anciennement cadastrée section D n° 277 et actuellement absorbée dans la référence cadastrale section D n° 336 considérée comme une aire de battage.
Par jugement du 17 janvier 2006, le tribunal a :
- condamné la commune de Bonnieux à supprimer la vue droite depuis la terrasse édifiée sur la propriété communale surplombant la propriété de Ghyslaine Y... et Jacques X... cadastrée D 336 et D 1114, sous astreinte de 100 € par jour de retard dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,
- débouté la commune de Bonnieux de sa demande dirigée contre Louis et Fernande Z... tendant à leur faire réaliser les travaux nécessaires à la suppression de cette vue et réservé ses droits quant au paiement par ceux-ci du coût des travaux mis à la charge de la commune,
- débouté Ghislaine Y... et Jacques X... de leur demande en réparation du préjudice subi à raison d'un trouble de voisinage,
- dit que la parcelle cadastrée D 342 n'est pas en état d'enclave partielle et que les consorts Z... ne bénéficient pas à ce titre d'une servitude légale de passage,
- dit que le chemin traversant la parcelle cadastrée D 336 est un chemin d'exploitation au sens des dispositions de l'article L. 162-1 du code rural,
- en conséquence condamné conjointement Ghislaine Y... et Jacques X... à enlever toute construction ou obstacle quelconque entravant le libre accès à ce chemin sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,
- dit que Louis et Fernande Z... ne sont pas propriétaires indivis du terrain correspondant à l'assiette de la parcelle anciennement cadastrée D 277,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
M. Jacques X... et Madame Ghyslaine Y... ont régulièrement interjeté appel de ce jugement priant la cour de :
- donner acte à la commune de Bonnieux de ce qu'elle a supprimé la terrasse par laquelle s'exerçaient les vues droites des consorts Z...,
- confirmer le jugement,
- en ce qu'il a déclaré que la parcelle D 342 (en ruine) n'était pas en état d'enclave partielle et que les consorts Z... ne bénéficient pas à ce titre d'une servitude légale de passage,
- en ce qu'il a dit que Louis et Fernande Z... n'étaient pas propriétaires indivis du terrain correspondant à l'assiette de la parcelle anciennement cadastrée D 277,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré que le chemin traversant la parcelle cadastrée D 336 était un chemin d'exploitation au sens des dispositions de l'article L. 162-1 du code rural,
- dire qu'il ne s'agit pas d'un principe de tolérance et qu'aucune servitude de passage ne grève la propriété X...,
- rejeter les demandes adverses,
- condamner les consorts Z... à leur verser les sommes de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour les troubles de jouissance subis et 4 000 € pour leurs frais irrépétibles ainsi que les dépens du référé et de l'expertise, outre ceux d'appel.
Ils font essentiellement valoir qu'il n'est pas justifié d'un état d'enclavement partiel des propriétés des consorts Z... et que l'accès aux parcelles portant ruine (342) et gîte (340) se trouve facilité par la démolition de la terrasse qui permet l'utilisation de l'espace communal pour une manoeuvre de retournement.
Ils critiquent l'expertise O... intervenue lors des opérations de l'expertise judiciaire se prévalant des conclusions de leur propre expert M. F.... Ils contestent l'existence d'un chemin d'exploitation objectant à la motivation retenue par le premier juge que les parcelles n° 340 et 342 ne sont pas riveraines de ce chemin d'exploitation et que la parcelle n° 380 ne constitue pas le fonds terminus puisqu'elle est séparée de la parcelle n° 336 par un chemin rural. Ils affirment que l'utilisation à titre de simple tolérance de la propriété X... qui ressort des attestations adverses ne peut pour autant permettre de retenir la qualification de chemin d'exploitation.

M. Louis Z... et Madame Fernande C... veuve Z... concluent à la réformation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage et formant appel incident, demandent à la cour :
- en ce qui concerne la vue : qu'il soit jugé que la commune de Bonnieux est irrecevable et infondée à supprimer la vue droite, qu'il n'existe aucune vue droite et à titre subsidiaire qu'il soit constaté que la commune a procédé à la démolition de façon illégale de la terrasse caractérisant un abus de droit,
- de condamner la commune à reconstruire la terrasse sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ou si bien même la cour condamnait la commune à payer une indemnité de 15 000 € à titre de dommages-intérêts à M. Z...,
- de débouter les consorts X... de toutes leurs demandes,
- en ce qui concerne le droit de passage : de juger qu'ils bénéficient d'une servitude légale de passage, à titre subsidiaire de confirmer le jugement qui a retenu l'existence d'un chemin d'exploitation et de condamner solidairement M. X... et Madame Y... à enlever tous les obstacles, mur, clôture, portail, chaîne ou autre coupant le libre accès du chemin traversant la parcelle n° 336 sous astreinte définitive de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt et à leur verser la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice,
- sur la revendication de la propriété indivise : de débouter les consorts X... de leurs prétentions fondées sur les articles 2279 et juger que la parcelle anciennement cadastrée D 277 est une propriété indivise entre les Z... et les X....
Ils réclament la somme de 5 000 € pour leurs frais irrépétibles et la condamnation des appelants aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, de première instance et d'appel.
Ils observent en ce qui concerne la terrasse que le procès-verbal de constat du 23 octobre 2001 ne permet pas d'établir la distance exacte entre l'extrémité de la terrasse et la limite de propriété X..., que l'article 1678 du Code civil n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où il ne s'agit pas de propriété contiguë puisque les deux propriétés sont séparées par le chemin communal et que l'ouverture donne sur un chemin public.
Ils se prévalent du rapport O... pour affirmer l'insuffisance de l'issue pour l'accès à la parcelle n° 340 et critiquer la décision déférée en ce qu'elle a écarté l'existence d'une enclave partielle.
Ils invoquent les signes apparents et continus de passage ainsi que les titres pour soutenir qu'ils bénéficient depuis plus de 30 ans d'une servitude légale de passage et à titre subsidiaire, soutiennent l'existence d'un chemin d'exploitation.
En ce qui concerne la parcelle anciennement cadastrée D 277, ils répliquent que la fusion de parcelles lors de la rénovation du cadastre en 1939 relève d'une erreur n'étant confirmée ni par un titre d'acquisition ni par une prescription acquisitive, considérant que les appelants ne rapportent pas la preuve de l'utilisation régulière de l'aire commune alors que M. Louis Z... a planté des cyprès en 1970.
La commune de Bonnieux conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes des consorts Z... et sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle a exécuté les termes du jugement en supprimant l'ouvrage réalisé sur le domaine communal.
Elle réclame la condamnation solidaire des consorts Z... au paiement des sommes de 5 000 € sur le fondement de l'article 555 du Code civil au titre des travaux réalisés pour la démolition de l'ouvrage et 3 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle rappelle en substance qu'elle a vainement tenté une médiation et une solution amiable, qu'elle n'a jamais autorisé la réalisation d'une terrasse et que la tolérance de l'ouvrage ne peut être créateur de droit. Elle affirme qu'aucune des parties à la procédure n'a jamais contesté le caractère public du chemin sur lequel était installée la terrasse et qu'elle était fondée en sa qualité de propriétaire à faire supprimer la vue droite.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le litige soumis à la cour porte sur trois points essentiels (le droit de passage, la revendication de la parcelle anciennement cadastrée D 277 et la servitude de vue liée à la présence de la terrasse) qu'il convient d'analyser dans le cadre tant de l'appel principal que des appels incidents avant d'examiner les demandes de dommages et intérêts qui ne sont que la conséquence des thèses soutenues par chacun, étant observé que le litige a évolué en cause d'appel en l'état de la destruction de la terrasse litigieuse, ce qui a donné lieu à la formulation de demandes nouvelles notamment de la part de la commune de Bonnieux.
- Sur le droit de passage :
S'il est constant au vu des prétentions initiales et des attestations que M. Z... a utilisé le chemin situé sur la parcelle D 336 pour accéder au-dessous de la construction D 340 (correspondant à un immeuble à usage de gîte rural), cette tolérance qui a cessé lors de l'acquisition de la parcelle par les consorts X... Y..., ne saurait être créatrice à elle seule de droits.
Pour revendiquer l'existence d'une servitude légale sur la parcelle D 336, les consorts Z... réitèrent les moyens développés en première instance, à savoir l'existence d'une enclave partielle et à défaut d'un chemin d'exploitation. L'état d'enclave partielle des parcelles D 340 et D 342 (bâtiment en ruine) a été à bon droit écarté par le premier juge selon des motifs pertinents que la cour adopte.

Il sera ajouté qu'un simple souci de commodité ne permet pas de caractériser l'insuffisance de l'issue sur la voie publique telle que visée à l'article 682 du code civil.
Le constat d'huissier du 31 janvier 2001, s'il met en évidence une difficulté d'accès compte tenu de la déclivité d'un virage, ne démontre pas l'impossibilité d'accès alors qu'il ressort de l'expertise de M. E... et des photographies communiquées qu'un tracteur peut emprunter cet accès pour sortir de la parcelle et qu'à priori cette manoeuvre est rendue plus facile avec des véhicules de tourisme tels que ceux qui fréquentent le gîte, ce que confirme la manoeuvre effectuée par un véhicule 4x4 dans le cadre du constat du 23 octobre 2001 de maître Dominique G..., huissier de justice, qu'il appartenait à M. Z... qui a aménagé la parcelle 340 en gîte de prévoir un aménagement adapté et facilité pour la clientèle du gîte à partir de cet accès.
Les appelants observent à juste titre que la destruction de la terrasse permet dorénavant d'utiliser le terrain comme aire de retournement et de rendre plus aisées les manoeuvres.
Ce point avait d'ailleurs été envisagé par l'expert E... (page 10 de son rapport) puisqu'il indique que : « si la partie terrasse aménagée par M. Z... sur le domaine public avait été laissée libre, il aurait été possible d'utiliser cet espace comme placette de retournement pour les véhicules venant du chemin départemental vers les bâtiments Ravoire. »
En l'état de ces éléments, le moyen tiré de l'existence d'une enclave partielle a été à juste titre écarté par le premier juge.
Il est encore soutenu qu'il s'agit d'un chemin d'exploitation, moyen retenu par le premier juge.
Selon l'article L. 162-1 du code rural, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers héritages ou à leur exploitation.
Il s'agit de voies privées servant à la communication, au service et à l'exploitation d'un ou plusieurs fonds et à l'usage exclusif de leurs titulaires qui en assument en commun l'entretien et en ont en commun l'usage.
Ainsi la qualification de chemin d'exploitation nécessite de démontrer l'unicité d'accès, l'exclusivité quant à son usage et la pluralité de fonds desservis.
L'examen attentif des plans cadastraux et des photographies des lieux montre que ce chemin ne relie pas directement la parcelle n° 340 à la parcelle n° 380, contrairement à ce que prétendent les intimés sur le fondement de l'ancien cadastre et du rapport du cabinet O... établi pour leur compte le 5 octobre 2001.
Le caractère contradictoire de ce rapport est vainement contesté alors qu'il a été régulièrement communiqué y compris à l'expert judiciaire et que la circonstance qu'il n'ait pas été établi contradictoirement ne le prive pas pour autant de toute valeur probante dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties.
Cette analyse ne saurait pour autant être entérinée puisqu'elle se fonde sur la seule affirmation selon laquelle le chemin relie la parcelle D 340 au reste de l'exploitation agricole des consorts Z... sans tenir compte de la configuration des lieux qui fait apparaître les deux issues de ce chemin sur les voies dont il n'est pas contesté qu'elles sont devenues communales.
L'extrait du plan cadastral produit aux débats démontre en effet la présence d'un chemin rural situé entre les parcelles 380, 358 d'une part et 336, 1114 d'autre part et d'un domaine communal qualifié de " route " par le maire de la commune dans son attestation du 5 février 2008 entre d'une part les parcelles 336 et 1114, et d'autre part les parcelles 340, 341 et 337.
Il apparaît au vu du plan cadastral et des photographies communiquées que ce chemin ne dessert pas les deux héritages des consorts Z... mais relie deux voies communales de sorte qu'il ne peut être qualifié de chemin d'exploitation.
Les attestations produites par les intimés (P... et Q...) ne font que confirmer le fait que le chemin est ouvert sur la route communale à ses deux extrémités.
Les autres attestations qui ont trait à l'utilisation du chemin sont inopérantes à caractériser l'existence d'un chemin d'exploitation au regard de la définition précitée.
Le rapport F... produit par les appelants confirme s'il en est besoin que ce chemin ne fait que traverser le fonds X... en joignant deux voies publiques, un chemin rural au nord et une rue de hameau au sud.
De par sa position entre deux voies publiques et son emplacement sur le seul fonds des appelants, ce chemin ne répond pas à la définition rappelée supra qui fait référence à la pluralité de fonds desservis, à la notion d'exclusivité et d'unicité d'accès.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un chemin d'exploitation et qu'il a condamné Madame Ghyslaine Y... et M. Jacques X... à enlever toute construction ou obstacle quelconque entravant le libre accès à ce chemin sous astreinte et de débouter les consorts Z... de leurs demandes au titre d'un droit de passage.
- Sur la revendication de droits indivis sur la parcelle anciennement cadastrée D 277 :
Les consorts Z... prétendent au bénéfice de la propriété indivise de la parcelle anciennement cadastrée D 277 qui s'avère au vu du plan cadastral absorbée par la parcelle D 336.
Il est rappelé que le cadastre est un document à visée fiscale qui n'a pas valeur de titre.
L'expert E... a procédé dans son rapport définitif à l'analyse d'extraits des titres et précise qu'à l'origine les parcelles D 277 (aire) et D 287 (cour et passage) qui correspondent à la maison et au terrain attenant acquis par les consorts Y... X..., sont portées au compte de H...R... et consorts, que sur la matrice de 1830, les deux parcelles sont au compte de H... Jean-Baptiste et S... Pascal indivis et resteront à ce compte jusqu'à la rénovation du cadastre en 1939 puisqu'à cette date la parcelle D 277 est associée à la parcelle D 277 bis (portée initialement au compte de I... Jean-Marie) pour former la parcelle D 336.
Il est constant au vu de l'acte de vente n° 135 des 22 et 30 septembre 1956 que Albert et Paul Z... ont acquis de Louis, Zoé, Marie, Marthe J... et de Jeanne H... veuve K... une partie de la propriété située quartier les Chapelins cadastrée section D n° 299, 331, 335, 338, 342, 344, 349, 308 et 340, tandis que par un acte du même jour n° 136 Louis, Marie et Marthe J... ont acquis les droits indivis de Zoé J... et de Jeanne H... veuve K... notamment sur la parcelle située... cadastrée section D n° 326.
Il s'avère à la lecture de ces actes et de l'extrait de l'acte de vente du 5 novembre 1947 cité par l'expert (vente de Madame L... à M. M... de la parcelle bâtie et non bâtie cadastrée section D n° 336) que toute référence à la parcelle D 277 a disparu dans les actes notariés postérieurs à la rénovation du cadastre.
M. Louis Z... et sa mère ne peuvent soutenir qu'ils ont acquis des droits indivis en l'état de ces actes alors qu'il n'est fait aucune mention de la parcelle anciennement cadastrée D 277 dans leurs titres.
Il résulte au contraire de l'acte du 15 janvier 2001 et des actes antérieurs (acte de vente du 5 novembre 1947, donation-partage du 3 avril 1968) que les consorts X... Y... sont pleinement propriétaires de la parcelle D 336 sur laquelle est située l'aire de battage, de sorte que l'existence d'un titre rend sans objet le moyen tiré de la prescription.
Il y a lieu de confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté les consorts Z... de leur revendication de propriété.

- Sur les demandes relatives à la terrasse :

Il est seulement allégué par les consorts Z... mais non démontré que l'ouvrage se trouvait pour partie sur leur propriété alors que l'examen attentif du plan cadastral démontre que la parcelle 340 est constituée par un tènement immobilier et qu'elle se situe donc en limite de la propriété communale, que les photographies prises en 2001 démontrent que cette terrasse a été construite sur l'emprise de l'assiette du chemin appartenant à la commune.
Il ne ressort pas des pièces produites aux débats, notamment des procès-verbaux de délibérations, que la commune ait autorisé la réalisation d'une terrasse occupant la quasi-totalité de l'assiette du chemin communal interdisant ainsi le passage des véhicules.
Les consorts Z... prétendent encore que la servitude de vue n'est pas illicite puisque les propriétés ne sont pas contiguës.
Néanmoins, ce moyen ne peut prospérer en l'état des documents produits (rapport de M. E..., photographies et plans cadastraux) qui établissent que l'assiette de la terrasse se situe non pas sur la parcelle D 340 qui est constituée du seul bâtiment à l'usage de gîte mais dans le prolongement de celle-ci sur le terrain communal, de sorte que la vue litigieuse se situe bien sur la propriété contiguë à celle des consorts Y... X... à moins de 19 décimètres de distance du mur de clôture.
Il s'ensuit que le premier juge a ordonné à bon droit la suppression de cette vue illégale par le propriétaire de la parcelle sur laquelle la terrasse a été édifiée.
Il est sollicité au visa de l'article 555 du Code civil la condamnation des consorts Z... au paiement de la somme de 5 000 € au titre des travaux réalisés par la commune pour la démolition de l'ouvrage installé sur le domaine communal.
Aux termes de cet article (alinéa deux) si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers sans aucune indemnité pour lui. Le tiers peut en outre être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
Les consorts Z... font valoir que le jugement n'a pas ordonné la destruction de la terrasse mais seulement la suppression de la vue.
Ce moyen ne peut prospérer alors qu'il a été démontré que ces derniers n'étaient pas propriétaires de l'ouvrage sur lequel est située la vue litigieuse et que la commune de Bonnieux pouvait, en sa qualité de propriétaire et selon les moyens qu'elle jugeait opportuns, réclamer la suppression des ouvrages réalisés sur l'assiette de son domaine privé à l'origine de la vue litigieuse.
L'obligation de supprimer la vue impliquait en tout état de cause l'autorisation de se substituer au tiers.
Au vu du courrier du 4 octobre 2006 adressé par la commune à M. Louis Z... et de la réponse de celui-ci le 23 octobre 2006, il apparaît que ce dernier a refusé de supprimer l'ouvrage, de sorte que l'exécution par la commune ne peut être considérée comme fautive et rend fondée la demande en remboursement des frais occasionnés par la destruction.
En l'absence de contestations sur le montant, il sera fait droit à la demande à hauteur de la somme réclamée, les consorts Z... étant déboutés de l'ensemble de leurs prétentions relatives à la terrasse litigieuse.
La condamnation sera prononcée in solidum entre les consorts Z..., la solidarité ne se présumant pas.

- Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande de dommages et intérêts des consorts Z... qui voient leurs prétentions rejetées.
Il est réclamé par les consorts Y... X... au titre du trouble de voisinage la somme de 10 000 €.
Il est fait état à l'appui de cette demande de dégradations volontaires survenues au mois de février 2001 sur le chantier de restauration de leur immeuble qui a donné lieu à une plainte le 21 février 2001, du dépôt de deux tas de fumures de raisins sur le sol au mois de mai 2002 constaté par procès-verbal du 28 mai 2002 de Maître N..., huissier de justice, et enfin d'un acharnement procédural de la part des consorts Z... .
Le seul dépôt d'une plainte non produite qui aurait fait l'objet d'un classement sans suite ne permet pas d'imputer aux consorts Z... les dégradations évoquées.
Les autres griefs ont été à bon droit écartés par le premier juge, la multiplication des procédures judiciaires et administratives ne pouvant à l'évidence constituer un trouble de voisinage et la nuisance temporaire du fait du dépôt du tas de fumures n'étant pas davantage de nature à caractériser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage en zone rurale.
Il s'ensuit que la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce chef de demande.

- Sur les frais de l'instance :

M. Louis Z... et Madame Fernande C... veuve Z... qui succombent sur l'ensemble de leurs demandes devront supporter l'intégralité des dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise et le cas échéant les frais de référé dans l'hypothèse où il n'aurait pas été statué sur leur sort, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
En revanche l'équité commande de n'allouer aucune somme aux consorts X... Y... d'une part et à la commune de Bonnieux d'autre part.
Ces chefs de demande seront rejetés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le chemin traversant la parcelle cadastrée D 336 est un chemin d'exploitation et condamné en conséquence Ghyslaine Y... et Jacques X... à enlever toute construction ou obstacle entravant le libre accès à ce chemin sous astreinte et qu'il a ordonné le partage des dépens du référé et de l'expertise judiciaire et laissé à la charge de chaque partie les dépens par elle exposés,

Statuant à nouveau,

Déboute M. Louis Z... et Madame Fernande C... veuve Z... de l'ensemble de leurs demandes au titre d'un droit de passage sur la parcelle cadastrée D 336

Y ajoutant,

Donne acte à la commune de Bonnieux de ce qu'elle a supprimé la terrasse par laquelle s'exerçaient les vues droites des consorts Z...,
Condamne M. Louis Z... et Madame Fernande C... veuve Z... in solidum à payer à la commune de Bonnieux la somme de 5 000 € au titre des frais relatifs à la destruction de la terrasse,
Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties ainsi que les demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne M. Louis Z... et Madame Fernande C... veuve Z... in solidum aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise et les frais de référé s'il n'a pas été statué sur leur sort, avec distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande.

Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile, 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 06/03067
Date de la décision : 10/03/2009
Type d'affaire : Civile

Analyses

VOIRIE - Chemin d'exploitation - Définition - Chemin servant à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation - Desserte exclusive des fonds riverains - Nécessité

Selon l'article L. 162-1 du code rural, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers héritages ou à leur exploitation. Il s'agit de voies privées servant à la communication, au service et à l'exploitation d'un ou plusieurs fonds et à l'usage exclusif de leurs titulaires qui en assument en commun l'entretien et en ont en commun l'usage. Ainsi, la qualification de chemin d'exploitation nécessite de démontrer l'unicité d'accès, l'exclusivité quant à son usage et la pluralité de fonds desservis. Ne répond pas à cette définition le chemin qui dessert deux voies publiques et dont l'emplacement se situe sur le seul fonds des appelants.


Références :

Code rural article L.162-1
ARRET du 16 juin 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 juin 2010, 09-14.886, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 17 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-03-10;06.03067 ?
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