ARRÊT No 670
R.G. : 06/05176
DB/SD
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
22 novembre 2006
X...
C/
SARL X... FER ET CREATION
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2008
APPELANT :
Monsieur Antoine X...
né le 09 Juillet 1940 à LLORCA (ESPAGNE)
...
30380 ST CHRISTOL LES ALES
représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assisté de Me Sylvie JOSSERAND, avocat au barreau de NÎMES
INTIMÉE :
SARL X... FER ET CREATION
anciennement dénommée SARL FERRONNERIE X...,
poursuites et diligences de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
ZA L'Hospitalet
Chemin des Artisans Peyregoux Nord
30140 BAGARD
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre CABANES, avocat au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Septembre 2008.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier lors des débats et du prononcé de la décision,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
à l'audience publique du 30 Septembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2008,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 25 Novembre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au Greffe de la Cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL X... FER ET CREATION, dont le gérant est Tony X..., a assigné par acte d'huissier du 1er février 2006 Antonio X... qui, par acte notarié du 10 mars 2003 lui avait cédé le fonds artisanal de ferronnerie et serrurerie qu'elle exploitait, en lui faisant grief de violer l'obligation de non concurrence contractée par lui dans cet acte en continuant à travailler dans un atelier voisin qui exerce la même activité, pour demander sa condamnation au paiement d'une astreinte par infraction constatée et à des dommages et intérêts en réparation du dommage subi.
Par jugement rendu le 22 novembre 2006 le Tribunal de Grande Instance d'ALES a statué ainsi qu'il suit :
" - déboute Monsieur Antonio X... de sa demande de comparution personnelle des parties,
- déboute Monsieur Antonio X... de sa demande d'inscription de faux et admet le procès-verbal de constat établi le 1er décembre 2004 au titre des éléments produits par la SARL X... FER ET CREATION pour administration de la preuve de la violation de la clause de non concurrence,
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
- déboute Monsieur Antonio X... de sa demande de nullité du procès-verbal de constat du 1er décembre 2004,
- condamne Monsieur Antonio X... au paiement d'une amende de 1.500€,
- dit que Monsieur Antonio X... a violé la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession intervenu le 10 mars 2003,
- condamne Monsieur Antonio X... au paiement de la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence insérée dans l'acte du 10 mars 2003,
- condamne Monsieur Antonio X... à une astreinte provisoire de 1.000€ par nouvelle infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
- déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamne Monsieur Antonio X... au paiement de la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles,
- condamne Monsieur Antonio X... au paiement des entiers dépens qui comprendront le coût des procès-verbaux de constat du 1er décembre 2004 et 2 août 2005,
- prononce l'exécution provisoire de la présente décision".
Antonio X... qui a relevé appel de ce jugement, a conclu, dans le dernier état de ses écritures signifiées le 23 avril 2007, à son infirmation, au rejet des demandes formulées dans l'assignation introductive de l'instance et à la condamnation de la SARL X... FER ET CREATION à lui payer la somme de 10.000€ pour procédure abusive et celle de 3.000€ par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient pour l'essentiel :
- que le Tribunal n'a pas respecté les dispositions de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, après le jugement ordonnant la réouverture des débats du 19 juillet 2006 pour communication de la procédure au Ministère Public puisqu'il s'était inscrit en faux à l'encontre d'un constat d'huissier du 1er décembre 2004 qui était produit par le demandeur, dès lors qu'il se réfère dans le jugement déféré à un acte de communication et un visa du Ministère Public dont il n'a pas eu connaissance et communication,
- que le procès-verbal du 1er décembre 2004 est un faux dès lors que l'huissier déclare agir au nom d'une personne morale qui n'a plus d'existence légale,
- que la société demanderesse n'établit pas qu'il a exercé et exerce une activité concurrentielle de celle cédée, par les constats d'huissier et le rapport d'un détective privé produits qui ne sont pas probants dans leurs constatations alors surtout qu'elles procèdent de la mise en oeuvre de procédés déloyaux ou de constatations dans des lieux privés sans autorisation judiciaire.
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 29 janvier 2008, la SARL X... FER ET CREATION a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 5.000€ pour appel abusif outre celle de 3.000€ par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle lui oppose pour l'essentiel :
- qu'aucune violation des dispositions de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile ne peut être reprochée au premier juge qui a communiqué la procédure au Ministère Public, qui l'a visée, et qui en a fait état dans la décision déférée,
- que le Tribunal a considéré à juste titre que l'erreur de dénomination de la société requérante qui vient de ce qu'elle venait d'en changer est sans portée sur l'existence de la personne morale et ne peut caractériser un faux,
- que les constats d'huissier du 1er décembre 2004 et du 2 août 2005, qui pouvaient être réalisés sans autorisation d'un juge, comme les rapports du détective privé, font la preuve de la violation par Antonio X... de l'obligation de non concurrence qu'il avait contractée en lui vendant le fonds artisanal qu'elle exploite.
La procédure d'appel a été communiquée au Ministère Public le 29 septembre 2008 qui l'a visée le même jour sans formuler d'observations écrites.
MOTIFS :
Par jugement avant dire droit en date du 19 juillet 2006, le Tribunal qui était saisi d'une inscription de faux incident à l'encontre du constat d'huissier du 1er décembre 2004 dont se prévalait la société demanderesse, a ordonné la communication de la procédure au Ministère Public par un soit transmis du 26 juillet 2006, visé par celui-ci le 27 juillet 2006 sans observations écrites ou conclusions ultérieures sur le bien fondé de l'inscription de faux, de sorte que l'on ne peut soutenir que le Tribunal a violé les dispositions de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile en ne portant pas à la connaissance des parties "la réponse du ministère public" comme le soutient encore l'appelant ;
Le constat d'huissier du 1er décembre 2004 de Maître B..., huissier de justice, est argué de faux dans l'acte en inscription de faux déposé au Greffe le 20 février 2006 en ce qu'il indique : « Sur réquisition de ma requérante, dont le gérant Monsieur Tony X... m'avait précédemment déclaré : "mon père, Monsieur X... Antonio est actuellement salarié de la SARL FERRONNERIE X..." ... » alors que la SARL FERRONNERIE X... a modifié sa dénomination et transféré son siège social le 1er octobre 2004 et que l'huissier déclare agir à la requête de la SARL FERRONNERIE X... dont le siège social est ... représenté par son gérant en exercice X... Tony ;
Il résulte effectivement des pièces produites (la publication dans un journal d'annonces légales) que la SARL FERRONNERIE X... a décidé aux termes d'une Assemblée Générale Extraordinaire en date du 17 septembre 2004 de transférer son siège social à une nouvelle adresse à BAGARD et de modifier sa dénomination sociale, à effet du 1er octobre 2004, en "X... FER ET CREATION" ;
Mais le Tribunal a exactement retenu que ne pouvait constituer un faux imputable à l'huissier qui a procédé au constat du 1er décembre 2004 et affectant la validité de son acte, l'indication erronée de l'ancienne dénomination sociale de la société requérante, qu'il tenait de son gérant qui le mandatait pour procéder au constat, dès lors que les modifications intervenues depuis le 1er octobre 2004 étaient sans incidence sur l'existence et la continuité de la personne morale de la société requérante ;
Il ne s'agissait pas de constatations personnelles de l'huissier instrumentaire qui sont seules susceptibles de caractériser un faux s'il altère sciemment la réalité ;
Le jugement rejetant l'incident d'inscription de faux sera donc confirmé mais il n'y a pas lieu à condamnation d'Antonio X... au paiement d'une amende civile même si sa demande est rejetée ;
Le Tribunal a encore exactement considéré que s'agissant de constats, même en forme d'interpellations, réalisés sur la voie publique ou en milieu privé sous réserve de l'autorisation des occupants, l'autorisation préalable du juge n'était pas requise et que la validité formelle du constat d'huissier du 1er décembre 2004 ne pouvait être remise en cause ;
Il n'est pas mieux établi par l'appelant que c'est par un procédé déloyal, résultat de la connivence des époux C... qui lui ont fixé un rendez-vous chez eux et de la société requérante, que l'huissier a instrumenté le 1er décembre 2004 même si l'on ne sait à la lecture du seul constat comment il a pu avoir connaissance de ce rendez-vous fixé entre particuliers ;
Sur le fond, il était stipulé dans l'acte de cession du fonds artisanal du 10 mars 2003 que les vendeurs s'interdisaient "de gérer même en qualité de locataire gérant salarié ou d'exploiter directement ou indirectement, personnellement, par personne interposée et même en qualité d'associé d'une société quelconque un fonds de commerce similaire à celui vendu, comprenant tout ou partie des activités cédées, dans un rayon de dix kilomètres à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds vendu et pendant une durée de cinq années à compter du jour de l'entrée en jouissance" ;
Il convient donc de rechercher s'il est établi par la production du rapport de mission de la Société ABBIS BEI les constats d'huissier du 1er décembre 2004 et du 2 août 2005 et par les attestations produites, qu'Antonio X... a violé la clause de non réinstallation citée plus haut en gérant directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, un fonds similaire à celui cédé ;
Il y a lieu d'observer en préambule qu'Antonio X... était également salarié de la SARL X... FER ET CREATION anciennement dénommée FERRONNERIE X... en vertu du contrat de travail du 1er janvier 2001, qu'à la date de certains des faits qui lui sont imputés il était en arrêt de travail et qu'il a été licencié pour fautes lourdes par une lettre recommandée avec accusée de réception du 22 décembre 2004, qui vise notamment le constat d'huissier du 1er décembre 2004 et les faits dénoncés dans la présente instance. Ce licenciement fait l'objet d'une instance Prud'homale qui est toujours en cours ;
Il sera également relevé que l'exposé des motifs de la saisine de l'huissier tel qu'il résulte des énonciations de ses constats des 1er décembre 2004 et 2 août 2005 met en évidence que Tony X..., gérant de la société, a mandaté l'huissier aux fins de constat pour établir que malgré son arrêt de travail son salarié ou ancien salarié travaillait pour son compte personnel ou dans l'atelier de Barthélemy X..., comme d'ailleurs un autre de ses salariés Daniel D....
La même observation peut être faite à propos des motifs de la saisine de l'enquêteur privé Samuel E... tels qu'ils résultent de l'exposé préliminaire de son rapport de mission et de la nature de ses opérations ;
Il résulte des énonciations du constat en date du 1er décembre 2004, que ce jour là, l'huissier a vu à son arrivée, devant la maison d'habitation de Monsieur et Madame C..., qu'Antonio X... prenait avec eux des mesures du mur de clôture ; que Monsieur et Madame C... lui ont déclaré avoir sollicité Antonio X... pour l'établissement d'un devis de surélévation de la clôture "le connaissant de réputation par rapport à la FERRONNERIE X...", alors que Antonio X... a répondu qu'il était là pour leur donner des conseils à titre privé et qu'il n'établissait pas un devis ;
Monsieur C... a confirmé dans une attestation ultérieure sa version des faits ;
Mais les autres pièces produites par l'appelant démontrent que les époux C... connaissaient bien la famille de Tony X... antérieurement, et que la sincérité de leurs premières explications données à l'huissier sur les raisons de la présence de Antonio X... avec qui ils avaient rendez-vous chez eux à l'heure où précisément un huissier, prévenu par Tony X... pour le constater, s'est présenté chez eux, comme la valeur probante de l'attestation de Gilbert C... du 16 décembre 2004, sont sérieusement remises en cause ;
Le constat du 2 août 2005 a été établi dans l'atelier de ferronnerie de David X... et Daniel D..., route de Lézan à SAINT CHRISTOL LES ALES. L'huissier a constaté la présence de Antonio X... en bleu de travail dans cet atelier où il a déclaré donner un coup de main et pouvoir le faire puisqu'il était retraité ;
Il résulte ensuite d'un rapport de l'enquêteur privé ABBIS qu'en juillet et août 2003 Antonio X... avait été vu à plusieurs reprises en tenue de travail dans l'atelier de Barthélemy X..., son frère, chemin de Féverol à SAINT CHRISTOL LES ALES ;
Ces seules constatations ponctuelles de la présence et des activités de Monsieur Antonio X... dans l'atelier de ferronnerie exploité par d'autres membres de sa famille qui exerçaient déjà cette activité avant qu'il ne cesse les siennes dans celle gérée par son fils, ne peuvent suffire pour établir qu'au regard de la clause de non concurrence citée plus haut, dont la violation est invoquée dans la présente instance, il a géré ou exploité, directement ou indirectement, de façon personnelle ou par personne interposée ou en qualité d'associé, un fonds artisanal de ferronnerie similaire à celui cédé à la SARL X... FER ET CREATION dont il était par ailleurs salarié jusqu'à la fin de l'année 2004 ;
On ne peut en effet déduire des seules constatations invoquées que l'appelant participait directement ou indirectement à la gestion de l'entreprise familiale concurrente de la SARL X... FER ET CREATION et qu'il y occupait une fonction quelconque de gestion ;
Il est encore produit une attestation de Annie F..., secrétaire de la SARL X... FER ET CREATION, qui atteste le 17 décembre 2004, qu'elle a reçu des appels téléphoniques de personnes qui voulaient parler à Monsieur X... père parce qu'il avait effectué des travaux chez eux mais qu'à cette époque là il était en arrêt de travail. On ne peut pas plus en déduire que Antonio X... gérait ou participait à cette date à la gestion d'une entreprise concurrente en méconnaissance de ses obligations de vendeur du fonds artisanal ;
La SARL X... FER ET CREATION ne peut pas plus l'établir en produisant la seule photocopie d'une facture du 22 décembre 2004 de fourniture d'une presse hydraulique d'occasion pour un montant de 1.000€ TTC à "X... Antoine-1119 Rue de Lézan à ST CHRISTOL LES ALES" adresse personnelle de celui-ci, par une Société TEYSSON RHONE ALPES, sans que l'on sache dans quelles conditions un tel matériel a été commandé et à qui il a été livré, cette seule facturation ne pouvant constituer la preuve de la gestion d'une activité concurrente ;
Il n'est donc pas établi par les seules pièces produites qu'en sa qualité de cédant du fonds artisanal, Antonio X... n'a pas respecté l'obligation de non réinstallation stipulée dans les termes rappelés plus haut dans l'acte de cession ;
L'appel est donc bien fondé de ce chef ;
Compte tenu des circonstances de la cause, il ne peut être soutenu que la SARL X... FER ET CREATION a abusivement agi en justice ou avec une légèreté fautive ;
L'appelant demande "d'ordonner en tant que de besoin la restitution de toutes les sommes qui ont été exigées dans le cadre de l'exécution provisoire" ;
Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes d'inscription de faux et de nullité du procès verbal de constat d'huissier du 1er décembre 2004 ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile à l'encontre de Antonio X... ;
Déboute la SARL X... FER ET CREATION de ses demandes ;
Déboute Antonio X... de sa demande de dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour ;
Vu l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la SARL X... FER ET CREATION à verser à Antonio X... la somme de 1.000€ ;
La condamne aux dépens de l'instance ;
En autorise le recouvrement direct pour ceux d'appel par la SCP TARDIEU, avoués, dans les formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.