ARRÊT N° 575
R. G : 06 / 02706
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
06 juin 2006
X...
C /
Y...
SA SYNERGIA POLYCLINQUE
MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE DE VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008
APPELANT :
Monsieur Monaim
X...
né le 12 Juin 1984 à TAZA (MAROC)
...
...
84200 CARPENTRAS
représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de la SELARL CABINET ROUBAUD, avocats au barreau de CARPENTRAS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 007664 du 25 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMES :
Monsieur Daniel
Y...
...
...
84200 CARPENTRAS
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de la SCP PENARD OOSTERLYNCK MOLINA, avocats au barreau de CARPENTRAS
SA SYNERGIA POLYCLINQUE
anciennement POLYCLINIQUE SAINT ANDRE
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
Pôle Santé-Rond Point de l'Amitié
84200 CARPENTRAS
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP PENARD OOSTERLYNCK MOLINA, avocats au barreau de CARPENTRAS
MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE DE VAUCLUSE
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
1 Place des Maraîchers
84056 AVIGNON CEDEX 09
n'ayant pas constitué avoué
assignée à personne habilitée
Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 16 Mai 2008 révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, et Mme Christine JEAN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président
Mme Christine JEAN, Conseiller
M. Emmanuel de MONREDON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier lors des débats et du prononcé de la décision,
DÉBATS :
à l'audience publique du 10 Juin 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Octobre 2008,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel ;
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par Madame JEAN, Conseiller, en l'absence du Président légitimement empêché, publiquement, le 14 Octobre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au Greffe de la Cour.
***
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 11 décembre 2000, Monaim
X...
, alors âgé de 16 ans, était hospitalisé à la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ de CARPENTRAS (84) pour un syndrome appendiculaire. Le Docteur
Y...
l'examinait et retenait une indication chirurgicale semi-urgente. Le lendemain, il procédait à l'appendicectomie sous coelioscopie. En début de cette intervention, l'aiguille introduite dans l'abdomen transfixiait l'artère iliaque droite, occasionnant une importante plaie vasculaire.
Le Docteur
Y...
faisait appel au Docteur
A...
, chirurgien vasculaire, qui réalisait une réparation vasculaire après laquelle le Docteur
Y...
procédait à l'appendicectomie. L'état du patient nécessitait une transfusion sanguine de 4 culots globulaires. Il était transféré en service de soins intensifs du CHU de MARSEILLE. Il était à nouveau hospitalisé du 18 au 24 février 2001 dans cet établissement où il subissait un pontage aorto-iliaque droit le 19 février 2001.
Par exploit du 19 décembre 2001, Madame
X...
, mère de Monaim
X...
, assignait en référé le Docteur
Y...
, la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ et la MSA DE VAUCLUSE pour obtenir une expertise médicale. Le Docteur
B...
, chef du service de chirurgie digestive au centre hospitalier d'AIX-EN-PROVENCE, était désigné par ordonnance du 13 février 2002. Il déposait son rapport le 5 août 2002. Un complément d'expertise était ordonné le 14 mai 2003. Les rapports complémentaires étaient déposés le 18 août 2003 et le 15 avril 2004.
Par exploits des 10 et 13 juin 2005, Monsieur
X...
devenu majeur, a fait assigner le Docteur
Y...
, la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ et la MSA DE VAUCLUSE devant le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS en réparation de son préjudice qu'il impute à la responsabilité du Docteur
Y...
et de la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ.
Par jugement du 6 juin 2006, le Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS a débouté Monsieur
X...
de toutes ses demandes et déclaré le jugement commun à la MSA DE VAUCLUSE. Monsieur
X...
a été condamné aux dépens.
Monsieur
X...
a relevé appel de cette décision.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour de ce siège, tenant la révocation de la clôture et la nouvelle clôture prononcée le 10 juin 2008 à la demande conjointe des parties, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le 29 mai 2008 pour Monsieur
X...
et le 19 février 2007 pour Monsieur
Y...
et la SA SYNERGIA POLYCLINIQUE, nouvelle dénomination de la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ.
***
Monsieur
X...
demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de dire et juger le Docteur
Y...
et la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ entièrement responsables de son préjudice aux motifs que la perforation accidentelle de l'artère par l'introduction du trocard sans contrôle de la vue caractérise une maladresse fautive du chirurgien et que celui-ci comme la Polyclinique se sont rendus coupables d'un défaut d'information quant aux risques présentés par l'intervention.
Il demande à la Cour de :
" Condamner, in solidum, le Docteur
Y...
et la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ à lui payer les sommes suivantes :
Au titre des préjudices patrimoniaux :
- Frais médicaux et d'hospitalisation 27. 947, 30 €
- Perte de gains professionnels futurs 223. 330, 80 €
Au titre des préjudices personnels :
- Déficit fonctionnel temporaire ou gêne dans les actes de la vie courante correspondant à six mois d'ITT 6. 000, 00 €
- Déficit fonctionnel permanent 60. 000, 00 €
- Pretium doloris 25. 000, 00 €
- Préjudice esthétique 8. 000, 00 €
- Préjudice d'agrément 20. 000, 00 € ;
Condamner solidairement le Docteur
Y...
et la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ à lui payer la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ".
Monsieur Daniel
Y...
et la SA SYNERGIA POLYCLINIQUE concluent au débouté des demandes de Monsieur
X...
et à la confirmation du jugement entrepris.
Ils sollicitent l'allocation d'une somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Subsidiairement, ils entendent voir réduire les sommes réclamées à de plus justes proportions.
La MSA DE VAUCLUSE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS :
Attendu que l'acte chirurgical en cause a été réalisé le 11 décembre 2000 soit avant le 5 septembre 2001 ; que la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable à la cause ;
Attendu que la responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d'une faute commise par lui qu'il incombe au malade de prouver ;
Attendu qu'en l'espèce, l'appendicectomie sous coelioscopie était indiquée en l'état du bilan iconographique et de l'examen du patient compatibles avec le diagnostic d'appendicite aigue ; que le choix de la technique de coelioscopie était conforme aux données acquises de la science et ne peut être imputée à faute dès lors que rien ne permettait de la déconseiller par rapport à la voie classique et qu'elle était déjà validée par les experts de l'Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale dont l'avis, rappelé par l'expert judiciaire, mentionnait que " les résultats des études ne permettent pas de privilégier une technique par rapport à l'autre, l'ensemble de ces recommandations étant applicable à l'enfant " ;
Attendu qu'il est établi par les rapports d'expertise et les comptes rendus opératoires que l'aiguille introduite dans l'abdomen du jeune patient est allée directement sur un plan dur et qu'après changement de direction, elle a transfixié l'artère iliaque droite ; qu'une réparation vasculaire a été effectuée par un chirurgien vasculaire avant l'appendicectomie pratiquée par le Docteur
Y...
; que l'état du patient a nécessité une transfusion sanguine et un transfert en service de soins intensifs où a été mise en évidence une thrombose complète de l'artère iliaque primitive droite ;
Attendu que le Docteur
Y...
se prévaut d'un aléa thérapeutique inhérent à l'intervention elle-même ;
Attendu que l'expert judiciaire, après avoir rappelé que le rapport Z... de 1999 relevait un taux de complication de l'appendicectomie sous coelioscopie de 1, 5 %, toutes complications confondues, sans qualifier l'origine de la perforation ni s'être expliqué initialement sur la cause de cette atteinte d'un autre organe, retient que le Docteur
Y...
a diagnostiqué précocement une complication technique, qu'il a transformé la voie coelioscopique en laparotomie comme recommandé par les bonnes pratiques médicales et le rapport de l'ANAES et qu'il a fait appel à un chirurgien vasculaire pour réaliser la réparation vasculaire ;
L'expert conclut que l'ensemble de la prise en charge médico-chirurgicale du jeune
X...
a été conforme aux données actuelles de la science médicale ; qu'il ne se prononce pas expressément sur l'existence d'un geste maladroit ou d'un aléa thérapeutique alors que ce point était essentiel dans sa mission et a fait l'objet d'une demande de rapport complémentaire par le Tribunal ;
Attendu toutefois que les soins mis en oeuvre pour réparer la plaie vasculaire très vite diagnostiquée par le Docteur
Y...
ne sont pas mis en cause ; qu'en revanche, toute maladresse d'un praticien engage sa responsabilité et est par la même exclusive de la notion de risque inhérent à un acte médical ; qu'en l'espèce, la perforation de l'artère iliaque primitive droite par le trocard dont était munie l'aiguille introduite dans l'abdomen a été le fait du chirurgien ; que la réalisation de l'appendicectomie sous coelioscopie n'implique pas la perforation de l'artère iliaque qui s'est en l'espèce effectivement produite ; que l'aiguille était dirigée par le chirurgien ; que la résistance rencontrée sur un plan dur exigeait soit un retrait avec nouvelle direction soit l'introduction du trocard sous contrôle de la vue (opencoelioscopie) tenant le risque de plaie des vaisseaux et artères chez un sujet jeune et maigre relevé par l'expert dans son rapport complémentaire ;
Attendu qu'il n'est ni justifié ni même fait état d'une anomalie chez le patient rendant la perforation de l'artère iliaque inévitable ;
Attendu que la responsabilité du Docteur
Y...
qui a involontairement perforé cette artère est engagée par cette maladresse fautive ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur
X...
de ses demandes contre le Docteur
Y...
;
Attendu que concernant l'obligation d'information, le Tribunal a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, retenu que si la preuve de l'exécution de cette obligation n'était pas rapportée, la réalité d'une perte de chance de refuser l'acte médical et d'éviter le dommage ne pouvait être retenue compte tenu de l'absence d'élément de nature à privilégier la voie classique plutôt que la coelioscopie, de la nécessité de l'intervention dans un délai rapide et du caractère moins invasif de la coelioscopie par rapport à la technique classique ; qu'en tout état de cause, la faute médicale du Docteur
Y...
génère l'obligation d'entière réparation du préjudice ; que le devoir de renseignements pesant sur la Clinique elle-même concerne les prestations qu'elle est en mesure d'assurer ; qu'en l'espèce, aucun manquement à cette obligation n'est caractérisée ; que l'intervention a été pratiquée par un chirurgien spécialisé qui a pu faire appel en urgence sur place à un chirurgien vasculaire ;
Attendu qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ ; que l'expert judiciaire n'a relevé aucun manquement aux obligations incombant à la Clinique ; que le Docteur
Y...
n'était pas médecin salarié de la Clinique ; que le manquement au devoir d'information sur les risques liés à l'acte médical ne peut être imputé à la Clinique ; que le débouté des demandes présentées par Monsieur
X...
contre la POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ sera confirmé ;
Attendu que la faute ci-dessus retenue à l'encontre du Docteur
Y...
justifie la réparation de l'entier préjudice du patient ;
- Sur le préjudice et sa réparation
Attendu que Monsieur
X...
était âgé de 16 ans à la date de l'intervention ; qu'il était en classe de seconde section sciences de la vie et de la terre ;
Attendu que les conclusions de l'expert judiciaire dans le rapport du 5 août 2002 sont les suivantes :
- ITT du 12 décembre 2000 au 31 mars 2001
- consolidation au 22 mars 2002
- pretium doloris : 4 / 7
- préjudice esthétique : 2 / 7
- réserves sur l'avenir en particulier concernant le pontage aorto-iliaque droit et les conséquences de la transfusion ;
Attendu qu'à la suite des deux interventions subies en 2002 et 2003 dans les suites directes de l'appendicectomie du 12 décembre 2000, le Docteur
B...
a à nouveau été commis ; qu'il conclut dans son rapport du 18 août 2003 à :
- une ITT du 21 octobre 2002 du 15 janvier 2003,
- une IPP de 10 % en raison de l'interruption de l'axe vasculaire iliaque et de la surveillance à distance qu'elle justifie,
- un nouveau pretium doloris de 4 / 7,
- un nouveau préjudice esthétique de 2 / 7,
- un nouveau préjudice d'agrément de 2 / 7,
- une consolidation ne pouvant être acquise avant décembre 2003 ce qui justifie un nouvel examen à cette période,
- des réserves sur les conséquences des transfusions sanguines et sur les conséquences à distance de l'interruption du flux artériel iliaque droit ;
Attendu qu'après un nouvel examen de Monsieur
X...
pratiqué le 29 mars 2004, l'expert judiciaire a conclu à une consolidation à la date du 1er janvier 2004 et à une IPP ne devant pas être inférieure à 20 % compte tenu du handicap sévère que la victime présente au niveau du membre inférieur droit pour les actes de la vie courante et professionnelle et de la surveillance qu'il impose ; que les réserves précédemment émises sont maintenues ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice de Monsieur
X...
sera indemnisé comme suit :
I-Préjudices patrimoniaux
1) Préjudices patrimoniaux temporaires
* dépenses de santé actuelles
Attendu qu'il n'est justifié ni fait état d'aucune dépense de santé à charge de la victime ; que la MSA DE VAUCLUSE a indiqué par courrier du 6 décembre 2006 qu'elle avait réglé l'intégralité des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation d'un montant de 27. 947, 30 € ;
* pertes de gains actuels
Attendu que Monsieur
X...
, lycéen à la date de l'intervention, n'a perdu aucun revenu ;
2) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
* perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle
Attendu que ce poste de préjudice consiste dans la perte ou la diminution des revenus de la victime consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle mais aussi dans les incidences périphériques du dommage dans le domaine professionnel ;
Attendu que Monsieur
X...
demande une indemnisation de 223. 330, 80 € sur la base d'une perte de 700 € par mois capitalisée en fonction du taux de rente à l'âge de 20 ans soit au 1er janvier 2004 ;
Attendu que Monsieur
Y...
n'offre aucune indemnité de ce chef et demande la justification de la profession des parents, des frères et soeurs de la victime et des allocations versées ;
Attendu que contrairement aux affirmations des intimés, le taux de l'IPP proposé dans le rapport du 18 août 2003 était provisoire puisque l'expert relevait que l'état de la victime n'était pas consolidé et qu'un nouvel examen serait nécessaire ;
Attendu qu'en 2004, l'expert judiciaire a constaté que les pouls périphériques étaient perçus affaiblis au niveau du membre inférieur droit par rapport au gauche, qu'il existait une douleur du mollet droit pour un périmètre de marche de l'ordre de 150 mètres et une amyotrophie relative des muscles du membre inférieur droit par rapport au gauche ; qu'il conclut à un handicap sévère au niveau du membre inférieur droit pour les actes de la vie courante et professionnelle ; que la Cour dispose des éléments suffisants pour statuer sur la réparation ;
Attendu que Monsieur
X...
a été reconnu travailleur handicapé classé en catégorie A par décision de la COTOREP du 25 janvier 2005 ;
Attendu qu'il ressort des documents médicaux produits et du rapport d'expertise que les séquelles constatées empêchent Monsieur
X...
d'exercer toute activité professionnelle dépendant de la marche ; que toutefois il est apte à exercer d'autres activités professionnelles même manuelles ; qu'il ressort du relevé de la MSA DE VAUCLUSE qu'aucune rente ni pension d'invalidité n'est versée à Monsieur
X...
;
Attendu que Monsieur
X...
a vu sa scolarité très perturbée par les conséquences de l'acte médical du 12 décembre 2000 et les interventions chirurgicales subies en février 2001, en décembre 2002 et en novembre 2003 ; qu'il n'a pu terminer normalement ses études au lycée ;
Attendu que si Monsieur
X...
, lycéen au moment de l'intervention, ne peut justifier d'une perte de revenus professionnels, il subit de façon certaine une perte de chance professionnelle résultant de l'impossibilité d'exercer certaines professions ainsi qu'une dévalorisation sur le marché du travail en raison de son handicap ;
que les pertes de gains professionnels qui en résultent doivent, tenant l'âge et la situation de la victime à la date de consolidation, être estimées à environ un tiers du SMIC soit 300 € par mois ; qu'après capitalisation sur la base de l'Euro de rente en fonction du barème TD 88 / 90, au taux de 3 % à l'âge de 20 ans, l'indemnité réparatrice de ce poste de dommage s'évalue à : 95. 713 € arrondie à 96. 000 € ;
II-Préjudices extra-patrimoniaux
1) Déficit fonctionnel temporaire
Attendu que ce poste de dommage vise à indemniser l'invalidité subie par la victime dans la sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est à dire jusqu'à sa consolidation ; qu'il correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pendant l'ITT ;
Attendu qu'en l'espèce, l'ITT a duré 6 mois, que le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3. 000 € sur la base de 500 € par mois ;
2) Déficit fonctionnel permanent
Attendu que la victime doit être indemnisée du préjudice extra-patrimonial résultant de l'incapacité médicalement constatée ; qu'en l'espèce, l'IPP doit être fixée au taux proposé, après constat de la consolidation, de 20 % en raison de l'handicap sévère affectant le membre inférieur droit résultant des séquelles ci-dessus relevées ; qu'il sera alloué de ce chef une indemnité de 32. 000 € ;
3) Les souffrances endurées
Attendu que l'expert judiciaire a retenu deux pretium doloris de 4 sur 7 liés aux douleurs initiales, aux diverses interventions chirurgicales (pontage aorto-iliaque, mise en place d'une sonde urétérale, interruption du flux artériel iliaque droit) et aux soins subis ; Monsieur
X...
souffre en outre d'un préjudice moral causé par le dommage subi à la suite d'une intervention en principe fréquente et banale et ayant causé un handicap définitif alors qu'il n'était âgé que de 16 ans et en parfaite santé ; qu'il lui sera alloué de ce chef une somme de 16. 000 € ;
4) Le préjudice esthétique
Attendu que ce poste de dommage résulte des trois cicatrices au niveau abdominal de 25cm, 15cm et 10cm de long et de la cicatrice transversale au niveau du coup de pied droit ; que les deux rapports d'expertise évaluent à 2 sur 7 chaque préjudice esthétique résultant pour l'un des interventions subies en 2001 et pour l'autre de celles subies en décembre 2002 et en novembre 2003 ; que tenant l'âge de la victime, la nature et la localisation des cicatrices, l'indemnité réparatrice du préjudice esthétique sera de 5. 000 € ;
5) Le préjudice d'agrément
Attendu que l'expert judiciaire retient l'existence d'un préjudice d'agrément ; qu'en effet, en raison des séquelles affectant le membre inférieur droit, Monsieur
X...
se trouve privé de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs habituelles à son âge (marche, danse) et tout sport nécessitant l'usage intégral des deux membres inférieurs ; que ce poste de dommage sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 10. 000 € ;
Attendu que l'indemnité globale revenant à Monsieur
X...
en réparation du préjudice corporel subi suite à l'intervention chirurgicale du 12 décembre 2000 s'élève donc à la somme de 162. 000 € déduction faite de la créance de l'organisme social ;
Attendu que Monsieur
X...
ne justifie d'aucun frais irrépétible ; qu'il n'y a pas lieu à application en la cause de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Attendu que Monsieur
Y...
succombe et supportera les dépens de première instance et d'appel ;
***
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur
X...
de ses demandes contre Monsieur Daniel
Y...
;
Dit que le Docteur
Y...
a commis une faute dans l'exécution de l'intervention sous coelioscopie pratiquée le 12 décembre 2000 sur Monsieur
X...
;
Dit Monsieur
Y...
entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur
X...
à la suite de cette intervention chirurgicale ;
En conséquence, le condamne à payer à Monsieur
X...
la somme totale de 162. 000 €, déduction faite de la créance de l'organisme social ;
Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur
X...
de ses demandes présentées contre la SAS SYNERGIA POLYCLINIQUE anciennement POLYCLINIQUE SAINT ANDRÉ ;
Dit n'y avoir lieu à application en la cause des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur
Y...
aux dépens de première instance et d'appel qui seront distraits au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués, sur ses affirmations de droit ;
Arrêt signé par Madame JEAN, Conseiller, par suite d'un empêchement du Président, et par Mme VILLALBA, Greffier.