ARRÊT N° 985
RG : 08 / 00510
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIMES
30 avril 2004
Section : Encadrement
X...
C /
ASSOCIATION THEATRE DE NIMES
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUIN 2008
APPELANTE :
Madame Marie-hélène X...
née le 06 janvier 1948 à PARIS
...
13200 ARLES
représentée par Maître Antoine LOUNIS, substitué par Maître PORIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
ASSOCIATION THEATRE DE NIMES
prise en la personne de son représentant légal en exercice
1, place de la Cadade
BP 1463
30017 NIMES CEDEX 1
représentée par Maître Dominique FABRE, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 14 mai 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2008
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 24 juin 2008, date indiquée à l'issue des débats,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'Association Théâtre de Nîmes, qui gère l'activité théâtrale et artistique de la ville, embauchait Madame X... en qualité d'attachée à l'information, catégorie agent de maîtrise, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 8 au 30 juin 2000.
Plusieurs contrats de travail à durée déterminée se succédaient en octobre, novembre et décembre 2000 pour des postes de cadre, le dernier étant celui d'assistante de direction, catégorie IV, Echelon I.
Un contrat de travail à durée indéterminée était conclu le 28 juin 2001 pour un emploi de secrétaire générale, statut cadre, catégorie III, échelon I.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, Madame X... percevait une rémunération brute mensuelle de 2. 774, 82 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mai 2003, Madame X... était convoquée à un entretien préalable fixé au 2 juin suivant et licencié pour motif économique le 10 juin 2003.
Elle saisissait le Conseil de Prud'hommes de Nîmes le 27 août 2003 d'une demande tendant à obtenir paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 30 avril 2004, le Conseil de Prud'hommes déboutait Madame X... de ses demandes.
Madame X... interjetait régulièrement appel du jugement le 11 mai 2004.
La Cour de ce siège rendait un arrêt ordonnant le retrait du rôle le 29 novembre 2006.
L'affaire faisait l'objet d'une réinscription au rôle le 4 février 2008.
Dans des conclusions développées à l'audience, Madame X... soutient essentiellement que :
- le motif économique invoqué n'est ni réel ni sérieux en l'état des pièces versées aux débats par l'intimée ;
- la restructuration annoncée comme nécessaire par la nouvelle direction mise en place sous l'impulsion de la nouvelle municipalité n'a été qu'un prétexte permettant l'éviction des salariés de l'ancienne équipe ;
- le déficit de l'association existait au moment de son embauche et la partie du chiffre d'affaires liée à l'activité artistique s'est toujours maintenue aux alentours de 50 % conformément aux normes du secteur d'activité ;
- les pièces versées aux débats ne démontrent pas le déficit allégué en 2003 mais révèlent que la subvention municipale a été augmentée ;
- trois autres personnes et elle-même ont été licenciés alors que concomitamment quatre personnes ont été embauchées de manière directe (Monsieur Z... et Madame A...) ou indirecte (Monsieur B... et Madame C...), pour un coût supérieur à la masse salariale brute correspondant aux rémunérations des salariés licenciés ;
- le plan de restructuration initial prévoyait la création de deux nouveaux postes qui n'a pas été concrétisée en l'état du licenciement de salariés devenus indésirables ;
- elle a en fait été remplacée par Madame A... comme Monsieur D... remplacé par Monsieur Z... ;
- en toute hypothèse, l'employeur n'a fait aucune recherche de reclassement antérieure au licenciement en interne et dans l'unité économique et sociale à laquelle il appartient (collectivité territoriale) et la proposition d'un congé individuel de formation auquel elle n'avait pas droit ne satisfait pas cette obligation résultant des dispositions de l'article L. 321-1 alinéa 2 du code du travail ;
- le licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse, ce qui a généré un préjudice important compte tenu de son ancienneté et de son âge rendant difficile l'accession à un poste équivalent, étant précisé qu'elle bénéficie d'une retraite anticipée depuis janvier 2008.
Elle conclut à l'infirmation du jugement et sollicite la condamnation de l'Association Théâtre de Nîmes à lui payer les sommes de :
- 80. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans des conclusions développées oralement, l'Association Théâtre de Nîmes expose que :
- la restructuration mise en œuvre en 2003 entraînant des suppressions de postes dont celui de Madame X... s'est avérée nécessaire en l'état du déficit enregistré en 2002, étant précisé que c'est une subvention exceptionnelle de la municipalité d'un montant de 225. 269 euros qui a permis un résultat positif et que la poursuite de l'engagement financier de la ville de Nîmes était subordonnée à une redéfinition en profondeur des activités artistiques de l'Association ;
- les recettes propres ont diminué constamment entre 1995 et 2002 alors que le coût de la masse salariale a augmenté pour atteindre 38 % du budget 2003, ce qui a engendré un déséquilibre financier croissant ;
- la sauvegarde de l'entreprise nécessitait une redynamisation forte qui s'est concrétisée par la signature d'un contrat de partenariat avec une compagnie théâtrale de renommée nationale, par la mise en place d'un binôme directorial couvrant tous les aspects administratif, logistique et artistique par recrutement externe dans la mesure où aucune candidature interne n'a été présentée et par la réduction immédiate des effectifs de permanents (4 licenciements et un départ volontaire) ;
- on ne peut pas lui reprocher en sa qualité d'Association financée par des fonds publics de chercher à gérer de manière optimale, d'adapter ses dépenses au montant des subventions, de se restructurer pour être plus performante et de pérenniser l'activité du Théâtre en redonnant confiance aux partenaires financiers ;
- la suppression du poste de Madame X... et des autres salariés était nécessaire et ils n'ont pas été remplacés ;
- la diminution constante des effectifs a continué puisque 4 autres postes de permanents ont été supprimés en 2004 et 2005 ;
- les fonctions des salariés dont les emplois ont été supprimés ont été réparties sur le personnel restant ;
- le reclassement de Madame X... en interne n'était pas possible d'autant que le projet de création de deux postes n'a pas été poursuivi en raison des résultats financiers et qu'elle ne pouvait pas envisager une passerelle entre son personnel et celui de la municipalité ;
- elle a fait des démarches pour favoriser la recherche d'emploi, a proposé une assistance financière et a même accepté de prolonger le préavis pour que Madame X... puisse bénéficier d'un congé individuel de formation qui lui a été refusé par l'organisme formateur ; l'intéressée n'a même pas sollicité sa priorité de réembauchage.
Elle conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes adverses. Elle réclame le paiement d'une somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
- Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1233-3 du Code du Travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement prononcé par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise décidée par l'employeur pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
La lettre de licenciement vise le déficit chronique de la structure pesant sur toute possibilité d'évolution en termes d'activités, la nécessité de réduire les coûts sociaux et d'opérer une restructuration recentrée sur une réflexion artistique d'ensemble menée par une équipe de direction absorbant la fonction de secrétaire générale et de conseillère artistique engendrant la suppression dudit poste.
Il ressort des pièces produites que :
- dans un courrier du 28 mars 2002, le Président de l'Association faisait part au Maire de la Ville de Nîmes de ses inquiétudes quant au devenir de l'équipe dirigeante face aux déclarations faites dans la presse locale relative à une volonté d'engager une nouvelle politique culturelle impliquant un changement de personnes ;
- Monsieur E..., Directeur Régional des Affaires Culturelles en Languedoc Roussillon de 2000 à 2003, atteste que la municipalité n'avait pas caché son désir de mettre fin à la collaboration avec Monsieur F... (directeur) et son équipe dans le but d'accéder au statut de scène nationale et que le point de non-retour a été atteint lors du licenciement de ce dernier suivi du recrutement d'un binôme de direction accompagné du licenciement de quatre cadres permanents et parallèlement d'un partenariat avec une nouvelle équipe artistique, le tout représentant un coût plus onéreux ;
- l'association qui gère l'activité théâtrale et culturelle de la ville est bénéficiaire de subventions de la Ville de Nîmes qui ont été augmentées de manière conséquente et constante à compter de l'année 2002, passant de 2. 169. 972 euros en 2001, 2. 887. 960 euros en 2002, 2. 789. 850 euros en 2003, 2. 900. 990 euros en 2004 pour atteindre 2. 977. 653, 87 euros en 2006, et ce en application d'un choix de développement de l'activité artistique différent de celui mis en œuvre jusqu'en 2002 ;
- les résultats des exercices 1995 à 2001 ont été négatifs étant précisé que grâce à une subvention exceptionnelle servie par la ville de Nîmes, le résultat 2002 a été positif à hauteur de 46. 546 euros ;
- la première tranche de travaux de rénovation du théâtre d'un montant de 362. 274 euros a été décidée en mai 2003 ;
- le 10 mars 2003, Madame A... et Monsieur Z... ont été embauchés en qualité de directeurs ;
- un contrat de partenariat a été conclu, le 4 juillet 2003, avec la société
B...
et
B...
dont les deux dirigeants devaient assurer la direction artistique de l'Association outre l'image et la communication, moyennant un prix de 750. 000 Euros hors taxes sur trois ans, subordonné à la création de deux spectacles sur la même durée, avec prise en charge des salaires et charges des techniciens et intermittents recrutés par la société sous forme de facturation de prestations à l'Association ;
- le projet de licenciement économique de quatre cadres permanents, précise que la fonction de secrétaire générale et de conseillère artistique (coordination générale des services) sera absorbée par Madame A... ;
- le ratio entre charges et budget global n'a pas dépassé 40 % sur la période de 1994 à 2003 et le passage aux 35 heures ainsi que le versement d'indemnités liées à des licenciements ont augmenté le coût de la masse salariale en 2002 et 2003 ;
Tous ces éléments établissent que l'association Théâtre de Nîmes a choisi dès 2002, sous l'impulsion de la municipalité, de mettre en œuvre un projet artistique d'envergure nationale nécessitant une restructuration passant par un contrat de partenariat avec une troupe théâtrale parisienne de renom et la mise en place d'une nouvelle équipe directionnelle.
Il s'agit en fait d'un choix de développement de l'activité artistique impliquant une réorganisation procédant d'une volonté d'optimiser les performances mais non pas de réelles difficultés économiques.
Les résultats financiers et les ratios entre charges et budget global quasi constants depuis 1995 ne caractérisent pas l'existence d'une menace pesant sur la sauvegarde de l'association.
Les importants travaux de rénovation du Théâtre décidés en mai 2003, soit deux mois après la rupture du contrat de travail de Madame X..., ainsi que le coût du contrat de partenariat et l'engagement de la Ville de Nîmes d'augmenter le montant des subventions sont en contradiction avec le motif économique invoqué à l'appui du licenciement.
Il est à noter en outre que la facturation en prestations de services par la société
B...
et
B...
à l'Association Théâtre de Nîmes de l'intégralité des salaires et charges des personnes recrutées par celle-ci a eu pour effet de minorer de manière artificielle le coût de la masse salariale de l'Association pour les exercices 2003 à 2006.
De plus et surtout, il s'avère que les fonctions de Madame X... de secrétaire générale assumant la coordination des services et de conseillère artistique, indispensables dans ce type de structure ont été, en fait, absorbées par la nouvelle équipe dirigeante composée de deux directeurs embauchés trois mois avant le licenciement et de Monsieur B... et Madame C... assumant la direction artistique à compter de juillet 2003.
L'embauche directe et indirecte de quatre personnes quasi concomitante au licenciement de quatre cadres permanents dont Madame X... démontre que la restructuration mise en œuvre correspondait à une nouvelle politique de développement artistique et culturel nécessitant le remplacement de l'équipe ancienne par une nouvelle équipe, ce qui ne caractérise pas le motif économique allégué.
Le motif économique n'est donc ni réel ni sérieux.
Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé.
En l'état des éléments produits sur la nature et l'étendue du préjudice subi par Madame X..., dont l'ancienneté dans l'association était de plus de trois ans et qui n'a pas retrouvé d'emploi avant sa mise à la retraite en janvier 2008, il y a lieu de lui allouer une somme de 23. 000 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article L. 1235-3 du Nouveau Code du Travail.
Conformément à l'article 1235-4 dudit code, le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié licencié doit être également ordonné dans la limite maximum prévue par la loi.
- Sur les autres demandes
Il paraît équitable que l'Association Théâtre de Nîmes participe à concurrence de 1. 000 Euros pour dédommager Madame X... des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'Association intimée supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne l'Association Théâtre de Nîmes à payer à Madame X... la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y Ajoutant,
Condamne l'Association Théâtre de Nîmes à rembourser à l'ASSEDIC Alpes Provence les indemnités chômage payées à Madame X... dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
Dit qu'une copie certifiée conforme de cette décision sera transmise par le Greffe à l'ASSEDIC Alpes Provence, 2, Place Général Ferrié, 13008 Marseille cedex 8 ;
Condamne l'Association Théâtre de Nîmes à payer à Madame X... une somme de 1. 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne l'Association Théâtre de Nîmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.