ARRÊT N° 884
RG : 06/01200
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
03 mars 2006
Section : Commerce
X...
C/
SOCIETE TRANSPORT EN COMMUN DE LA REGION D'AVIGNON (TCRA)
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 JUIN 2008
APPELANT :
Monsieur Alain X...
né le 21 Novembre 1969 à AVIGNON (84000)
...
84130 LE PONTET
représenté par Maître Manuéla RICHIARDI-RODRIGUEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
SOCIETE TRANSPORT EN COMMUN DE LA REGION D'AVIGNON (TCRA)
prise en la personne de son représentant légal en exercice
ZI de Courtine
BP 915
84090 AVIGNON CEDEX 9
représentée par la SCP AXIO AVOCAT, avocats au barreau d'AVIGNON plaidant par Maître BAGLIO, avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller,
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Loïc RAGUSA, Adjoint administratif exerçant les fonctions de greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 16 Avril 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Juin 2008
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 10 Juin 2008,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur X... est salarié de la société TCRA où il exerce les fonctions de conducteur receveur.
Son temps de travail est réparti sur un cycle de 12 semaines conformément aux dispositions de l'article L. 212-7-1 du Code du travail et de l'accord de branche du 5 janvier 1998.
Dans le cadre de ce cycle, Monsieur X... travaillait une moyenne de 37 heures hebdomadaires selon une grille de travail se répétant à l'identique à chaque cycle.
Jusqu'au 27 décembre 1999 il a travaillé ainsi. A cette date un accord de réduction du temps de travail entrait en vigueur.
L'article 4 de cet accord, intitulé réduction du temps de travail, stipule :
« La durée du travail effectif des salariés bénéficiaires du présent accord est réduite de 10 % par rapport à la durée de travail effectif antérieure égale à 37 heures par semaine.
La nouvelle durée du travail est fixée à 33 heures et 18 minutes par semaine ou 33 heures et 30 centièmes en moyenne sur une période ne pouvant excéder l'année et équivaut à un temps plein pour les bénéficiaires.
La nouvelle durée du travail entre en vigueur le 27décembre 1999. »
La société TCRA procédait alors à une réduction hebdomadaire de la durée du travail pour l'ensemble des salariés bénéficiaires de l'accord égal à 10 % en instituant une nouvelle durée du travail en lieu et place de la durée hebdomadaire de 37 heures antérieures,
Les modalités de réduction du temps de travail retenues par les parties signataires de l'accord sont différentes pour :
les conducteurs (article 5-1),
les vérificateurs et agents de médiation (article 5-2),
les guichetières (article 5-3),
les agents de maîtrise d'exploitation (article 5-4),
les agents de maîtrise technique (article 5-5),
les sédentaires (article 5-6)
les ouvriers non roulants (article 5-7).
Monsieur X... exerçant les fonctions de conducteur receveur à la date d'entrée en vigueur de l'accord, celui-ci se voyait appliquer les dispositions de l'article 5-1 de l'accord intitulé Modalités d'organisation et d'aménagement du travail.
Cet article précisait :
« Les conducteurs travaillent en roulement et la durée du travail effective est calculée sur un cycle de 12 semaines, soit 399 heures et 36 minutes. Trois types de roulement sont mis en place :
A/ Roulement sur 12 semaines générant 29 repos avec une moyenne journalière de travail de 7 h 14
B/ Roulement sur 12 semaines générant 35 repos avec une moyenne journalière de 8 h 10
C / Roulement sur 12 semaines générant 41 repos avec une moyenne journalière de 9 h 17»
A compter du 27 décembre 1999 en cas de dépassement exceptionnel de cette durée de travail, la société TCRA a décidé de procéder au paiement des heures supplémentaires pour toute heure dépassant 33 heures et 18 heures minutes, le calcul s'opérant en fin de cycle.
Une divergence survenait entre Monsieur X... et l'employeur.
- L'argumentation du salarié :
Lorsqu'il prend ses congés payés qui sont de cinq semaines par an, l'employeur impute sur les jours de congés payés, les jours de RTT qui deviennent RTT sur jours de congés payés.
Ainsi, le salarié qui a acquis par son temps de présence dans l'entreprise ses droits aux congés payés et qui les prend, perd systématiquement les jours de RTT qu'il a aussi acquis du fait du dépassement du temps de travail au-delà de la durée du travail fixée à 33 heures et 18 minutes.
La manière de procéder de l'employeur est, selon Monsieur X..., non seulement contraire au droit du travail, aux droits acquis du salarié s'agissant tant des jours de congés payés que des jours de RTT, qu'à l'esprit et à la lettre des textes légaux pris en application de la réduction du temps de travail.
Sans compter que pour la mise en place de cette réduction du temps de travail, l'employeur a quant à lui bénéficié d'aides de l'état non négligeables.
Selon lui, l'article 11 de l'accord précise que le temps de travail annuel passe à 1 498,50 heures. Or, il s'avère qu'il a effectué :
- pour 2000 : 1 687,56 heures soit 189,06 heures en plus
- pour 2001 : 1 509,01 heures soit 10,51 heures en plus
- pour 2002 : 1 606,42 heures soit 107,92 heures en plus
- pour 2003 : 1 512,39 heures soit 13,89 heures en plus
- L'argumentation de l'employeur
Selon la société TCRA, l'horaire de travail de Monsieur X... était de 37 heures réparti sur un cycle de 12 semaines conformément aux dispositions de l'article L. 212-7-1 du Code du travail et de l'accord de branche du 5 janvier 1998.
Conformément à l'accord d'entreprise du 27 décembre 1999, la nouvelle durée du travail a été portée à 33 heures 18 minutes, en sorte que l'assiette de la durée du temps de travail a été réduite.
En raison de cet aménagement, il n'a pas été prévu dans l'accord l'octroi de jours de réduction de temps de travail, notion inexistante pour la catégorie des conducteurs receveurs.
Il ne peut selon elle y avoir de confusion comme l'a soutenu l'inspection du travail entre les jours de repos générés par l'article L. 212-7-1 du Code du travail et les jours RTT générés par l'article L. 2 12-9 du Code du travail qui est inapplicable.
En cet état Monsieur X... saisissait le 20 avril 2004 le Conseil des prud'hommes d'Avignon afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 3 324,53 euros au titre de jours de RTT acquis que l'employeur a refusé qu'il prenne et qu'il a imputé sur des jours de congés payés, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts au visa des dispositions de l'article 1154 du code civil. Subsidiairement il sollicitait une expertise permettant de déterminer avec précision l'attribution des jours RTT eu égard aux particularités de l'activité des transport urbains.
Par jugement du 3 mars 2006 le Conseil des prud'hommes en formation de départage rejetait les demandes aux motifs que :
Il ressort de cet accord que l'annualisation du temps de travail a été mise en place pour permettre à l'établissement de s'adapter aux fluctuations de la charge de travail en évitant pour les conducteurs receveurs notamment le recours aux heures supplémentaires.
En réalité, un salarié peut choisir de travailler sur une amplitude journalière haute (9 heures 17), en contrepartie de quoi il dispose d'un nombre de jours de repos maximum de 41 jours sur une durée de 12 semaines tandis que le salarié qui veut travailler sur une amplitude basse (7 heures 14) dispose de 29 jours de repos sur 12 semaines, ceci calculé sur la base d'un temps de travail temps plein de 33 heures 10 centième.
Douze semaines représentent 60 jours desquels il faut déduire 24 jours de repos hebdomadaires, ce qui laisse 36 jours ouvrables. Si le salarié choisit de travailler en option haute, il dispose dans le cadre du dispositif adopté de 41 jours de repos, ce qui réduit son nombre de jours travaillés et accroît le nombre des jours de repos par rapport aux jours dont il aurait dû disposer. Ce simple calcul sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans un fastidieux détail auquel l'employeur et les organisations syndicales signataires se sont prêtés, démontre que le temps de RTT a été pris en compte dans sa globalité et annualisé.
La RTT n'a pas vocation à octroyer plus de jours de congés que la loi et les conventions collectives ne le prévoient. En sorte que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve que l'accord qui a été adopté lui cause un préjudice et le prive de ses droits.
Il doit être débouté de sa demande.
Monsieur X... a relevé appel de cette décision et reprend essentiellement ses prétentions antérieures précisant que :
- pour compenser le trop travaillé sur le cycle par référence au temps de travail prévu dans l'accord de 399 h 36 minutes sur le cycle de 12 semaines, l'employeur accorde au salarié des jours de repos supplémentaires afin que ce temps de travail prévu de 399 h 36 minutes puisse être respecté sur la durée du cycle,
- ces jours de repos qui sont donc la compensation entre le temps de travail effectif sur le cycle et le temps de travail prévu dans l'accord sont acquis au salarié et ne sauraient lui être défalqués en les imputant sur des jours de congés payés qui sont dus au salarié,
- l'employeur ne saurait supprimer de son chef les congés payés acquis par le salarié et imputer sur un jour de congé payé acquis un jour de RTT, c'est-à-dire un jour de repos supplémentaire généré par la réduction du temps de travail sur la base du cycle de 12 semaines s'agissant du personnel roulant.
Il demande donc l'infirmation du jugement et d'accueillir les demandes telles que présentées en première instance.
La société demande la confirmation du jugement et le paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu qu'il résulte des stipulations de l'accord de réduction de la durée du temps de travail que la nouvelle durée du travail est fixée à 33 heures et 18 minutes par semaines ou 33 heures et 30 centièmes en moyenne sur une période ne pouvant excéder l'année et équivaut à un temps plein pour les bénéficiaires ;
Attendu que pour les conducteurs travaillant en roulement, la durée du travail effective est calculée sur un cycle de 12 semaines, soit 399 heures et 36 minutes, avec trois types de roulement générant des jours de repos dont le nombre est proportionnel à la moyenne journalière du travail, à savoir : 29 jours de repos pour une moyenne journalière de travail de 7 h 14, 35 jours de repos pour une moyenne journalière de 8 h 10, et 41 jours de repos pour une moyenne journalière de 9 h 17 ;
Attendu que lorsque, sur le cycle, le temps de travail est supérieur à 399 heures 36 minutes, l'employeur accorde alors au salarié des jours de repos supplémentaires afin de rester dans la limite de cette durée ;
Attendu que si l'employeur positionne, de son propre chef, des jours de congés payés acquis par le salarié sur les mêmes jours que ceux résultant de la mise en œuvre de la réduction du temps de travail sur la base du cycle de 12 semaines, il méconnaît les dispositions conventionnelles en neutralisant le dispositif et en augmentant la durée du temps de travail telle que stipulée par l'accord ;
Attendu que dès lors peu importe que les jours de repos issus de l'aménagement du temps de travail soient des jours ouvrables pour lesquels il soit, selon les dispositions légales, possible de prendre des congés payés ;
Attendu qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de faire droit aux demandes, le salarié ayant vu son temps de travail franchir le seuil maximum prévu ;
Attendu qu'il paraît équitable que chacune des parties supporte ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que l'employeur ne peut imputer des jours de congés payés sur les jours de repos accordés à Monsieur X... qui sont destinés à respecter la durée du travail conventionnellement fixée,
Condamne la société des Transports en Commun de la Région Avignonnaise, TCRA, à payer à Monsieur X... la somme de 3 324,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2004, date de la réception de la convocation en conciliation par l'employeur valant mise en demeure, avec capitalisation à compter de cette même date,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame SIOURILAS, Greffier, présente lors du prononcé.