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03/06/2008 | FRANCE | N°07/02218

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 03 juin 2008, 07/02218


ARRÊT N° 338



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
18 avril 2007

SARL JOLIVET

C/


X...


Y...


Z...


CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A

ARRÊT DU 03 JUIN 2008

APPELANTE :

SOCIETE JOLIVET
prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
1038 ancien Chemin de Mons
30100 ALES

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP GOUBET SANCHEZ, avocats au barreau d'ALES

INTIMÉS :

Monsieur Gilbert X...>
né le 16 Décembre 1940 à MEVERGNIES (BELGIQUE)

...

79420 MEVERGNIES (BELGIQUE)

représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de Me Bérangère BRIBES, avocat...

ARRÊT N° 338

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
18 avril 2007

SARL JOLIVET

C/

X...

Y...

Z...

CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A

ARRÊT DU 03 JUIN 2008

APPELANTE :

SOCIETE JOLIVET
prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
1038 ancien Chemin de Mons
30100 ALES

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP GOUBET SANCHEZ, avocats au barreau d'ALES

INTIMÉS :

Monsieur Gilbert X...

né le 16 Décembre 1940 à MEVERGNIES (BELGIQUE)

...

79420 MEVERGNIES (BELGIQUE)

représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de Me Bérangère BRIBES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Micheline Y... épouse X...

née le 23 Avril 1943 à MEVERGNIES (BELGIQUE)

...

79420 MEVERGNIES (BELGIQUE)

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de Me Bérangère BRIBES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur André Z...

né le 28 Mai 1949 à ALGER (ALGERIE)

...

30340 MEJANNES LES ALES

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe MAGNE, avocat au barreau d'ALES

Après que l'instruction a été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 04 Avril 2008 révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pierre BOUYSSIC, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffier lors des débats et du prononcé de la décision,

DÉBATS :

à l'audience publique du 29 Avril 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Juin 2008,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 03 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au Greffe de la Cour.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur et Madame X..., retraités de nationalité belge, ont confié à la SARL JOLIVET la réalisation de la construction d'une maison sur un terrain sis à SAINT BRES dans le GARD. Cette société leur a présenté Monsieur Z... pour établir les plans. Le permis de construire était obtenu le 28 juin 2004 mais faisait l'objet d'un recours en annulation engagé le 23 août 2004 par Madame C..., propriétaire voisine du terrain où devait être réalisée la maison. Par arrêté du 5 octobre 2004, Monsieur le Maire de SAINT BRES ordonnait l'interruption des travaux.

Les époux X... ont saisi le juge des référés qui a désigné Monsieur E... en qualité d'expert. Le rapport a été déposé le 21 novembre 2005.

Par exploit du 22 février 2006, les époux X... ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance d'ALES la Société JOLIVET et Monsieur Z... aux fins de les voir déclarer responsables de la mauvaise implantation de la maison non conforme au POS et au permis de construire, d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer la somme de 64.807,27€ outre intérêts légaux à compter de l'assignation avec capitalisation au titre de l'erreur d'implantation, la somme de 14.760€ en réparation du préjudice de jouissance et 5.000€ en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 18 avril 2007, le Tribunal de Grande Instance d'ALES a :

- mis hors de cause Monsieur Z...,

- requalifié le contrat liant les époux X... à la Société JOLIVET en contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan,

- condamné la Société JOLIVET à réparer le préjudice subi par les époux X... du fait de la mauvaise implantation de la maison,

- en conséquence, condamné la Société JOLIVET à payer aux époux X... les sommes de :

- 64.807,27€ outre intérêts légaux capitalisés depuis l'assignation,

- 14.200€ pour le préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2006 outre intérêts légaux depuis le jugement,

- 1.000€ au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société JOLIVET a régulièrement relevé appel de cette décision.

Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence, compte tenu de la révocation de la clôture et de la nouvelle prononcées à l'audience avant le déroulement des débats à la demande conjointe des parties, à leurs conclusions signifiées le :

- 21 septembre 2007 pour la Société JOLIVET,
- 4 avril 2008 pour Monsieur Z...,
- 8 avril 2008 pour les époux X....

La Société JOLIVET demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de débouter les époux X... de leurs demandes présentées à son encontre. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z... conclut à la confirmation du jugement déféré et demande condamnation des époux X... à lui payer la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X... présentent les demandes suivantes :

"Au principal ;

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Y ajoutant, condamner la Société JOLIVET à leur payer la somme de 64.807,27€ avec mise à jour sur l'indice BT 01, avec intérêt légal à compter de la date de l'assignation et ce jusqu'au parfait paiement ;

- Condamner la Société JOLIVET à leur payer la somme de 24.600€ en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- Débouter la Société JOLIVET de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la Société JOLIVET et Monsieur Z... à leur payer la somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens ;

Subsidiairement :

- Dire et juger que Monsieur Z... a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en établissant ce plan de masse sans vérifier les dispositions du plan d'occupation des sols de la Commune de SAINT BRES ;

- Dire et juger que la Société JOLIVET s'est comportée en maître d'oeuvre et doit en assumer les obligations ;

- Dire et juger que la Société JOLIVET a commis une faute en ne réalisant pas la construction en conformité avec le permis de construire ;

- Dire et juger que tant la Société JOLIVET que Monsieur Z... sont responsables des préjudices par eux subis et doivent les réparer ;

- Condamner in solidum la Société JOLIVET et Monsieur Z... à leur payer la somme de 64.807,27€ avec mise à jour sur l'indice BT 01, avec intérêt légal à compter de la date de l'assignation et ce jusqu'à parfait paiement ;

- Dire et juger que les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil à compter de la première demande contenue dans l'assignation introductive ;

- Condamner in solidum la Société JOLIVET et Monsieur Z... à leur payer la somme de 24.600€ en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- Débouter la Société JOLIVET et Monsieur Z... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- Condamner in solidum la Société JOLIVET et Monsieur Z... à leur payer la somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre les entiers dépens".

MOTIFS :

- Sur la qualification du contrat

Attendu que la Société JOLIVET conteste la requalification du contrat en contrat de construction de maison individuelle ; qu'elle soutient avoir conclu un simple contrat d'entreprise en sa qualité d'entrepreneur de gros oeuvre sans maîtrise d'oeuvre ni mission de conception ou de coordination ;

Attendu cependant qu'il résulte des pièces versées aux débats que :

- par courrier du 11 juin 2004 adressé aux époux X..., la Société JOLIVET a proposé à ces derniers des plans types de construction, un descriptif et un chiffrage des réalisations, précisant qu'elle réalisait l'habitation selon les goûts et divers choix des clients, qu'elle mettait à leur service "des équipes d'artisans et un secrétariat capable de les guider dans les démarches administratives",

- la Société JOLIVET a présenté aux époux X... Monsieur Z... pour établir les plans,

- le 15 mai 2004, la Société JOLIVET a adressé aux époux X... pour signature et accord le plan de Monsieur Z..., le devis de chaque entreprise et le devis récapitulatif de l'ensemble des travaux du marché couvrant tous les lots de la construction et pas seulement le gros oeuvre ;

Attendu que ces constatations constituent des éléments précis et concordants démontrant la maîtrise de la conclusion des marchés et de la réalisation de la construction par la Société JOLIVET caractérisant, comme à bon droit retenu par le Tribunal, un contrat de construction de maison individuelle soumis aux dispositions des articles L. 231-1 et suivants du Code de la Construction et de l'Habitation, qu'en effet la Société JOLIVET, loin de limiter son intervention à une partie des travaux, a présenté aux époux X... Monsieur Z... pour établir les plans de la maison sur la base de plans types par elle proposés ; qu'elle a fait établir les devis de tous les corps de métiers choisis par elle joints au devis global de construction qu'elle a chiffré et présenté aux clients pour approbation sans relation de ces derniers avec les entreprises ; que la Société JOLIVET s'est volontairement abstenue de signer un contrat de construction de maison individuelle et a délibérément méconnu les dispositions légales protectrices des droits du maître de l'ouvrage en vertu desquelles notamment des garanties de remboursement et de livraison doivent être fournies par le constructeur ;

Attendu que la requalification du contrat conclu entre la Société JOLIVET et les époux X... en contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan sera confirmée ;

- Sur l'erreur d'implantation et les responsables :

Attendu que l'expert judiciaire a, après avoir visité les lieux, examiné les documents et notamment le plan de masse annexé au permis de construire, le plan de zonage du POS et demandé un relevé topographique effectué le 29 juin 2005 par la SCP ALARCON et LARGUIER, constaté un large empiètement de l'ordre de 70% de l'emprise de la maison litigieuse sur la zone non constructible du POS ;

Attendu que comme à juste titre énoncé par le Tribunal, le constructeur de maison individuelle doit fournir un immeuble exempt de vice ; que la Société JOLIVET ne peut, pour les motifs précédemment exposés, se prévaloir de sa qualité de simple entrepreneur ; qu'elle ne peut davantage invoquer la demande du maître de l'ouvrage de reculer l'implantation de la maison alors que dans le courrier du 10 juillet 2004 adressé à la Société JOLIVET par fax, les époux X... demandaient un recul "selon les possibilités" et qu'ils s'en remettaient donc au constructeur pour déterminer si cette modification était ou non réalisable au regard des règles d'urbanisme ; que la Société JOLIVET s'est abstenue de procéder à toute vérification au regard des règles du POS contrairement aux obligations incombant à un constructeur de maison individuelle normalement diligent ; que la Société JOLIVET n'établit pas qu'après réponse négative ou réserve de sa part, le maître de l'ouvrage a exigé ce recul ni que par souci d'économie il a refusé le concours d'un architecte ; qu'en effet les époux X... se sont vu proposer par la Société JOLIVET l'ensemble des missions et services attachés à la construction sans que le recours à un architecte ne leur soit conseillé ;

Attendu que le Tribunal a donc à bon droit retenu la responsabilité de la Société JOLIVET pour le vice affectant la construction non conforme au POS ;

Attendu que Monsieur Z..., dessinateur, a établi le plan de masse et constitué le dossier du permis de construire des époux X... ; que sa facture s'élevant à 358€ TTC mentionne une simple mission d'assistance au dossier du permis de construire ; que le plan de masse établi par Monsieur Z... ne porte aucune cote précise et n'a pu servir à l'implantation de la construction ; qu'en outre, il mentionne une distance de deux mètres à respecter entre la construction et la zone non aedificandi ; que le Tribunal a exactement relevé que cette distance devait être respectée quelle que soit l'implantation de la maison ; que le permis de construire a été accordé ; que l'arrêté portant ordre d'interruption des travaux vise expressément l'implantation de la construction dans une zone naturelle à protéger "au lieu de la zone urbaine prévue dans la demande de permis de construire" ; que l'implantation de la maison a été modifiée par rapport au permis de construire sans que Monsieur Z... ne soit à l'origine de cette modification ; qu'en outre, il n'est pas démontré que Monsieur Z... a fourni l'extrait cadastral initial ; que comme précédemment explicité, la Société JOLIVET a accédé à la demande du recul de l'implantation de la maison sans vérifier sa conformité au POS ni conseiller le maître de l'ouvrage sur ce point alors qu'elle avait connaissance de la situation particulière du terrain dont une partie était en zone inconstructible et alors que la construction devait être conforme aux règles d'urbanisme ; qu'un procès-verbal d'infraction a été établi à l'encontre des époux X... pour le non-respect du POS ; que le plan établi par la SCP ALARCON LARGUIER le 22 juin 2004, après le dépôt de la demande de permis de construire, est affecté d'erreur sur la zone constructible dont il implante une limite erronée ; que toutefois cette société n'est pas dans la cause ;

Attendu que c'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que le Tribunal a mis hors de cause Monsieur Z... qui n'est pas à l'origine de l'implantation de la maison ;

- Sur le préjudice :

Attendu que le vice affectant la construction implantée à 70% sur une zone non constructible doit être réparé ; que le préjudice est certain et résulte de l'obligation de réimplanter la maison en conformité avec le POS ; que le coût total des travaux a exactement été apprécié par le Tribunal sur la base des chiffrages proposés par l'expert judiciaire et non contestés ; qu'il n'y a pas lieu à revalorisation compte tenu des montants retenus et des prix du marché ;

Attendu que les travaux sont interrompus depuis le 5 octobre 2004, date de l'arrêté portant ordre d'interruption ; que la construction aurait normalement dû être terminée en fin d'année 2004 ; que l'indemnité allouée par le Tribunal en réparation du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2006 doit être augmentée pour tenir compte du dommage subi depuis le jugement déféré ; qu'il sera alloué de ce chef à Monsieur et Madame X... la somme globale de 20.000€ ;

Attendu que l'équité justifie d'allouer aux époux X... la somme supplémentaire de 1.500€ en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Z... les frais irrépétibles par lui exposés ;

Attendu que la Société JOLIVET succombe en son recours et supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Dit l'appel régulier et recevable en la forme mais mal fondé ;
Confirme le jugement déféré sauf à porter à 20.000€ le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice de jouissance subi par les époux X... ;

Y ajoutant ;

Condamne la Société JOLIVET à payer aux époux X... la somme supplémentaire de 1.500€ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Monsieur Z... ;

Condamne la Société JOLIVET aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS et de la SCP CURAT-JARRICOT, avoués, sur leurs affirmations de droit ;

Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président, et par Mme VILLALBA, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 07/02218
Date de la décision : 03/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Alès


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-03;07.02218 ?
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