ARRÊT N° 345
R. G. : 05 / 04133
TGI D'AVIGNON
13 septembre 2005
X...
C /
D...
Y...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre B
ARRÊT DU 03 JUIN 2008
APPELANT :
Monsieur Vincent X...
né le 03 Janvier 1949 à MARSEILLE (13000)
...
représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assisté de Me PESTEL-DEBORD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES :
Maître Jean-Michel D...
Avoué près la Cour d'Appel d'Aix en Provence
...
représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de la SELARL LEROY, avocats au barreau D'AVIGNON
Maître Pierre Yves Y...
Avoué près la Cour d'Appel d'Aix en Provence
...
représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de la SELARL LEROY, avocats au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 07 Mars 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président
Mme Muriel POLLEZ, Conseillère
Mme Isabelle THERY, Conseillère
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 31 Mars 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Juin 2008.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 03 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 6 octobre 2005 par Vincent X... à l'encontre du jugement prononcé le 13 septembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance d'Avignon.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 3 mars 2008 par l'appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 13 février 2008 par Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y..., intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 7 mars 2008.
* * *
Suivant promesse synallagmatique sous seing privé non datée, mais que les parties reconnaissent avoir signée le 19 décembre 2002, Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y..., membres de la s. c. p. d'avoués « D... & Y... » constituée entre eux auprès de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, se sont engagés à céder à Vincent X... respectivement 825 et 175 parts sociales de ladite société en contrepartie du paiement d'un prix total de 457. 350 euros (soit 457, 35 euros la part sociale), au plus tard le 31 janvier 2004 et sous les conditions suspensives suivantes :
- d'une part, l'obtention par le cessionnaire d'un emprunt bancaire pour le financement du montant intégral du prix d'acquisition augmenté des frais,
- d'autre part, la nomination de Vincent X... en qualité d'avoué par décret du Ministre de la Justice.
Vincent X... a fait assigner Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... en dommages et intérêts, pour inexécution de la convention, devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon qui, par jugement du 13 septembre 2005, l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer aux défendeurs 1 euro de dommages et intérêts et 2. 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vincent X... a relevé appel de ce jugement pour voir condamner Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... à lui payer 150. 000 euros de dommages et intérêts et 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Au cas où la Cour serait amenée à ordonner une expertise avant-dire droit sur son préjudice, il sollicite une indemnité provisionnelle de 50. 000 euros.
Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... concluent à la confirmation du jugement, sauf sur leur appel incident à élever à 30. 000 euros, pour chacun d'eux, l'indemnité mise à la charge de Vincent X..., et à 10. 000 euros la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la demande principale :
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats de part et d'autre :
- que Vincent X... exerçait au barreau d'Aix-en-Provence la profession d'avocat au sein de la société professionnelle constituée avec Jean-Marc E..., lorsqu'ils ont décidé de mettre fin à leur association en raison de nouveaux projets professionnels de Jean-Marc E... ;
- que Vincent X... s'est alors inscrit le 15 novembre 2002 au registre du stage de la Compagnie des avoués d'Aix-en-Provence et a contracté la promesse du 19 décembre 2002 dans la perspective d'une reconversion dans la profession d'avoué ;
- qu'ayant obtenu le 12 mars 2003 l'autorisation du Procureur Général de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence d'effectuer un stage limité à une durée de 6 mois, Vincent X..., se présentant comme effectuant son stage depuis le mois de novembre 2002 au sein de l'étude « D... & Y... », demandait le 27 mars 2003 à la chambre nationale des avoués son inscription pour l'épreuve orale portant sur la « gestion d'une étude d'avoué » réservée aux personnes dispensées de l'examen professionnel, épreuve qu'il passait avec succès le 23 mai 2003 ;
- que par lettre du 10 juin 2003, l'un des avoués signataires de la promesse demandait à Vincent X... d'effectuer un stage effectif et de renoncer à ses activités au sein de l'association « MUNDI AVOCAT » ;
- que par lettre du 25 septembre 2003 la chambre des avoués près la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence rappelait à Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... que l'admission du dossier de candidature de Vincent X... à l'exercice de la profession était subordonnée :
· à l'accomplissement d'un stage effectif à temps complet et rémunéré de façon salariale,
· à ce que l'aspirant aux fonctions d'avoué se démette de tous mandats et fonctions au sein de quelque organisme que ce soit qui seraient incompatibles avec les règles déontologiques et plus particulièrement cesse toute fonction au sein de l'association « MUNDI AVOCAT » ;
- que Vincent X... n'ayant pas accédé à la profession d'avoué à la date butoir prévue, la promesse de cession est devenue caduque ;
- que Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... ont alors cédé leurs parts sociales à Françoise F... épouse G... suivant deux actes du 24 mai 2004, enregistrés le 26 mai 2004 ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, Vincent X... impute cette caducité de la convention à l'inexécution de bonne foi des obligations souscrites, selon lui, par Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y..., en l'empêchant de valider son stage et en mettant fin à leurs relations à partir du mois d'octobre 2003, sans lui avoir proposé une rémunération et sans lui laisser le temps de démissionner de ses fonctions de Président de l'association « MUNDI AVOCAT ».
Attendu qu'en effet, sous couvert de grief de rupture unilatérale de la promesse de cession de parts sociales, il apparaît que Vincent X... reproche en réalité à ses cocontractants de ne pas lui avoir permis de faire valider le stage préalable à l'accession de la profession d'avoué ;
Attendu que Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... soutiennent en réponse que l'inexécution de la condition est imputable au seul comportement de Vincent X... qui a cherché à se dispenser d'un stage effectif ;
Attendu qu'il convient de relever en premier lieu :
- que ni Jean-Michel D..., ni Pierre-Yves Y..., n'ont souscrit dans le cadre de la promesse du 19 décembre 2002 l'obligation personnelle de prendre Vincent X... en stage ;
- qu'aucune convention de stage n'a été davantage signée entre Vincent X... et la société professionnelle d'avoués « D... & Y... » qui en tout état de cause n'est pas partie à l'instance ;
- que si les intimés admettent implicitement que Vincent X... devait effectuer son stage au sein de l'étude, ils contestent le caractère effectif de ce stage ;
Attendu que pour établir la réalité de l'exécution du stage au sein de la société professionnelle d'avoués « D... & Y... », Vincent X..., fait état des pièces réunies dans son dossier de candidature à la profession d'avoué et des attestations délivrées :
- les 11 janvier et 8 février 2007 par Jean-Marc E..., avocat,
- le 12 février 2007 par Agnès H... épouse I..., avoué,
- le 19 avril 2005 par Valérie J..., avocat ;
Attendu que si Jean-Marc E... affirme que son associé se rendait quotidiennement à l'étude « D... & Y... » pour y effectuer son stage selon les modalités convenues avec ses futurs associés, il ne résulte pas de son attestation qu'il aurait personnellement constaté l'accomplissement d'actes pour le compte des avoués, ni qu'il aurait une connaissance personnelle des « modalités » du prétendu stage, même s'il a été en mesure de constater la baisse d'activité dans ses fonctions d'avocat qu'il continuait d'exercer dans cette période, de sorte que ce témoignage doit être écarté comme non probant ;
Attendu que Valérie J... indique pour sa part avoir collaboré pendant deux mois et demi avec l'étude « D... & Y... » pendant les mois de septembre, octobre et novembre 2003 et avoir constaté la présence quotidienne de Vincent X... qui participait à la vie de l'étude en assurant les audiences et dictant des courriers, mais avoir constaté à la fin du mois d'octobre un changement de comportement à son égard de Pierre-Yves Y... qui ne lui adressait plus la parole, ni ne lui confiait de dossier ;
Mais attendu que cette attestation ne contredit pas utilement les attestations délivrées par les différents membres du personnel de l'étude et desquelles il résulte que de novembre 2002 à septembre 2003, Vincent X... se rendait irrégulièrement à l'étude, de sorte qu'il ne peut se déduire de cette attitude la démonstration d'un rapport de subordination caractérisant le statut de stagiaire, d'autant que l'intéressé continuait à exercer sa profession d'avocat ;
Et attendu que si à partir du mois de septembre 2003 la présence régulière de Vincent X... au sein de l'étude d'avoués est avérée par le témoignage de Valérie J..., il ne se déduit pas pour autant de ce témoignage que Vincent X... aurait renoncé à ses autres attributions incompatibles avec une convention de stage ;
Attendu qu'Agnès H... épouse I... témoigne de son coté que Vincent X... a assuré pour le compte de l'étude « D... & Y... » les appels des causes des audiences de différentes chambres de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence au cours des mois de juin et de septembre 2003 ;
Mais attendu que ce témoignage ne fait que confirmer l'absence d'activité de Vincent X... au sein de l'étude « D... & Y... » en dehors de ces mois de juin et septembre 2003 ;
Or attendu que pour passer l'épreuve orale du 23 mai 2003, Vincent X... a affirmé qu'il effectuait son stage au sein de l'étude « D... & Y... » depuis le 15 novembre 2002, alors qu'aucun élément ne permet de retenir une activité effective au sein de cette étude avant que les intimés ne lui rappellent le 10 juin 2003 la nécessité d'un stage effectif à temps complet pour accéder à la profession, en lui précisant que cela impliquait qu'il renonce à ses autres activités incompatibles avec ce stage ;
Attendu qu'il se déduit de cette circonstance que Vincent X... a cherché à s'affranchir de l'accomplissement du stage pour accéder à la profession ;
Et attendu que malgré l'intervention du Président de la Chambre des avoués de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, Vincent X... ne justifie pas qu'il se serait mis en situation d'effectuer le stage litigieux, en renonçant notamment à son mandat de Président de l'association « MUNDI AVOCAT », de sorte qu'il ne fait pas la démonstration que la non réalisation de la condition relative à sa nomination d'avoué aurait été empêchée par les intimés ;
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Vincent X... de sa demande principale ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu que si Vincent X... échoue dans son action, il n'en résulte pas pour autant la démonstration qu'il aurait été animé en fait par une intention de nuire susceptible de faire dégénérer cette action en abus de droit, de sorte que le jugement sera réformé en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle et les intimés seront déboutés de ce chef ;
Sur les frais de l'instance :
Attendu que Vincent X... qui succombe sur le principal, devra supporter les dépens de l'instance et payer à Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... pris conjointement une somme complémentaire équitablement arbitrée à 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit les appels en la forme.
Au fond,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Vincent X... de ses demandes et a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Mais l'infirmant pour le surplus,
Déboute Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y... de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Et y ajoutant,
Dit que Vincent X... supportera les dépens d'appel et payera à Jean-Michel D... et Pierre-Yves Y..., pris ensemble, une somme complémentaire de 1. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que la SCP d'avoués GUIZARD / SERVAIS pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Monsieur FILHOUSE, président, et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors de son prononcé.