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05/03/2008 | FRANCE | N°06/02100

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 05 mars 2008, 06/02100


R. G : 06 / 02100

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D' AVIGNON
04 mai 2006

CPAM VAUCLUSE (84)
Mr LE DIRECTEUR DRASS MARSEILLE

C /

Consorts Y...


MONSIEUR LE DIRECTEUR ELECTRICITE ET GAZ DE FRANCE
F. I. V. A.
CNIEG

COUR D' APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MARS 2008

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCES MALADIES DE VAUCLUSE (84)
7 Rue François 1er
84043 AVIGNON CEDEX 9

représentée par Madame Denise ASTAUD dûment munie d' un pouvoir régulier

INTIM

ÉS :

Madame Marcelle Y... née Z...


...


...


Madame Rolande Y... épouse A...


...


...


...


Monsieur Christian Y...


...


...


Mad...

R. G : 06 / 02100

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D' AVIGNON
04 mai 2006

CPAM VAUCLUSE (84)
Mr LE DIRECTEUR DRASS MARSEILLE

C /

Consorts Y...

MONSIEUR LE DIRECTEUR ELECTRICITE ET GAZ DE FRANCE
F. I. V. A.
CNIEG

COUR D' APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MARS 2008

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCES MALADIES DE VAUCLUSE (84)
7 Rue François 1er
84043 AVIGNON CEDEX 9

représentée par Madame Denise ASTAUD dûment munie d' un pouvoir régulier

INTIMÉS :

Madame Marcelle Y... née Z...

...

...

Madame Rolande Y... épouse A...

...

...

...

Monsieur Christian Y...

...

...

Madame Nicole Y... épouse C...

...

...

Monsieur Michel Y...

...

...

représentéS par Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS substitué par Me MOEHRING, avocat

Société Anonyme ELECTRICITE DE FRANCE (EDF)
22 / 30 Rue de Wagram
75008 PARIS 08

représenté par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de Paris

CAISSE NATIONALE D' INDUSTRIE ELECTRICITE ET GAZIERES
20 Rue des Français Libres
BP 80415
44204 NANTES CEDEX 2

représentée par Me BOUE, avocat au barreau de Nantes substituée par Me MARTIN, avocat au barreau de Nantes

APPELÉS EN CAUSE :

DRASS MARSEILLE
23, 25 Rue Borde
13285 MARSEILLE CEDEX

non comparante, non représentée

FOND D' INDEMNISATION DES VICTIMES DE L' AMIANTE
64 Rue de France
94682 VINCENNES CEDEX

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, et Monsieur LERNOULD, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l' article 945- 1 du Code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Ils en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller

GREFFIER :

Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l' audience publique du 23 Octobre 2007, où l' affaire a été mise en délibéré au 09 Janvier 2008, successivement prorogée au 05 Mars 2008,

ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 05 Mars 2008,

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

François Y... était né le 30 mai 1922 et avait travaillé d' abord en qualité d' électricien de 1949 à 1961 au service de la société nord africaine d' électricité de gaz et d' eau à Sfax.

Il était ensuite embauché par l' établissement public Electricité de France, où il exerçait au sein de la centrale thermique d' Arjunanx, les fonctions de chef d' équipe et électricien de 1961 à 1964, d' ouvrier professionnel électricien de 1964 à 1965, puis de technicien d' entretien électricité de 1965 à 1968.

Après son décès survenu le 24 avril 1973 d' un mésothéliome pleural, sa veuve Marcelle Z... effectuait une déclaration de maladie professionnelle, laquelle était reconnue par une décision de la CPAM du Vaucluse avec effet au 20 janvier 1999.

Le service IEG Pensions, intégré à l' établissement EDF, lui attribuait alors une rente au conjoint survivant.

Aucune conciliation n' ayant abouti dans le cadre de l' action en reconnaissance de la faute inexcusable de l' employeur, tant la veuve que les enfants du défunt, invoquant l' article 40 de la loi du 23 décembre 1998, saisissaient par lettre datée du 24 décembre 2003 le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse.

En cours d' instance étaient mises en cause la Caisse Primaire d' Assurance Maladie et la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières.

Par jugement du 18 avril 2005 le tribunal :

- déclarait inopposable à la société EDF la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie,

- déclarait recevable la demande présentée par les consorts Y... en application de l' article 40 de la loi du 23 décembre 1998,

- déclarait que la maladie professionnelle était la cause du décès et était due à la faute inexcusable de son employeur,

- fixait au maximum la majoration de la rente due au conjoint survivant à compter du 29 Décembre 2003, date de la demande,

- rejetait la demande d' expertise médicale,

- fixait le montant des sommes dues aux ayants droit au titre de l' action successorale (préjudices personnels soufferts avant le décès),

préjudice causé par les souffrances physiques : 30. 000 euros
préjudice moral : 10. 000 euros
préjudice d' agrément : 15. 000 euros

- fixait la réparation du préjudice moral subi par les consorts Y... pour :

Madame Z... veuve Y... à 30. 000 euros
Madame Rolande Y... épouse A... à 14. 000 euros
Monsieur Christian Y... à 14. 000 euros
Madame Nicole Y... épouse C... à 14. 000 euros
Monsieur Michel Y... à 23. 000 euros

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- prononçait la mise hors de cause de la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières,

- décidait que le montant des majorations de rentes et indemnités ainsi allouées serait supporté par la branche Accidents du Travail Maladies Professionnelles du régime général de la sécurité sociale et seraient inscrites au compte spécial prévu par l' article D 242- 6- 4 du code de la sécurité sociale,

- rejetait la demande présentée par les consorts Y... sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile,

- ordonnait l' exécution provisoire du jugement.

La CPAM du Vaucluse a régulièrement relevé appel de cette décision et ne discute que du point de savoir quel est l' organisme qui doit prendre en charge le paiement des indemnités ordonnées à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable.

Elle soutient que :

- si elle est intervenue au stade de la reconnaissance de l' accident de travail, sa décision de ce chef n' a pas pour effet de modifier les relations juridiques existantes entre le régime général et le régime spécial des industries électriques et gazières,

- ainsi ces industries ne cotisant, par voie d' exception, au régime général que pour les prestations en nature, et non pour les prestations en espèces, ces dernières ne peuvent, en aucun cas, être supportées par le régime général,

- dans le présent litige les sommes versées aux consorts Y... ne relevant pas de prestations en nature, elles ne peuvent pas être mises à la charge du régime général et par voie de conséquence être imputées au compte spécial.

Elle demande donc sa mise hors de cause et la condamnation de la CNIEG à lui rembourser toutes les sommes avancées en exécution du jugement déféré assorti de l' exécution provisoire
La société EDF, venant aux droits de l' ancien établissement public, demande, en invoquant la loi du 9 août 2004, le décret du 10 décembre 2004, l' article 40 de la loi no 98- 1194 du 23 décembre 1998, et l' arrêté du 16 octobre 1995, de :

- constater que le caractère professionnel de la maladie de feu François Y... a été décidé par la Caisse Primaire d' Assurance Maladie, en sa qualité de régime général de sécurité sociale,

- à titre principal, mettre la charge des indemnisations ordonnées au compte spécial de la branche accidents du travail / maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale,

- en conséquence, condamner la CPAM du Vaucluse à supporter la charge définitive des indemnités allouées par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale aux consorts Y....

- subsidiairement constater que François Y... a fait l' objet d' une multi- exposition au risque de la maladie successivement dans plusieurs établissements d' entreprises différentes, sans qu' il soit possible de déterminer celle dans laquelle l' exposition au risque a provoqué la maladie,

- en conséquence dire et juger qu' en application des dispositions de l' article 2 de l' arrêté du 16 octobre 1995, la charge des indemnisations ordonnées sera supportée par le compte spécial de la branche accidents du travail / maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale,

Enfin elle sollicite la somme de 2. 000 euros au titre de l' article 700 du Code de procédure civile.

La Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières, dite CNIEG, demande :

- à titre principal sa mise hors de cause,

- à titre subsidiaire en cas de maintien en la cause de dire que l' action intentée en application de l' article 40 de la loi de 1998 ne peut concerner des prestations, indemnités et rentes dues pour une période antérieure au dépôt de la requête soit le 24 décembre 2003,

- à titre infiniment subsidiaire sur le quantum des préjudices des consorts Y..., la mise en oeuvre d' une expertise, et si la Cour s' estimait suffisamment informée elle s' en remet à justice.

Les consorts Y... concluent à la confirmation de la décision déférée en ce qu' elle a :

- retenu la recevabilité de leur action,

- jugé que la maladie professionnelle dont était décédé leur époux et père était due à la faute inexcusable de son employeur,

- ordonné la majoration maximale de la rente allouée au conjoint survivant,

- évalué les différents chefs de préjudice.

Ils s' en rapportent à la sagesse de la Cour concernant le problème d' affectation des dépenses liées à la maladie professionnelle et à la faute inexcusable de l' employeur.

Enfin ils demandent la condamnation de la société EDF à leur payer la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l' application en la cause des dispositions de l' article 40 de la loi 98- 1194 du 23 décembre 1998

Attendu que cet article 40, pour ce qui concerne le présent litige, est ainsi rédigé :

II.- Par dérogation aux dispositions des articles L. 431- 2 et L. 461- 5 du code de la sécurité sociale, les droits aux prestations, indemnités et majorations prévus par les dispositions du livre IV dudit code et par les dispositions du chapitre Ier du titre V du livre VII du code rural, y compris en cas de faute inexcusable de l' employeur, au profit des victimes d' affections professionnelles consécutives à l' inhalation de poussières d' amiante ou provoquées par elles, et ceux de leurs ayants droit, sont rouverts dès lors qu' ils ont fait l' objet d' une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d' entrée en vigueur de la présente loi.

III.- Les droits qui résultent des dispositions du II prennent effet de la date du dépôt de la demande sans que les prestations, indemnités et rentes puissent avoir un effet antérieur au dépôt de celle- ci.
Ces prestations, indemnités et rentes se substituent pour l' avenir aux autres avantages accordés à la victime pour la même maladie au titre des assurances sociales. En outre, il sera tenu compte, dans les conditions fixées par le décret en Conseil d' Etat pris pour l' application de l' article
L. 461- 2 du code de la sécurité sociale, des réparations accordées au titre du droit commun.

IV.- La branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune pour ce qui la concerne, la charge imputable aux II et III du présent article, selon des modalités fixées par décret.

a / analyse des débats parlementaires

Attendu que les retranscriptions des délibérations de la commission parlementaire de l' Assemblée Nationale qui a examiné le rapport au cours de sa réunion du mardi 20 octobre 1998 mentionnent :

Pour la reconnaissance des maladies professionnelles liées à l' amiante, les deux tableaux correspondants (no 30 pour les affections professionnelles et no 30 bis pour les cancers broncho- pulmonaires) ont été réformés par le décret no 96- 455 du 22 mai 1996 dans le sens d' un assouplissement significatif des conditions de reconnaissance du caractère professionnel des maladies consécutives à l' inhalation de poussières d' amiante. Le délai de prise en charge a été porté de 10 à 20 ans pour l' asbestose et les lésions pleurales bénignes, de 15 à 40 ans pour le mésothéliome et de 15 à 35 ans pour le cancer broncho- pulmonaire primitif. De même, les travaux devant avoir été accomplis sont cernés plus précisément et intègrent à la fois les métiers de la transformation des matériaux et ceux de la maintenance. Au total, de 1992 à 1996, 3 862 maladies professionnelles causées par l' amiante ont été reconnues par la CNAMTS, le nombre de cas par an étant en augmentation chaque année.

Le rapport du professeur Claude F... rappelle que nombre de victimes de l' amiante ont été déboutées de leur droit légitime à réparation du fait de l' application des règles de prescription. Par méconnaissance du lien entre leur maladie et leur activité professionnelle, elles avaient en effet déposé tardivement leur déclaration par rapport à la date où le diagnostic de leur affection avait été fait. Il apparaît donc équitable de permettre aux victimes de l' amiante de présenter une demande pour récupérer leurs droits aux prestations prévues par la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Le II du présent article lève la forclusion pour les assurés du régime général et du régime des salariés agricoles victimes d' affections professionnelles consécutives à l' inhalation de poussières d' amiante ou provoquées par elles, dès lors qu' une constatation médicale a été faite. Les personnes concernées recouvreront leurs droits aux prestations, aux rentes, au placement, à la rééducation professionnelle et à l' accès à leur dossier.

Cette dérogation exceptionnelle aux règles fixées par les articles L. 431- 2 et L. 461- 5 du code de la sécurité sociale est encadrée dans certains délais. Il faut que la première constatation médicale de la maladie soit intervenue entre la date de création de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, le 1er janvier 1947, et la date d' entrée en vigueur de la présente loi de financement de la sécurité sociale. Le III limite également à un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi la possibilité pour les victimes et leurs ayants droit de déposer leur demande.

Les prestations qui pourront être accordées sur la base de cette demande ne pourront pas avoir effet rétroactif, c' est- à- dire qu' il n' y aura pas de rattrapage pour la période antérieure au dépôt de la nouvelle demande. Elles se substitueront également pour l' avenir aux autres avantages qui auront déjà pu être accordés à la victime pour la même maladie au titre des assurances sociales ou du droit commun, notamment en cas de faute intentionnelle de l' employeur. Ces avantages seront évalués et revalorisés dans les mêmes conditions que pour les révisions des tableaux des maladies professionnelles, fixées par l' avant- dernier alinéa de l' article L. 461- 2 et le cinquième alinéa de l' article R. 413- 1 du code de la sécurité sociale.

Le IV du présent article renvoie à un décret simple le soin de fixer les modalités de financement, par la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, de la charge correspondante. Les dépenses engagées par les caisses d' assurance maladie en vertu de la réouverture des droits réalisée par le présent article pour les victimes de l' amiante ne seront pas comprises dans la valeur du risque propre d' une entreprise ou d' un établissement servant au calcul de sa cotisation, mais figureront au compte spécial prévu au septième alinéa de l' article D. 242- 6- 3 du code de la sécurité sociale. Par mesure de solidarité, toutes les entreprises seront donc sollicitées financièrement.

Attendu qu' il résulte des comptes rendus analytiques des débats devant cette Chambre le vendredi 30 octobre 1998 que le Secrétaire d' Etat déclarait :

Quant aux amendements 281 et 282 du Gouvernement, ils tendent à rouvrir la prescription biennale, afin que les victimes qui n' ont pu être prises en charge en raison des règles antérieures de prescription aient droit désormais à toutes les prestations qui sont à la charge de la branche. Il n' était toutefois pas possible, pour des raisons constitutionnelles tenant à la stabilité des situations juridiques, d' exiger de chaque employeur qu' il prenne en charge les conséquences financières éventuelles de cette réouverture de la prescription. Les dépenses qui en résultent seront donc mutualisées au niveau de la branche, par affectation au compte spécial prévu par l' article D. 242- 6- 3 du code de la sécurité sociale pour le régime général et par la majoration forfaitaire prévue à l' article 2 B du décret du 8 juin 1973 pour le régime des salariés agricoles.

Attendu que, de son côté, le rapporteur de la commission compétente du Sénat écrivait :

L' article 30 de la loi no96- 1160 du 27 décembre 1996 avait institué une commission présidée par M. Alain I..., conseiller maître à la Cour des comptes. Son rapport, rendu en octobre 1997, avait notamment souligné le caractère inéquitable des dispositions du code de la sécurité sociale en matière de prescription de la déclaration de maladie professionnelle. Pour des maladies dont le délai de latence est important ou dont l' étiologie est complexe, le délai de deux ans est fréquemment dépassé. Par ailleurs, les malades sont souvent trop tardivement informés de l' origine professionnelle de leur maladie.

Une lettre de mission datée du 24 décembre 1997 et signée par Mme Martine G... et M. Bernard H..., a confié un rapport à M. le professeur Claude F.... Ce rapport a été rendu dans sa forme définitive le 29 juillet 1998. L' un des cinq objectifs définis par M. F... est de redéfinir les délais de prescription des droits de la victime. Cet objectif trouve sa traduction législative au paragraphe I de l' article 31.

La nouvelle règle instaurée est plus favorable aux victimes, qui auront davantage de temps pour demander la reconnaissance de leurs droits à réparation. Le coût est estimé pour 1999 à 150 millions de francs de dépenses supplémentaires.

S' agissant des affections liées à l' amiante, le rapport F... a rappelé qu' un grand nombre de victimes, ignorant le lien entre leur maladie et leur activité professionnelle, avaient déposé tardivement leur déclaration. Les dispositions proposées par le Gouvernement permettent de lever la forclusion. Les dépenses ne seront pas mises au compte individuel de l' employeur. Les excédents de la branche accidents du travail, via un compte spécial, seront utilisés, selon des modalités fixées par décrets. Le coût est estimé pour 1999 à plus de 100 millions de francs. Il est à noter que si ces nouvelles dispositions représentent des dépenses supplémentaires pour la branche accidents du travail, elles devraient également se traduire par une certaine économie. En effet, la branche accidents du travail a versé 809, 9 millions de francs en 1998 à la branche maladie, après un versement forfaitaire de 1 milliard de francs en 1997, compensant les charges indues supportées par la branche maladie du fait d' une sous- estimation des maladies professionnelles. Ce versement, estimé à 921 millions de francs pour 1999 devrait logiquement voir son montant se réduire.

Votre commission ne considère pas que la présence d' excédents au sein d' une branche doit conduire automatiquement à des dépenses nouvelles. Elle estime cependant que ces nouvelles dispositions répondent à des demandes depuis longtemps exprimées et permettront une meilleure prise en charge de cas particulièrement douloureux.

Votre commission vous propose l' adoption sans modification de cet article.

Attendu qu' il résulte des explications en séance du rapporteur au Sénat que le dispositif proposé avait pour objectif :

Le 2o du paragraphe I prévoit un nouveau point de départ : le délai de prescription (article L. 461- 5) ne court plus à compter du jour de la cessation de travail (date de la première constatation médicale), mais à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Les maladies professionnelles sont en principe inscrites et définies avec précision dans des tableaux annexés à l' article R. 461- 3 du code de la sécurité sociale. Le 1o du paragraphe I modifie par coordination le dernier alinéa de l' article L. 461- 2, afin de garantir que la première constatation médicale intervient toujours pendant le délai normal d' incubation de la maladie prévu par les tableaux, à savoir le délai de prise en charge. L' article D. 461- 7 définit la date de la première constatation médicale comme celle reconnaissant l' existence de l' une des affectations figurant dans les tableaux (sans établir forcément de lien entre l' activité et la maladie).

Le paragraphe II vise à déroger aux dispositions des articles L. 431- 5 et L. 461- 5 du code de la sécurité sociale, pour rouvrir les droits à réparation des victimes d' affections professionnelles consécutives à l' inhalation de poussières d' amiante ou provoquées par elles. Il suffit d' une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d' entrée en vigueur du présent projet de loi.

Le paragraphe III précise que les victimes ou leurs ayants droit ont deux ans pour demander le bénéfice de ce dispositif dérogatoire. Les prestations, indemnités et rentes prennent effet à compter de la date du dépôt de la demande. Elles se substituent pour l' avenir aux autres avantages accordés à la victime pour la même maladie au titre des assurances sociales. Un décret en Conseil d' Etat tiendra compte des réparations accordées au titre du droit commun.

Le paragraphe IV indique que les modalités de financement de cette amélioration de conditions de prises en charge des maladies professionnelles par la branche accidents du travail et maladies professionnelles sont fixées par décret.

Attendu qu' enfin le gouvernement a apporté la précision suivante lors de la discussion en séance :

Les dépenses qui en résultent seront donc mutualisées au niveau de la branche, par affectation au compte spécial prévu par l' article D. 242- 6- 3 du code de la sécurité sociale pour le régime général et par la majoration forfaitaire prévue à l' article 2 B du décret du 8 juin 1973 pour le régime des salariés agricoles.

b / portée de la loi

Attendu qu' il résulte des précisions ci dessus que les conditions exigées pour la reconnaissance de la maladie professionnelle ne sont pas modifiées, seule la condition relative à l' ouverture des droits étant temporairement autorisée ;

Attendu que par ailleurs, en ce qui concerne les conditions d' affiliation, les débats ne font uniquement référence qu' à la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale et à celle du régime des salariés agricoles, et le dispositif n' est pas étendu aux autres régimes de sécurité sociale ;

Attendu qu' ainsi il se déduit de l' ensemble de ces éléments d' appréciation que :

- la réouverture des droits a eu pour finalité d' accorder aux salariés du régime général de sécurité sociale et du régime des salariés agricoles une nouvelle amélioration en surmontant l' obstacle de la prescription, étant observé que l' article 22 du statut du décret 46- 1541 du 22 juin 1946 des agents EDF dispose que l' agent statutaire victime d' un accident de travail ou atteint d' une maladie professionnelle conserve son salaire ou traitement intégral jusqu' à la consolidation de sa blessure ou jusqu' à sa guérison, ces dispositions assurant déjà, pour les salariés des industries électriques et gazières, une réparation plus complète, objectif recherché par la loi de 1998 pour des salariés qui en étaient dépourvus,

- pour assurer le financement de cette amélioration temporairement ouverte, il a été fait utilisation d' un excédent financier de la branche accidents de travail du régime général, à laquelle ne contribuent pas les industries électriques et gazières sauf pour les indemnités en nature mais selon des modalités particulières sans référence, comme pour le droit commun, à la valeur du risque propre d' une entreprise,

- les textes précités, tels que formulés, ne dérogent d' une part ni aux principes de fonctionnement des organismes de sécurité sociale alors que les régimes spéciaux obéissent à une organisation spécifique, distincte du régime général, tant dans leur financement que dans leurs prestations, d' autre part ni aux relations juridiques fixées entre les organismes de sécurité sociale à savoir les règles de compensation,

- notamment ne sont pas modifiées les dispositions de l' article L 413- 14 du Code de la sécurité sociale selon lesquelles toutes les prestations en espèces sont à la charge des entreprises soumises au statut des industries électriques et gazières,

- l' article D 242- 6- 14, résultant d' un décret simple, inséré dans un chapitre sur le calcul des cotisations sur les rémunérations, ne peut déroger à l' article L 711- 1 du même Code résultant d' une loi consacrant l' autonomie des régimes spéciaux antérieurs à la création du régime général, seule la loi pouvant prévoir expressément une modification de cette organisation sous le contrôle du juge constitutionnel,

- la dérogation légale instituée était donc non seulement limitée dans le temps mais aussi dans son champ d' application ;

Attendu que dès lors les textes n' autorisant pas une telle dérogation, la décision déférée doit être réformée en ce qu' elle a décidé que les montants de la majoration de la rente et les indemnités en espèces allouées devaient être supportés par la branche accidents du travail- maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale et devaient être inscrites au compte spécial prévu par l' article D 242- 6- 4 du Code de la sécurité sociale,

Sur la faute inexcusable et ses conséquences

Attendu que les parties ne discutent ni du bien fondé de la recevabilité de l' action exercée, dont la prescription est soumise aux règles de droit commun en application de l' article L 431- 2 du Code de la sécurité sociale, ni de l' existence d' une faute inexcusable telle que les motifs détaillés, précis et complets du jugement l' établissent à la charge de la seule société EDF, la multi exposition allégué n' étant pas établie ;
Attendu qu' également en cause d' appel la société EDF précise bien dans ses écritures qu' elle ne revient pas sur la reconnaissance de sa faute inexcusable en sorte qu' elle ne conteste pas le caractère professionnel de la maladie ; que dès lors le jugement doit être aussi réformé en ce qu' il a déclaré inopposable à cette société la décision de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel de la maladie ;

Attendu qu' en l' espèce les conséquences de la maladie professionnelle et de la reconnaissance de la faute inexcusable doivent, selon le mécanisme de droit commun de cette réparation, être supportées par l' employeur la société EDF ; que pareillement ne peut être mis hors de cause l' organisme du régime spécial gérant la sécurité sociale des salariés de la société EDF ;

Attendu qu' en ce qui concerne les montants des indemnisations allouées, les premiers juges ont fait, en des motifs pertinents que la Cour adopte, une juste appréciation des faits de la cause et il n' y a pas lieu d' ordonner une expertise de ces chefs ;

Attendu qu' en l' état de la législation qui impose l' intervention de la CPAM pour reconnaitre le bien fondé d' un accident de travail, et lui fait obligation d' avancer le paiement des prestations en nature, une mise hors de cause n' est pas justifiée, même si légalement cette Caisse n' est pas tenue au paiement de la majoration de la rente qui n' étant pas une prestation en nature relève de la catégorie des prestations en espèces ;

Attendu que selon l' article 26 de la loi 2007- 1787 du 20 décembre 2007 le nouveau Code de procédure civile, institué par le décret no 75- 1123 du 5 décembre 1975, devient le Code de procédure civile dans toutes les dispositions législatives en vigueur ;

Attendu qu' il n' y pas lieu d' appliquer les dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile en appel.

Vu l' article R 144- 10 du Code de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement déféré,

Donne acte à la société EDF de ce qu' elle déclare qu' elle ne revient pas sur la reconnaissance de sa faute inexcusable, et dit que lui est opposable la décision de la Caisse reconnaissant le caractère professionnel de la maladie au préjudice de François Y...,

Dit que les dispositions de l' article 40 de la loi 98- 1194 du 23 décembre 1998 portant financement de la sécurité sociale pour l' année 1999 ne sont applicables qu' aux salariés affiliés au régime général et à ceux du régime agricole,

Dit qu' en application de l' article L 413- 14 du Code de la sécurité sociale la société EDF, ou l' organisme qui lui est légalement substitué, doit assumer directement la charge de la réparation intégrale de la faute inexcusable commise au préjudice de François Y..., le paiement de telles sommes n' ayant pas le caractère de prestations en nature,

Rejette les demandes de mise hors de cause de la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières et de la Caisse Primaire d' Assurance Maladie,

Condamne la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières à rembourser à la Caisse Primaire d' assurance maladie du Vaucluse les sommes avancées sur le fondement du jugement déféré assorti de l' exécution provisoire,

Confirme pour le surplus,

Dit n' y avoir lieu à application de l' article 700 du Code de procédure civile,

Dispense du paiement du droit prévu par l' article R 144- 10 du Code de la sécurité sociale.

Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 06/02100
Date de la décision : 05/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-05;06.02100 ?
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