ARRÊT No
R. G : 06 / 02277
CL / CA
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D' AVIGNON
23 mai 2006
X...
C /
Y...
CPAM VAUCLUSE (84)
Mr LE DIRECTEUR DRASS MARSEILLE
COUR D' APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2008
APPELANT :
Monsieur Jérome X...
exploitant sous l' enseigne " JEROME DEPANNAGE "
immatriculé au Répertoire des Métiers de la Chambre des Métiers du Vaucluse.
...
...
représenté par Maître Edith DELBREIL, avocate au barreau D' AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur Stéphane Y...
né le 5 janvier 1974 à CAVAILLON
...
...
représenté par la CABINET POLLIEN- GIRAUD & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON LES BAINS, plaidant par Maître GIRAUD, avocat au barreau de THONON LES BAINS
CPAM VAUCLUSE (84)
7 Rue François 1er
84043 AVIGNON CEDEX 9
Représentée par Madame ASTAUD, munie d' un pouvoir régulier
APPELÉE EN CAUSE
DRASS MARSEILLE
23, 25 Rue Borde
13285 MARSEILLE CEDEX
non comparante, ni représentée,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, et Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l' article 945- 1 du Code de Procédure Civile sans opposition des parties.
Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBERÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller
GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffière, lors des débats et Madame Catherine ANGLADE, adjointe administrative exerçant les fonctions de Greffière lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l' audience publique du 23 Octobre 2007, où l' affaire a été mise en délibéré au 9 janvier 2008 prorogée au 20 Février 2008,
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 20 Février 2008,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Stéphane Y... a été engagé à compter du 2 avril 2001 en qualité d' ouvrier professionnel N2 par l' entreprise de plomberie " Jérôme dépannage " exploitée par Monsieur Jérôme X....
Le 24 juillet 2001 il était victime d' un accident du travail dû à un incendie résultant d' une fuite de gaz survenue lors de la mise en fonction d' une chaudière sur un chantier de rénovation à Saignon, 84.
Il saisissait le 20 août 2003 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans cet accident, lequel par jugement contradictoire du 23 mai 2006, a :
- retenu à l' encontre de Monsieur X... une faute inexcusable à l' origine de l' accident
- ordonné la majoration à son maximum de la rente versée à Monsieur Y...
- ordonné avant dire droit une expertise médicale de Monsieur Y... afin d' apprécier ses divers préjudices
- déclaré le jugement commun à la CPAM du Vaucluse
- condamné Monsieur X... à payer la somme de 1. 000 euros par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,
Par acte du 10 juin 2006 Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision, sollicitant sa réformation ainsi que la condamnation de Monsieur Y... au paiement de la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions développées à l' audience, il soutient essentiellement que :
- l' installation de gaz litigieuse était en cours de réalisation et donc en cours de repérage des vannes d' alimentation à l' origine de la fuite de gaz qui s' était produite.
- il était lui- même intervenu dans le cadre de ce repérage et avait donné toutes explications préalable à ses salariés, dont Monsieur Y....
- son salarié Monsieur Y..., embauché en qualité d' ouvrier professionnel N2, était particulièrement qualifié par son parcours, ses diplômes, étant titulaire d' un brevet de technicien supérieur, et les formations techniques qu' il avait suivies, ayant notamment effectué une formation sur l' étude du fonctionnement des chaufferies télégérées, son précédent emploi ayant été par ailleurs en qualité de technicien de maintenance et gestion des installations de chauffage et climatisation.
- celui- ci était ainsi conscient que le chantier était en cours d' installation et de repérage des vannes litigieuses, qu' en ouvrant celles- ci sans discernement il créait un risque inévitable de propagation de gaz dans le local où il devait se rendre et que l' utilisation par lui d' un briquet pour s' éclairer avait déclenché le sinistre par un acte manifeste d' imprudence et d' inconscience constitutif d' une faute grave.
- l' employeur ne saurait en conséquence être tenu responsable des négligences volontaires de son salarié qui a joué un rôle actif dans son propre dommage, l' enquête pénale effectuée ayant par ailleurs été classée en suite que des observations en ce sens de l' inspection du travail.
- les préjudices allégués et chiffrés par Monsieur Y... apparaissent enfin exagérés.
Monsieur Y... intimé, reprenant ses conclusions déposées à l' audience, a sollicité la confirmation du jugement intervenu et la condamnation de Monsieur X... au paiement des sommes de :
- 23. 000 euros au titre des souffrances endurées
- 15. 000 euros au titre de son préjudice esthétique
- 15. 000 euros au titre de son préjudice d' agrément
- 10. 000 euros au titre de son préjudice professionnel
- 3. 000 euros par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, il sollicite la confirmation de la mesure d' expertise médicale ordonnée avant dire droit.
Il fait valoir que :
- son employeur a commis une faute inexcusable, cause nécessaire de l' accident, en ne s' assurant pas que les trois vannes de la cuve de gaz étaient étiquetées afin de savoir ce qu' elles alimentaient, et en ne s' assurant pas que tous les tuyaux de gaz étaient soit branchés à un appareil, soit obstrués par un bouchon étanche.
- celui- ci aurait dû avoir, compte tenu de ces éléments, conscience du danger, le local où a eu lieu le sinistre étant par ailleurs dépourvu de toute ouverture et dans l' obscurité totale.
- l' accident s' est produit alors que lui- même intervenait sur l' installation d' une chaudière dont la cuve et les tuyaux de gaz avaient été préalablement installés par Monsieur X... qui ne lui avait jamais indiqué auparavant la vanne adéquate qu' il fallait manipuler.
- il ne peut être enfin retenu une faute de la victime dans le fait par lui d' avoir allumé un briquet dans un local en sous- sol où il était chargé de fermer une vanne d' eau sans avoir eu connaissance de la présence dans ce lieu d' une arrivée de gaz non obstruée hermétiquement.
La CPAM du Vaucluse s' en remet sur la reconnaissance d' une éventuelle faute inexcusable de l' employeur et propose une majoration de la rente calculée sur la base de 12, 5 % représentant la moitié du taux d' IPP retenu.
MOTIFS
Attendu que les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;
Attendu qu' en l' absence d' élément nouveau soumis à son appréciation la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu' elles approuvent, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ;
Attendu qu' il est établi que l' accident dont a été victime Monsieur Y... est survenu sur un chantier qu' il connaissait peu et où, à la demande de son employeur Monsieur X..., il a effectué la mise en route d' une chaudière à gaz à partir d' une cuve de gaz enterré comportant trois vannes de départ démunies de tout étiquetage ; que la manipulation successive de ces trois vannes a engendré une fuite de gaz non perçue immédiatement à partir d' une vanne alimentant par un tuyau d' arrivée non fermé hermétiquement en son extrémité un local situé en sous- sol ; que l' accident s' est produit lorsque Monsieur Y..., non avisé de ce fait par son employeur a été chargé par celui- ci d' aller fermer une vanne d' eau dans ce local dépourvu d' éclairage et y a allumé son briquet, l' inflammation du gaz présent le brûlant gravement ainsi que l' un de ses collègues ;
Attendu que l' employeur a ainsi failli à son obligation de sécurité et aurait dû avoir conscience du risque qu' il faisait courir à ses salariés sur le chantier dont il avait la charge ; que sa faute inexcusable est caractérisée et ne saurait être exonérée par l' imprudence commise par la victime laquelle ne revêt pas le caractère d' une faute volontaire permettant de l' assimiler à une faute inexcusable ;
Attendu que c' est à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable et bien- fondée la demande de Monsieur Y... au motif que Monsieur X... avait manqué à son obligation de sécurité de résultat et commis une faute inexcusable à l' origine de l' accident du travail dont a été victime Monsieur Y... le 24 juillet 2001, et ordonné en conséquence la majoration à son maximum de la rente versée à celui- ci ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions pour les motifs pertinents des premiers juges que la cour adopte ;
Attendu que les parties ont exposé oralement à l' audience que l' expert désigné aux fins d' examiner Monsieur Y... et d' évaluer les divers préjudices subis par lui n' avait pas terminé d' accomplir sa mission et déposé son rapport ;
qu' il convient en conséquence de réserver la liquidation du préjudice de Monsieur Y... et de renvoyer l' affaire devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse pour statuer sur la liquidation du préjudice après dépôt du rapport d' expertise ;
Attendu qu' il paraît équitable que Monsieur X... participe à concurrence de 1. 000 euros aux frais exposés par Monsieur Y... en cause d' appel et non compris dans les dépens en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Donne acte à la CPAM du Vaucluse qu' elle s' en remet sur la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute éventuellement commise par Monsieur X...,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse pour statuer sur la liquidation du préjudice au vu de l' expertise en cours,
Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 1. 000 euros par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,
Dispense du paiement du droit prévu à l' article R 144- 10 du Code de la sécurité sociale.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier.