R. G : 06 / 01234
CONSEIL DE PRUD' HOMMES D' ANNONAY
03 mars 2006
Section : Industrie
X...
C /
SA MECELEC
COUR D' APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2008
APPELANTE :
Madame Mireille X... épouse Y...
...
...
représentée par Maître Anne- Marie GOUX, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
SA MECELEC
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Rue des Condamines
07300 MAUVES
représentée par Maître Pierre MULLER, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, et Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l' article 945- 1 du Code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats et lors du prononcé,
DEBATS :
à l' audience publique du 02 Octobre 2007, où l' affaire a été mise en délibéré au 12 décembre 2007 puis successivement prorogée au 20 février 2008,
ARRET :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 20 Février 2008,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame Mireille Y... a été engagée le 12 juillet 1976, par la société MECELEC, en qualité d' employée administrative.
Elle a évolué vers la qualification d' agent administratif pour occuper le poste de technicienne paie affectée au service ressources Humaines.
Elle a été licenciée le 26 mars 2006, suite à la suppression de son poste dans le cadre d' un licenciement économique collectif.
Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud' hommes d' Annonay, qui statuant en matière de départage, et par jugement en date du 3 mars 2006, l' a déboutée de toutes ses demandes.
Madame Y... a relevé appel de cette décision et demande à la Cour de condamner la société MECELEC au paiement de la somme de 80. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans motif réel et sérieux, et au titre du non- respect des critères de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de l' arrêt à intervenir, outre les sommes de 1200 € (procédure de première instance) et 2000 € (procédure d' appel) en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le motif évoqué à savoir, " recul de chiffres d' affaires, pertes prévisionnelles, situation économique très difficile depuis 1999... " ne peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement, d' autant que la lettre de licenciement n' évoque nullement la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l' entreprise.
Elle ajoute que son poste de travail n' a pas été réellement supprimé.
Elle soutient que l' employeur n' a effectué aucune recherche sérieuse de reclassement notamment dans l' ensemble du groupe MECELEC et qu' il n' y a eu aucune proposition de reclassement précise et personnelle adaptée à sa situation.
Elle précise que l' employeur n' a pas respecté les critères définis pour déterminer l' ordre des personnes licenciées.
La société MECELEC a conclu à la confirmation du jugement entrepris.
Elle souligne que dans le cadre du plan de sauvegarde de l' emploi elle a pris toutes les mesures nécessaires destinées à éviter les licenciements et à les accompagner par des offres de reclassements internes.
Elle affirme que des difficultés économiques avérées, se présentant sous la forme d' une perte de 40 % du chiffre d' affaires, d' une perte sur 5 ans de 20 millions d' euros, soit l' équivalent de plus de 6 mois de chiffre d' affaires, l' ont conduit à supprimer le poste de Madame Y... et donc à la licencier.
Elle indique qu' elle a respecté les critères de l' ordre des licenciements tels qu' ils ont été définis après consultation du CCE.
MOTIFS
Sur le motif économique et la suppression du poste
En vertu de l' article L. 321- 1 du code du travail : « constitue un licenciement pour motif économique effectué par un employeur, pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d' une suppression ou transformation d' emploi ou d' une modification substantielle d' un contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques. »
Le 26 mars 2004, la société MECELEC a notifié à Madame Y... son licenciement pour motif réel et sérieux dans les termes suivants :
« nous sommes au regret de vous notifier la mesure de licenciement pour motif économique que nous sommes contraints de prendre à votre encontre. En effet, MECELEC a dû faire face à une situation économique très difficile depuis 1999, et pour tenter d' en pallier les effets a usé toutes ses marges de manoeuvre.
Aujourd' hui, MECELEC est confronté à un double phénomène de marché :
- baisse des volumes et des prix sur les marchés publiphonie, et équipements de réseaux télécom et grand export,
- baisse des prix sur les marchés des équipements de réseaux électriques et gaz.
La restauration de l' équilibre d' exploitation de MECELEC repose sur un plan de réduction des coûts de 2, 4 M €, qui entraîne :
- la réorganisation de l' établissement de Mauves, notamment par le redimensionnement des structures,
- la reconfiguration des structures commerciales,
- la réduction des charges d' exploitation.
Votre poste de travail se trouve supprimé dans le cadre de la restructuration du service gestion finance et paie.
Nous soulignons que vous n' avez jamais répondu à nos propositions de reclassement, nous interdisant ainsi toute opportunité de maintenir votre emploi dans l' entreprise et nous rappelons que nous vous avons toutefois transmis au moins une offre d' emploi d' une entreprise locale correspondant à votre qualification... »
Il ressort de la lecture de cette lettre de licenciement et des pièces produites aux débats par la société MECELEC que, d' une part, les difficultés économiques alléguées sont bien réelles et, d' autre part, que le licenciement économique de Madame Y... est le résultat d' une réorganisation de l' entreprise décidée par l' employeur pour sauvegarder la compétitivité de l' entreprise.
Par ailleurs, il ne peut être sérieusement contesté au vu des pièces et des éléments produits aux débats que le poste de technicien paie occupé par Madame Y... a bien été supprimé comme l' a souligné le juge départiteur.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu' il a retenu que la suppression du poste occupé par la salariée licenciée était bien réelle.
Sur l' obligation de reclassement
L' article 321- 1 du code de travail dispose que :
" le licenciement pour motif économique d' un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d' adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l' intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie qu' il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, sous réserve de l' accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l' entreprise où le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l' entreprise appartient ".
L' obligation de reclassement doit être observée loyalement.
La validité du licenciement économique est subordonnée à l' impossibilité de reclassement du salarié concerné.
Les offres de reclassement doivent être écrites et précisées individuellement à chaque salarié concerné.
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l' intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l' organisation ou le lieu d' exploitation leur permettent d' effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Ces possibilités ne s' apprécient pas seulement à poste identique mais en tenant compte de tous les postes qui seraient accessibles au salarié après adaptation de celui- ci notamment par voie de formation.
Il revient à l' employeur de démontrer qu' il a procédé à des démarches actives tendant, soit à des efforts de formation et d' adaptation du salarié, soit à une recherche effective de reclassement sur un emploi équivalent ou de catégorie inférieure.
En l' espèce, ces dispositions n' ont pas été respectées par la société MECELEC.
En effet, d' une part, il n' est pas démontré que des recherches effectives et concrètes avaient été faites dans l' ensemble du groupe MECELEC, y compris les filiales françaises et étrangères.
D' autre part, il n' y a pas eu de proposition de reclassement précise personnelle et adaptée à Madame Y....
Cette salariée a reçu des propositions de poste qui ont été envisagées dans le seul cadre du plan de sauvegarde de l' emploi et qui n' ont pas été reformulées en les personnalisant et en les adaptant.
La seule proposition personnalisée adressée à Madame Y..., pouvant s' analyser comme une offre de reclassement, qui portait sur un poste de responsable du service paie, date du 2 mars 2001 et est donc antérieure au licenciement de 3 ans.
Elle ne peut être considérée comme une offre de reclassement.
En effet, l' obligation de reclassement de l' employeur à l' égard d' un salarié s' apprécie dans la proche période qui précède l' envoi de la lettre de licenciement et non pas trois années avant le prononcé du licenciement ou lors de l' établissement du plan de sauvegarde l' emploi.
La société MECELEC n' est donc pas en mesure de démontrer que le reclassement de sa salariée était impossible.
Le manquement d' un employeur à son obligation de reclassement rend le licenciement opéré sans cause réelle le licenciement et sérieuse.
Il convient dans ces conditions d' infirmer la décision entreprise et de retenir que le licenciement économique de Madame Y... ne repose pas sur un motif réel et sérieux.
Eu égard à l' ancienneté de salariée licenciée, âgée au moment du licenciement de 47 ans, qui a travaillé pour le compte de la société MECELEC durant 28 années et de l' importance des préjudices qu' elle a subis, il convient de condamner ladite société à lui payer la somme de 65. 000 € au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, et compte tenu de l' absence du caractère réel et sérieux du motif du licenciement, il y a lieu de faire application des dispositions de l' article L 122- 14- 4 alinéa 2 et d' ordonner le remboursement par la société MECELEC des allocations de chômage versées à la salariée licenciée dans la limite de 6 mois.
Sur l' application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l' appelante la totalité des frais non compris dans les dépens qu' elle a exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d' appel.
Il convient de lui allouer la somme de 1. 500 euros en application de l' article 700 du Code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement économique de Madame Mireille Y... ne repose pas sur un motif réel et sérieux,
Condamne la société MECELEC à payer à Madame Mireille Y... les sommes de :
- 65. 000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- 1. 500 € en application de l' article 700 du Code de Procédure civile,
Ordonne le remboursement par la société MECELEC des allocations de chômage versées à la salariée licenciée dans la limite de 6 mois, en application de l' article L 122- 14- 4 du code du travail,
Condamne la société MECELEC aux dépens de première instance et d' appel.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier.